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Lapis aux éclats de sang


Son souffle se bloque dans sa trachée. Tout est trouble autour de lui, tout tourne trop vite dans une danse aux lenteurs excessives. Minho se relève brusquement sur son matelas, des gouttes de sueurs roulent le long de sa nuque gelée.

Il a fait un rêve. Quelque chose d'étrange, de brusque. Un songe qui lui a glacé le sang. Il se rappelle vaguement d'un visage flou, éclairé par la lumière de la lune, il avait un sourire singulier. Minho connaît cette personne, il le sait. Pourtant il est incapable de reconnaître ses traits, le réveille les a effacés de sa mémoire. Il aimerait se remémorer l'identité de cet individu, de ce traître. Il sent encore les vestiges du coup de poignard qu'on lui a enfoncé lorsque Morphée le berçait encore. Il a cette douleur dans le dos, cette sensation de brûlure. Et puis il y a son cœur qui bat. Oui, son cœur qui frappe sa poitrine et ses larmes qui caressent ses joues pâles.

La gêne dans son dos s'estompe petit à petit, les aiguilles du temps semblent reprendre leur course, sa respiration devient plus naturelle. Minho s'extirpe enfin du brouillard de sommeil dans lequel il était empêtré. Ce retour à la réalité lui permet d'enfin remarquer que son dos n'était pas le seul à brûler, sa main aussi lui paraît prendre feu à présent. Son cœur repart de plus belle lorsqu'il jette un coup d'œil à son index, orné d'une jolie bague argentée. Cette dernière brille, comme si une flamme bleutée l'enveloppait.

Elle semble remarquer lorsque Minho pose ses yeux sur elle, car elle se met instantanément à frétiller. Elle tremblote, se déguise en feu follet, puis sa lumière se concentre en un seul rayon. Ce rai lumineux tourne sur lui-même, telle une boussole déréglée, et finit par s'arrêter, désignant la porte.

Et là, le noiraud comprend. Il saisit l'ampleur de ce que tout cela signifie. Ni une ni deux, il rabat la couverture sur le côté et saute de son lit. Dans son empressement, il boutonne la moitié de sa chemise, menace de s'écraser au sol lorsqu'il enfile son pantalon et oublie de faire les lacets de ses chaussures en cuire. Sa chambre redevient silencieuse après un claquement de porte brusque, faisant presque trembler les murs.

Minho dévale les escaliers en pierre, s'autorise même à sauter les trois dernières marches pour atteindre sa destination plus rapidement. Il court à travers les couloirs du château, le sourire au lèvres, l'adrénaline dictant ses gestes.

Finalement il arrive devant le bureau de son père en un temps record. Il n'attend pas une seconde de plus et fait basculer le battant de la porte, dévoilant ainsi un pièce à la tapisserie pourpre, remplie de livres et d'objets en tout genre. Son paternel est là, assis derrière un grand meuble en bois massif, le nez piqué sur des papiers jaunis. Il relève la tête lorsque la tempête qu'est son fils fait irruption sur son lieu de travail.

C'est l'anniversaire de Felix !

Minho à les lèvres étirées en prononçant ces mots. Ses cheveux sont en bataille, comme s'il venait d'affronter des vents violents. Une trace de sommeil décore encore sa joue, il ressemble à un enfant ainsi. Pourtant il a bientôt vingt ans et il s'apprête à vivre l'épopée de sa vie.

Car oui, aujourd'hui ce n'est pas simplement l'anniversaire de son rival aux cheveux dorés. Non c'est bien plus que ça, aujourd'hui les trois fils prodiges sont officiellement tous majeurs. Aujourd'hui commence leur quête vers la souveraineté.

Minho est prêt, il le sent. Il a attendu ce jour toute sa vie, il s'est entraîné dur pour forger son corps, pour cultiver son savoir, pour aiguiser son esprit. Oui, Minho il a tout d'un futur empereur, il sera l'élu ultime, il le sait.

Nous allons préparer ton départ, finit par sourire son père.

Dans son regard brille un éclat de fierté, lui aussi à confiance en son fils. Il est capable de mener à bien la quête révélée par l'oracle. Minho est un être spécial, son chemin est fait de pierres précieuses, son avenir lui réussira.

Quelques heures plus tard, tout est prêt. Les chevaux sont scellés et chargés, la cour du château encercle les deux bêtes avec engouement.

Minho fend la foule de gens qui s'écarte instinctivement sur son passage, formant ainsi une haie d'honneur improvisée. Il est sur le départ, ça y est. Une épée est cintrée à sa taille, glissée dans un fourreau en cuir. Une cape d'un bleu flamboyant recouvre ses larges épaules, maintenue par une épingle d'or. Il trépigne d'impatience mais essaie de se calmer, il se doit de garder une attitude lisse et droite, il sera le futur empereur après tout.

La masse d'individus s'écarte de nouveau, un jeune garçon s'extirpe de cet océan de corps, tout essoufflé, les joues rouges d'effort. Minho ne peut s'empêcher de sourire en voyant son ami débarquer ainsi. Le connaissant, il se doute qu'il vient de se réveiller d'une de ses siestes à l'ombre des arbres. C'est ainsi que Jeongin est fait, un homme qui passe son temps à contempler la nature et qui s'oublie parfois dans un monde qui tourne trop vite pour son regard de grand rêveur.

Mais c'est aussi pour ça que Minho l'apprécie, lui offre une confiance aveugle. Il a ce côté touchant qui contraste avec sa rigueur et sa force. Il est son compagnon d'arme, son partenaire de jeu, son ombre depuis sa plus tendre enfance. Il est une âme pure qui l'aidera dans sa quête vers le titre d'empereur.

Désolé pour le retard, souffle Jeongin en rejetant en arrière ses cheveux blonds qui recouvrent ses yeux bruns.

Le noiraud secoue la tête pour lui signifier que ce n'est rien, l'heure est à la fête, il n'a pas à s'inquiéter pour cela. Le principal est qu'il soit ici, prêt à le suivre. Il pose alors sa main sur l'épaule de l'arrivant, fait glisser le sac suspendu le long de son bras et l'attrape pour le charger sur une de leur monture.

C'est tout ce que tu emmènes? demande finalement Minho, pour s'assurer qu'il ne manque plus rien.

Tout est là.

Jeongin a retrouvé son teint chaud naturel, sa respiration se fait calme à présent. Ils ne vont pas tarder à quitter leur forteresse de pierre. Il paraît stressé, il ne cesse de triturer son lobe d'oreille. Minho sait que c'est un geste incontrôlé qu'il a pour habitude de répéter lorsqu'il est anxieux. Pourtant il ne relève pas, il se doute que partir n'est pas aisé pour son ami, il n'a que dix sept ans et s'apprête à quitter sa famille, il ne sait pas s'il reviendra vivant de ce voyage. Mais le prince le sait, ils seront victorieux, leur retour est une certitude, Jeongin doit lui faire confiance.

Le noiraud, pose son pied sur l'étrier de son cheval pour se hisser sur son dos. L'animal tape du sabot, incommodé par ce nouveau poids, mais ne bouge pas, attendant qu'on lui donne l'ordre d'avancer. Instantanément, la bague de Minho se met à briller, puis répète le schéma du matin même. Un rayon bleu se forme, tournoie, puis se fixe sur un point inconnu, vers la forêt au loin. Le bijou lui indique le chemin à prendre, cela semble évident.

Minho !

Le roi de Lapis s'avance vers son fils, perché sur sa selle. Un sourire triste dessine la courbe de ses lèvres, il tente au mieux de paraître sûr de lui devant la cour. Cependant, Minho le sait, il a peur pour lui. Son père ne doute pas de ses capacités mais il ne veut pas perdre son fils unique, il ne peut s'empêcher de sentir une douce appréhension lui tordre la gorge.

Père, je reviendrai vite, soyez en sûr.

Tu as bien grandi, lui souffle le quarantenaire.

Minho ne peut retenir un rire d'attendrissement. C'est vrai, il a grandi, il est adulte maintenant, il n'est plus ce petit effronté qui parcourait le château dans des courses interminables avec Jeongin. Il n'est plus cet enfant apeuré par les fracas de l'orage. Il n'est plus un poupon à la santé fragile qu'il faut à tout prix protéger. Non, à présent il est Lee Minho, futur empereur d'Opale. Son nom entrera dans l'histoire d'ici quelques jours.

