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Les instruments


La devanture de la boulangerie était plus amène que le cagibi du serrurier. Akin se hâta sur le bitume de la place, car le vent commençait à se lever, et menaçait de lui jouer des tours. Le poisson de bronze, figé dans son élan, continuait de cracher de l'eau ; on aurait pu accompagner la fontaine de quelques bancs publics, mais il n'y avait qu'une série de lampadaires lugubres.

Akin trouva encore un comptoir vide, et ne remarqua qu'ensuite le boulanger et sa femme, assis dans l'arrière-boutique, qui écoutaient la radio. Tous deux portaient encore leurs tenues de travail blanchies et leurs mains étaient encore couvertes de farine.

« Ah, vous repartez déjà ? Dit la femme en le voyant arriver.

— Mais je...

— Vous lui passerez le bonjour, n'est-ce pas ?

— À qui ?

Durant un instant, il fit face à deux visages livides ; puis ils reprirent contenance.

— Mais, bien sûr... vous voyez de qui je veux parler...

— J'ai quelque chose pour vous, dit le boulanger.

C'était un homme épais, au visage assez plat. Il poussa Akin jusque dans la boutique et posa ses gros bras sur le comptoir.

— Je cherche mon portefeuille, dit Akin.

— Vous avez un portefeuille ?

— Comme tout le monde.

— Mais si vous en avez un, pourquoi en cherchez-vous un ?

Akin chercha la moquerie, mais il n'y en avait pas ; le boulanger faisait au contraire d'importants efforts de concentration pour maintenir la conversation quasiment normale.

— Je l'ai perdu.

— Moi aussi, je l'ai perdu, dit-il. Que voulez-vous. On s'y fait. L'important, c'est d'aller de l'avant. Oublier, comme on dit, le temps guérit tout.

— Perdu quoi ? Un portefeuille ?

— Pourquoi parlons-nous de portefeuilles ? S'exclama l'homme, complètement perdu.

— Je me le demande, ajouta Akin. Dites-moi, avez-vous vu quelqu'un ?

— Eh bien vous, je vous ai vu, pour commencer. Ça j'en suis certain.

— C'est tout ?

Il se gratta la tête. Il y avait aussi de la farine dans ses cheveux courts et un peu grisonnants.

— Je ne sais pas. Ma femme et moi écoutons la radio.

— Vous attendez une annonce ?

— Nous écoutons la radio. Juste la radio. Ils passent une émission culturelle.

— Vous pensez qu'ils feront une annonce, aujourd'hui ?

— Ma foi, je n'en sais rien. Bonne journée, monsieur. Bon retour. »

Il ramena Akin jusqu'à la porte et le mit poliment dehors.

Le jeune homme était presque sûr de ne jamais être venu ici, puisqu'il était entré en premier dans le café. À moins de s'être arrêté pour acheter quelque chose ? Non, puisqu'il se souviendrait avoir mangé.

Il fit face au bassin morne qui occupait le centre de la place, un rond de pierre contenant une eau saumâtre. Il lui restait encore un commerçant à interroger.

***

La pièce était plus grande et plus éclairée que chez le serrurier, mais tout aussi encombrée. L'artiste avait disposé son établi au milieu, et il était entouré de créations que l'on devinait plus ou moins achevées, suspendues aux poutres du plafond très bas, ou posées à même le sol. Des tas de chutes de bois et de sciure avaient été balayés contre les murs ou les pieds des meubles.

Akin devina qu'il s'agissait d'une sorte d'ébéniste, même si toutes ses créations avaient la même forme. Une caisse qui s'évasait, avec une poignée très travaillée, et deux fentes symétriques sur une des faces, où des cordes étaient tendues. Cela ne semblait pas avoir une quelconque utilité pratique – en tout cas, aucune à laquelle il pouvait présentement songer. Mais c'était à tout le moins décoratif.

Il promena son regard sur les objets ainsi disposés. Il y en avait de multiples tailles. Il les imaginait bien, suspendus ou posés contre les murs d'un salon. Des statues de bois. Peut-être s'agissait-il de figures déformées, d'anges, d'humains ou de djinns.

