🐈⬛ 2. La punition d'une éternité 🐈⬛
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AZRIEL
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La ruelle empeste le vieil alcool accompagné d'une délicate odeur d'urine. Je lève une patte afin d'éviter une nouvelle flaque de vomi en m'éloignant d'un homme particulièrement bavard. Cela fait trois jours que nous partageons ce coin et que je l'écoute d'une oreille peu attentive. Il ne cesse de répéter à quel point son ancienne vie lui manque. Il avait une belle maison, une femme exceptionnelle et un travail dans lequel il était heureux. La tentation de l'interdit était plus forte que tout. Aujourd'hui, ses propres enfants lui ont tourné le dos en lui souhaitant de pourrir. J'ai réalisé que les humains ont une certaine ressemblance avec les sorciers, ils succombent vite à ce qu'ils ne peuvent pas avoir. J'aurais aimé lui donner mon avis sur la question, mais mon apparence actuelle ne me permets pas de prendre la parole. Il a au moins la chance de ne pas être dans la peau d'un chat !
J'ignore à quand remonte mon arrivée dans ce monde, mais c'est arrivé brutalement. J'ai eu beaucoup de mal à trouver mes marques dans cette ville inconnue où la magie n'existe pas. Ma mémoire est trouble, je me souviens vaguement de mon ancienne vie, mais la raison de ma présence au milieu des humains est un mystère. Que diable fait Azriel Cromwell dans la peau d'un chat ? Il s'est forcément passé quelque chose !
Je quitte la ruelle d'une démarche peu assurée avec la crainte de tomber sur de mauvaises personnes. Je ne compte plus le nombre de personnes qui m'ont balancé des cailloux en croisant ma route. Fort heureusement, il n'y a personne en dehors d'une vieille dame faisant des courses. Le soleil brillait encore il y a quelques minutes cependant les nuages ne trompent pas. La pluie est devenue mon ennemie, je m'efforce de trouver une cachette pour me protéger. Le plus difficile reste la nourriture, certaines personnes bien intentionnées déposent des croquettes que je m'efforce d'avaler. Les repas délicieux de mon ancienne vie semblent désormais lointains dans ma mémoire trouble.
D'une démarche confiante, je pars à la recherche d'une âme charitable acceptant de me donner un peu de nourriture. Les vieilles personnes sont les plus généreuses, j'ai eu le droit à un délicieux morceau de viande une fois. La plupart du temps, ce sont des croquettes auxquelles je ne m'habitue toujours pas.
― Regarde maman !
Un jeune garçon s'approche de moi en tendant les mains. La mère en question s'empresse de le soulever pour l'éloigner sans m'adresser un regard. Les animaux errants ne représentent rien aux yeux de la plupart des humains.
― Ne le touche pas, il est sûrement malade !
― On ne peut pas l'adopter ?
― Hors de question, Gregory !
Je lance un regard noir à cette femme arrogante en me retenant de lancer mon plus beau pipi dans sa direction, elle le mériterait. J'évite de peu une espèce de carrosse dont le bruit est insupportable. Les humains fabriquent vraiment des choses étranges ! Je me dirige vers le parc pour obtenir de quoi assouvir mon appétit. Il y a toujours ce vieux monsieur se baladant avec des croquettes pour tous les chats errants du coin.
La pluie recouvre la ville, je m'empresse de me réfugier sous un arbre en lançant un regard aux promeneurs. La plupart se ressemblent, je n'arrive pas à les différencier malgré mes efforts. Mon ventre gargouille à cause de la faim me rongeant de l'intérieur. Cela fait maintenant trois jours que je n'ai rien avalé en dehors des quelques morceaux de viandes données par une adolescente de passage.
A une époque qui semble désormais lointaine, je me trouvais encore dans la demeure familiale. Aussi détestable soit-elle, elle avait le mérite d'être confortable. Je menais des recherches dans mon laboratoire dans le but de trouver des remèdes aux maladies les plus dangereuses et souvent incurables. Le visage d'une femme inconnue apparaît au fond de ma mémoire, elle appelle mon nom dans l'obscurité. Depuis mon arrivée, je suis hanté par l'image de cette femme qui danse sous un clair de lune. J'aimerais tellement comprendre la raison pour laquelle je ne suis plus à Slonia. Angelica doit être morte d'inquiétude, j'aimerais tant la revoir.
― Regarde comme il est mignon ! s'exclame une voix stridente.
― Il est sûrement abandonné, ajoute un homme.