Une semaine. Dans une semaine, déploie les étendards Indigo, je serai de retour triomphant, je te le promets.

Son père hoche la tête, caresse la tête de sa monture, puis souffle un dernier mot d'encouragement.

Je sais que tu es promis à de grandes choses, dans sept jours nous festoierons pour toi si c'est ce que tu affirmes. Maintenant vas, il est temps que tu montres à Gaïa que tu es dignes d'être empereur.

Les équidés hennissent puis frappent le sol d'impatience. Il n'en faut pas plus à Minho pour tirer les rênes, indiquant à son destrier qu'il est temps de partir. Le faisceau de son anneau a disparu mais il sait où aller, la forêt qui borde le territoire de Lapis est sa prochaine destination.


  ══ஓ๑♚๑ஓ══


Minho et Jeongin arrivent à l'orée de la forêt tandis que le soleil se pare d'une lumière orangée. Ils ont sûrement passé la frontière de Topaz il y a quelques heures. Les arbres sont tout d'abord fin, assez espacés, puis peu à peu ils se font plus nombreux, bruyères et orties les accompagnent dans le peuplement du sol mousseux. L'Eté laisse encore ses douces chaleurs se répandre à Opale, l'air est agréable. Les feuilles qui mangent des morceaux de ciel commencent à se vêtir d'un jaune ocre, se préparant au futur changement de saison. Tout est calme, les oiseaux se lancent dans une mélodie aux échos infinis, ce qui offre une ambiance hors du temps à cet espace aux couleurs chaudes.

Les deux jeunes hommes s'avancent dans les fourrés, laissant la surface céleste disparaître au profit des cimes des arbres. Ils ont l'impression d'être seuls au monde, comme s'ils ne restaient plus qu'eux deux sur la terre. Et pourtant ni l'un ni l'autre ne parle. Ils regardent droit devant eux, sans se jeter un coup d'œil. Minho aimerait affirmer que cette situation n'est pas pesante mais il ne peut pas se leurrer, il déteste entendre le bruit du vent plutôt que la voix enjouée de son compagnon.

Cette absence de dialogue le rend nostalgique d'une époque maintenant révolue. Des songes viennent se nicher dans son esprit, sans qu'il ne s'en rende vraiment compte.

Il revoit ces soirées chaudes, Jeongin et lui, perchés sur les murailles du château, sous le clair de lune. Ils avaient pour habitude de sortir de leur chambre au beau milieu de la nuit, se rejoignant ensuite pour observer les étoiles et discuter de longues heures. Ils se connaissent depuis le berceau, son ami est le fils du bras droit de son père, alors leurs années d'insouciance, ils les ont passées ensemble, entre rire et chamaillerie. Cela les avait inévitablement rapprochés, on disait souvent d'eux qu'ils étaient des frères inséparables, l'un n'allait pas sans l'autre. Et pourtant, cette relation n'avait pas duré, il y a un an elle s'était effritée. Minho n'en connait pas les raisons, il faut dire que Jeongin lui a en quelque sorte imposé cet éloignement.

Du jour au lendemain, le blond avait créé une distance entre eux, avait dressé un mur. Il n'avait pas drastiquement coupé les ponts, non, il avait simplement arrêté de suivre le prince partout où il allait. Il avait arrêté de rire à ses blagues et de renchérir avec son air taquin. Il continuait de lui sourire, d'être gentil avec lui, de lui être serviable, mais à présent cela semblait plus être par obligation. Bien qu'il ait continué d'affirmer qu'ils étaient toujours amis, Minho remarquait ses expressions tristes, empreintes d'une gêne qu'il ne lui avait jamais connu.

Malgré ça, lorsque le noiraud avait dû choisir son compagnon de voyage, il n'avait pas pensé une seule seconde à un autre que Jeongin. Parce qu'il avait toujours su que c'était avec lui qu'il voulait accomplir ce à quoi il était destiné. C'était Jeongin ou personne d'autre. Alors il avait fallu jouer des pieds et des mains pour le convaincre, le supplier, lui demander encore et encore de l'accompagner.

Après un mois de négociation, le plus jeune avait fini par accepter. C'était à contre-cœur, Minho le savait, pourtant il n'avait pu s'empêcher de ressentir une joie immense face à la réponse positive qu'on lui offrait.

Minho?

Il sort de sa rêverie lorsque la voix de Jeongin prononce son nom. Ce dernier attire son attention sur un éclaircit entre les arbres, pointant un espace dégagé de son index. Minho tourne alors le regard vers une petite clairière, visible à travers les branches sèches qui obstruent légèrement le passage vers l'ouverture. Ils peuvent entendre les clapotis d'un ruisseau en arrière-plan, ce qui finit de les convaincre de prendre cette direction. Jeongin ouvre la marche, son cheval slalome entre les chênes, se faufile entre les buissons, puis atteint enfin la clairière, éclairée des reflets dorés du couché de soleil.

Le lieu est à couper le souffle. De petites fleurs blanches tapissent l'herbe qui se mélange à une mousse fine et claire, tandis qu'un large filet d'eau glisse au milieu de ce paysage. Tout autour, des roseaux ont poussé, prenant racine aux creux de rochers qui bordent ce semblant de rivière.

On devrait installer notre camp ici, propose Jeongin, la nuit ne va pas tarder à tomber et aura un point d'eau à proximité.

Minho est du même avis, ils auront une bonne visibilité ici, ce n'est pas un point à négliger si un danger s'approche dans la nuit. Et puis il faut dire que le lieu est charmant, l'envie de s'y reposer est tentante. Il descend donc de sa monture, heureux de pouvoir se dégourdir les jambes. Ses poumons se gonflent d'air, inspirant le plus profondément possible, avant de tout relâcher pour détendre ses muscles. Le prince se sent bien ici, apaisé. Il voit Jeongin, s'avancer vers le ruisseau, lui aussi les traits détendus. Cette clairière a le don de bercer les esprits, tout semble plus léger ici.

Jusqu'à ce qu'un cri déchire ce calme suprême.

Minho ! Viens voir, vite !

La voix de Jeongin est montée dans les aigus, c'est elle qui a brisé le silence. Dans des pas précipités, le nommé rejoint le plus jeune au bord du ruisseau, les sens en alerte. Il se demande ce que son ami a pu voir pour s'exclamer ainsi avec inquiétude.

Ses yeux s'écarquillent lorsqu'il comprend. Le corps du blond tremble, il est figé devant une forme immobile qui gît dans l'eau. Un homme aux cheveux d'un roux incandescent est inconscient, au milieu de roseaux noyés. Ses bras se font balloter par les ondulations aquatiques, tandis que sa chevelure s'éparpille comme un soleil à la surface du liquide transparent.

Ni une, ni deux, Minho se retrouve à l'eau, son bassin maintenant immergé. Le courant n'est pas très fort, mais assez pour rendre son avancée gauche et incertaine. Cependant, cela ne le ralentit pas, il est aveuglé par cette silouhette qui à le visage rivé vers le fond de la rivière. L'inconnu est sûrement déjà mort noyé mais le noiraud ne peut se résigner à laisser son corps dépérir ainsi.

Qu'est ce que tu fais? s'étrangle Jeongin.

Je le sors d'ici!

Minho fronce les sourcils en lançant sa réponse, perturbé par la réaction de son ami. Il ne lui jette pas un regard, trop concentré sur le — possible — cadavre devant lui. Pourtant il sent son regard terrifié lui brûler le dos, Jeongin est dans une panique totale.

Et si c'était un piège? Il va peut-être te sauter à la gorge dès que tu seras assez proche de lui!

Le prince ne l'écoute plus, les avertissement du plus jeune sont dérisoires. Alors au lieu de s'arrêter comme le préconise son compagnon, il rejoint le jeune homme inconscient et le fait glisser vers lui une fois qu'il peut agripper sa chemise blanche gorgée d'eau. Il entend Jeongin s'agiter derrière lorsqu'il tire le corps hors de l'eau, et l'étend sur l'herbe encore chauffée par les rayons de soleil.

Son corps est glacé, beaucoup trop pâle pour qu'il soit en vie. Minho est accroupi à ses côtés, il n'a pas vraiment espoir, les membres du noyé sont rigides, vides de toute vie. Mais alors qu'il allait se relever, la mine grave, il entend un infime sifflement qui passe entre les lèvres bleutées du mort.

Jeongin! Je crois qu'il respire! Fais un feu vite, il faut le réchauffer!

