Chapitre 14
Finalement, un peu plus de trois semaines passèrent avant que Keita ne termine enfin toute ses missions, les aléas du temps n'avaient pas joué en sa faveur. Il était donc sur le chemin du retour à la capitale, dans la charrette d'un paysan qui se rendait au marché de la ville basse. La voiture était tombée en panne pendant le trajet et avait été renvoyée à la capitale pour réparations. En comptant le trajet en ville après être sortit du véhicule, il arriverait dans le début de soirée, avant que la nuit ne tombe.
Maria avait reçu une lettre de sa part il y a quelques jours, lui racontant où il en était. Elle savait donc qu'il allait bientôt rentrer mais pas forcément aujourd'hui. Elle fut donc très surprise en le voyant arriver dans la soirée avec tous ses bagages. Mais Keita le fut surement encore plus en voyant l'état des locaux. Plus particulièrement la cuisine avec des marques de brûlé un peu partout, leur chambre en désordre et le bureau du chef sans le chef en train de travailler dedans, mais sur le divan.
« Bon dieu mais qu'est-ce qu'il s'est passé pendant mon absence ?
- Et bien... C'est difficile à expliquer, dit Maria, un peu gênée, en se frottant la tête.
- Non je dirais que c'est plus compliqué à imaginer qu'à expliquer, lâcha le chef, désemparé.
- Keith, je ne suis pas la seule fautive là.
- Oh, et c'est moi qui ai brulé la cuisine peut-être ?
- C'est en partie ta faute ! C'est toi qui as voulu m'apprendre a faire des bananes flambées sans me dire combien de rhum il fallait mettre.
- Même en omettant la quantité, il me parait évident qu'on ne met pas une bouteille entière ! Espèce d'alcoolo.
- Hein, et comment je pourrais le savoir ? Vieux grincheux !
- Je ne suis pas vieux.
- Soit, tu verras la prochaine fois, j'y arriverai du premier coup, ça t'en bouchera un coin !
- Non, ne réessaye surtout pas, encore moins ici !
- Eh ben... il s'est passé des choses en un mois ici... » marmonna Keita, aussi surpris de la survie du chef que du grand rapprochement entre lui et sa sœur.
- Je ne suis pas très surpris que Maria ait refait la décoration de la cuisine, mais vous, c'est rare de vous voir en dehors de votre bureau. »
Maria fit une mine outrée.
« Et bien... le divan n'est pas désagréable, tant que je n'ai pas besoin d'écrire, je peux bien me mettre ici. Au moins je peux garder Maria à l'œil sans qu'elle vienne sans arrêt dans mon bureau au lieu de travailler.
- Je vois. »
L'intéressée soupira puis sourit.
« Quoi qu'il en soit, ça fait plaisir de te revoir entier. Tu vas pouvoir nous aider en prenant une nouvelle mission en ville. Ces dernières ont commencé à s'accumuler car je ne peux évidemment pas être partout.
- Laisse-moi d'abord un congé » se plaignit le jeune blond.
Keith sourit à son tour.
« Prend donc ton weekend de congé. Puis, fais-en autant, Maria. Tu l'as bien mérité. »
Le chef avait bien vu qu'elle avait tendance à se surmener en enchainant les missions sans pause depuis que tout le monde était parti un peu partout. Il l'avait laissé faire car il n'avait pas trop le choix, mais cela l'avait embêté. Le retour de Keita était donc le bienvenu.
« Génial ! soupira le jeune blond, rassuré. Au fait, vous avez des nouvelles de notre duo de choc ? »
Maria répondit :
« Non, pas encore... Enfin, on reçoit des sommes et les avis de recherche rayés par la prison qui nous a engagé, donc on peut dire qu'ils en ont déjà attrapé un paquet, mais qu'il en reste un certain nombre. S'ils gardent le rythme, ils reviendront entre quatre semaines et trois mois. »
- Ça fait une grosse marge » s'étonna le jeune.
Le brun répondit :
« Certes, si on compte seulement leur vitesse d'action jusque-là on pourrait dire trois semaines, mais si on prend en compte la fatigue, la météo d'automne et le fait que les prisonniers restants sont les plus difficile à trouver et surement les plus fort des évadés, cela pourrait en effet durer deux voire trois mois. Mais de ce que j'ai vu de leurs capacités, je dirai qu'un mois, un mois et demi devrait être suffisant. »
- Je parie sur un mois et demi ! lança la jeune blonde.
- Moi sur un mois. relança le chef. Celui qui est le plus loin perd et paye le restaurant aux autres.
- Deal ! »
Le jeunot était choqué de voir le raisonnable chef rejoindre un pari contre sa sœur. Mais que diable s'était-il passé entre ces deux la pendant son absence ?!
« Keita tu mises quoi ? lui demanda sa sœur.
- Euh moi je dirai plutôt deux mois au vu de la façon dont ils se chamaillent tout le temps. »
Le chef clôtura donc le vote.
« C'est noté ! Préparez-vous à perdre. »
Maria sourit en répliquant :
« On va voir ça. »
Depuis le retour du blond, les jours passaient au quartier général sans qu'il ne se passe grand-chose d'inhabituel, sauf si on compte la proximité entre le chef et la sous-chef depuis bientôt un mois et demi maintenant. Cela faisait donc déjà un mois et demi que Sora et Kooritsuki traquaient ensemble des évadés aux capacités aussi hors normes que dangereuses.
La plupart du temps, ils campaient ou dormaient dans les granges pour réduire leurs frais de voyage. Malgré tout le temps qui s'était écoulé, elle avait souvent tendance à faire des cauchemars concernant son lointain passé. Cela n'avait pas échappé à Sora qui restait sur le qui-vive, afin de se réveiller et de trouver un moyen de l'apaiser. A chaque fois qu'elle se réveillait, il discutait avec elle, pour lui changer les idées.
