épreuve 3
Bapt se réveilla en sursaut. Déboussolé, il regarda tout autour de lui. Une immense pièce circulaire et sombre se présenta à lui, petit à petit quand ses yeux s'habituèrent à la pénombre. Il se leva et tituba jusqu'au mur le plus proche. Il effleura du bout des doigts la façade miroitante et observa de nouveau la salle. Chaque pan de mur était un immense miroir dont il ne voyait pas la fin. Et tous reflétèrent son image. Une lueur vint éclairer subitement la pièce, l'éblouissant au passage. Il grimaça et plissa les yeux, puis quand la lumière ne lui faisait plus mal, il porta son regard vers le haut. Le plafond, lui aussi, était fait de miroirs. Il était enfermé et seul. La nausée vint se rajouter à tout cela. Il s'accroupit pour essayer de ne pas vomir le peu qu'il avait dans son estomac.
Que lui était il arrivé? Il se souvenait d'avoir été jusqu'aux grandes portes du présupposé château des illusions, d'y avoir entrainé cette fille qu'il admirait tant en secret, avec qui il avait rêvé d'une vie de Châtelain, mais... après, c'était le black out.
Il marcha encore avec difficulté et commença à chercher celle qui l'accompagnait :
- Naëlle? NAELLE ?
Des voix aigrelettes et à l'unisson lui répondirent :
- Tu ne la trouveras pas ici!
Deux rires diaboliques retentirent dans la salle. Bapt tourna sur lui même, terrifié par ce qu'il entendait. Soudain une petite chose lui sauta au visage en l'attaquant en même temps.
Bapt donna un coup dans le vide, avant de refermer sa main sur le cou de son agresseur et de le balancer le plus loin possible de lui. Il se caressa le visage et découvrit qu'il saignait. Son agresseur avait une arme sur lui.
- Tickle tu es trop impatient!
- Tais toi Pickle, s'il est ici, c'est qu'il a franchi un interdit!
Bapt observa celui qui venait de balancer. Un tout petit bonhomme se frottait les fesses en se relevant, là où il avait atterri. Il tira la langue à un autre petit bonhomme qui se tenait debout à ses cotés. Tous deux étaient à l'identique, des jumeaux vraisemblablement. Même costume vert cramoisi, même visage sournois, même sourire laissant découvrir de longues et jaunes canines. Ils portaient tous les deux une bicorne rouge à ruban noir.
- Qu'est que vous êtes? Et puis pourquoi suis je ici?? demanda Bapt avec méfiance.
- Ho! Il est idiot? demanda celui qui se nommait Pickle
- Oui, c'est un idiot! il nous a défié, répondit Tickle
- Quoi? Non , non je n'ai défié personne! Je suis juste un pauvre ouvrier de la ville basse et ... Je n'ai jamais demandé à être ici, et où est Naëlle !!??
- Impatient! Nous aimons cela, n'est ce pas mon frère ? !dit Pickle
- Impatient de mourir c'est certain! menaça Tickle
- Si vous voulez me battre! Je vous attends! Je n'ai pas peur de vous! S'écria Bapt se mettant en garde, poings levés.
- Nous battre? Hahaha, Non...pas nous, Mais sauras tu battre le labyrinthe du château ?
Bapt baissa sa garde tout en scrutant les deux lutins devant lui.
- Nous sommes dans le Château des illusions? demanda le jeune homme.
- Ho non! tu n'y es pas ! Ceci est le labyrinthe des illusions, le Château, lui, il faut le mériter, murmura Pickle
- Et si tu es ici, c'est que tu l'as désiré si fort, que les portes se sont ouvertes à toi... Mais le mérites tu réellement? continua Tickle.
Les deux lutins s'avancèrent doucement vers Bapt qui, de réflexe, recula jusqu'à être acculer contre l'un des miroirs de la pièce.
- Il a peur ... Dit Pickle
- Alors il n'est pas digne de trouver le Château! cria Tickle
Ce dernier se mit à courir tout sortant ses ongles pointus et crasseux, les mêmes qu'il avait planté tout à l'heure dans la joue de Bapt.
Le jeune homme se mit à courir le long du mur, évitant de justesse la nouvelle attaque du lutin. Il courut vers l'opposé de la salle.
Si je suis dans un labyrinthe, il doit y avoir une sortie, pensa Bapt.
Il s'arrêta net et balança son regard sur toute la pièce. Puis il la vit enfin. Un muret était dépourvu de miroir. Sombre et inquiétante sortie. Il reprit son souffle et courut dans sa direction.
- Ha!!!! Il a trouvé la sortie! s'écria Pickle.
Bapt accéléra sa course quand il s'aperçut que les jumeaux le prirent en chasse. Il détala comme un lapin face à deux loups affamés de chaire fraiche. La sortie était son terrier, la seule façon de s'évader d'ici, et de semer les lutins. Il ferma les yeux et se jeta littéralement dans ce qui devait être son échappatoire.