Sans plus attendre, le prince se précipite sur les chevaux et fait tomber les sacs dont ils étaient chargés. Il fouille quelques instants et finit par tomber sur une couverture de laine vermillon. Non loin, le blond cherche des branches sèches pour commencer un feu de camp. Minho revient alors vers le roux, se laissant tomber à ses côtés. Il déboutonne la chemise qui colle à la peau blafarde, puis la lui retire, avant d'envelopper le torse du jeune homme dans le tissu rouge. Finalement, il fait pivoter son corps sur le côté, pour l'empêcher de s'étouffer au cas où il vomirait de l'eau.

Une fois que le feu crépite au milieu de la clairière, Minho rapproche l'inconnu du feu, aidé de Jeongin qui ronchonne un peu. Il a toujours l'air sur la défensive.

Bon, tu vois, je suis encore vivant, finit par déclarer le noiraud, lorsqu'ils commencent à préparer un semblant de dîner.

Hum... ce n'était pas prudent. Ce voyage n'est pas aussi simple que tu ne le crois Minho.

Le nommé s'apprête à lui répliquer que penser de manière si pessimiste ne les aideront pas à avancer, qu'il faut toujours regarder droit devant soit sans douter. Cependant, il se fait couper par une quinte de toux et un bruit de vomissement. Les deux voyageurs se retournent instantanément vers l'inconnu, roulé en boule, les yeux révulsés, en train de régurgiter de l'eau. Puis il souffle un soupir et semble se rendormir tranquillement.

Minho fronce les sourcils, inquiet. Il a peur pour la survie du jeune homme, cependant il ne peut rien faire de plus qu'attendre son réveil autour du feu. Alors il pince simplement les lèvres et ancre son regard dans celui de Jeongin, face à lui, les yeux brillant sous les flammes rougeoyantes.

On devrait aller dormir maintenant, on verra ce qu'on fait de lui demain.

Son ton est clair, le prince indique à son ami qu'il ne compte pas le laisser mourir à petit feu. Il repousse simplement cette discussion qui s'annonce houleuse à plus tard, car il sait qu'ils ont tous les deux besoin de repos après cette première journée.


══ஓ๑♚๑ஓ══


Minho à l'impression qu'on lui enfonce un tison brûlant à travers les côtes. La douleur dans son dos l'empêche de respirer, sa respiration résonne en une cacophonie désynchronisée.

Ses yeux s'ouvrent brusquement sur l'aurore, il est conscient qu'il étouffe, le manque d'air vient de le tirer de son sommeil. Ses mains tentent d'agripper une prise qui le ramènerait à la réalité mais elles ne rencontrent qu'une poignée de terre et des brindilles d'herbe. Où est son lit ? Pourquoi n'est-il pas au château, dans sa chambre ?

Un visage apparaît soudainement, au dessus du sien. Il est pâle, teinté des éclats sinistres des braises qui s'amenuisent, à quelques pas d'eux, cachés dans le foyer du feu. Décorés d'un sourire indéchiffrable, les traits de l'inconnu dansent dans ses prunelles, Minho en est terrifié.

Son regard est attiré plus bas, vers la main de cette silhouette menaçante. Quelque chose brille entre ses doigts, un reflet métallique qui ne pourrait tromper personne, une lame.

Le prince aimerait crier, se débattre, et pourtant rien ne sort. Il n'est plus maître de son corps, simplement spectateur de sa future mort.

Qu'est ce que tu fais ?!

Le visage disparaît de son champ de vision lorsque Jeongin l'écarte, les cheveux en bataille, les yeux lançant des éclairs. Le blond est maintenant au sol, assis sur un jeune homme roux au visage angélique. Un couteau est placé sous sa gorge, prêt à la lui trancher au moindre faux pas.

Je répète, gronde Jeongin, qu'est ce que tu essayais de faire ?

Le jeune homme sourit tendrement, aucunement perturbé par la situation délicate dans laquelle il se trouve.

Minho à bien choisi son compagnon, tu es quelqu'un en qui il peut faire confiance, pas vrai ? Regarde toi sauter au cou du premier venu qui l'approche. Tu ne devrais pas être aussi méfiant tu sais.

Le plus jeune appuie son genou entre les côtes de son interlocuteur, pour le dissuader de continuer ses provocations. Ce dernier pousse une plainte douloureuse avant de rire légèrement à travers un souffle court.

Si tu ne veux pas mettre en colère Gaïa, je te conseille de me lâcher. Elle n'apprécie pas trop qu'on malmène ses anges.

En entendant ces paroles, Minho reprend immédiatement ses esprits. Si le nom de la déesse est prononcé, c'est qu'il est sur la bonne voie.

Jeongin, laisse le.

Il se relève péniblement puis s'approche des deux belliqueux avant de tendre une main au roux. L'autre l'accepte avec une mimique douce, toujours empreinte d'une lueur taquine mais loin d'être malveillante.

Maintenant que je peux me présenter correctement, toussote-t-il, je suis Jisung, un ange envoyé par Gaïa pour vous faire passer la première épreuve.

Le jeune homme n'a plus rien avoir avec ce qu'il était quelques heures auparavant. Ses cheveux incandescents sont parfaitement coiffés et encadrent harmonieusement son visage. Sa peau est à présent couleur miel, ses lèvres pleines et rosées. Il parle avec confiance. Il n'y a pas de doute, avec ses airs de chérubin on peut y voir là un signe de sa divinité. Le noiraud s'agenouille instantanément devant lui, baissant la tête en signe de respect.

Je suis prêt à réussir l'épreuve imposée par la déesse, dites moi ce que je dois faire et je l'accomplirai.

Lève toi Minho, fils de Lapis, tu as déjà rempli cette tâche.

Ce dernier relève instantanément les yeux et déplie ses genoux pour faire face à Jisung, le regard perdu. Quand avait-il passé l'épreuve ? Il n'en avait aucun souvenir.

Prends, continue l'ange en tendant sa main vers le prince, cette broche prouve que tu es doté de compassion, en me sauvant malgré le danger que je pouvais représenter, j'ai pu en être témoin. Lorsque tu seras de retour à Opale, montre là aux autres royaumes, cela les obligera à te reconnaître cette qualité.

L'envoyé de Gaïa fait glisser une petite épingle — qu'il avait précédemment pris pour une arme — décorée d'une rose argentée au creux de sa paume. Un topaz trône au cœur de la fleur, étincelant comme un soleil.

A présent la route vous attend, ne tardez pas si vous ne voulez pas vous faire devancer, clame l'ange avant de se volatiliser.

Le soleil pointe le bout de son nez entre les arbres, les oiseaux sont eux aussi levés. Jisung a raison, si Minho doit faire ses preuves, il n'y a pas de temps à perdre.


══ஓ๑♚๑ஓ══


Minho connaît bien la cascade qui se dresse devant lui, elle est l'emblème de son royaume. Avec Jeongin, ils sont à présent de retour à Lapis dans les terres montagneuses, en altitude. Après que Jisung ait disparu de la clairière, la bague s'est mise à frémir et les a guidés jusqu'ici, sur ce terrain rocailleux et humide.

Le prince est déjà venu ici, ce paysage est difficilement accessible mais il est considéré comme le sanctuaire de Gaïa à Lapis. C'est un passage obligé pour la famille royale. C'est ici que les premiers habitants de son peuple ont construit une cité, leur civilisation découle de ces roches aux reflets indigos. Aujourd'hui il ne reste rien de cette ancienne ville, les lieux ont été abandonnés il y a des siècles et les ruines balayées par les vents et l'eau. C'est un paysage de désolation qui symbolise pourtant le renouveau, car à Lapis l'eau donne et l'eau reprend. Un peuple s'est installé aux creux de la cascade pour finalement partir et évoluer autour des rivières qui en découlent en aval.

Minho...

Le nommé sursaute en entendant son nom murmuré sous ces plaintes aquatiques. L'eau qui dévale la montagne face à lui, résonne dans un brouhaha sauvage qui lui donne mal au crâne. Pourtant, au milieu de ce vacarme assourdissant, il lui semble que la bruine fine qui l'enveloppe l'appelle.

Minhoooo.

Cette fois il en est sûr, il n'invente pas cette voix qui ruisselle à son oreilles. Il peut aussi sentir sa bague répandre une douce chaleur autour de son doigt, elle lui confirme qu'il ne s'est pas trompé de chemin.

