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Un jour comme les autres


Dans les ténèbres, si on regarde assez bien, on peut distinguer quelques nuances de gris. C'est une sensation si infime qu'on se demande après coup si on ne l'a pas imaginée.

Je passe et repasse mes mains devant mes yeux grands ouverts. Parfois, j'arrive à voir une tache moins sombre. Parfois non. Je peux tenir des heures à ce jeu. Je peux tenir des heures avec n'importe quoi. Les journées sont interminables au Château.

Je m'arrête brusquement, je crois que j'ai entendu un bruit. Je reste parfaitement immobile, aux aguets. Oui, un bruit. Des pas. C'est Nola ! Nola Nola Nola est là !

Je cours à sa rencontre. Pas besoin d'y voir, je connais ces salles désertes et ces marches traitresses par cœur. Elle, par contre, peste tout ce qu'elle sait en se cognant dans les murs. Pourtant elle apporte le feu. De la lumière ! Enfin de la lumière !

C'est une toute petite flamme qui vacille délicatement au sommet de la bougie. Elle peuple le monde d'une infinité de gris et d'ocres. C'est le centre du monde.

Nola la masque de sa grosse main, et comme à chaque fois qu'elle fait ça je la déteste brièvement.

« Ne la regardez pas autant, Princesse ! Vous savez que ça vous ferait du mal.

Elle est inflexible et susceptible : plus je protesterai, plus elle s'obstinera, et elle pourrait même dans un geste de colère souffler la précieuse bougie. Je ne peux pourtant pas m'empêcher de pleurnicher.

Comme d'habitude, elle me réprimande d'un :

‒ Ça suffit ! Une princesse ne se laisse pas aller à pleurer en public. Et vous n'êtes plus une enfant. Vous êtes une demoiselle à présent. Comportez-vous comme telle !

J'acquiesce. Même en parti cachée, la flamme me permet de distinguer la table de la salle, les armures posées contre les murs, Nola et moi-même. Nos silhouettes noires sont ornées de langues oranges. Je sais qu'au-dehors brille le soleil, qui éclaire comme des milliers et des milliers de bougies. Je rêve de le voir, je rêve de voir les véritables couleurs des choses.

Mais il me détruirait, Père et Nola m'ont bien prévenue : ma maladie m'interdit de m'exposer à la lumière sous peine de tomber en poussière. Ma mère en est déjà morte. Père a alors fait murer toutes les fenêtres du donjon et tous les accès aux caves, et c'est là que je vis, presque seule, n'ayant que la visite quotidienne de Nola pour savoir qu'un jour est passé et qu'une chose aussi merveilleuse que le feu existe.

Une fois, une seule, j'avais demandé à Père d'avoir un peu de compagnie. Même si le donjon est plongé dans le noir, ses courtisans pourraient me rendre visite, je suis tout de même une princesse ! Il m'avait répondu : « Nous sommes en guerre, ma fille. Le temps des fêtes n'est pas encore venu. » Je n'ai plus jamais abordé le sujet.

Je n'ai donc, pour toute compagnie, que Nola et, de temps en temps, messire Arland. Messire Arland est le seul noble de la Cour de Père à avoir le temps de venir me voir. Il me caresse la tête, me raconte des histoires et me donne des sucreries en cachette. Il est gentil mais ne répond jamais à mes questions. Lui aussi me voit comme une enfant.

Encore plus rarement, je vois Père. Mais ça fait au moins cent visites de Nola qu'il n'est pas venu. Et moins il vient, plus Nola est libre d'en faire à sa tête.

Sous prétexte qu'elle doit m'élever comme une princesse, elle n'arrête pas de me donner des ordres et de me faire des reproches. Alors que c'est une servante, Père l'a bien dit. Elle devrait m'obéir. Mais c'est la guerre et je ne peux avoir qu'elle. Au final, c'est moi qui lui obéis.

Je lui prends la main et la guide d'un pas sûr jusqu'à ma chambre. Elle m'aide à m'habiller d'une robe lourde et peu confortable en me disant : « Aujourd'hui, Princesse, c'est une robe verte que je vous mets. »

Elle dit ça pour calmer la dispute. Elle sait que j'aime savoir la couleur de chaque chose. Je m'use les yeux à distinguer, à la lueur tremblotante de la bougie, les nuances qui pourraient, effectivement, être du vert.

J'ai du mal à différencier le vert du bleu. J'espère bien y arriver un jour. Nola se met à me brosser les cheveux et grommelle contre les nœuds que j'y ai fait. Je ne lui avoue pas que j'ai joué avec.

Quand elle n'est pas là, je joue avec tout ce que je peux attraper. Le temps est si long. Je lui demande combien de temps va encore durer la guerre. Nola me tire les cheveux encore plus sèchement que d'habitude et me dit :

« Elle ne s'arrêtera pas pour les caprices d'une petite fille, ça c'est sûr.

‒ Mais je n'ai pas dit qu'elle devait s'arrêter pour moi ! Je veux juste savoir.

‒ Elle durera le temps qu'elle durera. Ça suffit maintenant.

Retour au silence. Elle me brosse les cheveux et les nouent en une épaisse tresse qui retombe jusqu'au milieu de mon dos. Une coiffure de princesse « pour tous les jours », m'a-t-elle expliqué, plus simple et pratique que les coiffures d'apparat qu'elle me fait lorsque je reçois mon père. Bien que les minces lueurs de la bougie rendent sans doute impossible à qui que ce soit de distinguer mes cheveux.

Lorsque je suis prête, Nola me dit d'aller filer ailleurs et de la laisser travailler. Elle passe le balai sur les dalles de pierre, le lève le long des murs pour chasser les toiles d'araignées. Elle passe un chiffon sur les étagères et les tables.

Pas dans toutes les pièces, elle ne s'occupe que de ma chambre et de la salle à manger où Père vient parfois me voir. Le reste est laissé à l'abandon. Elle me dit qu'elle est trop fatiguée pour s'occuper de tout, et que ce n'est pas grave puisque personne ne s'en apercevra jamais.

Ça me rend un peu triste, alors j'essaye de faire le ménage de temps en temps dans les salles où elle ne va pas. Mais sans lumière, je n'arrive pas à me rendre compte de ce que ça donne.


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