the happiest of all the sad endings
Je vais m'asseoir au troisième rang, comme d'habitude. Je pose mon gros sac sur la chaise à côté de moi et je sors une feuille pour noter mon cours d'histoire. Je prends ma trousse aussi, que j'ouvre, j'en extirpe un stylo bleu aux trois quarts usé. Mon regard se lève vers la porte pile au moment où elle entre dans la salle. Nos regards se croisent, c'est très puissant, j'ai du mal à le soutenir mais je le fais, je tiens aussi longtemps que possible. Je ne veux pas être celle qui va se défiler. Je ne veux plus être celle qui va se défiler. Elle baisse alors le regard en arrivant près de sa table, souriant à sa meilleure amie. Ah, sa meilleure amie, dès le début je n'avais pas pu me la voir.
Je ne saurais même pas dire quand ça a commencé.
Peut-être quand elle a commencé à manger avec moi, tous les midis, ou peut-être plus tard, quand elle passait ses longs doigts fins dans mes cheveux. Je ne sais pas. Tout ce que je sais, c'est que je l'ai aimée fort, très fort. Si fort que je n'y croyais même pas. Peut-être que j'aurais dû écouter mon coeur, et pas ma tête. Elle serait sûrement encore là aujourd'hui. J'ai fini par faire tout ce que je ne voulais pas faire : la blesser. C'est de ma faute, c'est un fait établi et dont nous sommes toutes les deux bien conscientes.
Elle pose son plateau et souhaite une bonne journée à la cantinière derrière le comptoir. Chaeryeong est si polie, j'en suis parfois choquée. Ça contraste énormément avec l'image que j'ai d'elle, en tant que quelqu'un de proche. Je l'attends à un ou deux mètres, près de la porte de sortie du self. Elle se lave les mains rapidement et me rejoint en trottinant, me secouant ses mains recouvertes d'eau devant le visage. Je peste un peu, les gouttes d'eau sur les lunettes c'est vraiment embêtant à nettoyer.
« Tu m'emmerdes, Chae. » On marche l'une à côté de l'autre, le dos de sa main frotte au dos de la mienne, je sens bien qu'elle veut la prendre, mais elle attend que je fasse le premier pas. « Prends ma main, vas-y. » dis-je dans un souffle. Ça me coûte de le dire.
« Viens avec moi, s'il te plait. » dit-elle en me prenant la main et la serrant doucement.
Nous ne marchons pas plus vite. Elle nous fait sortir du lycée. Je la regarde, l'air de dire "on a cours, là". Mais je ne dis rien, parce que Chaeryeong, quand elle a une idée dans la tête elle est bien ancrée et elle ne l'a pas autre part. On passe par le centre-ville, on a beaucoup de chance, notre lycée est planté en plein milieu de la ville. On a accès à presque tout, c'est un vrai plaisir. Je crois savoir où elle m'emmène quand elle tourne dans une petite ruelle. Elle continue de marcher, elle est un peu devant moi et les rayons du soleil forment un halo autour de son visage. Lee Chaeryeong, elle est sublime.
Elle a de jolis yeux qui disparaissent quand elle sourit, et de longs cils. Son nez rougit quand elle a froid ou quand elle pleure. Elle a d'adorables lèvres, on dirait du velours, et quand elle sourit ça la fait briller. Ses cheveux ont l'air si doux, et croyez-moi, ils le sont bien. Quand ils volent au vent, ça la représente bien, elle. C'est une âme libre, une amoureuse de l'adrénaline. Elle aime quand ça bouge, quand ça crie, quand ça pleure ou quand ça rie. Chaeryeong, elle aime quand ça vit.
Et moi, mon coeur bat pour elle.
« Qu'est-ce que j'aime cet endroit... » souffle doucement Chaeryeong.
Elle ferme les yeux et lève la tête vers le soleil. On est plantées devant une fontaine en pierre. C'est une petite place, vraiment très petite, entourée de vieilles maisons en pierre recouvertes de lierres. Aux fenêtres, on peut voir des jardinières de fleurs très colorées que je ne saurais même pas identifier. C'est assez sombre malgré les rayons de son astre préféré. Elle lâche ma main et rouvre les yeux pour s'asseoir sur le bord de la fontaine. Le seul bruit est le son de l'eau qui coule dans la fontaine, et le petit cliquetis d'un volet causé par une légère brise de vent. Je commence à mettre un pied devant l'autre, je marche jusqu'à elle. Je me place devant elle et porte ma main à sa joue pour la caresser.
