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Parer, coup dans le ventre.
‑ Bravo ! On arrête pour aujourd'hui. Vous êtes doué avec deux lames, votre altesse.
Je haussai les épaules.
‑ Beaucoup mieux que moi, en tout cas, dit Dimitri.
‑ Vous, l'épée vous va mieux.
Il ne rajouta pas : « comme un véritable empereur. » De mémoire, il n'y en avait pas un qui n'utilisait pas l'épée, mais cette arme ne m'allait pas, elle était trop lourde, j'arrivai beaucoup moins à me déplacer avec. Je passai mon bras sur mon front, posai mes lames à l'endroit prévu et partis de la zone d'entraînement les mains dans les poches.
‑ Neil ! Attends-moi ! A bientôt, maître !
On marcha quelques instants côte à côte puis mon frère lança :
‑ Tu aurais pu lui répondre.
‑ Cet homme est entraîné à nous dire des compliments, comme tous les autres. Est-ce qu'ils ont déjà dit un mot de travers ? Est-ce qu'ils ont levé la voix ne serait-ce qu'une seule fois ? Non. Ce ne sont que des hypocrites.
‑ Pas faux.
Il me fit un sourire éblouissant. Les coins de mes lèvres remontèrent légèrement.
‑ Hé !
Dimitri m'attrapa le bras, me forçant à m'arrêter.
‑ Regarde qui voilà.
Un peu en retrait du chemin, adossée au mur du palais, se tenait une jeune femme. Elle s'appelait Alice, elle avait à peu près le même âge que moi et travaillait comme cuisinière. En ce moment, c'était sa pause.
‑ Oh ! Ton regard a changé. Tu viens d'avoir dix-sept ans, quand est-ce que tu lui dis ?
‑ Tu vas sur tes quinze ans et tu oses me faire la morale ?
Je suis de fin d'année et toi du début, ça ne compte pas. Va la voir, je vais demander à ce qu'on fasse préparer tes affaires, je t'attends aux bains.
Il partit et j'allai rejoindre Alice aux pas de course. A mon approche, elle s'inclina avec un sourire.
‑ Votre altesse.
‑ Alice. Comment vas-tu ?
‑ Comme d'habitude.
‑ Ça veut dire oui ?
‑ Évidemment. Oh ! Vous savez ce qu'il s'est passé hier soir ?
‑ Non. Vas-y, raconte.
On discuta pendant dix minutes puis elle retourna en cuisine. Cet échange me suffit à me remonter le moral. Ensuite, j'allai directement aux bains. Nous en étions à peine sortit qu'un conseiller de notre père vint à notre rencontre, essoufflé.
‑ Sa majesté veut voir ses deux fils.
Je regardai mon frère, il fit de même et on fonça dans la chambre de père. Cela faisait plusieurs années qu'il était malade et ces derniers jours, sa santé s'était dégradée. En y arrivant, on ouvrit doucement la porte, mère était assise à côté du lit, un mouchoir à la main, retenant difficilement ses larmes, mes deux sœurs nous dévisagèrent, il y avait de quoi, Dimitri était habillé entièrement de blanc et moi entièrement de noir, nous étions l'exact opposé l'un de l'autre. Quant à père, ses cernes s'étaient accentuées, ses joues creusées, ses lèvres s'étaient craquelées, il avait beaucoup maigri mais comme mon frère, il souriait toujours. Ce dernier se précipita sur lui.
‑ Père !
‑ Mes fils...
Je refermai la porte derrière moi.
‑ Je vais devoir vous enlever votre liberté.
‑ Quelle liberté ? fis-je d'une voix peut-être un peu trop dure.
Mes sœurs me lancèrent un regard noir. Mon père sourit et me fit signe d'approcher. Il prit ma main dans la sienne. Sa poigne était forte.
‑ Neil, tu es intelligent, toi aussi Dimitri, et tu ne te laisse pas marcher dessus. Cependant, tu as besoin de quelqu'un à tes côtés, au moins pendant un an.
Son regard passa sur mon frère et revint vers moi. Il n'en fallait pas plus pour que l'on se comprenne.
‑ Fais ce que tu as à faire, deviens l'empereur et tu seras libre, tu pourras faire ce que tu voudras, tu le sais très bien. Je compte sur toi.
Cette dernière phrase, il l'avait dite en regardant Dimitri. Mon père avait raison, même si ma mère allait servir de régente jusqu'à mes dix-huit ans, c'était à moi de jouer. Pour cela, j'avais besoin de la complicité totale de mon frère, le seul en qui j'avais confiance. Ma tête commença à bouillonner.
La discussion s'arrêta là. En même temps, père ne pouvait pas vraiment en faire plus, il semblait qu'il avait utilisé toutes ses forces pour nous dire ces phrases. Il faiblissait à vu d'œil. Il s'assoupit quelques heures plus tard.
Je m'étais retiré au fond de la chambre, deux conseillers et le médecin étaient revenus, ce dernier apportait des soins à l'empereur qui visiblement, souffrait dans son sommeil. On le veilla toute la nuit et au petit matin, père quitta ce monde. Ce fut dans un silence pesant que je me ruai sur la porte. Je sortis de la pièce pour souffler, j'avais envie de crier. Je courus dans les couloirs et allai m'effondrer dans les bras d'Alice.
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