Jeudi matin, Laurens se réveilla de très bonne humeur... et bien avant l'heure de début des cours. Il jeta un coup d'œil par-dessus la rambarde de son lit et décida, pour une fois, de laisser Odran ronfler en paix et de descendre déjeuner tranquillement. Une fois son uniforme enfilé, Laurens se glissa silencieusement hors du dortoir. Un grand sentiment de liberté l'envahit. Cela n'arrivait pas souvent qu'il se retrouve dans les couloirs de l'école sans qu'Odran ne soit à ses côtés.

Il faisait frisquet ce matin, mais il voyait le lac scintiller sous les rayons du soleil à travers les grandes fenêtres du Palais. Il décida alors de se rendre à la ménagerie avant le début de la première heure de classe. Laurens fit un crochet par la Salle à Manger pour piquer un croissant. La salle était quasi déserte à cette heure matinale. Il fallait croire que les élèves de BeauxBatons aimaient le confort de leur lit ! Il vit de loin le chapeau pointu de Melle d'Amours, la prof de potions. Le voyant passer, elle lui adressa un signe de la main accompagné d'un clin d'œil. Tout en croquant son croissant chaud, il traversa le pont à Arcades et se retrouva sur le chemin en terre qui menait à la ménagerie. Il respira et le bon air frais lui emplit les poumons.

Laurens poussa la lourde porte de bois. Même la ménagerie était calme. L'odeur qui se dégageait de l'endroit avait quelque chose de réconfortant pour Laurens. Il se dirigea droit vers le box de Zuri, son Palominos préféré.

- Zuri, appela doucement Laurens, pour ne pas l'effrayer.

Le cheval ailé approcha. Il devait surement le reconnaitre, vu le nombre de fois où il se rendait à la ménagerie. Zuri était magnifique avec son pelage blanc doré et sa longue crinière blanche. Il atteignait facilement la taille d'un éléphant et ses grandes ailes étaient repliées contre son flanc. L'animal secoua sa crinière comme pour saluer Laurens. Ce dernier était entré dans le box, bien que ce soit scrupuleusement interdit par le règlement de l'école. De la buée s'échappait des naseaux de l'animal dans l'air frais du matin. Laurens se baissa pour ramasser de la paille et entreprit de lui frotter les flancs avec. Zuri avait l'air d'apprécier puisqu'il ne bougeait pas.

- Ca va mon Zuri ? lui murmura Laurens.

Il enlaça l'animal, du moins il essaya car il faisait tout de même le double de sa taille. Il resta longtemps, l'oreille collée à son pelage, à écouter les battements de son cœur. Tout à coup, il sursauta

- Zut ! Le cours de potions ! Je vais être en retard ! Désolé mon Zuri, s'excusa- t- il en refermant précipitamment la porte du box, je reviens bientôt te voir, promis !

Il partit en courant le long du chemin, retraversa le pont en sens inverse. Il décida de passer par la porte arrière du bâtiment pour gagner du temps. En traversant le couloir, il entendit du brouhaha dans les salles de classe ce qui ne pouvait signifier qu'une chose : les cours avaient commencé ! Dieu seul sait combien de temps il avait passé à la ménagerie ! Tant pis pour le sac, Laurens choisit d'aller directement à son cours de potions, quitte à se faire réprimander de n'avoir pas ses affaires.

Complètement essoufflé et rouge, il arriva devant la Salle des Potions. Il frappa à la lourde porte de bois. Ce fut Odran qui vient lui ouvrir

- Mais où étais tu ? lui souffla-t-il, je me suis inquiété ce matin !

- Ménagerie... réussit à articuler Laurens, qui était rouge écarlate et se tenait les côtes pour tenter de faire passer son point de côté.

A priori, le cours avait dû débuter depuis une dizaine de minutes seulement si on en croyait la recette de la potion écrite au tableau et les élèves en train de recopier. Enfin, pour le moment il était plus juste de dire que toutes les têtes étaient retournées vers lui. Melle d'Amours le fixait également. Se rendant soudain compte qu'il avait fait irruption en plein cours, Laurens bredouilla des excuses.

- Je vous prie d'excuser mon retard Melle d'Amours. Oh... et j'ai oublié mes affaires, ajouta-t-il d'un air penaud.

