20. Une lumière dans l'obscurité
Cassian ouvrit les yeux en grimaçant. Son crâne, semblant se gendre en deux, lui arracha un grognement étouffé.
— Tiens donc, regardez qui se réveille, ricana une voix grave.
Des crissements, comme des miettes écrasées, deux jambes, munies d'un pantalon en toile grossièrement cousue, puis un visage souriant froidement se mit à portée de vue de Cassian. Le jeune homme cligna des yeux, essayant de se souvenir où il avait déjà vu ce visage émacié et cette barbe rousse foisonnante.
— Comme tu vois, repris barbe rousse, t'es pas mort. Pas encore. Alors tu bas répondre bien gentiment à nos questions si tu veux rester en vie encore un petit moment, t'as compris ?
Cette voix, elle était familière à Cassian. Le jeune homme dût faire un effet phénoménal pour remonter jusqu'à ce souvenirs enfouie au plus profond de lui, quelque part dans son enfance. Lui et Méryne venaient d'avoir trois ans. C'était leur anniversaire et Derwick, leur père, était arrivé en compagnie d'une homme à la barbe aussi rousse qu'un couché de soleil. De ses yeux d'enfant, Cassian avait été impressionnée par cet homme qui prenait feu, et il avait voulu l'aider. Cela avait été la première manifestation volontaire de ses pouvoirs. Cassian lui avait envoyé une telle quantité d'eau que l'homme en était tombé à la renverse.
— Par la Tisseraie ! Cassian, viens t'excuser de suite ! l'avait grondé son père, je suis désolé...
— ... Tazek ? balbutia Cassian, un étau lui broyant le coeur, c'est vous...Tazek ?
Surpris, l'homme se recula de quelques centimètres. Cassian en profita pour se redresser, soulageant ainsi ses épaules meurtries. Ses poignets, retenus contre le mur par de lourdes chaînes de cuivre rouillé étaient brûlantes.
— C'est moi, reprit le garçon avant que Tazek ne puisse réagir, Cassian. Le...le..., bredouilla-t-il dans sa précipitation, le fils de Derwick et Pénélope.
— Cassian ? Comment... ? commença Tazek en pâlissant avant de se reprendre, il va me falloir une preuve. Si tu es vraiment le fils de Derwick, tu n'y verras pas d'inconvénient, n'est-ce pas ?
Cassian acquiesça et Tazek fit signe à une petite fille d'à peine cinq ans de les rejoindre. L'enfant avait les cheveux auburn coupés au-dessus des épaules, de grands yeux gris et vifs et le visage creusé, signe d'une malnutrition évidente malgré les efforts que son groupe semblait faire pour la maintenir en bonne santé.
— Magyar, je te présente Cassian, peux-tu vérifier son identité, s'il te plaît ? lui demanda Tazek avec la voix d'un grand-père bourru, refusant de s'avouer gaga devant sa petite fille.
L'enfant acquiesça et posa ses doigts sur les tempes de Cassian. Aussitôt, le jeune homme ressentit une brûlure insoutenable irradier de sa tête. Alors qu'il allait s'effondrer au sol, il sentit des mains le maintenir fermement en position. Un sanglot s'échappa de la bouche de la petite fille qui rompit soudainement le contact, laissant Cassian tremblant, vidé de toute son énergie. Après le feu qui avait failli le consumer, le jeune homme avait l'impression de geler sur place. Baissant les yeux sur ses mains, il remarqua avec stupeur les derniers cristaux de glace s'y trouvant s'évaporer. Il ne s'était même pas rendu compte qu'il avait utilisé ses pouvoirs.
Les menottes de cuivre avaient été réduites en cendres et des lianes flottaient mollement dans une flaque d'eau. La petite fille murmura quelque chose à l'oreille de Tazek avant d'aller rejoindre les bras d'un adolescent qui lui embrassa tendrement la tête.
— Cassian Morenvold ! Tu es devenu un bien grand jeune homme, souffla Tazek avec émotion.
— Comment se fait-il que...où sommes... ? demanda Cassian, incapable de penser tant il était sous le choc.
— Bienvenu dans le noyau de la résistance ! Nous tentons, à notre manière, de lutter contre le régime mis en place par la reine, lui expliqua-t-il.
— Oui, enfin, on se cache plus qu'autre chose et notre plus gros souci a été de le rester aussi longtemps, argua une femme d'une cinquantaine d'années.
— Hum oui, tu as raison Gizleyne, soupira Tazek avec gène, il faut dire aussi qu'avec le renforcement des troupes de chevaliers à la solde d'Alyna, il nous est difficile de lancer l'offensive. Nous avions choisi les galeries souterraines de Pearl-Campès dans ce but, et nous voila piégés comme des rats. Mais, j'y pense, où est ta sœur ? Elle n'est pas...
— Non, non le rassura Cassian en espérant que cela soit toujours vrai avant d'ajouter avec émotion, elle s'est sacrifiée pour me permettre de fuir. Elle s'est faîte attrapé par les gardes et doit se trouver quelques part dans les geôles du palais.
— Quoi ? Gronda Tazek, tu les as laissés l'emmener ? Comment...
— Laisse-moi finir, le coupa Cassian devant le regard de dégoût de son ami, elle s'est sacrifiée, et j'en aurais fais autant à sa place si les rôles avaient été inversés. Il était nécessaire que l'un de nous deux fuit. Par la Tisseraie ! Il est peut-être trop tard, maintenant !
