Elle baissa la voix, comme on éteint une bougie presque consumée après une prière. Et elle resta là, debout derrière le micro, à regarder ces gens. Cette foule qui était venue pour Ludovic. Elle était rassurée de le voir en si bonne compagnie. Alors elle sortit de l'église, inspira une grande goulée d'air frais, et se laissa emporter par le vent.
Enfin redevenue elle-même.

Angélie, la messagère des âmes. Elle se dépêcha de retourner d'où elle venait, et observa le reste de la cérémonie. Elle aimait regarder l'effet de ses mots sur les humains. Ils étaient tous si beau... Même les âmes les plus sombres avaient une part de lumière. Ludovic se rapprocha d'elle et elle sentit qu'il avait une question à poser

« Oui Ludovic ?
-Je... ce que t'as dit sur moi... c'était vrai ?
-Je te l'ai promis. C'est vrai.
-Donc... tu savais pour le dessin ?
-Et pour tant d'autre choses aussi, oui.
-Merci... merci de ne pas leur avoir dit pou...
-Tais-toi maintenant. Une âme libérée de ses messages ne devrait pas parler trop longtemps. Tu as un grand rendez-vous qui t'attend.
-Le rendez-vous avec... la mort ?
Angélie laissa entendre un rire qui sonna à la manière de petites clochettes.
-Tu es déjà mort, Ludovic. Non, tu as rendez-vous avec les étoiles. Et moi aussi...
-Toi aussi ? Mais je croyais... que tu avais encore du travail ?
-Regarde en dessous de toi. »

Ludovic, sceptique, dirigea son regard vers son enterrement. Il chercha des yeux son frère, ses parents et son ennemie de toujours.
Chez le premier, il vit un grand sourire qui lui barrait le visage. Le visage d'un vainqueur qui n'aurait plus peur de tomber. Ses yeux débordants de larmes exprimaient tout son amour.
Chez les seconds, plus aucune retenue, plus de complexe. Sa mère pleurait, des torrents d'une pluie salée trop longtemps contenus. Le menton de son père tremblait. Il levait la tête vers le ciel, et Ludovic entendit clairement une voix résonner dans sa tête : « Gamin, veille sur nous, je t'en supplie ». Son père laissa échapper une larme, puis une deuxième, et bientôt lui aussi se laissait aller sans plus de retenue.
Clémentine enfin, effondrée, avait le regard perdu dans le vide. Et il voyait, à travers elle, l'ado paumé qu'il était. Il ne pouvait s'empêcher de la trouver belle, comme ça, avec sur les joues des sillons tracés par une tristesse amère. Il entendit une seconde voix : « Ludo, je... Je suis désolée pour ce que je t'ai fait. Je suis désolée pour les horreurs que j'ai dites je... Je suis tellement désolée... Pourquoi tu t'es barré sans rien me dire ? Pourquoi... Pourquoi je ne découvre que maintenant que t'étais un zèbre aussi... Ludo... Je t'en supplie, pardonne moi... »

Il murmura tout bas, comme on répond à un enfant sur le point de s'endormir : « Je te pardonne Clèm. Tout est pardonné. » Et il vit la jeune fille sourire faiblement, comme si sa prière avait trouvé une réponse.

Alors il releva le regard vers Angélie, et il comprit qu'il n'était pas le seul à terminer sa route ici. Ensemble, ils rejoindraient les cieux ; ensemble, ils s'élevèrent.