~JOUR #21: Bertholdt~

Depuis que j'ai instauré ce petit jeu entre Reiner et moi, il me traite comme la huitième merveille du monde, me faisant découvrir toute la galanterie qu'il renferme en lui. J'adore cette sensation d'être un prince, d'avoir un traitement spécial. Lorsque j'ai lancé cette idée, au début, je croyais que ça aurait l'effet inverse. Dans ma tête, le blond était incapable d'agir comme un gentilhomme et son comportement de porc allait être une bonne excuse pour couper les liens. J'avais tort. Au contraire, ce jeu met sous les projecteurs ses qualités, pas ses défauts.

Reiner commence à me plaire sincèrement, mais je crains que sa patience atteigne ses limites...

Alors que je brosse mes dents avant d'aller au lit, mon téléphone vibre dans ma poche. J'agrippe mon engin électronique, surpris de voir un message de mon psychologue auquel je n'ai pas fait appel depuis notre première discussion par textos. Bien que mon agréable relation naissante avec Reiner chasse mes soucis, je m'assois pour répondre à cet homme envers qui j'éprouve une confiance inébranlable. Sans hésiter, je raconte toute mon histoire avec le blond, décrivant au passage la haine que j'ai ressentie lorsqu'il m'a forcé à lui accorder un baiser.

Docteur B :
|Il t'a vraiment forcé à l'embrasser ?

Moi :
|Oui. Maintenant, je ne sais pas où nous en sommes. Je suis bien avec lui. Il commence à y avoir des petits rapprochements et ça me fait du bien, mais je ne sais pas si je suis vraiment prêt à me remettre en selle. Reiner semble sincère avec moi, mais il y a toujours quelque chose qui m'arrête.

Docteur B :
|Toujours en rapport avec Porco ?

Moi :
|Je n'en sais rien. J'ai peur, je pense, qu'après le camp il m'envoie paitre et ne veuille plus me voir. J'ai peur de m'attacher pour rien. D'ailleurs, qu'est-ce qu'il me dit qu'il voudra encore de moi quand il saura que je vois un psy pour m'aider, car mon ex était un connard violent et profiteur ?

Étonné par mes propres mots, je fixe la fin du message que j'ai envoyé. Depuis notre séparation, c'est la première fois que j'arrive à dire du mal de lui. Ces mots se sont écrits naturellement, sans remords. Est-ce un signe que j'arrive enfin à tourner la page ? Que je l'oublie ? Depuis un moment, je me sens plus léger, moins déprimé. Sans avoir l'envie constante de parler à mon psychologue, même sourire ne me parait plus être une tâche ardue.

Mon cœur commence à guérir.

Le lendemain matin, pendant le petit déjeuner, je souris malgré moi en sentant la main de Reiner caresser ma cuisse sous la table. Est-ce possible que même après le baiser qu'il m'a volé de force dans le lac, je développe des sentiments à son égard ? Pourtant, même si je m'attache, j'ai toujours l'impression de ne pas connaitre suffisamment ce blond musclé pour entamer une véritable relation, pour m'ouvrir à lui. Ce soir, nous devrons en discuter.

Pendant l'habituel feu de camp, Reiner me propose d'aller marcher pour chasser l'ennui de nos soirées répétitives au camp. Sans chercher à fuir le contact, je le laisse prendre ma main alors qu'il me guide dans le premier sentier forestier que nous croisons. Malgré la lune qui éclaire notre trajet entre les arbres, le calme nocturne est effrayant. Chaque craquement devient un désagréable mystère dans la pénombre.

-Parle-moi de toi, déclarai-je soudainement.

-Te parler de moi ? Qu'est-ce que tu veux que je te dise à mon sujet ?

-Je n'en sais rien... Pourquoi as-tu commencé à venir à ce camp ?

Reiner se fige, pinçant les lèvres suite à ma brusque question. Réalisant qu'il a cessé de marcher, je le copie pour regarder son visage faiblement illuminé par la lune. Qu'ai-je dit de mal pour ainsi le tourmenter ?

-Ici, c'est une question taboue, répond doucement le blond, habituellement, on attend que les gens en parlent d'eux même, tu vois ? Si tu posais cette question à Floch ou à Eren, ils t'enverraient surement promener.

-Ah bon ? En quoi est-ce mal de questionner quelqu'un sur son choix de camp ? Ce n'est qu'un lieu pour s'amuser.

-Hum.

Le garçon tourne la tête telle une chouette avant de poser son regard sur un large chêne. Sans m'expliquer, il me tire vers l'arbre sous lequel il s'assoit en m'attirant près de lui sur les épaisses racines. Ce n'est pas un banc très confortable, mais ça reste mieux que le sol couvert d'insectes et de saleté.

-Tu n'es pas sans savoir que ce camp n'est pas comme les autres, pas vrai ? se risque Reiner.

-Pas comme les autres ? Je ne comprends pas.

-En fait, il est subventionné par des psychologues qui utilisent cet endroit comme lieu thérapeutique. Au début de sa création, ce camp était un endroit récréatif, mais avec le temps, c'est surtout devenu une échappatoire pour les gens marginaux ou ceux qui ont subi des traumatismes. Par exemple, Livai et son TOC... tu vois le genre ? Les psychologues le conseil à leurs clients en quête d'acceptation pour qu'ils soient avec d'autres personnes comme eux, même si rien ne définit ce camp comme tel. C'est pour ça que nous faisons fuir tous les « sans histoire » comme Eren t'en as parlé à ton arrivée. On veut rester seulement entre vilains petits canards.

