Mardi, 18h30 :

Vive la routine. Chez moi c'est toujours la même mélodie : je rentre du lycée, je mange un gâteau, puis deux, puis trois, jusqu'à finir le paquet de biscuits complet et je me sers un verre d'eau pour faire bonne figure.

Pendant ce temps, mon petit frère, Antoine, se lobotomise devant la télé, comme à son habitude. Après avoir rassasié ma petite faim, je traîne des pieds lentement, sans aucune conviction, lasse, dans les escaliers pour monter à ma chambre. A peine en ai-je franchis le seuil que me voilà déjà avachie telle une larve sur mon lit, qui n'est d'ailleurs même pas fait.

On pourrait penser qu'un ouragan a fait fureur au sein de la pièce. Mais le phénomène s'est créé sur plusieurs années : l'entassement d'affaires est chez moi une sorte de don, un talent inné.

Des Converse et des chaussettes, dont l'odeur peu enviable et repérable à des kilomètres, sont éparpillées aux quatre coins de ma chambre. Les habits en vrac sur ma commode forment une pile que l'on pourrait égaler à la hauteur d'une montagne. Des cahiers, ainsi que des feuilles chiffonnées traînent par terre, à côté de mon bureau, sur le sol poisseux. Certes, le ménage ne fait pas partie de mes priorités.

Je rampe jusqu'à mon bureau. Le mètre qui le sépare de mon lit semble être à des années lumière d'atteinte. J'arrive finalement à ma destination : ma chaise. J'ouvre mon Eastpak, que j'avais soigneusement balancé au préalable, et je tâte à l'intérieur. Je trouve mon agenda tout au fond. Nous y voilà donc.

Les devoirs.

Je pense que ce mot devrait être banni : rien qu'à l'entendre, je suis prise d'une violente migraine. Je prends la bonne page après trente secondes de recherche assidue, puis je lis rapidement. C'est la première fois que je me rends compte à quel point j'écris mal : tout est abrégé, même pas écrit sur les lignes, gribouillé de petits mots mal orthographiés et de dessins faits à l'arrache. Malgré ça, j'arrive quand même à déchiffrer ce... je ne trouve pas de mot convenable pour décrire ça.

Anglais : faire les exercices de la fiche n°1, 2, 3, 4, 5, 6, 11, 13 + Maths : 56 et 60 p 178.

Et c'est parti pour une bonne heure de torture. J'envoie voler mon agenda sur mon lit, qui finit par glisser et tomber lamentablement sur mon tapis beige. Je passe une main dans mes cheveux roux, puis joue avec ma dread aux couleurs exotiques.

Dubitative, je fixe la cour des voisins d'en face. De nombreux pots fleuris ornent les rebords des fenêtres de la façade visible. Je tends le bras et ouvre la mienne. Une aération est la bienvenue dans ma chambre. J'inspire le doux parfum du gazon fraîchement tondu venant de la maison avoisinante à la notre.

J'ai de la chance d'habiter dans une petite ville tranquille. En moins d'un quart d'heure, j'ai accès au lycée, au ciné et le Lidl du coin, puis pour cinq minutes de plus, au centre-ville. Elle n'est pas belle la vie ? Et bien non. Et pourquoi donc ? A cause des devoirs.

Oui, c'est une raison suffisante pour ne pas réussir à profiter correctement de la vie, comme il se doit. Ce serait tellement plus simple si j'arrivais à comprendre ne serai-ce qu'une leçon. Juste une. J'ai moins de dix de moyenne et pourtant j'essaie de me concentrer au maximum, mais en vain. Pour moi, les cours sont aussi intéressants que la mouche qui vole au dessus de ma tête en ce moment même.

Elle me nargue avec ses petites ailes translucides. Lorsque je tire un cahier mauve de mon sac et tente désespérément de la chasser, que je frôle son corps minuscule, celle-ci prend la fuite et part par la fenêtre.

Biscuit aboie. C'est notre gros berger allemand. Il fait d'énormes trous dans le jardin pour cacher des os qu'Antoine lui donne (pas très) discrètement. Mes parents viennent de rentrer du boulot. Il est sûrement en train de leur faire la fête.

Bon, stop les rêveries, sinon demain je risque de me faire atomiser par la prof. J'ouvre mon trieur, prends ma fiche d'anglais. Ca s'annonce mal pour moi... La taille de police des exos est aussi lisible qu'un roman destiné aux microbes.

Ok, c'est foutu, j'abandonne. Le temps que je finisse tout mon anglais, je serai morte déshydratée, affamée et mes yeux se seront échappés de leurs orbites. Je vais demander les réponses sur le groupe Snap de la classe. Par la même occasion je vais réclamer celles des exercices de maths.

Je ne suis pas une feignasse, c'est que... tout ça, ça me dépasse. Je m'enfonce dans ma chaise et ferme à moitié mon trieur avant de le balancer brutalement sur mon lit. Il finit sa course à côté de mon agenda, par terre. Au passage, quelques feuilles volantes ont glissé et se sont éparpillées un peu partout. Je vais pour les ramasser. Parmi les fiches étalées, un papier bleu plié en quatre s'est logé sur une de mes chaussettes puantes.

Je me demande de quoi il peut s'agir. Je ne m'en souviens pas le moins du monde. Peut-être est-ce un vieux papier de convocation ou mot qu'on s'est fait passer en cours. Je le défroisse sans délicatesse. Ce n'est sûrement pas important. Je hausse un sourcil. Le message m'est adressé, il y est écrit :

A Chloé, RDV à 16h30, demain, 6bis rue des colombes.

Tout ça c'est quand même bizarre. Un rendez-vous ? Ce n'est même pas signé. Je me demande de qui vient ce message anonyme. C'est très certainement une boutade.

Très certainement.

Ou peut-être pas.

C'est quasi-sûr que ce soit une blague.

Oui.

Mais pas forcément.

Oh non... Je prie pour que ce message ne vienne pas de Will... Vous savez le gros bouffon que vous avez envie d'étriper depuis la maternelle, celui qui vous a humilié dès son plus jeune âge et par malchance c'est aussi votre voisin...

C'est un imbécile de service, il ne pense qu'à insulter les autres. Ce narcissique passe son temps à cracher dans les couloirs, se recoiffer et se mater dans le reflet de son portable. Pourtant, ce n'est pas un modèle de beauté.

Bref, le genre de personne que je ne supporte pas, par excellence. Mais si ce n'est pas lui ? Trêve de questions. Je suis trop curieuse pour ignorer ce bout de papier. Alors soit, j'irai. C'est décidé.

***

Wesh alooors, dites moi par commentaire si vous trouvez la longueur des chapitres pas assez longue ou justement trop, etc. Bref bisuuu ! ~~