Scène unique
- « Waaa, quel mal de crane », dis-je d'un ton amer en me réveillant dans l'obscurité. J'essaye de me lever mais rapidement ma tête cogne une paroi. Je bouge les mains autour de moi, tâte du pied, il m'est impossible de bouger, comme coincé dans une boîte à sardine. Je frappe du poings sur la paroi qui sonne comme du bois. Je repense les contours de la boîte dans ma tête avant de m'exclamer
- « Un cerceuil ! Qui est l'idiot qui m'a foutu dans un cercueil ! J'étais à deux doigts de reprendre le travail... Merde ! ». La colère me prend je frappe, crie, remue. Aucune réponse, aucun son, six pieds sous terre.
Le temps passe, je compte les secondes en rythme avec les battements de mon cœur pour ne pas céder à la panique et engloutir le peu d'oxygène restant dans le cercueil. Une vibration retentis le long de mes jambes, surpris je cogne encore une fois ma tête. Une lumière apparaît à mes pieds et attise un sentiment de réconfort en moi. Je commence à me tortiller pour faire remonter l'objet, de ma jambe il arrive à mes cuisses, un petit coup de fessier et le voila dans ma main.
L'objet est un cylindre laqué qui tient dans le creux de ma main. Il laisse échapper une faible lumière à une extrémité. Je balaie le cercueil avec la lumière. Rien au plafond, rien sur les parois, impossible de me retourner. Je porte un costard noir avec des chaussures en cuir avec une couche de poussière. Une mémoire me revient, j'étais à un entretien pour un job, la poussière venait du terrain de construction à côté de l'entreprise. En fouillant dans ma poche je retrouve plusieurs cartes de visites, certaines tordus, d'autres délavées. En les parcourant une finis par retenir mon attention, elle est intacte, blanc cassé, bords pointus, ses lettres d'argent reflètent la lumière :
- « Fondation Bolo, nous accompagnons votre voyage dans l'au-delà ».
Aucun téléphone ne figure sur la carte, au dos est inscrit une partition musicale d'une mesure de plusieurs noirs, toutes des sols. Intrigué, je murmure les notes, mais rien ne me vient à l'esprit, je recommence à voix haute, toujours rien. Frustré par le silence, je laisse glisser les autres cartes au fond du cercueil, et commence à frapper en rythme le couvercle du cercueil de plus en plus fort avant de crier :
- « Cette plaisanterie a suffisamment durée, ouvrez moi ! Ouvrez ce foutu cercueil ! Vous vous croyez drôle ! Enfermer des personnes vivantes ! Ce n'est qu'une question de temps avant que vous vous retrouvez en prison ! »
Mes coups cessent, le silence reprends sa place et moi mon calme. Je passe le cylindre entre mes mains et distingue un bouton incrusté dans l'autre extrémité. J'appuie, la lumière s'éteint tandis qu'une note de musique résonne dans le cercueil stoppant net ma respiration. De nouveau entouré par l'obscurité, je relâche le bouton, une pression envahit mes épaules, un malaise me parcours le long du corps, les parois du cercueil semble se refermer sur elles-même à chaque seconde. Le cylindre vibre à nouveau, la lumière revient éloignant mes mauvais esprits. Je reprends la carte dans ma main pour éclairer la partition avec le cylindre. Je répète en boucle la partition dans ma tête, mîmant les mouvement de mon pouce sur le bouton. Un léger soupir avant une grande inspiration, je prends mon courage à deux mains. J'appuie le bouton une fois, la lumière s'éteint, le cercueil résonne, silence, deux fois, le cercueil résonne, silence, trois fois, quatre fois, les résonnements s'harmonisent, silence, je maintiens appuyé une seconde, le cercueil résonne, deux secondes, le résonnement s'amplifie, trois secondes, mon corps entier semble résonner, je relâche. Le cercueil est plongé dans l'obscurité, mon corps écrasé par le silence, je compte les secondes comme une éternité. Soudain, le cylindre se met à vibrer violemment, glisse hors de ma main se retrouvant au fond du cercueil faisant vibrer les parois en bois. La lumière se met à clignoter frénétiquement tandis qu'une légère fumée rouge s'échappe du cylindre et remplis dangereusement l'espace. Je retiens ma respiration, serre les dents et frappe de toute mes forces le couvercle. Mon souffle s'écourte, la fumée a un léger goût de raisin, le cercueil s'entrouvre laissant rentrer une lumière éblouissante à l'intérieur avant de laisser place à une figure debout en face de moi.
