L'arrivée du paysan à la cour
Crow ne savait pas sur quel pied danser. D'un côté, ses prières avaient été entendu et il deviendrait chanteur, comme il l'avait toujours rêvé. Mais de l'autre, il risquait d'essuyer bon nombre de tentatives d'assassinat et il serait obliger de participer à la guerre. Devant la cour du palais, entouré de ses parents, le jeune hérisson était bouche-bée devant le spectacle qu'offrait le bâtiment. Les murs, d'une teinte rougeâtre, reflétaient les rayons rubis du crépuscule. Les nombreuses tours, fines, étaient terminés d'une pointe représentant une étoile stylisée. Les fenêtres étaient éclairés par les lumières orangés des lampes.
Invités à la cour du roi par le prince Rom qui avait entendu parler de la voix de Crow par missive, la famille hérisson traversèrent le portail en fer forgé et finement ciselé. Des gardes discutaient dans le jardin et d'autres protégeaient les grandes portes menant au hall du château. Vêtu d'une simple armure de cuir pour se protéger, ils semblaient détendus. Un servant s'approcha de la famille, et, d'une façon guindée, demanda s'ils étaient bien les personnes appelés par le roi. Ils furent ensuite conduit dans le hall du palais et traversèrent quelques couloirs avant d'arriver à la salle du trône.
Ovale, elle était bordée de colonne en marbre sombre, s'alliant avec le carrelage gris. Des centaines d'alcôves se trouvaient dans les murs, chacune mettant en valeur des tableaux des membres de la royauté. Un grand tapis rouge menait à des escaliers, montant quelques marches pour se séparer en deux, avant de se retrouver sur un même niveau où se situait le trône. Une plante verte géante séparait les deux escaliers mais était taillé de façon à ce qu'elle ne cacha pas le roi. Plus bas, sur l'escalier de droite, le prince Rom observait leur arrivé debout, la main posé sur la rambarde en fer forgé. Assis sur l'escalier central, le tacticien de la couronne Yaiba et le magicien royal Aion les attendaient de pied ferme.
Crow rajusta Red Tomahawk, accroché par sa sangle dans son dos, en avalant difficilement sa salive. Il fit le premier pas à l'intérieur de la salle du trône, lui et ses parents étaient restés au pas de la porte, impressionné par le lieu. Il ne savait pas pourquoi, mais l'inconnu qui avait sortit la guitare de nulle part lui avait demandé de la garder, en attendant que l'on t'appelle. Et qu'elle ne fut pas sa surprise de reconnaître le prince et les hauts placés. Il était persuadés le matin-même que c'était des vagabonds un peu bizarre.
S'arrêtant au pied des escaliers, il s'agenouilla comme ses parents et attendirent l'autorisation de se relever. Un grincement à sa droite lui fit bouger l'oreille, et des pas lents suivi d'un bruit d'affaissement signalèrent l'arrivée du roi. Le silence se fit. Crow sentit sa nuque picoter, indiquant qu'on l'observait. Le poids de Red Tomahawk dans son dos le rassura et c'est la tête haute qu'il se releva après que le roi leurs ordonnèrent de se lever.
Des murmures le fit tourner la tête et c'est avec surprise qu'il découvrit les courtisans qui étaient entrés sans qu'il ne les entendent. Des gardes royaux étaient postés devant chaque colonne et tous observaient ces paysans qui étaient venus perturber leurs train-train quotidien.
« Silence. »
Aussitôt dit, aussitôt fait. Le mutisme prit tout ceux qui avaient eu le malheur d'ouvrir la bouche. Si le roi n'était pas un chanteur, son aura d'autorité rayonnant autour de lui tel un halo avait les mêmes propriétés. Le silence était assourdissant. Le regard du roi se porta sur Crow, leurs yeux se croisèrent et Crow ne mena pas large face à la tension écrasante émanant du vieux roi.
« Alors c'est toi, le porteur de voix. »
Une rumeur parcourut la salle. Comment un herbivore pouvait être un porteur de voix ? C'était tout bonnement impossible. Aussi soudainement qu'elle était venu, la rumeur se tue, attendant la réponse du hérisson.