Tu as entendu ? demande le prince à Jeongin.

De ?

Minho !

Cette fois, le ton se fait plus cassant, coupant. On l'attend, les voix se font impatientes, il le sait. Elles lui hurlent de se rapprocher de la cascade.

Là ! Tu les as entendu pas vrai ?

Minho, de quoi tu par-

Les cris se font de plus en plus pressant, le noiraud sent son cœur battre de plus en plus vite. Il doit les écouter, elles doivent cesser de tambouriner en lui. Il doit rejoindre la cascade.

Où est-ce que tu vas ?

Le prince ne prend même pas la peine de répondre à la question de Jeongin. Il est déjà à quelques mètres de lui, les vêtements trempés sous les éclaboussures de l'eau. Il s'approche du bassin où se déverse la chute puis s'y enfonce dedans. Le liquide translucide est glacé, sa peau est transi. Mais il continue, il avance alors que son compagnon tente tant bien que mal de le suivre.

Et finalement Minho se laisse submerger par le torrent vertical qui s'abat sur ses épaules. L'eau se dépose sur chaque parcelle de son corps, tandis qu'il continue sa traversée sous ce déluge. Après quelques secondes qui lui semblent interminables, il franchit enfin la cascade et se retrouve sous une voûte de pierres blanches, brillant comme des milliers de cristaux.

Te voilà, Minho, fils de Lapis.

Pas de doute, ce timbre appartient à un envoyer de Gaïa. Les échos de ses mots se répercutent contre les parois lumineuses, l'ambiance est irréelle. Le prince n'aurait jamais deviné qu'un tel sanctuaire se trouvait ici.

Approche, ne perds pas ton temps à observer ce lieux, ce royaume sera peut-être bientôt le tien, tu auras tout le loisir d'en explorer sa beauté.

Minho baisse les yeux vers la silhouette d'un jeune homme au fond de la grotte. Il porte une grande tunique noir et ses cheveux de la même couleurs sont coiffés d'un demi chignon. Ses traits ont l'air apaisés, calmes. Tout son être respire sagesse et sérénité. Le prince ne peut que s'agenouiller devant tant de prestance.

Relève toi et accorde moi une partie, clame simplement l'envoyer .

Devant lui trône une petite table décorée d'un plateau de bois quadrillé. Minho s'assoit donc face à cet homme à l'aura si particulière, restant silencieux.

Je suis Minghao, conseiller de Gaïa. Si tu souhaites prouver ton esprit de stratège à la déesse, tu dois me battre au go. Nous savons tous deux quelle sera l'issue de cette partie, après tout tu es un fin penseur, pourtant tu ne peux échapper à cette épreuve. Montre moi ce cadeau que t'a offert Gaïa à la naissance et je te remettrai la broche. 

Bien.

Minho n'a pas besoin d'en dire plus, il est confiant. Personne ne l'a jamais égalé aux jeux de stratégie, il est un maître en la matière. Dans son dos, il peut sentir le regard de Jeongin le brûler. Son ami l'a suivi derrière la cascade mais à présent le blond sait que la suite des événements ne dépend aucunement de lui. Il peut seulement attendre que Minho fasse ses preuves.

Minghao observe le prince d'un sourire énigmatique pendant quelques instants, puis tend sa main vers ses jetons blancs et finit par en poser un sur le plateau. Cela annonce le début de la partie. Minho fait à son tour glisser une pierre noir sur le bois avant d'attendre son prochain tour.

S'ensuit alors un ballet où dansent les perles, alternant entre pions immaculés et obsidiennes. La surface brune se parent de ces joyaux, traçant des serpents qui s'emmêlent et se démêlent, avec pour seul but d'encercler son opposé et ainsi de remporter la victoire.

Minho analyse, calcule, prévoit, son cerveau brûle sous ses réflexions. Il adore ça, devoir interpréter chaque geste de son adversaire et jouer en fonction d'un avenir incertain qu'il croit deviner à travers ses hypothèses. Oui, Minho c'est un stratège né, il est dans son élément et Minghao ne peut qu'en être témoin à l'instant présent.

C'est sans surprise que la partie se termine au bout de dix minutes, laissant l'envoyer sur une défaite cuisante. Il ne s'est pas mal battu, simplement son adversaire était sur un champ de bataille qu'il ne connaissait que trop bien, il avait mené la valse du début à la fin.

On ne peut nier tes talents, tu mérites amplement ce présent.

Lorsque Minghao souffle ces mots, accompagnés d'un doux sourire, il pose une broche argentée au centre du plateau. Elle représente un œil grand ouvert, dont la pupille est signalée par une petite pierre de lapis.

Tu as dû rencontrer Jisung, tu sais donc déjà que cet objet prouve une de tes qualités. En revanche je doute qu'un seul homme d'Opale ose remettre en cause ton esprit de stratège, ta renommée dépasse les frontières de ton royaume tout comme celles de Félix et Changbin.

Merci pour cette récompense ainsi que la partie que vous m'avez offerte. Je serais ravie de vous affronter de nouveau lorsque je serai empereur, prononce enfin Minho.

Son interlocuteur ricane légèrement, toujours avec cet air apaisé sur ces traits.

Ne sois pas trop pressé de me revoir fils de Lapis, tu ne sais jamais ce qu'il se cache derrière le prochain obstacle à franchir. Tu pourrais en être bien surpris.

Soudainement la voûte s'assombrit. Les cristaux blancs qui décorent les murs se mettent à trembler, à se fissurer puis à tomber. Le bruit de la cascade reprend soudainement, encore plus violemment qu'avant. Le noiraud voit son poul s'emballer face au danger que représente maintenant la grotte. Elle semble se refermer sur elle-même.

Devant lui, plus aucune trace de Minghao. Non, sous ces yeux se dresse ce visage indiscernable, caché par une ombre, le même que son rêve. Il y a ce sourire à la fois triste et diabolique, ce mélange inhumain qui glace le sang du prince.

Sois prudent mon prince, ta couronne est tachée de sang.

Une douleur vive s'empare de lui, là, au creux de son dos. On le poignarde par derrière, il le sent. Son assassin se trouve devant ses yeux mais il ne peut rien faire, il n'y a personne pour se protéger, pas même lui.

Où est Jeongin? S'est-il lui aussi fait tuer avant même que Minho ne puisse s'en rendre compte. Que se passe-t-il ? Que fait-il ici ? Où est la couronne ? Quelle couronne d'ailleurs ?

Gaïa, t'avertit, sois lui reconnaissant, tu es son favori. Ne gâche pas tout cher petit Lapis...

Puis le vide total, le néant. Minho n'est plus rien, il disparaît de sa propre réalité.

══ஓ๑♚๑ஓ══

Un douce brise vient caresser le visage de Minho tandis que ses yeux papillonnent. Il peut entendre un feu crépiter non loin de lui. C'est doux...

Son corps se tend lorsqu'il sent un sensation fraîche et humide se répandre sur son front. Ses paupières sont maintenant ouvertes, la lumière l'aveugle instantanément. Un léger gémissement lui échappe, il se sent engourdi.

Chut, tout va bien.

Il aime cette voix, elle lui manque. Il aime aussi ces traits qui se balancent au-dessus de lui. Ces yeux étirés, ces lèvres rosées et ces fossettes adorables. Il tend inconsciemment une main vers les mèches de blé qui sont inondées de soleil. Qu'il est beau, Minho a l'impression d'avoir oublié ce visage à force de l'éviter. Continuer de l'observer lui aurait fait trop de mal, il y a un an il s'était promis de ne plus se perdre sur cette peau tentatrice. Et pourtant aujourd'hui elle l'appelle.

La pulpe de ses doigts rencontre les pommettes sèches de Jeongin, il sent son épiderme contre le sien, c'est une sensation tellement délectable. Il doit rêver, il est peut-être même mort et se trouve maintenant au paradis. Il veut y rester pour toujours.

Sa main droite se dirige petit à petit vers le bas de son visage, vers cette bouche pécheresse. Il attend que Jeongin réagisse, qu'il fasse un mouvement qui lui signifie qu'il n'est pas une illusion de son esprit ensommeillé. Pourtant rien ne bouge, tout reste figé, seule sa paume descend encore et encore, dans une lenteur exaltante. Puis finalement son pouce frôle la lèvre inférieure du blond, comme une caresse volatile, un désir interdit.