- « Bienvenue chez Bolo, votre partenaire vers l'au-delà. Nous vous remercions de votre confiance. Avez vous des bagages ? »
La figure a une silhouette humaine, un masque bleue à la place du visage, un tailleur marron, ni manches ni de bras, ses jambes rouges sont mariées à la fumée que dégage le cylindre et lui donne l'allure d'un génie des milles et une nuits. Je me redresse et regarde autour de moi. A perte d'horizon sont entreposés des cercueils parfaitement espacés, flottant dans le vide, certains ouverts d'autre fermés. Aucun plafond, aucun sol, aucun soleil, juste une lumière omniprésente.
- « Avez-vous des bagages, Monsieur ? Le train risque de partir sans vous », reprends la figure stoïquement avec la fumée dansante à ses pieds.
- « Je pense qu'il y a une erreur, je ne me souviens pas être mort. », dis-je stupéfait.
- « Vous n'avez donc pas de bagages. Parfait ! Lorsque vous êtes prêt, appuyez sur le bouton et le train passera vous prendre. Bon voyage sur nos lignes et à bientôt ! » termine d'une traite la figure avant de se faire aspirer dans le cylindre.
- « Attendez ! », cris-je en tentant d'attraper, en vain, la fumée avec mes mains. Le cylindre s'arrête de vibrer et sa lumière s'éteint. J'essaye de me lever hors du cercueil mais mes jambes semblent être retenu par des chaînes invisibles. Je reste donc assis attendant qu'un autre cercueil s'ouvre, qu'une autre personne quitte sa prison, une autre occasion de pouvoir comprendre la situation, partager mes problèmes. Je tente de mesurer le temps qui passe mais je perds constamment le fil. Au fond repose le cylindre. Je le prends dans mes mains, contemple encore un moment autour de moi avant d'appuyer sur le bouton. Une faible vibration parcours ma main, mon bras, mon cou avant qu'une voix, propre à la figure, se fasse entendre dans ma tête.
- « Merci d'avoir choisi Bolo ! Veuillez vous mettre debout, levez votre main gauche et ne plus faire de mouvement, le train va vous récupérer. »
Dubitatif par la situation, je lève lentement la main, parcourant des yeux l'horizon autour de moi avant de me lever doucement. Mes jambes ne semblent plus enchaînées au cercueil. Au bout de quelque secondes, un son aiguë commence à siffler dans mes oreilles, le son grandis de secondes en secondes tandis qu'un poil se dessine au loin. Il remue de gauche à droite et de haut en bas comme s'il évitait des mur invisibles avant de se tracer dans ma direction, un pinceau perdu dans la tempête. D'un coup d'éclair, mon bras est saisis par une pince froide métallique qui tracte mon corps dans les airs tandis le cercueil disparaît dans la distance. La pince qui serre mon bras est relié à un immense corps noir luisant qui serpente dans l'espace tellement vite que tout ce que capture mes yeux devient flou. En tournant sur moi même j'aperçois avec soulagement d'autre silhouettes humaines chacune le bras suspendu à une pince. Certains habillés, d'autre nus, je fais signe, interpelle, hurle, mais personne ne semble prêter attention. Une nouvelle vibration sort du cylindre, parcours mon bras, la voix retentit dans ma tête.
- « Prochain arrêt : Quai de la résurrection ! Correspondance pour tout ceux qui veulent rejoindre le cycle ! Appuyez sur le bouton pour descendre à cet arrêt ! Je répète. Prochain arrêt ...» continue la voix en boucle.