Comme toute réponse, la sorcière au chapeau pointu jeta une poignée de feuilles dans le chaudron qui bouillonnait devant elle, ce qui eut pour effet de faire exploser la mixture. Un nuage de fumée violette en forme de flèche s'en échappa, et pointa en direction de l'armoire.

- Prenez donc dans le placard les ingrédients notés au tableau et installez-vous, nous allions commencer, l'avisa- t- elle

Laurens se hâta d'attraper ce dont il avait besoin, dont de grosses lunettes en verre de cristal comme indiqué au tableau. Les élèves ainsi affublés ressemblaient à de grosses mouches, ce qui fit pouffer Laurens de rire. Décidant toutefois qu'il s'était assez fait remarquer pour la matinée, il se glissa à la table à côté d'Odran.

- La potion que nous allons réaliser aujourd'hui n'est pas très compliquée, expliqua Melle d'Amours. Toutefois, les vapeurs peuvent piquer les yeux pendant des heures, ainsi n'enlevez pas vos lunettes de protection avant mon signal.

- A quoi sert cette potion Mademoiselle ? demanda Bellina Marchand, une élève de leur année du dortoir Nord.

- Ah effectivement, je ne l'ai pas mentionné. Elle permet d'ouvrir vos neurones et d'assimiler les leçons plus rapidement. Je me suis dit que cela pourrait être utile à certains d'entre vous. Si toutefois elle est bien préparée... Sinon, vous pourriez obtenir l'effet inverse ! D'ailleurs, vous pourrez tous emporter une fiole de Docere Facile à la fin de ce cours, annonça-t-elle. Vous m'en donnerez également une, afin que je puisse vous noter, conclua-t-elle

Tous les élèves s'appliquèrent. Ils étaient motivés par le fait de pouvoir faciliter leur apprentissage par le biais d'une potion. Il faut dire que les journées de cours étaient denses à Beaux-Bâtons, alors un coup de pouce magique ne serait pas de refus.

Laurens s'appliquait à couper sa tige de Bacopa pour en extraire le jus. Il fallait l'ajouter dans le chaudron au moment précis où l'extrait de sauge se mettait à frémir. Le manuel précisait que les feuilles de sauge devaient avoir été cueillies un soir de pleine lune. Pendant que le tout bouillait, Laurens coupa soigneusement la racine de Ginko sur la longueur afin d'en prélever 240 grammes d'extraits. Odran se battait d'ailleurs avec sa racine, et sa mèche de cheveux qui lui tombait dans les yeux :

- Elle est complètement pourrie la mienne, je n'y arrive pas !

Laurens savait que les potions n'étaient pas trop le fort d'Odran, qui était bien meilleur dans l'art de manier la baguette que dans celui de fabriquer des potions.

- La potion devrait à présent prendre une teinte dorée tirant sur le vert, indiqua Melle D'Amours.

Laurens constata avec soulagement que sa potion avait l'air potable. Celle d'Odran avait une teinte plutôt vert foncé, ce qui le fit grommeler de plus belle.

- Magnifique ! s'écria Melle D'Amours en passant devant le chaudron de Cyriac Matussières.

Ce disant, elle projeta des fleurs au-dessus de sa tête avec sa baguette.

- Attendez bien que votre chaudron arrête de bouillonner avant de retirer vos lunettes de protection, précisa-t-elle. Vous pouvez ensuite remplir une fiole de votre potion et la déposer sur mon bureau. Si vous êtes chanceux, votre clairvoyance devrait atteindre son paroxysme, se réjouit-elle, et sinon tant pis !!

Elle se tenait à présent derrière le bureau de Laurens et Odran. Elle se pencha au-dessus du chaudron de son ami,

- Je serai vous, je n'y gouterai pas, chuchota-t-elle à l'intention d'Odran.

En effet, sa potion n'avait ni la texture, ni la couleur recommandée... Laurens se leva pour remettre les lunettes et les ingrédients restants dans l'armoire de la salle. Il ne vit pas qu'une graine d'Abrus Precatorus, en provenance de l'armoire, s'était accrochée à son uniforme. Ce fut quand il revient à sa table que l'accident se produisit.

La graine rouge tomba dans le chaudron encore empli de Docere Facile. Une forte explosion retentit et la potion gicla dans l'œil droit de Laurens, qui fit un bond en arrière sous l'effet de la douleur. Il tomba de son tabouret et sa tempe heurta le coin de la table, lui faisant une profonde entaille. Ce fut lorsque sa tête heurta le sol que Laurens perdit connaissance.