84× Des Propos Sincères
Blake
Aussitôt arrivés, Kagami et moi rejoignîmes Alexandre et Traska qui discutaient tranquillement près d'un buffet. Je balayais souvent les alentours du regard dans l'espoir de voir mon prince arriver. Je soupirai, évidemment rien n'était aussi simple. Cette foutue règle militaire qui empêchait les liaisons entre chef et subordonné nous obligeait à nous cacher. C'était tellement contraignant... De plus, je sentais que notre couverture n'allait pas tarder à tomber. Certains de nos compagnons commençaient déjà à avoir des doutes sur la nature de notre relation. Je frissonnai à l'idée que quelqu'un découvre le pot aux roses. Je ne voulais surtout pas que nous nous fassions expulsés des Lames d'Argent, ou pire, rester avec la contrainte de ne plus nous voir.
Raphaël arriva alors vers nous, il semblait passablement énervé. En le voyant, j'eus de suite l'irrépressible envie de le taquiner pour parer l'ennui qui commençait à se faire sentir.
- Si tu voyais ta tête !
- Gabriel est revenu ! explosa le jeune homme aux cheveux albes.
Je le regardai avec étonnement, je me rappelais avoir vu le criminel durant l'ouverture du Tournoi Inter-Cité et en avoir été interloquée. Il avait tout de même un sacré cran pour se pointer ici après tous les problèmes qu'il avait causé, c'en était presque admirable.
- Que s'est-il passé ? s'enquit Alexandre.
- Vous vous êtes battus ? le questionna Kagami dans un sourire amusé.
- Non et je regrette déjà de ne pas lui avoir cassé la gueule !
- Vous vous seriez fait exclure du Tournoi, fit remarquer Traska.
- Tu es vraiment une bête sauvage ! ricanai-je.
- Qu'est-ce qu'il te voulait ? lui demanda mon meilleur ami.
- Ce n'est pas à moi qu'il en voulait mais à Aerin.
- Je comprends mieux ta colère alors... commentai-je dans un sourire plein de sous-entendus.
- Je n'aime pas les savoir ensemble. Qui sait ce que ce mafieux pourrait faire ?
- Elle sait se défendre, elle n'a pas besoin de toi, lui assénai-je.
- Et puis elle lui a déjà échappé une fois ! le rassura Alex dans un grand sourire.
Raphaël continua tout de même de grommeler :
- Ce gars me met hors de moi ! Il a une façon tellement méprisante et rieuse de me regarder ! Il a l'air de se foutre de moi et je déteste ça !
J'écoutais le mage de l'Air râler d'une oreille distraite lorsque je vis soudain passer celui que j'attendais depuis le début.
- Bon, j'en ai marre de t'entendre geindre ; je vais faire un tour ! prétextai-je pour m'éclipser.
Sans attendre mon reste, je me faufilai furtivement entre les convives en jetant de rapides coups d'œil anxieux aux alentours. Je préférais m'assurer qu'aucun Lame d'Argent ne me verrait parler à l'homme qui faisait battre mon cœur. Une fois à sa hauteur, je tirai le bout de sa manche pour le pousser à se retourner. Celui-ci m'adressa un regard curieux avant de graver un sourire sur son visage habituellement si inexpressif. Je ne pus m'empêcher de le dévorer des yeux tant je le trouvai craquant à cet instant dans ses habits noirs et distingués.
- Tu es splendide... murmura-t-il.
Il caressa mes cheveux rouges que j'avais détachés pour l'occasion.
- Toi aussi tu es resplendissant.
Nous partîmes sans attendre nous isoler à l'extérieur. Mes lèvres glissèrent sur les siennes et nous nous embrassâmes à l'abri d'un arbre à en oublier les alentours. Comment avait-il pu déjà me manquer ? Nous nous assîmes au pied de son tronc et je posai ma tête sur son épaule pour contempler les étoiles. Nous discutâmes longuement comme nous avions l'habitude de le faire. Bien qu'Hadrian ne soit pas un grand bavard de nature, je parvenais toujours avec succès à le faire parler et rire.
Nous rapprochâmes nos visages pour nous embrasser une nouvelle fois quand soudain quelqu'un éclaircit sa voix comme pour retenir notre attention. Nous nous figeâmes dans notre mouvement et y jetâmes un œil. Ariane nous observait d'un sourire malicieux plaqué sur le visage. Nous nous séparâmes précipitamment. Nous étions fichus, la princesse d'Alanya nous avait vus ! Je tentai de rattraper la situation :
- Ce n'est pas ce que tu crois !
La jeune femme aux boucles blond vénitien s'accroupit face à nous et nous questionna sur un ton de confession :
- Depuis quand vous êtes ensemble tous les deux ? Hadrian tu aurais pu me prévenir tout de même !
- Je t'en conjure, ne le répète à personne, la quémanda-t-il.
Celle qui avait été sa seule amie pendant longtemps le fixa avec étonnement. "Pourquoi ?", avait-elle l'air de se demander. Puis elle parut se rappeler et comprendre.