Minho... s'il te plaît lâche moi.

Les bras du prince se font attraper par deux mains chaudes qui les ramènent vers son corps. Le mouvement est bienveillant mais cache aussi un certain inconfort. Minho n'a pas la force de lutter contre ce rejet, sa tête tourne et la lumière est trop vive. Il sent de nouveau la sensation froide sur son front et soupire d'aise. Ses yeux se ferment petit à petit tandis que Morphée le ramène à son berceau.

══ஓ๑♚๑ஓ══

Tu es enfin debout ? demande Jeongin en apercevant Minho qui se lève péniblement.

Ce dernier à l'impression de sortir d'un long rêve tourmenté. Autour de lui s'étendent des plaines émeraudes et des champs colorés. Ils sont sur une colline, en contrebas il peut y voir des petits villages ponctuer ces aplats de couleurs chatoyantes. Le ciel est dégagé, quelques nuages pointent à l'horizon mais rien de très menaçant. C'est magnifique.

On est entre Topaz et Grenat, je ne saurais pas trop te dire de quelle côté de la frontière précisément pour être honnête.

Jeongin a dû comprendre que son ami est encore trop déboussolé pour parler, alors il préfère lui expliquer les choses, pour qu'il assimile la réalité qui l'entoure.

Tu t'es soudainement évanouie après avoir récupéré la broche de la stratégie. Minghao m'a conseillé de partir des montagnes pour ne pas perdre de temps. Il m'a aidé à t'attacher à ton cheval et ta bague m'a guidé.

Minho cligne des yeux, cette situation lui paraît impossible.

Combien de temps est-ce que j'ai dormi?

Presque deux jours, répond Jeongin en pinçant les lèvres. Tu dois avoir faim, viens manger.

D'un geste de la main, il invite le noiraud à le rejoindre près du feu où cuit ce qui semble être une pintade. Le plus jeune a vraisemblablement prit l'initiative de chasser, le temps que Minho se remette sur pied.

Alors qu'il s'assoit, un morceau de viande maintenant en bouche, le prince réfléchit à toute allure. Il prend maintenant conscience du temps qu'il a perdu en dormant autant de temps et ça ne lui plaît guère. Plus il accomplira vite ce voyage, plus il aura de chance d'être choisi par Gaïa. Il a à présent un gros désavantage.

Minho...

Le blond le scrute avec ses longs yeux aux pupilles de jai. Ses dents agrippent sa lèvre inférieure, comme s'il avait peur de laisser s'en écouler des mots.

Tu as beaucoup rêvé, tu sais...tu parlais dans ton sommeil.

Minho se tend instantanément. Il a peur de savoir de quoi Jeongin parle.

Tu avais l'air de souffrir, d'agoniser presque. Et tu m'appelais aussi, finit-il par chuchoter.

Sa voix tremble, ses yeux sont tristes. Il cherche dans les yeux glacés de Minho une réponse. Il a peur de ce qu'il peut y trouver mais il a besoin de savoir.

Est-ce que je te faisais du mal dans ton rêve?

Le prince fronce les sourcils. Il n'aime pas la tournure de cette conversation. Il ne veut pas que Jeongin s'inquiète pour de simples rêves, aussi réalistes et douloureux soient-ils. Il a l'air suffisamment préoccupé depuis le début du voyage pour qu'il lui rajoute des inquiétudes en plus. Et puis sa question est insensée, Jeongin est la dernière personne qui pourrait agir comme l'inconnu de son rêve.

Aussi... le plus jeune hésite de nouveau, d'autant plus qu'avant, tu étais très tactile. Un silence prend place avant qu'il ne reprenne confus. Je... oui enfin non, la fièvre devait te faire délirer.

Et là Minho comprend d'où vient ce ton peu assuré. Il se souvient maintenant de ce doux rêve ou Jeongin était penché sur lui, ses mains à son visage. Ce n'était pas un songe, c'était réel.

Ses joues s'empourprent de gêne, il est le pire des idiots. Si le blond est inquiet de l'avoir fait souffrir, c'est que Minho lui a révélé indirectement qu'il lui manquait. Ce n'était pas de blessures physiques dont il parlait, non, il mentionnait les blessures du cœur. Celles un peu moins visibles, qui se nourrissent de la détresse des âmes en peine pour ne jamais cicatriser.

Jeongin, je suis désolé, je ne savais pas ce que je faisais. Tu as raison, la fièvre à dû me faire halluciner.

Le nommé hoche la tête pour confirmer ses dires. En faisant ça, ils se mettent tous les deux d'accord pour oublier cet épisode et ignorer la nostalgie du passé.

Jeongin se racle la gorge pour chasser la discussion et changer de sujet.

Notre prochaine destination est le village en contrebas, c'est ce que la bague indiquait. Si tu as assez récupéré, on peut se mettre en route dès qu'on aura fini de manger.

Le soleil est à son zénith, le plus jeune à raison, ils ont la journée pour passer la troisième épreuve et se mettre en route pour la suivante. Avec un peu de chance ils pourront rattraper leur retard.

Minho enfourne la fin de son repas dans sa bouche avant de se relever rapidement. Avec des gestes précipités, il remballe leurs affaires et les charge sur les chevaux. Jeongin le regarde faire tout en l'aidant, beaucoup moins pressé cependant. En quelques minutes ils se retrouvent à descendre la colline, laissant leurs montures galoper à travers l'herbe verte.

Sous les sabots qui foulent le sol terreux, le trajet se fait rapidement. Le village s'approche peu à peu, dévoilant des maisonnettes en bois décrépi. Les nuages en profitent pour venir lécher les rayons du soleil, diminuant la luminosité qui s'étend sur les plaines. Minho ne pensait pas que le ciel se couvrirait si vite mais le vent souffle fort, emportant les formes cotonneuses dans son sillage. Ce n'est pas plus mal, la chaleur de l'astre commençait à lui donner mal à la tête.

Ils sont maintenant devant la première maison, l'herbe s'est transformée en une terre ocre et sèche. Les habitations se situent à quelques mètres les unes des autres, sans schéma spécifique. Les lieux sont vides, sans aucun signe de vie, comme si le village avait été abandonné. L'ambiance est lugubre, le vent s'est levé et paraît soufflé des avertissements aux deux jeunes voyageurs.

Tu es sûr que c'est ici ? demande Minho. Il n'y a personne.

La bague pointait dans cette direction, j'en suis quasiment certain.

Le noiraud jette un coup d'œil au bijou argenté suite à ces mots. La pierre est terne, ne reflètant qu'un bleu triste, presque grisé. Elle ne semble pas prête à leur confirmer qu'ils sont bien au bon endroit.

Peut-être qu'on devrait continuer après le village, elle indiquait probablement une destination un peu plus loin, propose-t-il.

Le prince observe les façades des maisons tout en attendant la réponse de Jeongin. Il s'attend à ce que ce dernier affirme qu'il faut inspecter chaque recoin avant de reprendre la route, pour être sûr de ne pas louper l'envoyer qui s'y cache sûrement. Mais Minho ne se voit pas rester ici trop longtemps, il ne veut pas perdre de temps. Les épreuves précédentes se sont montrées d'elles mêmes, ce n'est pas une chasse au trésor.

Cependant, au bout de quelques secondes aucune protestation n'est lancée, il n'entend d'ailleurs plus les sabots du cheval de son ami.

Jeongin ?

En se retournant, il ne trouve personne. L'allée qu'ils ont empruntée est déserte si on omet Minho et les deux montures.

Jeongin !

Le plus vieux se met à l'appeler tandis qu'une vague d'angoisse s'abat sur lui. Le blond n'a pas pu disparaître ainsi, ce n'est pas normal. C'est comme s'il s'était volatiliser, n'avait peut-être même jamais existé.

Soudain, la terre se met à gronder, faisant trembler le gravier fin. Le bois des habitations se met à craquer, elles menacent de s'effondrer. Les oiseaux, nichés dans les arbres ou sur les toits, s'envolent dans des cris aigus. Puis tout s'arrête brusquement, le silence reprend sa place, simplement rythmé par le vent qui chante encore.

Un cri déchire tout à coup cette accalmie. Le cœur de Minho se fige, avant qu'il ne se précipite vers sa source, une maison à quelques pas de lui. Des pleurs résonnent à ses oreilles, laissant son sang se glacer.

Jeongin ?!