Ils n'étaient jamais resté aussi longtemps seul ensemble, et n'avaient sûrement jamais autant discuté. Sora avait même fini par se livrer sur son passé, sur sa vie de noble, les raisons de son départ, sa fuite, tout en rappelant leur souvenir commun sur la difficulté qu'ils avaient eu à s'adapter. Ainsi, il espérait qu'elle pourrait plus facilement en faire autant. Il avait bien lu son dossier, celui du sujet 021. Cependant, il aimerait, même si cela était égoïste, qu'elle puisse se confier à lui, lui parler de son ressenti en toute confiance. Quand il y repensait, il se sentait bien égoïste et peut-être horrible d'essayer d'aborder ce qui lui faisait mal, mais en même temps, son souhait était de pouvoir l'aider et la protéger.
Plus les jours passaient et plus il se rapprochait, plus naissait un désir contradictoire à ses pensées. Un désir bien que naturel qu'il essayait de réprimer quitte à devenir fou. Depuis leur dernière mission avec les garde-côtes, sa soif avait augmenté et les poches de sang habituelles lui semblaient bien insipide. Cela faisait déjà deux semaines qu'il avait épuisé sa réserve, et ce bien plus vite qu'il ne l'avait cru. Même s'il ne voulait pas se l'avouer, le contact fréquent avec la blanche depuis qu'il l'avait mordue, semblait réveiller plus facilement sa soif. Il avait donc, pour se calmer, pioché plus souvent dans ses réserves. Mais maintenant qu'il n'en avait plus, chaque blessure faisant couler le sang de la jeune fille était comme un supplice. Son sang, il en avait envie, plus que tout autre. Mais il ne pouvait pas s'y résoudre. Il ne pouvait pas céder tel un sauvage à ses instincts et lui faire du mal. Il voulait la protéger en restant à ses cotés, mais plus le temps filait, plus il savait que c'est de lui qu'il devait la protéger. Il avait tellement honte, qu'il n'osait pas lui en parler. Et puis, que pourrait-elle bien y faire. On ne choisissait pas d'être blessé ou non lors d'un combat.
Kooritsuki, qui le connaissait assez bien, avait remarqué un changement dans son comportement. Il semblait plus ailleurs, plus fuyant. Ce soir, après un combat acharné pour attraper un prisonnier, elle remarqua que Sora qui venait pour voir son état après avoir lié le prisonnier, s'arrêta net et recula d'un pas avant de tourner le visage, une main dessus. Ce n'était évidemment pas normal ! Alors elle s'approcha et l'attrapa par la manche avant qu'il ne recule plus.
« Sora, qu'est-ce que tu as ? Ça fait déjà un moment que je t'observe tu parais fatigué et constamment l'esprit ailleurs...
- Tu... Tu saignes au poignet, tu devrais déjà te soigner.
- Ce n'est presque rien, ça peut attendre !
- Non, justement, c'est dérangeant.
- En quoi cela est dérangeant, en temps normal ça ne te dér... »
Elle posa ses yeux sur son visage qu'il cachait de sa main puis sur sa gorge serrée et stoppa net. Elle venait de comprendre, ce qui n'échappa pas à Sora qui voulu reculer. Mais cette dernière le retint et, contrairement à ses attentes, s'écria :
« Je suis désolée ! Je suis vraiment désolée de ne pas avoir remarqué, j'aurai pourtant dû !
- Non tu n'y es pour rien ! Et puis on ne peut pas y faire grand-chose.
- Bien sûr que si ! J'aurai pû t'aider au lieu de te laisser te torturer, idiot ! »
Elle n'attendit pas de réponse et mordit son poignet déjà blessé sans réfléchir puis lui tendit.
« Mais qu'est-ce que tu fais ?! Idiote toi-même !
- A ton avis, je t'aide ! »
Sora resta un moment bouche bée. Était-elle vraiment en train de lui proposer son propre sang, comme ça ? La tentation était vraiment forte.
« Es-tu bien sûre de ce que tu fais ? Je ne sais pas si...
- J'en suis sûre. »
Sora ne put pas attendre plus longtemps et lui attrapa le poignet avant de le mordre à vive dents. Il lui fut très difficile de s'arrêter, mais il le devait. Après quoi, il la relâcha, retombant à genoux devant elle.
« Je suis désolé, vraiment... je suis un monstre.
- Ne dis pas des choses aussi stupides, ce n'est pas le cas. Tu es plus fort que la plupart, alors c'est normal que tu aies besoin de plus pour te régénérer. Et quand bien même cela ne concerne pas que la régénération, on a tous des besoins ou des envies qui nous font honte mais auquel on ne peut pas échapper.
« Comme quoi... ? demanda le brun qui avait du mal à croire en cette scène.
- Par exemple, l'envie irrépressible de te noyer le matin même si ce n'est pas forcement justifié. »
Sora lâcha un petit rire.
« Ça n'a vraiment rien à voir.
- Ce n'est qu'une question de point de vue.
- Il n'y a pas à dire, tu es vraiment spéciale.
- Je sais, je sais. »
Depuis, Kooritsuki pris l'habitude d'offrir son aide à son coéquipier. Ce dernier était vraiment touché par son acte mais désespéré, car elle le sauvait encore et toujours, sans que lui ne puisse lui rendre la pareille. Mais aussi, car maintenant, la saveur de son sang lui semblait encore plus enivrante. Pourquoi diable, le sien lui faisait plus envie que n'importe qu'elle autre. C'était encore pour le moment un mystère.
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