Sophia
Was es ist
Es ist Unsinn
sagt die Vernunft
Es ist was es ist
sagt die Liebe
Es ist Unglück
sagt die Berechnung
Es ist nichts als Schmerz
sagt die Angst
Es ist aussichtslos
sagt die Einsicht
Es ist was es ist
sagt die Liebe
Es ist lächerlich
sagt der Stolz
Es ist leichtsinnig
sagt die Vorsicht
Es ist unmöglich
sagt die Erfahrung
Es ist was es ist
sagt die Liebe
Ce que c'est
C'est du non-sens
dit la raison
C'est ce que c'est
dit l'amour
C'est de la malchance
dit le calcul
Ce n'est rien que douleur
dit la peur
C'est sans issue
dit le bon sens
C'est ce que c'est
dit l'amour
C'est ridicule
dit l'orgueil
C'est insouciant
dit la prudence
C'est impossible
dit l'expérience
C'est ce que c'est
dit l'amour
Erich Fried, Ce que c'est (Was es ist)
Après hésitation, Basile garda une tenue relativement simple, sans cravate. La clarté du jour était si pure que de fins rideaux avaient été tendus devant toutes les vitres du restaurant.
Celui-ci se situait au premier étage. Lorsqu'il arriva, c'était encore vide. Des tables rondes, entre deux et quatre couverts, patientaient. Un serveur s'affairait, en lequel il reconnut le même Ferdinand de l'accueil – qui décidément, cumulait les rôles.
Basile s'assit à une table à deux places, idéalement placée. Il vit Archibald se traîner ; pria pour ne pas se faire remarquer – le bonhomme pansu était capable de poursuivre à l'infini le monologue ronflant qui lui tenait lieu de conversation.
Trop absorbé par la contemplation du pachyderme, il ne vit Sophia s'asseoir en face de lui qu'au dernier moment.
« Vous avez fait la connaissance des clients de l'hôtel ? Demanda-t-elle.
Elle aussi avait gardé une tenue informelle, des boucles d'oreille de petite taille et peu de maquillage. Mais elle n'avait pas besoin de ces artifices pour resplendir.
— Je... quelques-uns.
Ils n'avaient pas le choix du menu, déjà indiqué sur des cartons. Ferdinand leur apporta des amuse-bouche tandis qu'Archibald se félicitait de recevoir la visite de l'érudit, et d'un autre homme que Basile n'avait pas encore aperçu. Il avait soigné une allure assez baroque, une fleur fraîche était passée à sa boutonnière.
— Notre poète, dit Sophia en souriant encore. Prospero.
Elle planta ses yeux dans ceux de Basile et acheva de le faire fondre d'un long regard langoureux.
— Je ne peux pas croire que notre rencontre soit le fruit du hasard.
— Croire au hasard ou au destin n'est qu'un changement de point de vue. Du moment que vous trouvez celui qui vous convient le mieux, je ne saurais vous en vouloir.
— Vous parlez extrêmement bien, Basile.
— Dites-moi, si ce n'est pas indiscret, qu'est-ce qui a fait de vous une cliente régulière ? Je veux dire... vivez-vous ici une partie de l'année ?
— Un peu comme dans ces romans de Proust et de Flaubert ? Oui, Basile, c'est exact. Je vis ici, quasiment.
— Et depuis combien de temps ?
— Assez longtemps pour en avoir fait une habitude réjouissante.
— Pourtant ces lieux semblent si calmes.
— Il y a toujours assez de clients pour entretenir la flamme. Je vous l'ai dit, Basile, et vous le devinez : nous sommes ici entre l'ennui et l'agitation. Entre le rêve et la réalité. C'est comme un jour de fête qui s'étendrait à l'infini, sans jamais prendre fin.
— Hasard ou pas, je ne peux que remercier le concours de circonstances qui m'a amené ici.
— Moi également, Basile, moi également.
Ils mangèrent lentement, à peine dérangés par les éclats de rire d'Archibald, qui entretenait à lui seul une toile de fond bienvenue. La douce lumière jetait sur le visage de Sophia une nouvelle fraîcheur, qui hypnotisait Basile. C'était cela ; entre le rêve et la réalité.
— Quand comptez-vous partir ? Demanda-t-elle.
La pensée ne lui avait pas effleuré l'esprit au cours de cette matinée, passée en un éclair. Il se demanda si c'était une véritable question. Sans doute non. Par là, Sophia le suppliait de rester encore ; et face à elle il ne pouvait que dire oui – il aurait dit oui à n'importe quoi.
— Je ne suis pas... je ne suis pas pressé de partir. Je pense que je resterai pour le dîner.
— C'est un bon choix. Un très bon. Le déjeuner est assez frugal ici, mais vous ne voulez pas manquer le dîner – et puis, cela nous donnera l'occasion de nous connaître un peu plus. Vous repartirez demain matin.
— Demain matin, répéta-t-il.
Cela lui paraissait une très bonne idée. L' « Art de l'ennui » était un lieu si calme et si policé ; et le monde qui l'entourait était si agité. Il fallait bien une journée entière pour se remettre de la tempête qui l'avait jeté dans cette ambiance feutrée.
Oui, demain matin.
— Que faites-vous cette après-midi ? Demanda Sophia.
— Ma foi, je ne sais pas encore. Peut-être une sieste. Je passerai peut-être un peu de temps à la bibliothèque.
— Si vous croisez Prospero, ne manquez pas sa conversation. C'est une personne intéressante.
Elle disait cela avec affection, et il sentit un peu de jalousie lui monter aux joues. Alors quoi, avait-il un adversaire ?
— Je vous retrouve ce soir. Le dîner commence à dix-neuf heures. »
Elle se leva de table, laissant sa main glisser délicatement sur la nappe blanche, avant de formuler un dernier geste poli. Basile commanda un deuxième café.
« Une personne charmante, dit Archibald, qui se prélassait non loin sous un rayon de lumière.
— Oui, dit Basile.
— En plus, il a une excellente conversation.
— De qui parlez-vous ?
— Prospero, bien sûr.
— Je parlais de Sophia.
— Ah, une personne charmante. »
Sa voix diminua d'intensité, devint une sorte de ronronnement, puis de ronflement très franc. Basile envisagea de commencer l'après-midi en flânant dans les couloirs.
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