Il ne sait pas s'il l'appelle ou s'il lui assure qu'il arrive, qu'il se précipite vers ces plaintes pour lui venir en aide. D'un coup d'épaule sec, il ouvre la porte derrière lequel se trouve — il l'espère — son ami. Quelle n'est pas sa surprise lorsqu'il tombe nez à nez avec non pas une mais trois personnes.

Bienvenue petit Lapis, je suis Ryujin, surnommée "la harpie de Gaïa".

Devant Minho se dresse une femme à la peau d'ivoir et aux cheveux d'argent. Elle lui offre un sourire carnassier, bien trop effrayant pour que cela ne rassure Minho. Derrière elle, il peut voir Jeongin allongé au sol, au fond de la pièce. Non loin de lui, une petite fille est endormie dans les mêmes circonstances.

Ryujin semble capter le regard du prince puisqu'elle reprend :

La troisième épreuve n'est pas la plus tendre, vous devez me prouver votre sens de la justice. Pour ce fait, Gaïa à décidé de vous confronter à un dilemme.

Pardon ?

Minho écarquille les yeux, ayant peur de comprendre. Il n'est pas stupide, voire même un peu trop intelligent, il a une idée de ce que va lui demander la femme aux mèches argentés.

Minho, vous allez devoir choisir qui des deux humains ici présents ressortira de cette maison vivant. Vous avez précisément cent secondes pour vous décider, sinon ils mourront tous les deux.

Avant même qu'il ne puisse protester, elle claque des doigts, réveillant ainsi les deux victimes de son épreuve. Jeongin inspire violemment lorsque les yeux s'ouvrent, comme s'il avait été en apnée pendant trop longtemps. Minho n'attend pas une seconde de plus et se jette à son cou, dépassant Ryujin sans lui lancer un regard.

Jeongin ! Est ce que ça v-

J'ai tout entendu Minho, tu n'as pas de temps à perdre, sauve là, prononce le blond en désignant la petite fille à ses côtés.

Cette dernière est perdue, ses joues sont barbouillées de pleures et ses lèvres maltraitées par ses dents. Elle souffle des "s'il vous plaît" quasi inaudibles, sa trachée est compressée par la peur.

Mais- rétorque le prince, sentant lui aussi les larmes lui monter.

Non Minho, ne pense même pas à me choisir. La voix de Jeongin tremble. Cette épreuve est là pour tester ton sens de la justice, réfléchis bien. Ma vie compte moins que celle d'un enfant, elle a encore tellement de choses à vivre.

Et toi ? s'exclame le plus vieux. Tu n'as que dix-sept ans !

Et elle en a à peine six !

Jeongin s'est mis à crier, ses mots résonnent comme des éclats brisés. Il a peur, c'est indéniable. Il n'a pas envie de mourir, il est terrifié à l'idée de disparaître ainsi. Et pourtant, c'est la seule solution, il le sait mieux que quiconque. Il doit mourir, maintenant ou bien des malheurs arriveront à Minho.

Ecoute moi, chuchote-t-il alors qu'une larme dévale sa pommette, tu rêves de devenir empereur depuis ta naissance, c'est ton destin. Je ne veux pas être celui qui gâchera ce pourquoi tu es né. Ne me laisse pas être celui qui détruira ta vie s'il te plaît.

A présent, l'enfant crie et pleure, hurlant qu'elle ne veut pas mourir, appelant sa mère. La tête de Minho tambourine, son corps tremble, il n'arrive plus à suivre. Il est perdu, le choix lui est impossible. Jeongin à raison, il doit choisir la petite s'il veut passer l'épreuve, Gaïa est en train de tester ses limites, voire jusqu'où il est prêt à aller pour le titre d'empereur.

Plus que vingt secondes, tonne Ryujin dans son dos.

Sans réfléchir, le blond attrape le visage de Minho entre ses mains. Ses yeux expriment toute sa détresse ainsi que sa détermination. Son nez s'approche de son homologue, tandis qu'il colle son front à l'autre. Le prince peut sentir son souffle chaud sur ses lèvres, finissant d'achever définitivement son cerveau.

Si tu savais comme je t'ai aimé... Les moments passés avec toi ont été les plus doux de ma vie, je ne regrette rien. Mais parfois les choses nous échappent, on ne peut pas lutter contre des forces plus grandes que nous. Alors laisse moi partir maintenant, pour toi comme pour moi, c'est la meilleure des choses à faire.

Et il écrase ses lèvres sur celles du noiraud, laissant leurs peaux se retrouver d'une manière bien trop tentatrice. Le sel de leurs larmes se mélange à ce triste baiser. Leurs bouchent se lient, se caressent, dansent. C'est une symphonie sinistre qui se joue entre eux, et pourtant c'est tellement beau, cet éclat d'amour dans cet océan de peine. C'est un souffle de vie avant que la mort ne laisse sa trace.

Trois secondes.

Minho se retourne vers Ryujin, ses yeux brûlant d'une détermination nouvelle. Il a sa réponse, il n'a plus le loisir d'hésiter, il sait exactement ce qu'il doit faire.

Laissez Jeongin vivre.

Le cœur à ses raisons que la raison ignore, cette phrase est le reflet d'une réalité bien trop présente à cet instant. Le prince a choisi avec ses sentiments, aucune pensée rationnelle n'a été maîtresse de ses réflexions.

Ses yeux se ferment lorsqu'il entend un râle de douleur derrière lui. Un bruit sourd cogne contre les murs, informant Minho que l'enfant vient bel et bien de succomber. Il n'ose pas la regarder, la culpabilité est bien trop forte pour qu'il s'en sente capable.

Ryujin s'approche de lui, ses yeux sont bien plus doux à présent. Elle passe une main dans les cheveux de jai du prince, avant de le prendre dans ses bras doucement.

Ce n'était pas une décision simple, je sais. Vous vous en êtes très bien sorti, murmure-t-elle.

Minho sent ses doigts fins se faufiler vers les siens, tandis qu'un objet froid rencontre sa paume.

La broche est à toi, tu as réussi l'épreuve.

Quoi ?

L'envoyé lui sourit, attendrie par sa moue d'incompréhension.

Vous savez Minho, chaque vie à son importance, on ne peut en mesurer la valeur. Il n'aurait pas été plus juste de tuer Jeongin plutôt que cette petite fille. En revanche, vous auriez échoué si vous n'aviez pas pris de décision à temps ou si vous aviez tenté de me tuer.

Le prince hoche seulement la tête, coincé entre la joie intense de pouvoir continuer son voyage et une tristesse immense face au décès d'une innocente. Aujourd'hui, Gaïa lui a fait une démonstration de sa cruauté, cette facette tant crainte par les hommes.


══ஓ๑♚๑ஓ══

Minho et Jeongin ont quitté le village depuis un moment. D'après la bague ils sont maintenant proches de la prochaine épreuve. Cependant, la nuit est tombée, ce qui les a forcés à établir leur camp à côté d'un petit étang, protégé du vent par de gros rochers.

Ils sont silencieux, chacun plongé dans leur réflexion, le plus vieux en train d'observer une broche en forme de glaive, sertie d'une améthyste. L'un est encore choqué d'avoir frôlé la mort et l'autre est pris de doute.

Oui, Minho doute. Ça ne lui arrive que très rarement, c'est un homme sûr de lui, conscient de ce qu'il désire et toujours prêt à agir pour atteindre ses objectifs. Et pourtant, sous le ciel étoilé, il se demande si tout cela à vraiment un sens.

Il y a quelques heures, il pensait avoir renoncé au titre d'empereur pour sauver la vie de son compagnon. Il y a quelques heures, il avait tourné le dos à son destin. A présent, il se rend compte que ça n'a jamais vraiment été sa priorité. Avant Opale il y a toujours eu Jeongin.

Pourquoi tu m'as choisi moi ? demande soudainement le blond, le visage dessiné par les flammes de leur feu de camp.

Il est apparemment sorti de ses pensées puisqu'il observe maintenant Minho, décidé à avoir une réponse.

Parce que je ne pouvais pas te laisser mourir, souffle le prince.

Tu aurais dû !

Minho fronce les sourcils face à sa réaction.

Non, tu comptes bien plus que n'importe quelle vie pour moi. Et puis on a passé l'épreuve, pourquoi tu t'énerves?

Parce que tu as préféré me sauver plutôt que ton titre d'empereur merde ! La prochaine fois ça sera quoi ? Tu te feras poignarder à ma place ?