« T'es si jolie Ryujin... »
Elle me le dit dans un souffle. Au début je ne comprends pas, ne vois pas l'évidence. Je me dis que j'ai mal compris, mais elle le répète, très clairement, plus fort, plus affirmé.
« T'es si jolie Ryujin. »
Je reste silencieuse face à ses paroles. Je sens une décharge électrique traverser mon corps, mais je reste figée. Je n'y arrive pas, c'est plus fort que moi. Je vois qu'elle essaie de faire des efforts, et que moi je n'en fait aucun. Je me bloque toute seule, et c'est à cause de moi qu'on ne peut pas avancer.
Je veux simplement tomber amoureuse. Mais j'ai tellement peur. J'ai peur de ressentir trop à la fois, de ne pas savoir gérer. J'ai peur de la blesser, de nous tuer, de me perdre.
Elle place sa main sur mon poignet, ne me lâchant pas du regard. Je ne veux pas y rester coincée, dans son beau regard, pourtant je ne peux pas m'empêcher de m'y perdre. J'ai l'impression de voir la galaxie entière dans ses yeux. Ça brille, et bordel ce que c'est beau. Elle tire légèrement mon poignet, m'invitant à m'asseoir. C'est ce que je fais. Elle me prend dans ses bras, et elle me serre plus fort que ce que je n'aurais pensé. Ça pue l'amour, je le sais qu'elle est tombée depuis longtemps. Mais moi, malgré tous mes efforts, je ne veux pas l'accepter. Je ne veux pas qu'elle prenne mon cœur tout entier.
« Je suis désolée. » commencé-je à sangloter. « Je suis sincèrement désolée. »
Mes sanglots se font plus puissants, plus francs, ça y est, je chiale. Elle a un pouvoir sur moi cette fille, elle m'a ensorcelé, ce n'est pas possible autrement. Je suis addict à son toucher mais je ne veux pas l'approcher. Je serre mes bras derrière son dos et place mon nez dans son cou. Elle sent si bon, Chaeryeong. Elle est si gentille, son étreinte est plus réconfortante que celle de ma mère, je me sens si bien là. Mais je n'y arrive pas.
Je desserre alors mes bras et me recule un peu, je ne la regarde plus, je ne le mérite même pas. J'essuie les larmes qui ruissellent encore sur mes joues et je vois Chaeryeong tenter de m'aider. Je me mets dos à elle pour lui faire comprendre que je peux le faire seule, je regrette l'instant d'après. Je peux bien imaginer son petit air triste et les larmes lui monter aux yeux. Alors je me retourne lentement vers elle, lui sourit, en espérant que ce soit suffisant et me relève. Je lui tend la main mais elle garde son regard bloqué sur le reflet du ciel dans l'eau de la fontaine. Alors je retourne sans elle au lycée.
***
Je sors de mon cours d'anglais, et elle est là, devant la porte. Elle me sourit à pleines dents, d'un sourire ravissant comme si le temps qu'elle a passé près de la fontaine lui a permis de se vider de toute émotion négative. Je la rejoins, et je m'apprête à m'excuser pour mon comportement plus tôt mais je me fais interrompre par une main qui tapote mon épaule.
« Excuse-moi, Shin Ryujin ? »
Je me retourne et je me retrouve face à un garçon de ma classe. Tout le monde le connaît, y compris moi. Il s'appelle Sunhi, il est très populaire. Il me propose de venir à sa fête, le soir même, immédiatement je demande si je peux emmener Chaeryeong.
« Oui, bien-sûr ! » me sourit-il. « Plus on est de fous, plus on rit, comme on dit. »
Il me donne un petit papier avec son adresse, l'heure à laquelle je dois venir et un petit smiley qui sourit. Il repart dans un rire, retrouvant sa bande de copains qui lui frappe l'épaule dès qu'il les rejoint. Je soulève un sourcil mais ne me préoccupe pas plus que ça de leurs regards insistants vers moi et Chae et me retourne vers celle-ci.
« Tu veux bien venir ? »
« Oui ! » me sourit-elle, la joie transperce sa voix et ses yeux forment des petits croissants noisettes. « On va bien s'amuser ce soir.»