Le regard du roi se fit dur et Crow laissa échapper un léger couinement, perceptible par les plus proches de lui. C'est à dire, son père, sa mère, les deux carnivores sur les marches menant au trône et les courtisans les plus proches de marches. Oh non.
Aussi rapidement qu'une traînée de poudre, l'information fit le bouche à oreille et tout les flatteurs se mirent à pouffer. Le tacticien sembla lui envoyer un regard encourageant, et les lèvres serrés du prince lui prouva qu'il n'acceptait pas le comportement des courtisans.
Carrant les épaules, relevant le menton, Crow prit une brève inspiration avant de répondre.
« En effet, Sire. »
La phrase fit l'effet d'une bombe. Les protestations fusèrent, les exclamations outragés fit voler en éclat le bref moment de courage qu'avait eu Crow. Le sourcil royal du vieux léopard se leva, comme s'il demandait une preuve. Ne voulant pas paraître trop rebelle face aux gardes – qui avait le droit d'interrompre les courtisans à part le roi? – Crow chercha de l'aide chez le prince qui lui fit un hochement de tête engageant.
Ainsi, le jeune hérisson fit vibrer ses cordes vocales pour les chauffer. On lui avait souvent comparé les courtisans à un troupeau de mouton qui adorait les commérages et bêlait sans arrêt. Si Crow pouvait se faire obéir à un troupeau de vaches, pour un troupeau de moutons, ça ne devait pas être plus difficile. Il demanda le silence, mais sa plainte passèrent dans les oreilles d'un sourd. Le lion face à lui ordonna de le dire « plus fort ».
Tant pis si je me fais ridiculiser, j'ai rien à perdre de toute façon !
Plaquant sur Red Tomahawk le seul accord que Aion lui avait appris, il se lança :
« Silence le bétail ! »
Tout les flatteurs se turent, perdant leurs voix. Malgré leurs bouches fermés de force, ils continuèrent de faire des mouvements de bras en l'air. Certains tentèrent de se jeter sur Crow ou sa famille, mais avant qu'ils ne puissent faire quoi que ce soit, le jeune homme leur ordonna de se calmer et de retourner avec les autres. Et c'est les bras ballants qu'ils obéirent, les yeux vides. Le prince, qui avait monté les marches entre temps, se pencha à l'oreille de son père et murmura quelques mots, doucement approuvés par le roi, qui continuait d'observer Crow.
« Merci pour cette démonstration, jeune porteur de voix. »
Comme un interrupteur, les ordres que Crow avait allumés dans l'esprit des courtisans s'éteignirent. Portant son poids sur ses pieds l'un après l'autre, Crow était peu rassuré. Il avait lu les livres d'histoires, et les chroniques impliquant les porteurs de voix se finissaient en général plutôt mal. S'il n'était pas tué par un assassin d'un royaume voisin, ni par la guerre, ce serait les manigances de son propre camp qu'il devait craindre.
Les courtisans furent priés de sortir, et c'est en maugréant qu'il se plièrent à l'ordre, vite remplacés par une immense table et par six fauteuils en velours. Le roi descendit les marches, aidé par son fils, et ils s'installèrent autour de la table. Liant ses mains, le roi observa les membres de la famille tour à tour avant de braqués son regard sur le père.
« Monsieur, je vais être honnête avec vous, votre fils est un porteur de voix, et un puissant qui plus est. Pour un chanteur qui n'a pas entraîné sa voix, sa maîtrise de l'esprit est incroyable. »
Ils se passèrent de dire que Crow s'était entraîné sans le savoir sur des vaches.
« J'aimerais que votre fils reste avec nous. Il sera entraîné convenablement et sera un membre de la section musicale de notre armée. Évidemment, vous recevrez une prime pour nous le laisser et il sera rémunéré en tant que porteur de voix. Vous pourrez venir le voir quand vous voudrez, Crow ne sera pas un prisonnier, il pourra aller vous voir aussi souvent qu'il le veux. »
Les parents échangèrent un regard indéchiffrable et le roi crût qu'ils hésitaient à abandonner leur fils ainsi.
« Bien sûr, il sera en sécurité et je peux vous garantir que...
– Nous acceptons, Sire. L'interrompit la mère. »
Tous eurent un mouvement de surprise mais seul Aion remarqua les yeux inexpressif de Crow et sa mimique mimant un beau parleur.