Sous la lueur orangée, les yeux du plus jeune brillent d'émotion. Minho ne peut s'empêcher de venir l'enlacer, comme lorsqu'ils étaient plus jeunes, il sent que sa colère n'est pas réellement dirigée vers lui. Il est bien conscient que cette épreuve a laissé une blessure invisible à Jeongin, il ne peut pas le laisser seul face à ses angoisses.

Promets moi de toujours te faire passer en premier. Tu es bien trop important pour t'oublier en moi Minho, prononce le blond contre son épaule.

D'accord, je te le promets. Maintenant tout va bien ne t'inquiètes pas.

Je suis sérieux...

Le noiraud passe délicatement ses doigts sous le menton du blond, de sorte à noyer ses yeux dans les siens.

C'est promis Jeongin.

Alors, naturellement, comme une vieille berceuse qui ne s'oublie pas, ils s'embrassent devant la lune qui les observe. Cette douce sensation leur avait tellement manqué. Leurs lèvres ont toujours su s'accorder et un an c'est bien trop long pour vivre séparé. Devant ces braises rougeoyantes, ils rattrapent le temps perdu. Leurs corps se retrouvent enfin pour valser ensemble au rythme de la mélodie de leur désir.

══ஓ๑♚๑ஓ══

Tu penses en être capable ?

Jeongin observe Minho faire tomber sa chemise, les yeux inquiets.

Ne me sous-estime pas, je serai revenu en un rien de temps, ne t'en fais pas.

Face à eux s'étend un lac recouvert d'un brouillard épais. D'après l'oracle, c'est la dernière étape du voyage, après cela, Minho pourra prétendre au titre d'empereur. Ce dernier veut vite en finir, cela fait bientôt une semaine qu'il est parti, il doit se dépêcher s'il veut respecter la promesse qu'il a faite à son père.

Il n'est plus qu'en pantalon, ses chaussures ont elles aussi été retirées. A sa hanche, son épée est maintenue par une ceinture épaisse. A une quarantaine de mètres, au milieu de l'étendue d'eau, un long pilier de bois trône, on peut y distinguer un objet flottant qui y est accroché. Minho en est certain, c'est la bouée de liège. La bague les a amenés jusqu'ici, il n'a plus qu'à récupérer les deux dernières broches et tout sera terminé.

Je suppose que je vais devoir prouver deux talents lors de cette épreuve. L'oracle à parlé de cinq qualités mais la bouée marque la fin du voyage. C'est étrange.

Le blond pose une main sur l'épaule du prince, pour le rassurer malgré ses propres inquiétudes.

Tu l'as toi-même dit, ne t'en fais pas. Sois prudent et tout ira bien.

Tu as raison.

Minho s'avance alors vers l'eau, plonge ses jambes dans le liquide vaseux et commence la traversée du lac. Rapidement, il n'a plus pied et doit commencer à nager, malgré le poids de l'épée qui l'entraîne vers le fond. Mais il s'est entraîné, son corps est bâti pour ce genre d'effort, depuis des années il forge ses muscles pour ne pas flancher. Oui, il ne faut pas oublier que Minho est un humain exceptionnel, doté d'une force psychique et physique inébranlables qui influence tout son être. L'une est innée, l'autre il l'a travaillée.

Il arrive, au bout de quelques minutes, au pilier immergé. Ses mains agrippent le flotteur en liège qui y est accroché, à la recherche des broches tant convoitées. Le prince tombe rapidement sur un petit objet en forme de tête de lion, avec un grenat dans sa gueule, planté dans le bois mou. Ni une, ni deux, il l'attrape et l'accroche tant bien que mal à son pantalon pour ne pas la perdre.

Il se met ensuite à retourner la bouée dans tous les sens pour trouver la dernière broche avant de pouvoir rejoindre Jeongin sur le rivage. Malheureusement, il a beau scruter chaque parcelle du bloc de liège, il ne trouve rien.

Hihi. Elle n'est pas ici, souffle une voix fluette. Ah ça non, vous ne la trouverez pas hihi. Elle est bien cachée, dans un endroit où seul le cœur peut voir. Vous, vous ne la trouverez jamais. Ah ça non. Jamais.

Minho sursaute lorsqu'il aperçoit à qui appartient ce timbre aigu. En haut du pilier, assise tranquillement, une petite fée se rit de lui. Ses ailes dorées contrastent avec la grisaille du paysage.

Je suis Aly, esprit de ce lieu et vous venez de me voler la broche de la robustesse, pourtant vous ne m'avez encore rien prouvé. Hihi. Vous êtes bien malpoli mon prince.

Accroché au pilier, le noiraud bat lentement des jambes tout en l'écoutant.

Je veux bien vous la laisser, mais seulement si vous revenez sain et sauf à la terre ferme. Alors là je pourrais attester de cette qualité. Hihi.

Si c'est tout ce que vous désirez, je suis prêt à accepter votre condition, répond Minho.

Vous êtes bien courageux... ce lac peut s'avérer dangereux, ne criez pas victoire trop vite.

Sur ces mots, Aly se lève en battant des ailes. Son petit corps s'envole gracilement tandis qu'elle plonge vers l'eau lisse, avant de tendre la main et de la frôler pour finalement disparaître au loin. Aussitôt, des bulles remontent à la surface, agitant le lac violemment. Le liquide se met à noircir, se transformant peu à peu en une encre couleur charbon.

Minho n'a pas le temps de se poser de question, il se met à battre des bras et des jambes pour fuir le plus vite possible. Il peut discerner Jeongin lui faire des grands signes, l'invitant à le retrouver rapidement. Pourtant, il sent ses membres s'engourdir. L'allée avait été calme mais à présent de gros courants secouent l'eau dans tous les sens, rendant la nage compliquée.

Le noiraud tente d'avancer, il voit les mètres qui le séparent du rivage diminués mais ses bras fatiguent de plus en plus. De plus, le poids à sa hanche ne facilite pas ses mouvements, il se sent couler à cause de son épée. Alors il n'hésite pas une seconde avant de défaire difficilement sa ceinture, laissant ainsi son arme rejoindre les fonds troubles de ces eaux.

Son souffle s'amenuise mais il se rapproche de son but. Il ne lâche pas, son corps le lance mais il n'a pas le droit à l'erreur, pas lorsqu'il ne lui reste que quelques mètres. S'il s'arrête une seule seconde, il sait que les courants pourraient l'entraîner vers une mort certaine. Une voix interne lui hurle de continuer, il est si près du but, son rêve est à portée de main.

Mais son corps ne suit plus, sa vision se teinte de tâches sombres dues à un trop plein d'efforts qu'il ne peut plus fournir. Ses muscles se détendent peu à peu, tandis qu'il sent son corps s'effacer dans le lac.

Avant que sa tête ne se fasse engloutir, il se fait tirer violemment vers l'avant par une poigne puissante. Inconsciemment il sourit, d'autant plus lorsqu'il sent deux bras chauds passer dans son dos et sous ses jambes pour le porter hors de l'eau.

Ses yeux s'ouvrent doucement pour observer le visage de son sauveur qui n'est autre que Jeongin, dont la poitrine se soulève rapidement.

Merci, murmure le plus vieux.

Chut, repose toi, tu t'es bien débrouillé. C'est fini maintenant, chuchote-t-il d'un air mélancolique.

Minho est trop fatigué pour relever le ton de sa voix. A la place il se laisse bercer par ce corps chaud contre lui, se délectant de la proximité qu'il a avec son amant. Et puis finalement il s'endort dans ses bras, comme il en a rêvé pendant des nuits.


══ஓ๑♚๑ஓ══

Minho se réveille peu à peu sous la chaleur d'un feu qui illumine ses paupières. L'air est frais ce qui le fait frissonner lorsqu'elle caresse son torse dénudé. Ses yeux s'ouvrent sur Jeongin, endormi face à lui, recroquevillé sur lui-même. Au loin, il peut entendre une douce mélodie, celle des vagues qui s'écrasent sur le sable. Ils doivent être à Grenat, c'est le seul des trois territoires d'Opale qui borde la mer.

Il se lève péniblement, attrape sa chemise que son amant a étendu près des flammes et l'enfile avant de se diriger vers la plage qu'il perçoit faiblement dans le noir de la nuit. Ses orteils se mélangent au sable, lui procurant un soupir de plaisir.

