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—Où sommes nous ?
—Ici nous sommes... nulle part... et partout à la fois. Cette forêt a toujours été là. Mais elle n'est pas invisible, loin de là. Il y a certaines choses que tout le monde voit mais que personne ne regarde. Cet endroit en fait partie.
Je hochai la tête, même si je n'était pas totalement sûr d'avoir tout compris.
—C'est quoi cette histoire de chat noir ?
—C'est une longue histoire... murmura-t-elle si bas que je dû tendre l'oreille pour l'entendre. Il y a longtemps, nous n'étions qu'un. Notre but était seulement de tenir compagnie à Mère.
—Mère ?
—Mère Nature, si tu préfères. Ensuite, certains êtres se sont séparés de Mère, lasses de voir sans connaitre le monde. Ils ont laissé ainsi une faille, et des Ombres en sont sortis. Au départ, ces Ombres se contentaient de reproduire la forme des êtres, devenus des Hommes, au fil de leur évolution. Mais les Ombre voulaient plus, alors ils ont pris le contrôle de leur corps et leurs pensées. Peu à peu les Hommes sont devenus fourbes et méchants. Les Ombres les dévoraient de l'intérieur et bientôt il ne restait plus que quelques Hommes. C'est alors que Mère nous a fait naitre de la terre, reproduisant la forme qu'avaient pris les Hommes avant nous, ainsi que des Bêtes. Elle nous a chargé de protéger les Hommes, ses plus précieux bébés, et de revenir une fois le travail fini. Nous avons rassemblé les survivants et ensemble nous avons créé une société nouvelle. Les Bêtes donnaient de l'énergie aux Sorcière afin qu'elles puissent repousser les Ombres, et ainsi protéger les Hommes. Puis vint un moment où nous devinrent trop peu nombreux pour protéger les Hommes qui se multipliait à une vitesse fulgurante. Ils en avaient assez d'être traités comme des créatures fragiles, alors ils nous ont repoussés et sont partis. Les Ombres les ont aussitôt rattrapés. Heureusement après tout ce temps d'errance, ils étaient affaiblis, et n'avaient plus leur puissance d'antan. Ils firent cependant des ravages. Les Hommes redevinrent vicieux et calculateurs. Ils nous arrachèrent les Bêtes pendant que nous étions partis, se les appropriant. Nous ne pûmes que les regarder arracher aux Bêtes leur énergie. Celle-ci éclata en morceau, répandant autour d'elle sa puissance, faisant de quelques Hommes les Héritiers des Bêtes. Pendant les millénaire qui suivirent, nous nous cachâmes, cherchant les rares Héritiers de l'énergie des Bêtes afin de terminer la mission que nous a confié Mère.
Elle se tu, le regard au loin. J'eus des milliers de questions qui me vinrent à l'esprit, mais la seule dont je pu formuler était :
—Mais quel âge as-tu ???
Eirene me fixa de ses yeux dorés, et ne pu réprimer un petit rire.
—Dit-donc jeune homme, ne t'as-t-on jamais appris les bonnes manière ? Il n'est pas poli de demander l'âge d'une femme, me gronda-t-elle en imitant le chevrotement d'une grand mère.
J'éclatai de rire, bientôt imité par Eirena. Quand nous nous fûmes calmés, Elle murmura :
—Veux-tu essayer de me donner ton énergie ? il suffit d'un simple contact.
Je hochai la tête et déglutis quand elle approcha sa main vers ma tête. Elle appuya ses doigts fins sur mon front et les passa dans mes cheveux bruns, l'instant d'après, un voile noir me barra le champs de vision.
J'entrouvris les paupières, maudissant le soleil qui brulait mes yeux. J'avait un goût âcre dans la bouche et ma peau me démangeait. Je me rendis soudain compte que je ne portais pas mes lunettes. Pourtant je voyais parfaitement de loin comme de près ! serais-je enfin débarrassé de ces lunettes de malheur ?
Je sentis une main me frotter la tête. Je me retournai et croisai le regard doré d'Eirene... Elle faisait trois fois sa taille habituelle ! Avait-elle grandit ou bien... Je me redressai et baissai les yeux vers mes pattes... Mes pattes ?! J'ai des pattes ! De chat ! Je cherchai le regard de la Sorcière, paniqué. Je sentis qu'on m'attrapait sous les aisselles et me soulever puis je me retrouvai face à elle.