« Bien sûr, nous sommes très inquiets pour lui, et depuis que vous avez dit qu'il est un porteur de voix, nous sommes terrifiés de le perdre mais... Crow leva les yeux en l'air. Nous savons que si notre fils adoré est ici, il sera en sécurité. »
Le roi hocha doucement la tête et échangea un regard avec Yaiba, discutant silencieusement avec le tacticien. Le renard se leva et indiqua la porte de sa main.
« En ce cas, monsieur, madame, je vais vous montrer le chemin menant à vos appartements pour la nuit et vous ferai visiter le château pour ce soir.
– Oh ! ce ne sera pas la peine, monseigneur. L'arrêta le vieil hérisson. Nous allons repartir, le reste de la famille nous attend. »
Bien que surpris, les autres ne pipèrent mot, regardant Crow qui trouvait un intérêt soudain pour le plafond blanc cassé de la salle. Le renard proposa de les accompagner jusqu'au portail et ils acceptèrent, appelant Crow pour qu'ils discutent de certaines choses avant qu'ils ne le laissent.
La famille marchant à l'avant, Yaiba resta un peu en arrière pour les laisser un peu d'intimité avant les adieux. Traînant les pieds, et shootant dans un caillou, Crow grommela à mi-chemin.
« Contente ?
– Je ne vois pas de quoi tu parles, petit impertinent. Répondit-elle la tête haute, le regard fixe.
– Tu te débarrasses enfin de moi, et cadeau bonus, tu reçois de l'argent pour m'abandonner. Ça doit être un rêve qui se réalise pour toi.
– Ne parles pas comme cela à ta mère, insolent ! Tu lui dois respect et servitude.
– Ça, c'est ce que dit un garde quand un serviteur manque de respect à son maître. Mais toi aussi, tu dois être content, tu vas être soulagé d'un poids énorme quand elle arrêtera de se plaindre de moi jour et nuit. Tu vas pouvoir souffler. Au fait, vous pouvez vous gratter pour que je vous envoie de l'argent, vous qui aimez tant ça. »
La claque résonna dans toute la cour. Crow, la tête tournée, la joue rougissante et les yeux cachés par sa mèche rouge, ne bougeait pas.
« C'est nous qui t'avons élevé, tu dois nous rembourser ta dette, sale monstre !
– Vous appelez battre vos propres enfants élever ?! Mais il faut vous réveiller pauvres fous !
– Toi ? Mon enfant ? La femme lui cracha au visage. Plutôt crever que d'engendrer un monstre comme toi ! Je plains déjà la famille royale qui va devoir te supporter maintenant ! Quel dommage que cet enlèvement n'ait pas fonctionné, on avait presque réussi à se débarrasser de toi ! Mais le roi nous a offert mieux, ta mort et un pactole à la clé.
– C'est étonnant que vous n'avez pas tenté de me tuer jusqu'à présent... Aller, c'est le moment des vérités, pourquoi vous ne l'avez pas fait ?
– A cause de ta grand-mère. Répondit le père malgré le regard de sa femme qui le fusillait. Pendant toutes ces années, elle t'a protégé, pensant que tu étais un miracle envoyé par les anges. Elle a longtemps déliré à ta naissance, disant qu'elle voyais des ailes dans ton dos. Quand je lui annoncerai que le roi t'as recueilli, elle pourra enfin nous lâcher la grappe et mourir en paix. »
Ces mots laissèrent Crow sans voix et il ne réagit pas quand sa mère lui mit une deuxième claque au visage, pour « compenser toutes ces années ». Suite à cette scène choquant les spectateurs inattendus, les deux marchands de lait partirent d'un pas posé, comme si le monde leur appartenait. Yaiba, qui n'aurait jamais crut cela possible sans que cela ne se soit passé devant lui, se précipita vers Crow et voulut appeler les gardes pour qu'ils arrêtent ces parents indignes et violents. Cependant, le jeune hérisson l'arrêta, un air vaguement coupable.
« Désolé que vous ayez dû subir cette scène de ménage. Mais laisse les partir, cela leurs feraient trop plaisir que vous les arrêtiez pour ça. Ils auront gagné si on agit ainsi.
– Mais gagner quoi ?
