Chapitre 15
Deux semaines après la visite de Leyra chez Janov, la femme-louve y retourna. Cette fois, elle n'eut même pas à pousser le portail rouillé. Ce dernier gisait au sol. La femme-louve l'enjamba, augmentant sa vigilance d'un cran. Elle scruta le jardin laissé à l'abandon mais n'y vit rien de suspect. La jeune femme toqua et le majordome la conduisit à nouveau dans la petite salle, et l'y laissa. Janov ne la fit pas attendre, la conduisant directement dans son bureau. Il avait l'air soucieux et se précipita pour prendre la parole.
« J'ai cherché ce fameux Argan, et je l'ai trouvé. Ou tout du moins, Petit Pied l'a trouvé, avant de se faire tirer dessus. Il a réussi à s'échapper, mais est gravement blessé. »
Sa mine s'assombrit, mais il continua.
« Il semblerait que cet homme soit une aide importante du boss mafieux de la ville. Pour ce qu'il manigance, je ne sais pas. Il est en charge du nouveau réseau de drogue du boss. Mais ça n'est pas lui qui a blessé Pit. Il y avait quelqu'un d'autre avec lui, un homme portant un masque d'argent lui couvrant entièrement le visage, avec trois petites fentes. Petit Pied les a surpris alors qu'il suivait Argan. Ils sont entrés dans le meilleur restaurant de la ville, et ont reçu une salle VIP. En sortant, cet homme a vu qu'ils avaient été suivit et a tenté d'éliminer Pit. Après, je ne sais pas. »
Leyra hocha la tête, nullement perturbée. Elle fixa son informateur angoissé, qui sentait une sueur froide lui couler dans le dos.
« Ne divulgue rien. »
Paniqué, il couina :
« Évidemment ! »
La femme-louve s'avança d'un pas et lui brisa la nuque. Janov tomba lourdement sur l'épais tapis, une expression de peur figée sur son visage sans vie. Tout était allé bien trop vite pour lui. Leyra sortit de la pièce sans même jeter un œil au cadavre. Elle fonça dans les escaliers devant les servantes surprises, et ouvrit violemment la porte de la pièce au-dessus du bureau de Janov. Sur le pas de la porte, elle se tendit, prête à bondir sur quiconque serait à l'intérieur. Mais il n'y avait personne. Une forte odeur de produit chimique lui assaillit les narines, et elle sauta immédiatement par la fenêtre, brisant le verre. La petite pièce explosa avant même que la femme-louve ne touche le sol. Le toit fut soufflé et l'incendie dévora tout sur son passage. Bientôt, la demeure entière fut engloutie par les flammes. Les cris des quelques servantes à l'étage cessèrent très vite, réduites en blocs de cendre ayant une vague forme humaine. Dans le bureau de Janov, les premières flammèches commençaient à lécher allègrement le corps sans vie. A quelques mètres de distance, Leyra plissa les yeux dans la direction inverse au drame en face d'elle. La fumée rendait son odorat inutilisable. Traquer la personne ayant mis la main sur Janov était désormais impossible. Mais la femme-louve s'en fichait royalement de l'homme dont elle avait ôté la vie quelques instants plus tôt. Cette explosion avait été planifiée en prenant en compte ses capacités d'homme-bête. Son informateur avait parlé, et elle n'allait pas se répandre de sentiments pour lui. Ses pensées étaient uniquement dirigées vers une personne : l'homme masqué.
Elle formula très vite une hypothèse. Se sentant menacé par l'arrivée de Petit Pied, il avait voulu savoir qui le traquait. Janov, sous la pression de l'homme menaçant de tuer Pit, accepta de lui tendre un piège. Ou tout du moins, c'était ce que Janov croyait. En réalité, le but de tout cela était juste de confirmer son identité. Une fois que cela avait été fait, l'individu n'était pas resté plus longtemps et avait déversé le contenu de sa petite fiole avant de fuir. Il savait que l'odeur attirerait la femme-louve, et il ne comptait pas risquer sa vie à la confronter directement. Le temps qu'elle pense à le poursuivre, il serait déjà hors de vue, et c'était tout ce qui comptait. Son odorat hors d'usage, elle ne pouvait pas faire grand chose. Même si Leyra remarquait quelque chose d'étrange à propos de Janov, cela n'entraverait pas le déroulement du plan.