« Excusez-moi.

L'ébéniste retira le casque qu'il avait mis sur ses oreilles. C'était un homme aux cheveux très gris, sourcils broussailleux et barbe fournie de la même teinte.

— Vous cherchez quelque chose ? Demanda-t-il.

— Non, rien de spécial.

Akin fit le tour de l'atelier en s'attardant sur les créations les plus abouties. Elles avaient été patiemment polies et lustrées.

— C'est admirable, dit-il.

— Je vous remercie.

Il y avait une étrange tension dans leur dialogue, comme si chacun était conscient de pouvoir poser des questions qui mettraient l'autre mal à l'aise et rompraient définitivement l'équilibre.

— Vous n'écoutez pas la radio ? Demanda Akin.

— J'ai besoin de calme pour travailler.

— Il paraît que les gens ici sont en train d'oublier quelque chose.

— Quelqu'un vous a dit ça ? Le docteur, peut-être ? C'est un fou furieux.

— Vous me rassurez.

— Croyez-moi, monsieur, je n'ai jamais rien oublié. J'ai encore toute ma tête et les souvenirs de ma jeunesse – oui, même quand j'avais deux ans, c'est comme si c'était hier. Vous comptez repartir ?

— Je viens juste d'arriver.

Un ange passa. Un des objets de bois, mal posé, glissa sur le côté et s'effondra au sol. Une corde se cassa dans un tiraillement aigu. Mais Akin et l'ébéniste ne firent aucun geste.

— Excusez-moi, j'ai l'impression de rajouter du désordre dans votre magasin.

— C'est déjà le désordre ici. Et peu importe.

— Vous n'allez pas réparer celui qui est tombé ?

— Savez-vous ce dont il s'agit ? Moi non plus. Je sais que c'est ce que je fabrique. Je ne sais pas pourquoi. Je crois, je crois bien que cela ne sert à rien. Pourtant je sais que c'est toute ma vie.

— Je trouve ces objets très beaux. Je ne saurais pas m'expliquer pourquoi. Factuellement, c'est vrai qu'ils ne servent à rien. Mais n'est-ce pas le cas de toute l'activité humaine ?

— Foutaises. Vous dites cela parce que vous pouvez vous le permettre. Vous dites cela en pensant le contraire ; en pensant que vous, ce que vous faites, a un sens. Vous êtes donc hypocrite et égocentrique.

— C'est fort possible. Nous faisons ce que nous pouvons pour survivre à l'absurdité.

L'artisan s'avança de quelques pas en direction d'Akin, puis il envoya son pied dans l'encasement de bois qui avait glissé. Les dernières cordes se brisèrent également, le bois se fendit selon des lignes torturées et le manche de l'objet se brisa.

— Vous n'écoutez pas la radio ? Demanda-t-il alors.

— Je ne vois pas ce que je pourrais y entendre, dit Akin.

— Il va y avoir une annonce, bientôt. On dit qu'ils vont annoncer ce qui nous arrive.

— Croyez-vous qu'il nous arrive quoi que ce soit ? La seule chose que je vois changer, c'est que ces hommes autour de moi deviennent lucides. Ils se souviennent, ils prennent conscience de quelque chose – alors qu'on nous promet le contraire.

— Vous n'avez jamais peur de ce que vous oubliez ?

— Je ne sais pas ce que j'ai oublié. Je ne vois pas pourquoi cela me ferait peur.

— On se réveille un jour, et le monde est devenu un immense espace vide. On ignore ce qu'il contenait avant. Tous les cauchemars ont disparu, certes, mais tous les rêves également.

— Les hommes n'ont pas tous besoin de rêves », dit brièvement Akin.

Il laissa l'artisan seul, dans son atelier, entouré de ses créations silencieuses. Ces objets sans nom et sans finalité, malgré les immenses efforts apportés à leur réalisation, le laissaient dubitatif. Il doutait de leur réalité.

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