Le vaisseau ne semble pas ralentir, sans plus attendre j'appuie sur le bouton, la pince me lâche, mon corps se retrouve en chute libre tournant sur lui-même. Je croise les bras pour me protéger de la chute mais subitement mon corps se retrouve figer net, debout, pieds sur un sol ferme. Je sursaute avant de tomber sur les fesses tâtant le sol à plusieurs reprises pour confirmer son existence. Le sol est d'un bleu ciel brillant, une plate-forme de cinq mètres de largeur sur dix de longueur suspendu au milieu d'un vide blanc. Autour de moi, je remarque des plates-formes similaires à perte d'horizon, d'autre humains debout entrain de tapoter mécaniquement en face d'eux. Je tourne la tête de gauche à droite, tourne sur moi même, les humains ne sont jamais les mêmes changent à chacun de mes regards. Soudain un bruit de cloche résonne tandis qu'émerge lentement devant moi un parallélépipède noir laqué du sol. Sa face supérieur s'illumine et présente un écran sur lequel on peut lire en lettre blanche sur fond noir :
Guichet
1. Acheter un ticket
2. Faire une réclamation
Propriété de la Fondation Bolo, votre partenaire dans l'au-delà
Je me lève, m'approche de l'écran, et appuie du doigt sur l'option « Acheter un ticket». Une liste d'images représentant différentes créatures vivantes commence à défiler de haut en base sur l'écran :
« Autruche 50 kk, Cheval 60 kk, Dodo Epuisé, Éléphant 150 kk, Humain 300 kk, Rose 10 k, Thon 20 kk »
Les montants évoluent à chaque passage. Une ligne « Humain 253 kk » arrive sur l'écran, j'appuie mais la ligne continue à défiler laissant s'échapper une voix plus grave de l'écran.
« Solde insuffisant »
D'autre lignes « Humain » apparaissent, « 230 kk », j'appuie, « Solde Insuffisant », « 100 kk », j'appuie, « Solde Insuffisant », je recommence sans compter mes tentatives, mes mouvements deviennent mécaniques. La situation m'offusque, j'essaye de quitter le flot, trouver une sortie, mais un bonheur artificiel me ramène continuellement dans la boucle prolongeant la torture dans laquelle je suis mon propre bourreau.
Le cylindre se met à vibrer dans ma main, me sortant de l'emprise de la machine, et une voix familière se faire entendre dans ma tête.
- « Merci de votre attention, le prochain cycle arrive à terme nous vous pressons de choisir une destination. Si vous n'avez pas fais de choix à la fin du cycle, une destination vous sera auto-attribué. La fondation Bolo vous souhaite un bon voyage. »
La tension monte, je m'écarte de la console, regarde autour de moi, le nombre de silhouette réduits à chaque balayage. Mes mains tremblent avant d'appuyer sur l'écran sur la phrase « Faire une réclamation ». Les images de créatures disparaissent de l'écran laissant apparaître un masque blanc.
- « Bonjour, merci de dire à haute voix votre réclamation », sortis l'écran, avec un ton ferme.
- « Il m'est impossible de choisir un Humain, même à 100 kk, mon choix se fait refuser à cause d'un Solde insuffisant » dis-je paniqué, la tension frôlant les oreilles.
- « Effectivement votre solde est de 25 000 karma »
- « Karma ?»
- « Le Karma est un solde déterminé par vos actions durant toutes vos vies antérieures. Sa méthode calcul change d'un être vivant à l'autre, d'une époque à l'autre. Si vous souhaitez un rapport sur votre solde, sachez qu'un acompte équivalent à 10 % de votre karma actuel vous sera demandé. »
- « Ok, mais comment je peux choisir d'être Humain, il existe des humains à 25 kk? »
- « L'Humain est une créature qui vie longtemps avec une forte capacité de survie, il est normal que sa valeur karmique soit élevé. Cependant la fondation Bolo peut vous faire un prêt à hauteur de 200 kk si vous souhaitez choisir un Humain. »
- « Un prêt ? Et le remboursement ? »
- « Votre prêt se rembourse naturellement dans votre prochaine vie. Vous rencontrerez simplement plus de difficulté que d'autre. Souffrances, maladies, accidents, pour en citer quelques unes. »
- « Mais si je meurt avant de rembourser mon prêt ?»
- « Votre solde karmique tombera à 0, et une place vous sera auto-attribué. », finis de dire la voix de la console, laissant place au silence.
Le cylindre vibre brièvement à nouveaux dans ma main accompagné de la même voix familière :
- « Dernier avertissement avant la fin du cycle. Merci de vous diriger vers votre sortie. »
D'un coup d'œil autour de moi, je constate que toutes les plat-formes sont vides, plus une seul silhouette jusqu'à l'horizon. La voix de le l'écran reprend :
- « Fin du cycle imminente. En l'absence de décision de votre part, nous avons choisi pour vous : 'Poulet' pour une valeur de 18kk. Merci de vous dirigez vers la sortie en face de vous. A bientôt, et merci de votre confiance. Fondation Bolo, votre partenaire vers l'au-delà. »
Un trou se trace en forme de porte au bout de ma plate-forme, laissant passer à travers le spectacle d'une nuit étoilé. Au même moment un bruit sourd commence à siffler dans mes oreilles, il s'intensifie de seconde en secondes tandis que l'horizon se rapproche de moi, comme une tempête de sable avalant les autres plate-formes une par une.
