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Prospero


Il s'arrêta devant un miroir, curieux de ne pas l'avoir remarqué avant. C'était une grande pièce d'art, où son reflet lui apparaissait intégralement : celui d'un homme bien habillé, séduisant, une barbe naissante qui n'enlevait rien à son charme.

Charmant. Tel était le mot d'ordre de l'hôtel.

En chemin vers le salon, Basile rencontra Prospero. Le poète faisait mine de vaquer à d'autres occupations, mais il ne faisait guère illusion : il s'était posté sur son chemin à dessein.

« Bonjour, monsieur. Je vous ai vu tout à l'heure, mais nous n'avons pas été présentés, je crois.

— Basile, dit-il en lui serrant la main.

— Prospero, poète.

Il l'invita à le suivre.

— Nous sommes trop peu nombreux à cette période de l'année, pour que des nouveaux arrivants passent inaperçus.

Il avait une voix très douce et très fine, aiguisée comme une lame, un susurrement chantant.

— Êtes-vous un homme ambitieux ? Demanda le poète.

— Je ne sais pas si on pourrait me qualifier comme tel.

— Tous les hommes ambitieux expérimentent, à un moment ou un autre, le vide. Arrivé au sommet, il ne vous reste plus rien à faire – votre vie est accomplie, vous savez que vous ne ferez rien de mieux, que vous n'irez pas plus loin. Un lieu comme celui-ci est alors idéal pour se ressourcer. Pour faire taire votre vide intérieur. L'ennui, ce n'est qu'un masque que l'on pose lorsque l'odeur de la mort qui nous gagne devient trop forte. Ce cher Archibald Stockholm ne sortira plus jamais d'ici, il le sait ; son temps est terminé.

— Je comprends.

— Nous sommes de pauvres créatures.

L'hôtel s'était replongé dans le silence. Ils montaient l'escalier ; Basile avait omis de compter les étages, mais ils approchaient certainement du dernier.

— Savez-vous qui est notre intellectuel ?

— L'érudit ?

— Il s'agit d'un célèbre scientifique, à la recherche de la Théorie du Tout. Celle qui rendra caduque l'ensemble de la science, ou lui donnera enfin raison. La synthèse du logos, de la physique quantique et de la mathématique...

— Trouvera-t-il ?

— Certainement pas. Ce genre de mystère est par nature introuvable, sans quoi l'univers n'aurait pas de raison d'exister.

— Et vous, que cherchez-vous ?

— Moi ? Je cherche la vérité du langage, monsieur Basile.

— Pensez-vous pouvoir trouver ?

— Je ne pense pas. C'est un malheur, voyez-vous, que tous les mots aient déjà été écrits. Mais au moins, dans ma quête, produirai-je quelques poèmes qui s'en approcheront, de cette vérité. Avez-vous lu quelques-unes de mes œuvres ?

— Je ne pense pas, non. Je ne me souviens pas. »

Ils étaient arrivés au dernier étage. Prospero ouvrit une porte plus petite, qui donnait sur un couloir assez étroit. Entre quelques portes de service, il le mena jusque dans une toute petite pièce sous les combles. Son unique lucarne éclairait un papier peint beige jauni. Le parquet de couleur noire avait perdu son éclat. Le bureau se tenait au centre, couvert d'un vieux cuir verdâtre craquelé, et la chaise non loin, avec sa paille qui se morcelait. Elle semblait avoir été maintes fois déplacée.

Une machine à écrire était posée sur le bureau, conservée dans son état d'origine comme une relique sainte. Des feuilles de papier y étaient insérées, les touches luisantes témoignaient d'un entretien méticuleux.

« Voici mon bureau, indiqua Prospero. Pour ainsi dire, voici le bureau. Je suis quasiment le seul à l'utiliser. Vous connaissez cette citation de Georges Perec ? Écrire : essayer méticuleusement de retenir quelque chose, de faire survivre quelque chose : arracher quelques bribes précises au vide qui se creuse, laisser, quelque part, un sillon, une trace, une marque ou quelques signes. Nous sommes peu de chose, nous les hommes ; nos vies sont très courtes et nous mourons très rapidement. Écrire est le seul moyen de capturer quelques fragments d'éternité.

— Les écrits eux-mêmes ne sont pas éternels, observa Basile.

— Ils sont ce que nous avons de mieux. Vous ne pouvez pas dire le contraire. Aurait-on oublié les grands royaumes mésopotamiens, il nous reste encore la plus ancienne histoire, l'épopée de Gilgamesh, parvenue sur des tablettes d'argile en écriture cunéiforme.

— Vous ambitionnez que votre œuvre dure aussi longtemps ?

— Je vous l'ai dit. Un peu d'éternité.

Il y avait dans cette pièce une étrange ambiance, contraire à la philosophie de l'hôtel. Entre la nudité criante de ces murs se déployait une agitation frénétique de l'esprit. Là n'était pas le calme, mais la folie.

— Je sais maintenant pourquoi vous êtes ici, tous les trois. Dites-moi, que savez-vous de Sophia ?

— Sophia ? Dit Prospero, avec intérêt, et peut-être une pointe d'inquiétude.

— Oui, pourquoi vit-elle ici ?

— C'est une très bonne question. Je l'ai toujours vue. Je ne sais pas, en vérité. C'est une jeune femme très charmante.

— Oui, fit Basile, très charmante. »

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