J'ai l'impression qu'un étau que compresse le crâne. J'appose mes mains de part et d'autre de mes tempes. En clin d'oeil, je me trouve à mon bureau, fenêtre grande ouverte, la tête posée sur ma feuille d'anglais et mon cahier de brouillon me servant d'oreiller. Le temps de comprendre que je n'étais plus dans la chapelle, je me lève précipitamment.

Je fouille ma chambre, plus enragée que jamais pour y retrouver le putain de message de rendez-vous. Disparu.

NON !! C'était pas un rêve ! C'est pas possible ! C'est. Pas. Possible.

Je sens mon portable vibrer dans la poche arrière de mon jean. Lorsque j'affiche l'écran il est 16h22. D'ailleurs il était censé être pété lui ! Je cours jusqu'à mon miroir. Aucune crasse. Rien. J'empoigne mes cheveux.

JE SUIS PAS FOLLE ! MERDE !

Je dévalle les escaliers et me rend dehors. Je sors mon vélo, je dois retourner à la maison délabrée. Je dois être sûre que tout cela n'était pas réel. Quand je sors, assise sur vélo, mon coeur manque un battement quand mon regard croise celui de Will. Il me regarde effaré et fonce vers moi.

"CHLO !

Je jette mon vélo à terre et le rejoins, les larmes me montant aux yeux. Je lui saute dans les bras. Notre étreinte dure au milieu de la route, mais pour rien au monde je ne voudrais m'en défaire. Il murmure plusieurs fois comme soulagé "Tu vas bien, tu vas bien, ...". Je me recule légèrement pour voir ses yeux brillants. Un sourire me béat me colle au visage, mes muscles se détendent et je souffle à en vider l'oxygène de tout mon corps. Puis, je me reconcentre et pose mes mains sur ses joues, fronçant les sourcils.

- Je...

- Oui, allons-y."

Il a la même idée que moi. Nous devons vérifier. Je hoche la tête et reprends mon vélo sur le trottoir. Je l'attends avec impatience, tapant nerveusement du pied. Il me rejoins avec son VTT en mains. Nous nous mettons en chemin. Le trajet se fait dans un silence pesant. Je cogite. Si Will aussi se souvient de tout, alors c'est bien que je n'ai pas rêvé. Tout était si réel et improbable à la fois. Les courbatures me tiraillent l'ensemble du corps. J'ai du mal à pédaler. En roulant, je me rends compte que mon ventre crit famine et ma gorge totalement déshydratée.

Nous arrivons dans la rue des colombes. Je ne comprends pas. Il y a bien un 6, mais plus aucune trace du 6bis et de la ruine. A la place, une parcelle de forêt occupe le terrain. La maison s'est tout simplement volatilisée. Will et moi posons nos vélos derrière quelques arbres. Nous nous avançons dans la nouvelle partie boisée. Je tourne sur moi-même.

"On a pas rêvé, c'est une grosse arnaque, chuchote Will comme pour s'auto-persuader.

- C'est même certain. Sinon pourquoi s'en souviendrait-on tous les deux ?

- Je vais la retrouver.

- Qui ?

- La pute de la grotte.

- Will déconne pas, on la reverra jamais... Et tu vas faire quoi si elle se métamorphose ?"

Il grogne face à ma remarque. Je vais le voir et le prends doucement dans mes bras. Que c'est bon d'être enfin sortis de cette maudite grotte. Même si nous y avons vu des choses merveilleuses, l'air frais me manquait. Et ce stress permanent de mourir s'estompe, ça me fait vraiment un bien fou. Quant à Will, ses nerfs sont toujours à vif. Je le ressens.

C'est alors qu'une douleur intense me comprime la poitrine. Je hurle comme pour la libérer. Je plaque mes bras contre mon coeur. Will panique et retire mon haut pour voir d'où vient mon mal soudain. Malgré mon tête tournante et cette sensation affreuse, je le vois un instant reluquer mon buste avant de prendre... peur ? Mais qu'est-ce qu'il m'arrive encore ?!!

La douleur cesse tout à coup. Je regarde mon corps. La pierre de la légende est incrustée dans mon corps à la place de mon coeur. Celle-ci bat à la place de l'organe et brille un peu. Des pointillis noirs troublent ma vision et je me sens partir vers le sommeil. Mais je reprends rapidement mes esprits lorsque les lèvres de Will viennent s'accrocher aux miennes. J'enlace sa nuque pour aprofondir son baiser.

"On rentre", dit-il contre ma bouche.