- « Attendez ! » cris-je en frappant du poings sur l'écran, « Pas question que je devienne un poulet et finir ma vie rôtis, fris ou pané. Je veux redevenir humain ! »
- « Redevenir ? Avez-vous des souvenirs de votre vie antérieur ? », réponds la voix avec un ton inhabituel.
- « Oui et non. Je..Je passais un entretien, oui un entretien pour un travail »
- « Attendez, je vais consulter le registre des arrivés»
L'horizon continue de se refermer sur moi amenant un bruit de plus en plus assourdissant, hachant les mots sortants de l'écran.
- « ... votre patience. Effectivement vous êtes arrivé sans bagages mais ... reliquat de votre vie antérieur. Cette situation est peu commune et indique ... n'est pas totalement rompu. Cependant nous vous conseillons ... nouvelle destination, choisir de revenir à sa vie antérieur à un coût ... »
- « Je choisis ma vie antérieur ! »
- « ... votre choix a été accepté. ... prêt contracté. ... terminer votre ... la porte »
Le cylindre devient poussière, tandis que je m'élance vers la porte qui se referme. Mon genoux heurte l'écran, le choc me fais perdre l'équilibre, mon coude frappe le sol et je glisse de la plate-forme avant de retenir avec mes mains. Sous mes pieds, le décor se déchire et se réarrange, une mâchoire géante immaculé de dents. De toute mes forces, je me hisse sur la plate-forme, détale à quatre pattes avant de bondir dans la porte aux étoiles. Un silence brise le fracas et pour la dernière fois j'entends résonner dans ma tête :
- « Merci d'avoir choisi la fondation Bolo, votre partenaire vers l'au-delà. A bientôt sur nos lignes. »
Noir complet, ma conscience se tais ...
--
- « Waaa, quel mal de crane », dis-je avec fatigue.
Mes mains sont tiraillés, mes épaules humides, un mal me traverse de part en part. Une lumière m'éblouis les yeux, après quelque grognement je réalise que je me trouve dans un lit d'hôpital. Le médecin range sa petite lampe dans sa poche et m'interpelle :
- « Bonjour, est-ce que tout va bien ? Sentez vous d'autre douleurs qu'au niveau de la tête ? », dit-il d'un ton informel.
- « Je sens de la sueur couler le long de mon dos, et ma tête... ma tête j'ai peur de la bouger car à chaque mouvement la douleur se multiplie », répondis-je fatigué les yeux clignotants.
- « Vous ne sentez vraiment rien d'autre ? »
- « Mes jambes ne me font pas mal. »
- « A vrai dire, je veux vous annoncer une nouvelle qui peut être difficile à accepter. Vous étiez au frontière de la mort, mais vous avez réussi à vous agripper à la vie. Cependant le choc a causé des liaisons irrémédiables sur votre corps. Vous avez perdu l'usage de vos jambes et de votre main droite. Vous êtes encore jeune et cet handicap est le début de nombreuses difficulté mais je souhaite que vous gardiez à l'esprit que la médecine a fait beaucoup de progrès. En quelque mots, ne perdez pas espoir, une vie heureuse est toujours possible. »
J'essaye de bouger mes orteils en vain, aucune sensation de chaleur n'émane de mes jambes. Une tristesse profonde commence à remonter, mais aussitôt une infirmière rentre dans la pièce.
- « Voici votre repas de ce midi, lentilles et cuisse de poulet » annonce l'infirmière en me montrant l'assiette.
Un fou rire me pris sur le moment, et je réponds aux éclats, les larmes aux yeux :
- « Du poulet ? Ha, ça m'en fait une belle jambe ! »
- « Vous avez quelque chose contre le poulet ? », repris le médecin stupéfait avec l'infirmière immobile le visage apeuré.
- « Non, tout va bien. J'aime le poulet. Rotis, fris ou pané, surtout pané »
Bạn đang đọc truyện trên: Truyen247.Pro