Nous avons tranquillement fini la journée de cours, ce n'est pas ce que je préfère, il faut bien l'avouer. J'ai plutôt hâte d'être ce soir, je sens que je vais pouvoir bien m'amuser. Chaeryeong part à pieds du lycée, elle habite à quelques centaines de mètres. Je lui fais la bise en lui disant à toute à l'heure, et je cours chercher mon bus.
***
J'envoie un message à Chaeryeong pour lui dire que je suis dans le bus, elle me répond rapidement qu'elle est déjà bientôt arrivée. Je passe un peu de temps sur Instagram, je n'y vais pas souvent, je trouve ça assez inutile. Contrairement à moi, Chae y passe le plus clair de son temps et poste beaucoup. J'apparaîs parfois sur les jolis clichés qu'elle met dans sa story, dont celui-ci, qu'elle a pris à mon insu pendant l'heure de permission. Nous étions au foyer, et je dois avouer bien apprécier la tête que j'y fais. Je redresse mon regard sur la route et constate que mon arrêt n'est pas loin. Je me rapproche de la porte arrière et souhaite une bonne soirée au conducteur en sortant du bus. Je marche cinq petites minutes et arrive finalement devant la maison de Sunhi. Chaeryeong m'y attend.
« Chae ! » l'appelai-je. « Tu es toute jolie. »
Je souris de toutes mes dents, je vois ses joues rosir et je trouve ça mignon. Nous toquons à la porte mais personne ne répond, Chae se tourne vers moi et me chuchote que ça ne doit pas être une fête comme celle auxquelles nous sommes habituées d'aller. C'est le "niveau au-dessus". Alors on entre sans toquer, et Sunhi se lève du canapé au moment où il nous voit passer la porte. Il nous invite à nous diriger vers le salon où sont répartis une bonne vingtaine d'adolescents de notre âge. On nous conduit directement vers la cuisine où sont disposées quelques bouteilles mais aussi une grande jarre.
« Qu'est-ce que c'est ? » demandai-je alors à Sunhi en pointant l'objet en terre cuite du doigt.
« C'est du jungle juice. En gros, c'est du punch, mais avec plus de fruits. »
Intéressée par la boisson, je m'en sers un verre et prends une gorgée. Je me tourne alors vers Chaeryeong, lui assurant que c'est délicieux. Elle se sert aussi un verre, goûte en trempant à peine ses lèvres, je louche un peu dessus, et bizarrement elle ne s'y attarde pas. Nous repartons vers le salon le verre à la main, et des groupes de quelques personnes se forment petit à petit. Je discute avec Yuna, la meilleure amie de Chaeryeong, ça m'a surprise de la voir se déplacer à côté de moi. Je ne savais pas qu'elle venait, et honnêtement, j'aurais préféré qu'elle ne soit pas là. Elle m'énerve beaucoup, la façon qu'elle a de me faire disparaître du champ de vision de Chaeryeong quand elle entre dans la pièce en monopolisant immédiatement la discussion, ou le fait qu'elle soit très auto-centrée. Mais Chae l'apprécie, alors je me force à faire preuve de sang froid et de garder la tête haute, même si j'ai très envie de lui faire bouffer la part de pizza qu'elle tient devant sa bouche depuis dix bonnes minutes. Mon verre est vide, je me relève pour le remplir et demande à Chaeryeong si au passage je lui remplis le sien. Elle range une mèche de ses cheveux rouges derrière son oreille, encore maintenant ils ont l'air si doux.
« Oui, je veux bien. » Elle me tend son verre, il ne reste que quelques gouttes. « La même chose, s'il te plait. T'es un amour ! » dit-elle en plantant son regard dans le mien et en souriant adorablement, ça me fait quelque chose dans le fond du ventre mais je ne réponds rien de plus.
C'est la première fois que je viens à une soirée, une vraie soirée, si on peut appeler ça comme ça. Je n'avais été qu'aux petites fêtes, pendant les grandes vacances, on se retrouvait à six ou sept copains. On dormait dans des tentes dans le jardin et on se réveillait à 8h02 parce que le froid était glacial. Là, c'est bien différent. Pas mal d'élèves de la classe sont réunis, et j'arrive à reconnaître quelques amis de Sunhi. D'ailleurs, depuis que je suis arrivée je sens son regard sur moi, mais comment lui faire comprendre que je ne suis tout simplement pas intéressée ?