Soudain la nuit tomba et quand enfin il rouvrit les yeux, il se planta dans un nouveau mur. Il geint alors de douleur, tout en se frottant le front qui avait pris en premier, puis il se retourna de peur que les jumeaux l'avaient suivi. Mais il n'y avait plus rien derrière lui, si ce n'était un nouveau mur.
- Quel dommage, tu as fuit, tu es donc perdu... murmura l'une des voix des lutins
- Quel dommage, nous aurions pu d'aider, si tu avais accepté notre aide, continua le lutin
- Vous me pourchassiez pour me tuer! hurla Bapt qui essaya de se défendre.
- Qui t'a fait croire cela....
Un rire s'éleva et se perdit dans la nouvelle pièce.
- Maintenant tu dois te débrouiller seul dans le labyrinthe des illusions, bonne chance humain!
- HAHAHA oui, il en faudra de la chance, humain....
Les deux voix s'éloignèrent progressivement et le silence tomba. Bapt, paniqué, regarda de nouveau de tous les cotés. Il faisait bien plus sombre ici par rapport à l'autre salle. Il regrettait même les lutins maintenant qu'il était seul.
- Où suis je!!?? Hurla Bapt
Mais personne ne lui répondit.
- Dites moi au moins comment je fais pour sortir d'ici ?
Encore une fois le silence fut sa seule réponse. Bapt insulta le vide. Quand il fut plus calme, il jeta un coup d'œil sur le mur d'en face où il pouvait se mirer de nouveau. Il s'approcha et découvrit une balafre au niveau de sa joue gauche. Il passa sa main dessus comme s'il voulait l'effacer. Mais bien sur la blessure subsistait toujours après le passage de ses doigts. Il jura une nouvelle fois, mais en direction des lutins disparus. Il recula et vit ce qu'il était. Un pauvre, avec des vêtements déchirés, et une vie misérable. Comment avait il pu croire qu'un jour le Château des illusions allaient s'ouvrir à lui ? Un minable comme lui. Avec une existence si dérisoire...
Une larme coula le long de sa joue. Il peina à la retenir le flot de sanglot qui s'échappait de ses yeux embrumés. Il se mit à brailler comme un bébé, reniflant à chacune de ses inspirations.
Soudain le visage de Naëlle lui revint en mémoire.
Naëlle était avec lui, juste avant qu'ils avaient essayé de franchir les portes du Château. Elle devait être forcément ici! Il devait la retrouver, il devait la sauver!
Il essuya ses larmes, déterminé à retrouver son amie. Trois directions s'offraient à lui. Que devait il prendre? A gauche? A droite? Au milieu? Il inspira et réfléchit. Il ne devait pas se tromper...
- A gauche, décida t'il
Puis il s'engagea dans le nouveau couloir.
Il marcha pendant un long moment avant d'avoir un nouveau choix de chemin. Tout en avançant, il criait le prénom de la jeune femme sans avoir une seule réponse. Il continua de tourner sur la gauche.
Sa décision n'était pas dû à un hasard. Il y avait très longtemps, quand sa mère était encore en vie, elle lui racontait des histoires à propos d'endroits féériques, d'animaux fantastiques, et de choix à faire dans la vie. Malgré sa vie tout aussi misérable que la sienne maintenant, elle avait toujours su enchanté celle de son fils à la tombée de la nuit avec ses histoires interminables. Un jour, elle avait raconté à Bapt, l'histoire d'un petit garçon qui s'était aventuré dans une foret magique. Cette foret s'était transformée en véritable labyrinthe. Alors le petit garçon avait fait le choix de toujours tourner dans la même direction, et à la fin de cette histoire, il s'était sorti indemne de ce piège.
Bapt tourna une nouvelle fois à gauche.
- Naëlle ! Je t'en prie où es tu !
Le silence toujours pesant, lui répondit. Mais il ne désespéra point et continua sa marche. Les minutes devinrent des heures, et l'espoir commença à s'amenuiser, quand il entra de nouveau dans une grande salle, idem à celle où il avait atterri. Il pesta croyant être revenu à son point de départ. Mais au milieu de la salle, une grande masse noire allongée l'interpella. Il s'avança prudemment, avant de se précipiter dessus quand il remarqua des mains sortir un long manteau.
- Naëlle!! Réveille toi!
La jeune femme n'eut aucune réaction. Elle dormait d'un profond sommeil, que même les hurlements de Bapt ne pouvait la faire sortir. Prit de panique, il l'a secoua très fortement. Mais la jeune femme n'ouvrit pas les yeux.
- Elle est morte? murmura Bapt dont les yeux s'embrumèrent de nouveau.
Il l'observa de nouveau, et vit sa cage thoracique se lever et s'abaisser. L'inspiration était tranquille, mais elle était présente. Naëlle était encore en vie.