J'écoute Reiner sans commenter, incapable de placer un mot puisque ces derniers restent prisonniers de ma gorge. Ainsi, mon psychologue ne m'a pas envoyé ici sans raison. Il voulait que je rencontre d'autres gens brisés. Pourquoi ne m'en a-t-il pas parlé ? Vingt-et-un jours se sont écoulés et je découvre à peine le pot aux roses, la supercherie. Dois-je me sentir trahi ou reconnaissant ? Tout est confus dans ma tête.

-Je l'ignorais, soufflai-je.

-Je croyais que tu l'avais deviné, depuis le temps. Certains d'entre nous restent des « sans histoire », comme Mike et Moblit ! Ils étaient là au tout début du camp, avant qu'il soit racheté et ils sont restés avec Livai... Moi, je suis arrivé la même année que c'est devenu un endroit particulier, avec Jean.

-Donc c'est un psy qui t'a recommandé cet endroit ? C'est ça ?

-Oui, mon père qui est l'un des acheteurs. J'avais à peine treize ans et avec Jean, on a commencé à se tenir avec des garçons peu fréquentables plus âgés. Ils nous faisaient faire des choses illégales, comme voler, se battre ou fumer de l'herbe. Ce camp nous a tous les deux sauver de cette folie.

Curieusement, je n'ai aucun mal à imaginer Reiner en jeune rebelle dépravé, même si ça me rend triste pour lui d'apprendre son sombre passé. Ma main serre plus fort la sienne, soudainement curieux de connaitre les problèmes de tous les autres campeurs que je côtoie chaque jour. Est-ce la raison pour laquelle le blond défend Eren malgré sa méchanceté gratuite ? Qu'a-t-il vécu ? Je chasse les questions qui affluent dans ma tête par politesse envers leur vie privée et je pince les lèvres, hésitant.

-Je vois, soufflai-je, je... moi aussi, c'est un psychologue qui m'a recommandé ce camp. Je le vois depuis que j'ai laissé mon ex. Il m'aide beaucoup, mais je croyais qu'il m'envoyait seulement ici pour me permettre de socialiser, pas parce que je suis différent.

-Il n'avait surement pas de mauvaises pensées. Tu es bien ici, non ? C'est justement notre différence qui fait de nous une grande famille unie. On est tous là pour se soutenir sans jugement.

Par réflexe, je glisse le doigt sur mon nez aquilin en réfléchissant. Après que Porco me l'ait brisé, il n'a plus jamais retrouvé sa forme initiale, lui laissant une bosse désagréable au regard. Chaque fois que j'aperçois mon reflet dans la glace, je me remémore cette horrible journée qui a mis un terme à ma naïveté. J'ai envie de tout raconter à Reiner maintenant qu'il s'est lui-même confié à moi.

-J'ai l'impression que tu t'es déjà cassé le nez, remarque Reiner en me voyant le toucher. C'était comment ? Tu es tombé d'un arbre quand tu étais gamin ? Accident de vélo ?

-C'est de la faute à mon ex, avouai-je après hésitation.

-Tu veux dire qu'il t'a envoyé un ballon dans le visage ou quelque chose du genre ?

-Non. Je m'étais mis en équipe avec quelqu'un d'autre que lui en classe. Il n'a pas aimé.

Le sourire du beau blond s'efface, assombrissant son regard. Voilà ce que je craignais qu'il juge mon passé. Même en étant dans un camp particulier, mon histoire reste honteuse, difficile à révéler. Les gens à qui j'en ai déjà parlé se comptent sur les doigts d'une main.

-Tu veux dire qu'il t'a frappé ? s'inquiète-t-il

-Oui. C'est ce qui arrivait quand je n'étais pas docile. Quand il m'a brisé le nez, j'ai tout balancé à mon psy et j'ai réussi à trouver la force de le laisser. Ma mère m'a fait changer d'école et j'ai été incapable de me refaire des amis. C'est pour ça que je suis là, pour remonter la pente.

Reiner ne dit rien, se contentant de me fixer avec pitié. Avouer cette partie de ma vie au garçon avec qui je suis en fréquentation me soulage bien que j'évite de le monter. Alors que je m'inquiète de sa réaction, le blond glisse ses bras dans mon dos afin de m'attirer contre lui et me serrer avec force. Mon jeu lui interdit ce genre de geste, mais je me sens trop bien pour le réprimander.

-Je te promets de toujours prendre soin de toi, Bertholdt, susurre-t-il. Jamais je ne te ferai mal.

Il éloigne son visage de mon cou pour me regarder dans les yeux, faisant accélérer mon cœur d'une façon que je croyais ne plus jamais pouvoir revivre.

-Tu peux m'embrasser si tu le veux, déclarai-je.

Sans se faire prier, Reiner glisse tendrement sa main sur ma joue, créant un agréable frisson dans tout mon corps. Mon visage avance doucement vers le sien, puis je ferme mes yeux pour rencontrer ses lèvres bien fournies. Chaude et habile, sa bouche me refait découvrir le plaisir d'embrasser quelqu'un lorsque c'est désiré. La langue du garçon vient doucement pousser contre ma paroi afin de quémander l'accès, puis danser avec mon propre muscle rose. Cette étreinte reste dans la douceur du romantisme, sans arrière-pensées vulgaires.

Je crois que je tombe amoureux à nouveau. 

Hey! Est-ce que certains d'entre vous connaissent « Mo Dao Zu Shi »? ^^ Je serais curieuse de lire une fanfiction qui n'est pas sur le couple principal pour faire changement (même si c'est la plus belle relation que j'ai lus dans un livre). Si vous en connaissez, n'hésitez pas à m'en faire part!