Je reviens dans le salon et remarque qu'une dizaine de gens ont formé une sorte de rond approximatif. Je vois que Chaeryeong est assise et m'a laissé une place à ses côtés, bien-sûr Yuna est là pour la surveiller... Je m'empêche de soupirer en m'asseyant, je lui tends son verre et me retourne vers le garçon planté au milieu du cercle que je crois être le meilleur ami de l'hôte.
« Pour ceux qui ne me connaissent pas, moi, c'est Mingyu. » Il vacille un peu, l'alcool a bien fait effet sur lui, il n'en reste pas moins charmant cependant, et je peux presque voir Yuna baver. Bref. « On va jouer à un petit sept minutes au paradis, moi je pense. »
« Oui, bon toi assis-toi là-bas, t'es complètement torché... » râle Sunhi. « Maintenant que notre petite star a fini son discours, on peut jouer. Est-ce que quelqu'un ne connaît pas les règles ? »
Je prends une gorgée de jungle juice, qui au passage, est une boisson au goût de reviens-y, et observe quelques mains timides se lever. C'est vrai que le jeu n'est pas des plus récents, ou même des plus populaires.
« Les règles sont très simples, » commençe-t-il, « on va faire tourner une bouteille pour désigner deux personnes au hasard, et les deux personnes choisies devront passer sept minutes enfermées ensemble dans une chambre à l'étage. »
« Une chambre, carrément. T'as prévu qu'on se saute dessus sous ton toit ou quoi ? » lançe une fille de ma classe que je ne connais pas trop.
« Vous pouvez faire ce que vous voulez. Vraiment tout, la seule règle c'est de ne pas sortir de la pièce pendant sept minutes. »
Tout le monde acquiesçe et le jeu commence alors. Le premier tour fait monter Félix, un étudiant d'échange, et Juwon, une fille que je ne connais que de nom, assez populaire. Alors qu'ils montent les escaliers, le blond n'étant pas très serein, je prends une petite poignée de cacahuètes pour les grignoter. Les parts de pizza se font rares et oh, miracle, Yuna a enfin réussi à apporter la sienne à sa bouche. Je discute tranquillement avec Chaeryeong qui a posé sa tête sur mon épaule. Il y a de cela quelques minutes, elle avait encore rempli son verre, toujours de cette même boisson, mais c'est vrai que c'était addictif. Les effets de l'alcool se font ressentir sur la plupart de ceux qui en ont ingurgité, on parle plus fort et on sourit bêtement. Moi aussi, je souris bêtement, mais je ne parle pas plus fort, en fait je ne parle pas du tout. Ce n'est pas quelque chose de très inhabituel chez moi.
La belle fille assise à côté de moi - Chaeryeong, bien entendu - se redresse un peu pour se tourner complètement vers moi. Je fais de même, et nos regards se croisent. Elle aussi, elle sourit bêtement, et peut-être plus encore que moi. Prise d'un élan de confiance, je me replace droite et pose ma main sur sa cuisse. C'est peut-être osé, je ne sais pas trop ce qu'il me prend, mais l'alcool qui coule dans mes veines doit sûrement jouer. J'ai besoin de son contact, et je ne peux pas l'expliquer. Je bloque mon regard sur mes pieds, je peux l'entendre glousser. Les taches de gras dans le fond des cartons de pizza sont définitivement passionnantes. Du coin de l'œil, je peux la voir se rapprocher de moi, jusqu'à ce que nos épaules et nos hanches se touchent. Et je me demande sincèrement ce qu'il m'a pris. Je ne connais pas Chae sous les effets de l'alcool, et malheureusement pour moi, elle a l'air bien plus joueuse que d'habitude.
Elle pose également sa main sur ma cuisse et la serre légèrement alors qu'elle se penche pour récupérer son verre qu'elle avait posé sur la table. Je dois sûrement rougir, alors je retire vite ma main de sa cuisse à la couleur de la neige. Chaeryeong laisse la sienne. Subitement, on voit revenir Juwon et Félix, tous les deux un petit sourire aux lèvres. Personne ne sait ce qu'ils y ont fait, et j'ai envie de dire : tant mieux.