Combien de fois ai-je entendu cette phrase ? Nombreux remarquent la présence des chats abandonnés qui chassent pour se nourrir et fuient la présence humaine, mais acceptent-ils de tendre une main pour aider ? Malheureusement non. Je détourne le regard, indifférent au couple afin de faire une petite sieste tranquille. Cela fait un bon moment que j'arpente cette petite ville à la recherche d'une solution pour retrouver mon apparence et rentrer chez moi. J'ai bien ressenti un poil d'énergie magique, mais elle est si faible que je doute qu'ils soient d'une grande aide.
Je m'allonge sur la terre humide en fermant les yeux tout en essayant de rester concentré sur les bruits aux alentours. Les menaces dans la nature sont permanentes, je me dois de rester en vie pour retrouver ma petite sœur et lever la malédiction m'emprisonnant dans ce corps. Tandis que je sombre dans le sommeil au son de la pluie, une vague de chaleur m'enveloppe hérissant mes poils.
Je me redresse immédiatement à la recherche de la personne possédant cette puissante énergie magique. Que fait un puissant sorcier dans ce monde ? Il y a peu de monde dans le parc à cause du mauvais temps, juste deux femmes sous un parapluie.
― Laisse-moi cinq minutes pour cueillir quelques champignons, déclare la plus grande.
― J'accepte uniquement parce que c'est ton anniversaire.
L'autre fille s'installe sur le banc le plus proche malgré qu'il soit trempé. Elle croise les jambes en tenant un objet rectangulaire dans les mains, la mine froncée. Une bourrasque de vent retourne le parapluie. La rouquine soupire puis lance un regard aux alentours avant de fermer les yeux. Une vague d'énergie similaire à la précédente tourbillonne autour de moi. En me concentrant, je peux voir cette aura autour de la fille. C'est une sorcière ! Bien trop puissante pour ce monde !
― Abby ! s'exclame son amie aux champignons.
― J'avais peur de le casser en essayant de le remettre.
― La magie est interdite dans les lieux publics, quelqu'un pourrait nous voir.
La fameuse Abby hausse les épaules.
― Je suis au courant, mais tout va bien.
― Tu veux bien attendre cinq minutes supplémentaires le temps que je fouille à la recherche des autres champignons ? Les meilleurs sont ceux provenant directement de la source surtout lors d'une bonne pluie.
― Je ne suis pas pressée.
La fille aux champignons s'abaisse pour ramasser les champignons avec la plus grande délicatesse possible. Est-elle également une sorcière ? Je ressens un picotement, mais cela ne ressemble en rien à celui de l'autre fille. Elle s'agenouille dans la boue afin d'en tirer un autre lorsque nos regards se croisent.
― Tu es adorable toi, murmure-t-elle d'une voix douce.
Je devrais probablement m'enfuir à toute vitesse pour m'échapper, mais mon instinct me pousse à ne pas bouger. Je cligne des yeux en la regardant attentivement. Elle dégage une profonde gentillesse à laquelle je n'avais jamais fait face auparavant.
― Est-ce que tu as un propriétaire ou livré à toi-même ?
Elle dépose sa main sur le sommet de ma tête en souriant.
― Nous ne pouvons pas sauver tout le monde, mais il y a encore de la place pour une personne supplémentaire. Je suis certaine que ma meilleure amie va t'adorer même si elle va faire semblant d'être contrariée.
La belle inconnue me porte délicatement afin de m'emmener auprès de son amie. Celle-ci saute sur ses pieds en remarquant ma présence, elle fronce les sourcils puis secoue rapidement la tête. Son regard envoie des étincelles, elle n'a pas l'air de faire semblant de me détester. Je me recroqueville en baissant les yeux.
― C'est hors de question !
― Mais on ne peut pas laisser une pauvre créature innocente ici.
― Je ne veux pas d'un autre chat !
Sa voix craque au milieu de sa phrase.
― C'est toujours difficile de tourner la page après le décès d'un animal , mais on peut sauver cette boule de poils. Il a quelque chose de spécial, je le ressens à travers son regard. Tu ne peux pas refuser, Abby.
― Il ne prendra jamais la place de Luna.
― Bien sûr que non ! Mais une compagnie supplémentaire à l'appartement apporterait un peu de chaleur et de bonheur. Il est inconcevable de laisser ce pauvre chat dans la nature avec tous ces dangers.
Les deux femmes débattent durant de longues minutes avant de trancher. Cette étonnante sorcière accepte ma présence uniquement si son amie s'assure que je suis propre. Si j'étais encore capable de communiquer, je pourrais lui affirmer ! La fille aux cheveux bouclés m'enveloppe dans son écharpe puis m'emmène loin de la pluie.
14.02.2024
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