—Bien dormi, chaton ? demanda-t-elle narquoisement.
—Je ne sais pas. Que s'est-il passé ?
—Lorsqu'un Héritier donne son énergie à sa Sorcière, il prend la forme originelle d'une Bête, constituée uniquement d'énergie. C'est un peu comme si ton esprit était sorti de ton corps tout en gardant les cinq sens.
Elle me reposa délicatement sur ses genoux.
—Au fait, j'ai oublié que te parler de quelque chose de très important.
Je hochai la tête pour l'inciter à continuer.
—Nous avons conclu un pacte "Héritier & Sorcière". C'est-à-dire que tu devra renoncer à ta vie d'avant et rester avec moi pour toujours... Je suis désolée, tu n'as même pas eu le choix... chuchota-t-elle en évitant mon regard.
—Quand ?
—Lorsque tu a attrapé ma main, la première fois qu'on s'est vus...
—Ca ne fait rien, je n'avais pas d'amis et mes parents me traitaient comme un moins-que rien. C'est une chance que tu sois apparue dans ma vie.
Je me relevai sur mes quatre pattes, ignorant le regard peiné d'Eirene.
Je me sentais bien. Je crois que finalement je me plait bien dans ce petit corps. Plus de responsabilités, plus de choix à faire. Ca tombe bien parce que je n'avait pas encore fait mes vœux pour l'université... et puis je n'avais plus mes problèmes de vue ni mon asthme ! Je me sens plus léger, et apaisé. Eirene avait raison, c'est comme si mon âme était sorti de mon corps lourd et gauche pour profiter d'une liberté que ce dernier n'aura jamais. Je crois que j'adore ça, cette sensation de liberté.
Les jours passèrent rapidement. Eirene m'entrainait à donner de l'énergie, la quantité transmise s'était dédoublée grâce à son aide.
Cette nuit pourtant, un malaise me pris soudain. Je me rendis compte qu'il planait sur la maison un silence complet. Eirene sembla elle aussi le remarquer car elle s'était figée dans son fauteuil.
Une forme sombre apparut au sol et mouvait lentement vers nous. La Sorcière se redressa soudainement et couru vers son chapeau accroché à l'entrée.
—Maxence ! Une Ombre ! me cria-t-elle
Je me redressai à mon tour sur mes quatre pattes et préparai mon énergie.
—Non je m'en occupe, garde ton énergie en dernier recours !
J'obéis et me mis en retrait, de sorte à ne pas la gêner. J'observais attentivement l'affrontement.
L'Ombre était devenue une silhouette féminine, celle d'Ereine, et l'attaquai en essayant de la recouvrir d'une matière sombre. La Sorcière quant à elle repoussa tous ses coups sans faiblir, usant de ses potions et de sa magie en même temps. Elle commença alors à s'essouffler et perdait du terrain. Elle se retrouverait bientôt dos au mur.
Je me demandais si je devais l'aider quand je sentis mes pattes me démanger. En baissant la tête, j'aperçus avec horreur la matière de l'Ombre autour de mes pattes. Non, pas maintenant, Eirene a encore besoin de moi. Je dois l'aider.
—Eirene !
Grave erreur. Elle tourna la tête, et l'Ombre en profita pour l'engloutir totalement.
—Eirene, non !
Je vis sa main ressortir. C'étais ma chance. Je dois l'attraper, lui donner mon énergie. Je dois l'aider. Elle ne doit pas disparaitre. Tout le monde mais pas elle.
J'ouvris les yeux avec un horrible mal de crâne. Je grognai en plissant les yeux, je voyais flou. Je sentis de la chaleur dans mes bras. En baissant les yeux je vis la Sorcière effondrée contre moi, entourée de mes bras humains.
—Eirene...
—Maxence, murmura-t-elle. T'as réussi à te retransformer !
Je hochai la tête, les larmes me montèrent aux yeux. J'enfouis ma tête dans son cou.
—Je suis désolé... c'est de ma faute... Je suis inutile... sanglotai-je
—Non. ce n'est pas de ta faute. Et puis tu a réussi à te libérer et à me donner ton énergie. J'ai vaincu les Ombres grâce à toi. Et arrête de pleurer ! Tu mets de la morve partout !
Je me redressai et lui souris.
—Ensemble, on vaincra toutes les Ombres, et on retournera tous les deux avec Mère.
—Oui. Ensemble.
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