« Je tire au sort les deux prochains ! » fait Félix. Ce garçon venu tout droit d'Australie est une vraie pile électrique. « Chaeryeong, c'est tombé sur toi. »
La rousse lève alors bien vite son regard sur le blondinet face à elle, elle arbore un sourire ravageur. Elle a sûrement une sacrée idée derrière la tête. Je me dis que je serais déçue si ça ne tombe pas sur moi, et c'est bien la première fois que je suis honnête avec moi-même pour cette situation.
« Attention, ça ralentit, ça ralentit... »
Je peux sentir le regard brûlant de Chae sur moi, un frisson plutôt agréable me traverse.
« Ryujin ! » s'écrie Félix. « Allez allez, vous montez, à votre tour. » dit-il en nous poussant jusqu'à la première marche de l'escalier.
Chae me laisse passer devant, et nous montons en silence jusqu'au premier étage. Tout le monde nous regarde, c'est assez dérangeant. Une fois montées en haut, nous nous dirigeons vers la seule porte ouverte du palier. C'est une chambre qui semble être dénuée de toute personnalisation, comme une chambre d'amis. Chae ferme la porte derrière elle mais ne prend même pas la peine d'allumer la lumière. Seul le lampadaire de la ville au travers de la fenêtre nous éclaire. Je n'ose pas parler, Chaeryeong non plus. Je ne sais pas trop quoi faire, alors je la regarde simplement. Ses yeux brillent dans la pénombre, c'est mignon. Je vois alors un sourire se dessiner sur ses jolies lèvres, elle se décide à bouger en premier. Je la vois s'avancer vers moi, la marche féline et le sourire devenu malicieux. Une fois plantée devant moi, elle pose ses avant-bras sur mes épaules, laissant ses mains pendre dans le vide dans ma nuque. Je pose mes mains sur ses hanches, comme un automatisme, je n'ai même pas pu les retenir. Son regard est si intense, elle me regarde comme si elle allait me dévorer tout cru. J'écarquille les yeux quand je la vois fermer les yeux.
Chae attend. Elle ne bouge pas, garde ses yeux clos. Je peux sentir son souffle calme s'échouer sur mon visage. Je comprends alors qu'elle ne fera rien, et qu'elle attend que ce soit moi qui bouge. Elle a fait le premier pas, et elle veut que je fasse le second. Je crois bien que pour une fois, je ne réfléchis pas. Mon cœur, mon corps tout entier me crie de l'embrasser. Ses lèvres ont l'air si douces et sucrées, comme un bonbon, pourquoi je m'empêcherais d'y goûter ?
Je ferme les yeux aussi. Je prends une grande inspiration, tremblante, je n'ai pas l'habitude de faire ce que je fais en ce moment. Je remonte délicatement mes mains sur le creux de sa taille et la serre légèrement alors que je sens son souffle s'échouer sur mes lèvres tellement nous sommes proches. Mentalement, je pèse le pour et le contre, mais l'alcool efface tout et une pensée s'impose : je veux l'embrasser. Ma tête me tourne, je la rapproche encore plus de moi. Nos corps sont collés, nos lèvres se touchent presque mais je n'ose toujours pas combler l'espace qui les sépare. La raison me revient en une poignée de secondes et voilà que j'ai peur, que je doute à nouveau.
« Mais merde, Ryujin, t'as envie de m'embrasser, là. Je vois pas ce qui te retient, fais-le ! » s'impatiente la jolie rousse, en chuchotant un peu fort.
Je rouvre à peine les yeux et vois qu'elle fronce les sourcils malgré la pénombre. Ça me fait presque pouffer, elle arrive toujours à savoir ce que je pense sans même me le demander. Et puis merde, au diable les conséquences !
J'écrase mes lippes sur les siennes, elle les bouge immédiatement en réponse. Dans mon corps, tout se chamboule. Ça pique, ça brûle et ça crie, j'ai bien envie de dire que ça vie. Mon cœur s'affole, je peux le sentir taper fort dans ma cage thoracique. Elle remonte ses mains sur mes joues et les caresse tendrement. Elle passe ses doigts dans mes cheveux et c'est tellement agréable, je me sens comblée.
Chae recule son visage de quelques centimètres pour reprendre son souffle, se figeant alors. Elle rouvre les yeux, et pour une fois c'est elle qui est surprise et pas moi. La température de la pièce a augmenté tout à coup, j'ai le rouge aux joues, c'est certain. Alors que je lèche mes lèvres, ne réalisant toujours pas mon action, Chaeryeong me plaque contre la porte et à quelques centimètres de mes lèvres elle me sort, animée d'une colère nouvelle.