- Le château, nous devons sortir d'ici et trouver le château, je suis sûr qu'à l'intérieur ils pourront faire quelque chose pour toi... dit à voix basse Bapt
Il l'enveloppa dans ce grand manteau noir, et l'installa sur son dos, non sans quelques difficultés, et quand il fut paré, il se dirigea vers la sortie par laquelle il était entré. Mais il fut déconcerté quand il découvrit que cette dernière avait disparu et qu'à la place un miroir se dressa devant lui.
Il remonta le corps de Naëlle qui glissait légèrement, et longea les murs de la salle à la recherche d'un nouvel échappatoire. Il trouva de nouveau une sortie tout aussi sombre que la première et s'y glissa. Alors qu'il avait à peine passé le passage, il entendit le bruit d'une lourde pierre que l'on déplaçait. A cette instant, il comprit que les murs du labyrinthe bougeaient, soit pour refermer une entrée, soit pour découvrir de nouveaux couloir. Trois nouvelles directions se présentèrent de Bapt et Naëlle. Il soupira et regarda ces trois nouveaux couloirs.
- Que dois je faire, Naëlle ?demanda t'il avec désespoir.
La jeune femme ne lui répondit pas, certes, mais sa main semblait indiquer une direction en particulier. Alors il se fia à celle ci et avança droit devant et de se fondre dans la pénombre.
Il marcha pendant des heures, sans se plaindre, toujours Naëlle sur le dos, inlassablement il avançait. Il repensa aux lutins qui l'avait agressé. S'il les avait écouté, peut être qu'il aurait eu la solution de ce casse tête géant. Il se demanda aussi si les histoires de sa mère ne l'avait pas fait perdre du temps. Le désespoir était au summum, quand Bapt s'écroula par manque de force. Épuisé, il se mit à geindre.
- Si quelqu'un m'entend, s'il vous plait, aidez la. Moi je ne suis rien, mais elle, elle est tout pour moi, alors je vous en prie qui que vous soyez, venez la chercher.
A bout de force, Bapt ferma les yeux et perdit connaissance. Alors Naëlle ouvrit les siens à son tour. Elle regarda tout autour d'elle puis le vit. Une ombre dont la stature pourrait à faire pâlir d'envie la plus part des hommes. Elle prit peur et se recroquevilla contre le mur le plus près.
- Tu sais qu'il a fait beaucoup pour toi? demanda l'ombre
- Qui? Lui? Mais je le connais à peine, nous n'avons que ...
- Rêver de mon château...
- Ho ! Vous êtes le maitre du château des illusions? demanda Naëlle avec appréhension
- Bien vu, et vous vous êtes ceux qui ont troublé la plénitude de ces lieux.
Naëlle se leva et s'écria :
- Nous ne voulions pas vous déranger! Votre demeure est une légende, où beaucoup d'entre nous rêvons y être. Le château qui donne vie à toute nos envies...
L'ombre s'avança et un puits de lumière tomba dessus. Naëlle resta bouche bée devant l'homme qui se trouva devant elle. Il était beau, élégant et dans ses yeux, il y avait quelque chose de magique.
- Tu ne m'as pas répondu, sais tu combien il a sacrifié pour arriver jusqu'ici? Demanda le châtelain tout en pointant du doigts Bapt allongé.
- Non, non... J'ai perdu connaissance quand nous avons franchi les portes interdites. Je me suis réveillée là et je vous ai vu.
L'homme s'accroupit et attrapa le corps inanimé de Bapt.
- Que? Que faites vous ? Pourquoi vous l'emmener?
- Parce que c'est l'Élu. Il sera le nouveau maitre du château des illusions. Il en a étoffe.
L'homme s'éloigna de Naëlle
- Attendez! Me laissez pas ici!
Elle le rattrapa à peine qu'une barrière magique se dressa contre elle et le châtelain. Elle tapa de toutes ses forces pour la faire céder, en vain.
- Attendez! Ne me l'enlevez pas! J'ai besoin de lui!!
- Et le château a besoin de lui, alors mademoiselle, je suis désolé, mais c'est ici que nous nous quittons...
Une vive lumière blanche éblouit alors Naëlle qui protégea ses yeux avec son bras, avant de se retrouver de nouveau devant les portes interdites. Seule.
Les derniers rayons du soleil caressèrent les tuiles du toit du Château, avant que l'astre ne disparaisse définitivement derrière les montagnes. Une larme roula sur la joue de Naëlle. Chaque soir, elle montait les marches de ce taudis et assistait au spectacle que lui offrait le Château. Elle essuya rapidement le sanglot échappé, avant de se mettre debout. Prête, elle ferma les yeux quelques instants avant de les rouvrir. L'illusion était parfaite, il était là à l'attendre et bientôt il la prendra dans ses bras pour une dernière danse dans la grande salle de réception du Château des Illusions.
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