– Le jeu testant l'endurance psychologique du monstre. »
S'essuyant le visage avec sa manche, il colla un sourire faux sur ses lèvres et prit un ton plus enjoué.
« Alors, tu me montres mes appartements, tacticien royal ? »
Voyant que s'il cherchait plus loin, le jeune se braquerait, Yaiba remonta ses lunettes d'un air professionnel et le mena en grandes pompes à ses nouveaux appartements. Il en profita pour lui faire une visite guidée du château, réussissant, à sa fierté, à faire disparaître le visage maussade, caché sous sa carapace, du hérisson. Les yeux pleins d'étoiles et Red Tomahawk sur son dos, il ressemblait à un fan de rock qui suivait l'agent de sécurité le menant au carré V.I.P..
La nuit tomba bien vite à la capitale de ShinganCrimsonz, et, malgré le printemps doux que les habitants avaient eu, la nuit rafraîchissait les murs et les rues. Voyant que son jeune ami grelottait dans ses vêtements légers, Yaiba coupa court à la visite et mena Crow à sa nouvelle chambre.
« Tu te souviens du chemin menant à la salle à manger ? Demanda-t-il lorsqu'ils arrivèrent devant l'énorme porte en chêne.
– Euh... Oui, normalement.
– Bien. Yaiba regarda sa montre à gousset. Il est 18 heures 05. A 20 heures, tu devras nous rejoindre dans la salle à manger. Profites de ce temps pour te reposer et te laver. Des vêtements à taille seront dans l'armoire. Il seront peut-être un peu grand mais il va falloir patienter demain pour que les couturiers royaux te fasse des tenues sur mesure. Une horloge est dans ta chambre, tu n'auras donc aucune excuse si tu arrives en retard. A moins que tu ne te perdes. Si tu as le moindre problème n'hésites pas à venir me voir, ma chambre se situe au bout du couloir, tu ne pourras pas la manquer. »
Il l'encouragea ensuite à ouvrir la porte et le laissa entrer seul. Observant quelques instants l'adolescent qui découvrait son nouveau chez-lui, le renard s'éclipsa discrètement, fermant silencieusement la porte.
Après avoir posé la guitare sur un support en bois noir, le premier réflexe de Crow fut d'aller au balcon. Tirant les rideaux et ouvrant les portes-fenêtres, il sortit presque en courant et monta sur la balustrade, les bras en croix. Il inspira à fond l'air froid et écouta le vent souffler à son oreille. Retournant sur terre, il descendit et embrassa le paysage du regard. La vie fourmillait à la capitale. Tout le monde semblait heureux de vivre, et appliquaient le principe de Carpe Diem. Se détournant de la scène, le chanteur observa sa nouvelle chambre.
Dans un coin, l'horloge de grand-mère, montant au plafond et ancien de plusieurs décennies. Le long du mur, la fameuse armoire recelant les vêtements propres et à sa droite, Red Tomahawk, aussi rouge que les rideaux rubis qui bordaient la fenêtre. De l'autre côté de la chambre, face à la porte, un lit à baldaquin king size, caché par des rideaux en velours pourpre. A côté, une porte perpendiculaire à celle de sortie montra le coin salle de bain.
Curieux, Crow passa la tête à l'intérieur et faillit tomber par terre devant tant de luxe. Une baignoire faisant un pan entier du mur était face à la porte. Sachant que la salle de bain était aussi longue que la largeur de la chambre, le hérisson compta une baignoire de plus de deux mètres de long sur un bon mètre et demi de large. A côté de la porte se situait deux vasques, servant à se rafraîchir. Une commode où était déposé des serviettes et de quoi se laver faisait l'intermédiaire entre les deux bassins. Les murs, aux teintes chaudes et aux nombreuses bougies réconforta étrangement Crow.
Allant chercher des vêtements, il dégota un jean noir, et un T-shirt à manche courte couleur sang, avec comme imprimé une paire d'ailes noires stylisé. Il hésita quelques instants mais finit par récupérer une paire de mitaines et des bracelets en cuir rouges qui cacheraient ses poignets à la perfection. Une odeur de lavande fraîche se dégagea des vêtements et Crow se surprit à humer ce parfum qui faisait partie de son enfance dans les champs.
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