« Shin Ryujin, tu me rends folle. Je te comprends pas... »
Cette fois-ci, c'est elle qui fonce sur mes lèvres. La dynamique n'est pas la même et le baiser est bien moins sage. Elle a complètement le dessus sur moi, j'en ai même du mal à suivre. Je n'avais jamais vu Chaeryeong animée par un brasier si puissant qu'on n'était pas près d'éteindre. C'est drôlement enivrant, j'ai l'impression de perdre pied, je suis prête à vaciller. On dit que l'alcool délie les langues, c'est vrai et je sais de quoi je parle.
Mais la réalité me rattrape en plein vol. Je rouvre les yeux précipitamment et la pousse en arrière, posant alors mes mains sur ses épaules pour l'arrêter. Qu'est-ce que je suis en train de faire ? Et si elle prend mon coeur, mais qu'elle finit par le casser ? Je ne veux pas qu'elle garde la moitié avec elle pour toujours. Je veux encore décider de ce que je fais avec mes sentiments, de les garder pour moi et de ne pas les partager. Je veux encore rester maître de mes ressentis, je ne veux pas laisser mes sentiments pour elle me perdre. J'ai déjà perdu la tête, j'ai même perdu pied, je ne veux pas que mon coeur fasse partie du jeu. Je ne veux le prêter à personne, il est déjà trop fragile entre mes propres mains.
Je la vois ouvrir les yeux doucement, me regardant l'air inquiet. Ma respiration est rapide, bien trop rapide pour être uniquement de l'excitation suite à notre baiser houleux. Je la regarde, l'air horrifié, dégageant ses mains délicates de ma chevelure brutalement. Elle ne comprend pas ce qu'il m'arrive, je le vois bien dans ses yeux. Ses yeux brillent plus qu'avant encore, je culpabilise, bien-sûr. Elle a une galaxie dans les yeux, mais les étoiles qui la composent vont bientôt disparaître. Elle est au bord des larmes et je ne suis bonne qu'à la regarder se décomposer.
« T'es une sacrée enflure. » me chuchote-t-elle alors, me tirant par le bras. C'est vrai que je suis toujours devant la porte. Porte qu'elle ouvre, d'ailleurs, tout le son de la soirée qui avait alors disparu arrive jusqu'à mes oreilles.
« Chae, attends... » tentai-je en la rattrapant par le bras. « Laisse-moi t'expliquer. »
« Mais il n'y a rien à expliquer ! » s'énerve-t-elle. « J'ai tout essayé, tout ! J'ai été patiente avec toi, mais t'arrives pas à m'aimer. Et j'aurais beau faire tous les efforts du monde, » elle dégagea mon bras avec force, « si tu n'y mets pas du tien, c'est mort d'avance. »
Elle s'engage dans l'escalier et je la vois essuyer ses joues. Elle passe devant tout le monde dans le salon, les invités se sont tous tu. Elle est précipitée, on dirait même qu'elle court. Elle ouvre la porte d'entrée à la volée, s'échappant au plus vite.
« Hé, ça fait pas sept minutes les f- »
« Mais ferme ta gueule toi ! » interrompai-je Yuna qui n'en finissait donc jamais d'ouvrir sa bouche.
Je cours au travers du salon, encore plus rapidement que l'a fait la rousse il n'y a que quelques instants. Dehors, le froid me glace les os. Et peut-être que c'est elle, la chevelure rouge que je vois au loin, courant sous la lumière des lampadaires. Mais ce n'est peut-être qu'un mirage, qu'une invention de mon esprit. J'aurais dû l'aimer plus fort, lui montrer, parce qu'à force d'espérer, elle s'est brûlé les ailes. Je ne suis qu'une âme en peine, cherchant ce doux sentiment, l'amour, partout ; mais une fois que je l'ai, je ne fais que le briser. Je ne voulais pas qu'elle piétine mon cœur, et finalement, c'est moi qui ai piétiné le sien.
