oo. PROLOGUE
A Deal with Chaos, Jóhann Jóhannsson.
[Brewenn ; écrit 1 — Règne de Madeg]
IL ÉTAIT UNE FOIS UN ENFANT, dont le sang était un alliage d'humain et de nixe. Un enfant appelé à un destin grandiose et funeste. Depuis le jour de sa naissance, une étrange malédiction frappe le peuple des Morins, et menace de se répandre à ceux voisins. Chaque mois, un homme âgé de vingt ans périt d'un mal inconnu et sanglant.
Les devins ignorent eux-mêmes quelle peut en être l'origine — aucune de leur science ne leur permet de saisir la conception d'un tel massacre.
Cependant, le peuple gronde et pleure ses garçons disparus. Le royaume est au bord du gouffre.
Le bruit court qu'il y a des années de cela, une femme a enfanté un petit dont le père était une créature des eaux. Que cet enfant impie, monstrueux, est la cause de leur malheur depuis le début. Que les Dieux ont prohibé les relations entre les humains et le Peuple silencieux, que cette progéniture est le fruit d'une conspiration pour que s'éteignent les Morins. Et si davantage d'hommes mouraient chaque mois ? Et si les femmes mouraient à leur tour ?
Les Celtes au sang chaud ne demandent qu'à se battre, à trouver cet enfant et à le tuer pour mettre fin à la malédiction qui les poursuit. Des battues sont menées, encore et encore, mais demeurent infructueuses, tant il semble que l'enfant ait été dissimulé avec ingéniosité.
Néanmoins, le temps n'est pas à l'attente, car les dangers sont partout et de tous visages. L'implosion qui gronde à l'intérieur n'ira qu'en s'amplifiant tandis que les troupes ennemies progressent dans tout le pays et se rapprochent.
Le fer s'entrechoque au fer.
Le feu est nourri par le feu.
La mort engendre la mort.
Y mettre fin est la seule issue possible, pour que les Morins voient encore en peuple libre le lever du soleil sur la Mer du Nord.
*
*
*
— Vous avez déjà perdu cette guerre.
Les mots, capitaux, claquaient dans l'air sec comme des sentences définitives. Le demi-nixe n'en démordait pas — jamais il n'en démordrait. Ses yeux, deux billes d'un noir intense, sinon abyssal, fixaient chacun des villageois comme pour leur imprimer à même la rétine cette évidence. Et dans leurs yeux à eux, ce peuple de Celtes appelés Morins, la peur se mêlait au dégoût et à la rage. Leur estomac grondait de la faim de se battre et d'en finir une bonne fois pour toutes, de venger leurs garçons morts par dizaines.
Le demi-nixe les dépassait largement d'une tête, presque deux. Son corps gracile et svelte paraissait toutefois moins trapu que celui de ce peuple gaulois, qui avec leurs cheveux blonds hirsutes et leur musculature marquée n'avaient rien à envier aux créatures du peuple silencieux.
Il replaça une mèche de ses cheveux noirs derrière l'oreille, la jambe engourdie. Il n'aimait que peu rester sous forme humaine et se déplacer sur la terre, subissant l'attraction de la gravité qui le rendait si lourd et badaud. Il préférait bien mieux l'étreinte de l'eau qui lui faisait le corps léger, et surtout, lui permettait d'arborer sa véritable apparence.
— Nous le savons tous. Vous ne pouvez pas me battre, vous êtes impuissants. Implorez mon pardon et je vous épargnerai, renchérit-il, le cœur serré.
La vue de cette peuplade humaine le révulsait. Jamais il n'avait vu d'êtres si viles et mesquins, d'êtres si détestables. Il n'y avait que les jeunes enfants qui soient encore purs comme des boutons d'or. Il n'y avait que ces enfants qui ignoraient encore les méfaits de leurs aïeux et qui pourtant leur pardonnaient tout de leurs grands yeux émerveillés. Tout comme lui en fut un, né d'une mère humaine et d'un père nixe. Voilà ce qui scella sa destinée avant même sa naissance ; voilà le sceau de la honte qui lui noircissait le front comme à une bête à abattre.
Car c'est ce qu'il savait être à leurs yeux : une erreur qui n'aurait pas dû naître. Ainsi, comme ils avaient tué sa mère et jamais n'avaient cherché à bien s'entendre avec les peuples de la nature, le demi-nixe punirait ces humains immondes qui souillaient les terres de la nature.
— Toi, abandonne et implore aux dieux le pardon pour ta mère qui t'a donné naissance. Une humaine ne devrait pas s'accoupler avec des monstres comme vous !
— Vos voisins gaulois vénèrent les créatures des eaux telles que nous ! Vos dieux veillent aussi sur mes semblables ! Nous ne sommes pas vos ennemis, mais vous en avez décidé autrement. Vous vous trompez en souhaitant nous bannir de nos foyers ! Le mal s'est déjà abattu sur vos têtes et vous persistez ! Or les dieux grondent. Épona pourrait vous retirer vos chevaux, vous qui ignorez comment vivre avec d'autres êtres que vous. Teutatès pourrait vous abandonner ! Ne craignez-vous donc pas le courroux des dieux ?
— Les dieux veillent sur nos familles et nos foyers, et nous les honorons comme tu n'en as pas idée. Vous n'êtes pas des Morins, vous n'êtes pas des Celtes, et encore moins des hommes. Vous n'êtes pas des divinités, ou alors vous fûtes bannis de ces terres divines. Dis-nous donc, pourquoi devrions-nous vous traiter avec déférence si vous n'êtes que des créatures déchues ?
Le regard du demi-nixe s'assombrit plus encore qu'il n'était humainement possible. Dans ses pupilles brillait l'abîme du marais, noir comme la nuit. Il plissa les lèvres, qui disparurent en un trait fin sur sa peau pâle, tendue sur ses pommettes saillantes. Peinant à contenir sa colère qui bouillonnait et lui brûlait la gorge, quelques traits de nixe ressurgirent ça et là : ses mains redevenaient palmées, des écailles constellaient ses jambes.
— Ah ! Monstre !
— Voilà sa véritable identité, et il voudrait nous faire croire qu'il est humain !
— Pars donc avec tes semblables des marais et ses bois, partez pour ne plus revenir ! Nous avons déjà bien assez de problèmes à contenir !
Au loin, au-delà du village-maître de Thérouanne, au-delà des moëres et de la forêt, la Mer du Nord fracassait ses vagues sur les falaises albâtres du littoral, sous les cris des mouettes. Le vent y soufflait bien plus que dans aucun autre endroit, emportant avec lui le parfum du sel. Là-bas, là où l'île d'Alba se profilait à l'horizon lorsque le temps était dégagé, le monde semblait bien plus grand et bien plus intriguant qu'au cœur des polders et des marécages.
Ce fut vers la mer que le regard du demi-nixe se tourna, tandis que les Morins l'invectivaient avec rage et que les créatures du peuple silencieux pleuraient cœur contre cœur, à l'orée du bois.
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Voilà le prologue ! Il est plus court que celui que j'avais écrit pour Mythomania et différent aussi.
Deux ans après avoir terminé d'écrire mon premier roman, j'ai encore de la nostalgie pour toute la petite bande d'Achille et d'Elior... Mais j'écris maintenant un nouveau roman, encore en préparation par contre. J'espère que vous en apprécierez l'histoire et les personnages !
Je préviens aussi que les gifs que je mets au début sont ceux d'acteurs qui "incarnent" physiquement mes persos (je cherche pas forcément à en avoir, mais c'est pour pouvoir mettre des gifs plus facilement).
Bonne lecture ! ♡
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