Les pères ne sont pas toujours heureux
Les scouts déposèrent la belle boîte ouvragée sur les pieds installés en face de l'autel, puis saluant, ils retournèrent à leur place. Celui qui n'avait pas su retenir ses larmes ne remarqua pas le regard de monsieur Janiczek qui lançait des éclairs.
Le début de la cérémonie se déroula sans interruption notable, des amis de Ludovic passaient, un par un, raconter quelques anecdotes à propos du mort. Des condoléances furent prononcées. De nombreuses voix tremblèrent, certaines se brisèrent. Aucune cependant ne prononça la vérité.
Un jeune homme à la peau couleur café s'avançait à son tour lorsque monsieur Janiczek décida qu'il ne pouvait plus supporter cette hypocrisie. Il le savait, tous étaient là pour se moquer de lui et de ses choix de vie, tous le jugeaient de ne pas avoir su élever son fils adoptif ; il pouvait sentir les reproches s'accumuler derrière son dos. Il se leva brusquement et se dirigea d'un pas décidé vers le micro. L'ami de Ludovic s'écarta vivement devant le visage si fermé du père.
« Écoutez-moi bien. Oui, vous tous, qui depuis tout à l'heure pleurez mon fils. Ce n'est pas le vôtre. Vous n'avez aucun droit de nous juger, moi et ma femme, pour les choses que nous avons faites et celle que nous n'avons pas faites.
Depuis tout à l'heure, les gamins n'arrêtent pas de répéter à quel point mon gosse était génial. Ouais, il l'était. C'était très sûrement un petit génie quand il était encore tout enfant. Mais putain, faut pas être un génie pour finir à dix-sept ans dans une boîte en bois blanc. Arrêtez de vous voiler la face.
Ludovic était mon fils. Vous n'avez pas à remettre en question la façon dont je l'ai élevé. J'ai fait tout mon possible, hein chérie ? » Il lança un bras en direction de sa femme, qui restait sidérée devant une telle démonstration.
Il haussa la voix, et ses yeux brillaient, de colère ou de culpabilité, nul ne le devinait
« Alors, on a fait tous ce qu'on pouvait pour lui, oui ou non ? » Il cracha presque ces derniers mots, et la veine qui palpitait à toute allure dans son cou ressortit.
Il toisa l'assemblée d'un regard de défiance, et en même temps son cœur désirait entendre une voix se lever. Quelqu'un qui lui confirme que ce n'était que la folie de son fils qui l'avait ramené près des anges, et pas sa maladresse de père trop distant. Il le voulait désespérément.
Elle le savait. C'était pour ça qu'elle était là.
Elle se leva et, comme à son habitude, lissa sa jupe avant de s'avancer vers le micro. Le garçon café au lait s'éloigna, comme s'il savait que rien de ce qu'il pourrait dire ne changerait quoique ce soit à la dure réalité qu'elle allait proclamer.
Elle s'approcha du père au regard fou et posa doucement sa main sur le bras tremblant ; il ne dit rien, et baissant les yeux se détourna sans que personne ne remarque la perle salée qui venait de s'écraser sur le sol.
D'un geste doux, sa main rajusta le micro et ses yeux contemplèrent quelques instants l'assemblée troublée. Amis, famille, ennemis, habitants du village et scouts, tous portèrent leur attention sur celle qui sembler porter le monde et ses vérités sur les épaules.
Angélie baissa les yeux sur ses notes, et se lança.
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