Le professeur annonce la fin du cours, je range rapidement ma feuille et ma trousse dans mon sac. Ce n'est qu'en sortant de la salle que je me rends compte qu'il fait bien plus chaud dans les couloirs. Cet été est un des plus étouffants, les températures sont bien au-dessus des normales de saison. Je sors mon téléphone portable de la poche arrière de mon jean, je n'ai aucune notification, ce n'est pas bien nouveau. Sans le remarquer, je bloque la sortie de la salle d'histoire.
« Excuse-moi... Ryujin. » Je me retourne et tombe face à face avec Yuna. « Tu bloques le passage. »
Je m'excuse d'un souffle et la laisse passer, je remarque bien vite qu'elle est suivie de Chaeryeong qui se fait toute petite. Notre situation me brise le cœur. Je l'admets, elle me manque. Je l'admets, je suis amoureuse d'elle. Je l'admets, j'aurais dû prendre en considération ses sentiments au lieu de ne penser qu'aux miens.
« Chae. » tenté-je, doucement, mais elle ne m'entends pas alors je réitère, un peu plus fort. « Chae ! » Elle se retourne brusquement, délaissant sa meilleure amie pour me rejoindre. « Chae... »
« Je t'avais entendu la première fois. » clame-t-elle, serrant ses bretelles de sac à dos. Je n'ose pas la regarder dans les yeux. Elle me manque énormément, mais me revoilà face au même problème, encore et encore. « Je sais que tu as peur. » dit-elle, je sais qu'elle me cherche du regard, mais je n'y arrive pas. « Ryujin. » gronde-t-elle alors.
Je relève immédiatement mon regard et le plante dans le sien. C'est encore différent de toutes les autres fois. En fait, avec elle, chaque expérience est nouvelle. Je me perds dans ces jolis yeux noisettes, ceux qui m'ont fait ressentir tellement de choses.
« Je sais que je ne te l'ai jamais dit avant, » commençai-je en plantant mon regard dans le sien toujours plus profondément, « mais tu ne te rends vraiment pas compte de tout le pouvoir que tu as sur moi avec ce regard.» Je la fixe, et je me rends compte seulement maintenant que je ne l'avais jamais regardée comme ça avant aujourd'hui, jamais avec autant d'intensité. « Je veux te dire que je suis désolée. »
« De ? »
« De la façon dont je me suis comportée avec toi, pas seulement à la soirée. Depuis qu'on se connaît, je n'ai jamais su te rendre l'amour que tu me donnes... »
« Mais ce n'est pas ce que je te demandais. » Elle replace délicatement une mèche de mes cheveux derrière mon oreille, me souriant nostalgiquement. « Je voulais juste que tu ne me repousses pas. C'était mon seul souhait. Je ne te demandais pas de me rendre l'amour que je te portais et que, si je suis honnête, je te porte encore aujourd'hui. Je te demandais uniquement de l'accepter. Ce que tu as fait, et très honorablement d'ailleurs. »
Je ne sais pas pourquoi les larmes me montent aux yeux.
« Chae, ça sonne comme un adieu. Je n'aime pas ça du tout. »
« Je t'ai aimé si fort, Ryujin. Mais on n'est que des gamines perdues, on sait pas ce qu'on fait de nos coeurs, on connait pas le sens du mot "amour". On fait ça mal, autant moi que toi. »
« Je t'aime Chaeryeong. Je suis amoureuse de toi. » dis-je finalement, éclatant en sanglots dans ses bras. Elle me serre tendrement, enfouissant son nez dans le creux de mon cou.
Elle me lâche, je vois bien qu'elle contient ses émotions. Elle recule d'un pas, un sourire triste aux lèvres. Elle rejoint Yuna, qui l'attend quelques mètres plus loin. Avant de partir définitivement de mon champ de vision, elle tourne sa tête dans ma direction. Cette image restera à jamais gravée dans mon esprit.
Chaeryeong, ses beaux cheveux rouges volant tout autour de son visage ethéré, son sac d'écolière bleu sur le dos, sa grande veste en cuir. Ses joues rosies à cause de l'émotion, son sourire nostalgique.
Et la larme qui roule sur sa joue.
i'll be far away anyway, let's go all the way to the end, we'll never come back
my last.
~
coucou tout le monde ! voici mon nouvel os, "last waltz"
j'ai mis un temps assez court à l'écrire même moi je suis choquée
j'espère que vous avez apprécié lire "last waltz" autant que j'ai apprécié l'écrire, je vous aime fort <3
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