« Il faut qu'on passe.

- ...

- Tu m'écoutes ?

Je me tourne en attente d'une réponse mais Will n'est pas là. Les lucioles sont réapparues au milieu de l'obscurité. L'océan se forme de nouveau. La scène se déroule sans un son. Le spectacle est captivant. J'ai la sensation que seul mon cœur résonne de plus belle dans ma poitrine. Mon ventre vient déchirer le silence. La vache, je crève la dalle.

- Hey Chlo, regarde !

Je n'en reviens pas, Will tient une sorte de flèche entre ses mains.

- Tu l'as trouvé où ?

- Derrière la porte il y a un tas d'arbres secs, j'ai juste fais une pointe au bout d'une branche avec mon canif.

- Tu comptes tuer Cerbère ??

- Pas avec ça, t'es malade toi. Ça te dit de la petite friture comme diner ?

- Quoi ?!

Au nom du plat alléchant, mon estomac réagit instinctivement. Will s'approche, avec sa lance improvisée vers l'aquarium titanesque. Il plonge dans l'eau salée et embroche un poisson trop curieux qui venait à sa rencontre. Il nage jusqu'à la limite de l'océan et s'avance trempé face à moi.

- Ta-dam ! Du poisson frais pour Madame.

- Je t'adore, tu sais ça.

Il me fait un clin d'œil empli de malice. C'est qu'il est vachement débrouillard le coco ! Jamais je ne l'aurai pensé ainsi. Dire que pour moi ce n'était qu'un imbécile qui ne pensait qu'à dire du mal des autres, mais je me trompais, la vérité c'est que je n'ai jamais vraiment voulu le connaître. Il me donne sa broche, fier de lui. Je m'apprête à croquer dedans, j'ai beaucoup trop faim.

- Hé mais attend, tu vas le bouffer cru ?

Je m'arrête dans mon élan, puis le regarde avec incompréhension.

- Comment tu comptes t'y prendre autrement ?

- Il n'est pas bien gros, on peut le faire cuire un minimum avec un tas de branches sèches qu'on fait flamber avec les torches de la porte nan ?

- T'es un génie mec.

- Je sais, je sais. »

Je ris de mon cœur. Je suis réellement soulagée d'enfin pouvoir manger un peu ! Will ne le montre pas mais je sais qu'il est à bout de force lui aussi. Je cours derrière la porte. En effet, de nombreuses plantes dévitalisées grimpent et accapare la porte entièrement. Je cueille de petites brindilles qui s'enflammeront aussi rapidement que des allumettes. Je me sers de mon T-shirt complètement sec en guise de poche pour soulever l'énorme amas que j'ai récolté.

Je reviens vers Will et balance ma récolte à ses pieds. Il prend la plus grande branches et la plus fine des branches et va près d'un des troncs aux sommets flamboyants. Il la tend dans le feu. Celle-ci s'embrase d'un coup. Il retourne au tas de bois que j'ai fais et la pose dedans. Nous nous penchons et soufflons doucement. Les flammes se propagent lentement. Elles dansent. Hypnotisée par la douceur de leur valse, je me détends.

Will vient récupérer le poisson sur sa broche et la soulève légèrement au-dessus le feu. Je l'aide en récupérant l'autre bout. Nous faisons tourner la poiscaille comme un poulet rôti. C'est plutôt amusant. Mais la chaleur me fait dégouliner de partout. Ma veste, que j'avais jusque là noué autour de ma taille me brûle. Je l'enlève et m'essuie le front.

« Ouais, moi aussi je crève de chaud, remarque Will en souriant.

- Mais j'ai plus faim que chaud donc je reste.

- Idem, on ira se baigner après, ça et dit ?

- Euh, t'es sûr que c'est une bonne idée ? Me faire choper par une pieuvre n'est pas mon objectif premier, vois-tu.

- Bon bah j'irai seul mais si t'as besoin de fraîcheur, mes bras sont ouverts, dit-il avec un sourire en coin.

- Nan, merci bien.

Je lève les yeux au ciel et soupire. Mais au fond, je n'aurai pas dit non. Il me regarde en souriant, aurait-il lu dans mes pensées ? A cette idée, je sens mes joues rougir. Avec un peu de chance, il croira que c'est à cause du feu. C'est dingue, est-ce que tous ces événements m'ont retourné l'esprit ? Will n'est pas particulièrement beau. Tout le contraire de mon type de mecs habituel. Et pourtant.

Tout me pousse à vouloir me rapprocher de lui. Je lui jette quelques coups d'œil furtivement. Je ne veux pas qu'il me voit en train de le détailler. Mes yeux font des allers-retours fréquents entre le poisson et son visage. Puis mes yeux rencontrent les siens. Nos regards restent alors accrochés l'un à l'autre, ancrés.