25 - Rester opaque
PDV Chloé
Même s'il ne s'est pas mit à côté de moi dans tous les cours -ce qu'il aurait pu faire, puisque je suis toujours seule à ma table- je le vois me lancer des petits regards depuis sa place. Le nouveau joue à un jeu dont il ne connait pas les règles. J'essaie de l'ignorer pour qu'il me lâche, mais il est plutôt têtu. Pourtant je sais qu'il a bien compris que je ne veux pas parler, visiblement il en fait abstraction. Ou au contraire, c'es ce qui le motive. Je vois bien que ses nouveaux amis essaient de lui dire, que ça ne sert à rien de m'approcher. Je suis aussi locace qu'une carpe. Rien n'y fait.
La sonnerie retentit, mon cahier est couvert d'arabesques ou formes géométriques abstraites. Je n'ai jamais dessiné mais ces derniers mois je ne fais que ça. C'est fou à quel point ça peut me détendre. De simples courbes tracées aléatoirement sur le papier. Je regarde mon oeuvre. J'aime la façon dont mes traits coupent les carreaux bleus prédessinés de la page. Je ferme distrètement mon cahier et je le range dans mon sac. Mon prof d'allemand interrompt mes rêveries.
"Chloé, venez s'il vous plaît.
Je prends ma veste en jean large à la main et porte une hanse de mon Eastpak à mon épaule. J'avance jusqu'au bureau sans dire un mot. Mince... il a peut-être remarqué que je n'avais pas suivi le cours. Quoiqu'en fait, je m'en moque. Il ne peut rien me reprocher, mes notes sont excellentes.
- Je vais devoir vous mettre un zéro.
- Q-quoi ? Pour quelles raisons ?
- Vous n'écoutez pas. Vous ne participez pas. Vous êtes ici en touriste.
- ...
J'avoue que ça ne me réjouit pas mais tant pis.
- Je vous en prie ! Réagissez !
- Pourquoi, je réponds du tac au tac.
Il se pince l'arête du nez, remonte ses lunettes rectangulaires qui renforce son air strict et soupire.
- Je ne comprends pas votre comportement. Il y a quelques mois, vous n'étiez pas capable de rédiger ne serait-ce que deux phrases en allemand sans faire trois fautes à chaque mots ! Cependant, vous répondiez, vous étiez réactive !! Même insolente parfois... Enfin... Que s'est-il passé bon sang.
Je suis brusquée par son ton, empreint de colère, mais surtout d'incompréhension. Pourquoi se met-il dans cet état ? Ma vie ne le concerne pas, je n'ai pas besoin de me justifier. C'est alors qu'une vague d'indignation émerge en moi.
- Ma vie privée ne vous regarde en aucun cas, Monsieur.
Je m'apprête à sortir de la salle, mais une main vient se poser sur mon épaule. Je m'arrête instantanément et me retourne vivement. Ma gorge se serre. Mon prof retire sa main. J'ai horreur du contact. Je regarde mon enseignant avec une pointe de fureur dans les yeux. Dehors, les nuages noirs commencent à gronder.
- Chloé... je m'excuse de m'être emporté, ça n'était pas professionnel de ma part. Mais comprenez, mes collègues et moi nous posons tous des questions sur votre comportement. Vous savez dans quel domaine vous orienter après le lycée ?
- Non.
- Alors, je vous le demande, prenez rendez-vous avec le conseiller d'orientation, discutez. Ne vous effacez pas ainsi. Vous gâchez un immense potentiel, j'en suis certain. Si vous avez des problèmes, allez voir l'infirmière mais ne vous enfermez pas et trouvez des solutions !
- Au revoir, Monsieur."
Je tourne des talents et sors de la salle, encore furieuse. Je ne m'étais pas rendue compte à quel point j'étais tendue, je me sens libérée d'un poids dès que mon pied passe le seuil de la salle B221. Ce pervers m'a touché ! Il n'en avait pas le droit ! Je sais bien que ce geste n'avait rien de malsain mais je ne supporte pas ça. Je décide d'aller me rafraichir aux toilettes.
Ma colère et mon dégoût partent au fur et à mesure que l'eau fraîche coule sur mon visage. Une larme vient se glisser parmi les goutelettes qui perlent sur mon visage. Je me sèche dans mon sweat. Je suis délassée, je reprends mon expression neutre habituelle. Je m'attarde un instant sur l'heure. La file pour le réfectoire doit être bondée maintenant... Si seulement, j'étais sortie plus tôt ! Je pourrais manger n'importe quoi, j'ai super faim. Maudit prof. Je sors des toilettes quand je rentre dans quelqu'un qui passe dans le couloir. Mes cheveux devant les yeux, je n'ai même pas besoin de le voir pour le reconnaître.
Will.
J'écarte ma frange, lui ne m'a pas vue en revanche. Il se retourne pour m'interpeler.
"OH ! Tu peux pas faire gaf-
Il perd ses mots lorsque ses yeux rencontrent les miens. Il ne décroche pas son regard. Je me tiens droite face à lui. Il a l'air bouleversé, comme si des tas d'émotions le ravagent de l'intérieur. Alors que je pensais ça impossible, je sens mon coeur battre vite. Trop vite.
- Mec, ça va ?
Un des gars qui sont avec lui viens le voir et tente de le ramener à la réalité. Will n'y prête aucune attention et fais deux enjambées vers moi. Il se tient maintenant à quelques centimètres de moi. Mal à l'aise je recule et baisse les yeux. Il me murmure à l'oreille.
- Sors de ma vie. Putain de sorcière.
Sur ces paroles, il s'en va. Mon coeur se brise une nouvelle fois.
Bạn đang đọc truyện trên: Truyen247.Pro