Minho il n'a jamais vu la mer. Il n'a d'ailleurs jamais quitté Lapis avant son voyage. Il ne connaissait cette plaine iodée qu'à travers les livres qu'on lui a fait lire.

Malgré le ciel sombre, il trouve ça magnifique. La lune se reflète sur les ondulations de l'eau tandis qu'une brise rafraîchissante taquine ses narines. Il aurait presque envie de pleurer face à ce paysage éthéré, et pourtant une boule persiste dans sa gorge, l'empêchant de profiter de cette émotion subjuguée. 

En effet le prince n'est pas apaisé à l'instant présent. Il est même anxieux. Cette histoire de cinquième broche l'inquiète, il ne l'a toujours pas récupéré, pourtant son périple est censé être terminé. Sa bague ne lui a pas indiqué de nouvelle destination, elle est vide de toute éclat. Alors il se questionne, il se demande si une dernière épreuve l'attend, s'il sera prêt à l'affronter si un envoyé le prend par surprise.

Ça te plait ?

Minho se retourne pour rencontrer les prunelles de Jeongin. Il le regarde avec des yeux tristes et pourtant tellement beaux. Ses cheveux semblent blancs sous la lumière de la lune, il est magnifique.

Oui, beaucoup, souffle le noiraud, le regard de retour vers la mer.

Je voulais que tu vois ça avant que tout ne se termine, tu m'avais tant parlé de ce paysage que tu souhaitais voir de tes propres yeux.

Un sourire prend place sur les lèvres de Minho en entendant ses mots. Jeongin s'est donc chargé de les amener ici, lorsqu'il était dans un sommeil profond. Il ne pensait pas cela possible mais il l'aime d'autant plus à cet instant. Son cœur fleurit sous ses attentions.

Quand je serai empereur, je te ferai construire une maison en bord de mer.

Je ne pense pas que ce soit nécessaire.

Le plus jeune est maintenant à ses côtés, à observer le profil de son prince. Sa main se glisse entre ses doigts avant de les serrer fermement, comme s'il avait peur qu'il s'en aille.

Minho... la voix de Jeongin est enrouée. S'il te plaît, tue moi...

Cette phrase résonne comme un souffle, un murmure inaudible dans le vent marin. Les vagues se sont tues sous cette supplication, laissant le temps s'arrêter sous leur silence. A présent Minho peut voir les larmes qui mangent les joues de son compagnon, ce sont des cascades de douleur.

Je t'en supplie, tu me l'as promis.

Qu... qu'est ce que tu racontes ?

Tu m'as juré que tu ne t'oublierais pas en moi, que tu te ferais passé avant ! s'écrie Jeongin en proie à une panique destructrice. S'il te plaît.

Le noiraud attrape le plus jeune par les épaules avant de le secouer pour le ramener à ses esprits. Il ne comprend plus rien, il ne reconnaît pas cette personne face à lui.

Ne me laisse pas être celui qui détruit ton rêve...

C'en est trop, Minho enroule ses bras autour de lui, lui offrant une étreinte qui se veut rassurante. Il n'est pas capable de prononcer un seul mot, il ne saurait même pas quoi dire à Jeongin pour le sortir de sa terreur. Alors parfois, les gestes parlent bien plus, ils sont plus puissants que n'importe quelle phrase.

Elle est là... Elle va me forcer à le faire.

Le prince resserre d'autant plus sa prise dans un instinct qu'il ne saisit pas. C'est comme si son corps lui criait de s'accrocher à son amant. Il sent Jeongin passer ses mains le long de ses omoplates, pour répondre à son contact.

Je suis désolée Minho... tu aurais dû être plus prudent. Tu n'aurais jamais dû me faire confiance.

Et là le monde s'arrête.

Les étoiles s'éteignent.

Le vide les enlace.

Le dos de Minho le lance, une douleur vive le traverse. Son souffle se coupe instantanément, la sensation lui est insupportable. Sans qu'il ne puisse lutter, ses genoux fléchissent et il tombe au sol, sa chute amortie par le corps du blond qui le maintient contre lui. Ce dernier l'allonge sur le sable puis pose délicatement sa tête sur ses cuisses, toujours en pleurs.

Si tu savais comme je suis désolé, tellement désolé. Je voulais pas, je... je n'aurais jamais fait ça s'il elle n'était pas venue me trouver.

Les larmes de Jeongin s'écrasent sur le visage de Minho, ses cheveux frôlent son nez. Il le serre si fort que le prince à l'impression de n'être qu'une poupée.

Pourquoi... qui est "elle" ?

Gaïa. Il y a un an, elle m'a annoncé que je serai ta dernière épreuve, que je devais essayer de te tuer.

Il sort péniblement quelque chose de sa poche et le fait glisser au creux des mains de celui qu'il aime. Le noiraud approche l'objet de son visage, dans un geste crispé par la douleur, avant de l'observer à travers sa vision qui se floute.

Il tient entre ses doigts un petit serpent d'argent, accompagné d'une jolie émeraude d'un vert étincelant. C'est la dernière broche, celle qu'il lui manquait pour revenir victorieux.

Tu aurais dû me laisser mourir et sauver cette petite fille ce jour-là, tu aurais dû m'abandonner.

Jeongin, qui es-tu vraiment ?

Le nommé hoquette sous cette interrogation, surpris par le ton que Minho emploie. Il est léger dans ses mots, aucune trace d'accusation n'est perceptible. Il se questionne réellement.

Je suis ton meilleur ami, ton frère, ton compagnon d'arme, ton amant. Je suis celui qui t'a toujours aimé et qui t'aimera à jamais. Il marque une pause. Mais je suis aussi un poison, celui qui a fait chuter ta couronne. Je suis la prudence Minho. Tu as toujours foncé tête baissée et moi on m'a appelé pour te le faire payer...

C'est étrange, le plus vieux devrait se sentir en colère, trahi, tenter de se venger de Jeongin. Et pourtant il se sent curieusement apaisé, là, tout contre lui. C'est chaud, réconfortant. Son ami a toujours eu ce pouvoir, ce don pour calmer son esprit un peu trop rempli.

Tu n'es pas un poison, ce n'est pas de ta faute. Gaïa n'a d'égal pour sa bonté que sa cruauté, je suis certain qu'elle nous avait destiné à cet instant précis. Mais ce n'est pas grave, le titre d'empereur n'est plus ce pourquoi j'ai décidé de vivre. C'est toi et seulement toi qui a compté, qui compte toujours et qui comptera à jamais. Alors je peux bien mourir dans tes bras, ça ne fait rien. Je crois que... je crois que je suis heureux.

Il semble fou, hors de lui-même. Ses propos son insensé, qui donc serait heureux de mourir de la main d'un traître. Pourtant il ne ment pas, il réalise qu'il n'a jamais été fait pour le rôle de dirigeant. Minho il n'a pas l'envie de gouverner. Lui ce qu'il voulait c'était être libre, pouvoir s'enfuir pour se balader dans la nature, faire des courses dans les couloirs du château, observer les étoiles jusqu'à ce que la lune s'endorme. Oui, il voulait être empereur pour avoir le droit de vivre son idylle aux côtés de Jeongin, rien d'autre n'avait d'importance.

Alors il est triste que ça se termine ainsi, mais il est aussi rassuré qu'ils ne connaissent pas une autre fin. Car si c'était lui qui vivait, indéniablement son amant devait périr de sa main. Gaïa avait voulu les voir se déchirer, peut-être pour rendre Minho aussi cruel qu'elle, et elle avait échoué. Ils sont là, à s'aimer autant qu'ils le peuvent avant que leur histoire ne s'achève en même temps que le dernier souffle du prince.

Je t'aime.

Je t'aime, répond le noiraud comme un écho.

Jeongin se penche et cueille une dernière fois les lèvres de l'enfant de Lapis, dans un dernier adieu qui vibre de culpabilité et d'un amour tendre. Il sent le dernier souffle de sa victime contre sa bouche mouillée de larmes. Il sait que c'est fini à présent, plus rien ne ramènera Minho à lui.

C'est une scène tristement belle. Le prince qui aimait tant l'eau, est allongé sur le sable face aux vagues qui s'avancent puis le fuient. Il est mort autour des coquillages, devant la mer qui chantera bientôt ses louanges.

Minho, fils de Lapis, est mort un soir d'Eté, sous la lune. L'enfant aimé de Gaïa a succombé à ses caprices divins, il est tombé dans les bras du serpent de la prudence.

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