Quelques rues plus loin, un homme portant un masque coloré de rouge et de vert s'engagea dans une ruelle vers le centre de la ville. Il ralentit le pas, retrouvant une démarche normale. Dans sa fuite, sa jambe gauche avait pris un coup. Il grimaça. Il ne s'attendait pas à ce que la femme-louve tue Janov sur le champ. Après tout, le magnat était relativement loyal. Il avait jusqu'au bout refusé de lui donner le nom de la femme-louve, ou toute autre information. Il avait seulement dit qu'elle reviendrait pour obtenir les résultats de l'enquête. Il avait donc passé quelques jours dans la demeure de Janov. Soudain, il ricana. Peut-être cet idiot espérait-il qu'elle le sauve de ce faux pas. Il avait obtenu une information importante aujourd'hui, en plus de l'apparence de la nouvelle cible. Elle était impitoyable, et les otages n'auraient que très peu de valeur. Alors qu'il s'éloignait, son pas se fit plus léger.
La femme-louve était restée sur les lieux. Elle observait le brasier d'un air détaché, adossée à un arbre de la propriété. Les flammes rendaient sa cachette encore plus sombre que d'ordinaire. Un policier arriva au coin de la rue. En voyant que les flammes n'allaient pas se propager hors de la propriété, il n'appela pas les pompiers mais resta pour surveiller les éventuels développements. Après tout, cette demeure appartenait à un gros trafiquant de drogue, personne n'allait pleurer sa perte. Quant à une enquête, ils feraient le tour de la propriété une fois le feu éteint et classeront l'affaire en temps que litige entre des groupes criminels de la ville. Son partenaire arriva et ils arrêtèrent les quelques servantes qui étaient sorties à temps. Le majordome ne se trouvait plus sur la scène du crime. Une ombre se détacha de derrière un chêne et quitta les lieux. Sa piste la plus prometteuse vers cette affaire venait d'être coupée.
Elle rentra dans son petit appartement et décrocha le téléphone. Une voix rauque se fit entendre de l'autre côté du combiné.
« Bureau de Sigmund, que puis-je faire pour vous aider ?
- Comment vas-tu, Mangroo ?
- Ça pourrait aller mieux. J'ai eu des résultats sur ce que tu m'avais demandé. »
Sa voix se fit plus grave.
« Il semblerait qu'il y ait de larges sommes d'argent qui partent régulièrement dans divers laboratoires du pays, mais qui ne sont pas utilisées dans les projets pour lesquelles elles ont été versées. Ces projets ont d'ailleurs été mis en pause. Mais les tensions avec Kutagawa augmente, donc ça n'a rien de surprenant. Les ressources sont mobilisées petit à petit et les hauts placés attendent la guerre. Peu importe ce qu'il font dans ces laboratoires, ça doit avoir un lien avec la situation du pays, pour qu'ils y mettent tellement d'efforts. De mon côté, j'ai envoyé un agent dans le laboratoire, mais rien d'anormal n'a été trouvé. Cependant, je ne pouvais pas forcer le passage, et ils ont pu lui montrer ce qu'il voulaient. Ça n'est pas quelque chose que je peux influencer. »
L'œil unique de la femme-louve brilla dans l'obscurité.
« Quels sont les autres laboratoires liés à ça ?
- Tous ceux gérés de près où de loin par l'armée sont suspects.
- Je vois... Merci, je devrais pouvoir faire quelque chose.
- Leyra. »
Il sembla peiner à continuer. La femme-louve attendit patiemment, son esprit déjà tourné vers les obstacles à venir.
« Fais attention. Cette fois, tu pourrais bien te mettre le pays à dos. »
Un rire léger lui parvint, et il réprima un frisson. Il ne put s'empêcher de la penser complètement folle, une fois de plus.
« Si c'est ce que cela nécessite, je le ferais. Que le monde entier me tourne le dos, je n'en ai que faire, et tu le sais. »
Un sourire amusé resta sur son visage.
« Autre chose ?
- ...Non.
- Alors porte-toi bien. Ce serait dommage de perdre un tel homme à cause de manigances politiques. »
L'homme raccrocha et se massa les temples, ses sourcils formant un arc contrarié. Il s'affaissa dans sa chaise, ferma les yeux et marmonna :
« Les tensions augmentent et la guerre va éclater, sans aucun doute. Et maintenant, voilà qu'elle s'en mêle, avec son propre agenda. Tout va devenir bien plus chaotique qu'ils ne le pensent... »
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