— De quoi parles-tu ? s'étonna Tazek en le voyant tourner comme un lion en cage.
— La Tisseraie ! Le...le Brodeur de Rêves...Il faut qu'on le retrouve ! On doit y aller de suite, répondit précipitamment Cassian.
— Ce serait merveilleux, soupira Tazek en le regardant tendrement, malheureusement, il n'y a plus eu de Brodeur de Rêves depuis des années. Quand aux aiguilles, elles ont tout bonnement disparus. Nous ne pouvons compter que sur nous-mêmes, Cassian.
— Non ! S'exclama ce dernier avec force, faisant sursauter tout le monde avant de répéter plus bas mais tout aussi fermement, non. Tazek, le Brodeur de Rêves est ici. Méryne et moi l'avons rencontré. Il s'appelle Benjamin, et nous l'accompagnons depuis presque un mois dans sa quête. Nous devions aller sur l'île de Ghost, vérifier une piste, quand nous avons été contraints de nous séparer. Si tout se passe comme on le veut, Méryne et lui ont dû s'y rendre pour y récupérer la deuxième aiguille.
Aux déclarations de Cassian, un murmure impatient parcouru l'assemblée. Le Brodeur de Rêves ici, il ne leur restait plus qu'à récupérer une aiguille et enfin renverser le pouvoir en place. La liberté était à portée de main.
*
Benjamin se redressa en toussant. Les grains de sable roulaient dans ses bronches, le faisant suffoquer. Pris de panique, le jeune garçon se redressa et couru comme il pu jusqu'à la mer où il s'immergea complètement. Il but volontairement de longues gorgées d'eau salée, éliminant ainsi les grains de sable coincés dans sa gorge, puis revint sur la plage.
— Je ne sais pas comment ça se passe dans ton monde, mais ici, on se déshabille avant de se baigner.
Benjamin, occupé à retirer les grains de sable coincés entre ses dents se redressa d'un coup. Face à lui, bien au sec sur la plage, Cassian le regardait avec arrogance, un demi-sourire sur les lèvres.
— Cassian ! s'exclama le garçon en le rejoignant et le serrant dans ses bras, comment.. ? j'ai cru que...
— Ok! Ok! On se calme, ricana son ami en lui rendant brièvement son étreinte.
Au contact de l'Orangeois, Cassian fût frappé par sa maigreur. Jusqu'ici, il n'avait jamais vraiment songé aux différences qu'il pouvait y avoir entre leurs deux mondes, entre eux. Avec Méryne, ils lui avaient imposé son rôle de Brodeur de Rêves sans jamais ne serait-ce que songer à tout les bouleversements que Benjamin subissait. Cassian étant entraîné au combat depuis toujours, tout cela était naturel pour lui. Il aurait aimé pouvoir dire à son ami de lever le pieds, malheureusement, l'urgence de la situation l'obligeait à le presser.
— Méryne a été capturé par les gardes royaux. J'ai pu m'enfuir grâce à elle, mais je n'ai pas pu l'aider sans prendre le risque de me faire prendre également.
Le visage défait, Benjamin l'écouta. Il se doutait bien que Méryne avait été capturé, ne les voyant pas revenir l'un et l'autre, mais voir Cassian sain et sauf lui avait, l'espace d'un instant, fait croire qu'il s'était trompé. Une douleur sourde résonna dans son coeur. Et si Méryne était.... ? Non ! Il ne pouvait l'imaginer, ne devait se résoudre à l'imaginer.
— Mais j'ai un plan pour la récupérer. Donne-moi la Tisseraie, je vais essayer d'en faire un double et...
Cassian laissa sa phrase en suspend, réalisant que quelque chose clochait. Le regard de Benjamin se voila : il se sentait si misérable et stupide.
— Vishka a volé l'aiguille. Quand je suis arrivé sur la plage, il n'était plus là. Je l'ai cherché pendant des heures, mais il n'est pas revenu.
Cassian jura alors que Benjamin continuait ses explications.
— Je suis donc allé sur Ghost et...
— Quoi ?! s'exclama Cassian, tu y es allé seul ? Mais c'est de la folie ! Comment ?
— On s'en fiche, Cassian ! éluda-t-il, ne voulant pas revivre ce voyage une seconde fois, je te raconterai un autre jour. L'important, c'est qu'il y avait une fausse aiguille. Elle s'est évaporée quand j'ai voulu la prendre et une énigme en est sortie.
— Quelle énigme ? demanda Cassian, redoutant le pire.
— C'était...hum...attends, réfléchit Benjamin, oui, voila ! Du feu et du sang, je suis le descendant, prospère et fringant, je ne le fût qu'un temps, en mon sein brûlé, ton trésor est caché.
Cassian resta un instant silencieux avant de frapper dans ses mains.
— Je ne vois qu'un endroit possible, mais avant, allons chercher ma sœur !
— Attends ! s'exclama Benjamin, où faut-il aller ?
— Si je te le dis, ça gâchera la surprise, répondit son ami, un sourire aux lèvres.
— Ok, soupira Benjamin qui ne voulait pas perdre de temps, comment comptes-tu libérer Méryne ?
Le sourire que lui adressa Cassian ne le réconforta pas le moins du monde. Benjamin était convincu que son ami préparait quelque chose qui n'allait pas lui plaire du tout.
— Très bien, alors tout d'abord, commença Cassian avec jubilation, as-tu déjà eu l'occasion, dans ton monde, de fabriquer une bombe ?
Bạn đang đọc truyện trên: Truyen247.Pro