- Voyons, c'est une règle dépassée ; je suis convaincue que mon père voudra bien la modifier, surtout pour toi Hadrian.
Nous la fixâmes en silence, sidérés, et elle se releva. La résolution de notre problème était finalement si simple que ça ?
- Maintenant qu'Hadrian est pris, il va falloir que je trouve un vrai parti, soupira-t-elle pour elle-même.
Je la dévisageai en fronçant les sourcils d'incompréhension ; avait-elle vraiment prononcé ce que je venais d'entendre ? En voyant le soudain changement de couleur de mon visage, devenu étrangement blafard, le chef du Feu précisa les mots d'Ariane :
- Rassure-toi, elle et moi sommes seulement amis. Cependant sa condition de future reine l'oblige à chercher un époux pour assurer une descendance au royaume. Nous nous étions ainsi dit que si elle ne trouvait personne, nous n'aurions qu'à nous marier ensemble. Après tout même si nous n'étions pas amoureux, nous nous entendions suffisamment bien. Qui plus est, ma position d'Enfant Maudit m'empêchait de toute manière d'espérer trouver quelqu'un un jour.
Je restai sidérée face à ces paroles, jamais je n'aurais pu m'imaginer qu'au delà de leur grande amitié, Hadrian et Ariane fussent promis l'un à l'autre. Malgré moi je ne pus m'empêcher de tiquer sur le mot "descendance" et d'imaginer leurs supposés enfants.
- Cesse de tirer une tête pareille, désormais c'est vous deux le vrai couple ! Allez-y, montrez-vous, vous avez mon soutien, nous encouragea l'infante d'Alanya dans un clin d'œil complice.
Je l'observai ainsi repartir sur ces mots, tout sourire. Le chevalier aux cheveux noirs et moi nous interrogeâmes du regard. Nous brûlions de cette même envie mordante de ne pas contraindre notre relation. Mais étions-nous près à courir le risque ? Après tout le roi, qui connaissait le passé d'Enfant Maudit d'Hadrian, ne pouvait vouloir que son bonheur. Il se réjouirait même probablement pour lui.
En guise de toute réponse, le brun se leva et me tendit la main. Je la saisis et il déclara :
- Allons danser au grand jour.
*
* *
Aerin
Désormais seule à seul avec mon frère, nous nous mîmes à marcher côte à côte dans les jardins du château. Gabriel demeurait silencieux, il regardait les étoiles d'un air distrait. Sa présence était toujours une étrange sensation à laquelle je ne m'habituais pas. Elle m'emplissait d'une certaine plénitude inexpliquée. Je n'avais pas oublié ce qu'il m'avait fait, loin de là, mais mes sens me dictaient sans cesse des signaux contraires à son propos.
- Tu m'as manqué...
Je ne répondis rien et continuai de regarder droit devant moi comme si de rien était. Mon cœur s'accordait à ses propos mais ma raison les refusait.
- Je suis navré que mes méthodes ne te plaisent pas, ajouta-t-il calmement en faisant référence à tout le stratagème qu'il avait imaginé pour m'enlever.
Je le dévisageai, offensée, et sentis déjà la colère se déverser dans mes veines. Cependant je savais au fond de moi que ce sentiment ne lui était pas uniquement adressé. J'étais si faible. Je savais très bien qu'il tentait de m'amadouer mais c'était si difficile de lui résister. Il pouvait se montrer tellement charmant, en plus de paraître sincère.
- Comment ne puis-je pas t'en vouloir ? Tu m'as manipulée ! J'ai beau être ta sœur, je ne suis pas un objet à conquérir ! m'emportai-je.
- Ne le vois pas de cette manière là, je ne te traiterais jamais de la sorte !
- Tu en avais pourtant tout l'air !
Je m'apprêtais à réciter une longue tirade sur mes ressentiments quand le regard de Gabriel changea brusquement d'éclat en regardant par dessus mon épaule. Sans que je ne m'y attende le moins du monde, il me plaqua au sol avec lui, à l'abri des regards derrière un buisson.
- Mais qu'est-ce que tu... ? commençai-je avant que l'homme aux cheveux bleus ne posât sa main devant ma bouche pour m'intimer le silence.
La colère et l'incompréhension m'envahirent sans attendre. Il n'oserait tout de même pas m'enlever une seconde fois ? Il me regarda droit dans les yeux avec sérieux et gravité puis posa son doigt devant ses lèvres pour m'indiquer de ne faire aucun bruit. Il jeta un furtif coup d'œil au dessus des feuillages où nous étions cachés pour voir si nous avions été repérés.
- Ce sont des mafieux d'un clan rival, m'apprit-il enfin en retirant sa main de ma bouche. Pourquoi veulent-ils m'avoir soudainement ? Ils se tiennent tranquilles habituellement... Même depuis que ma tête a été mise à prix.
- Tu insinues que quelqu'un voudrait saboter ta participation au Tournoi ? prononçai-je, peu convaincue.
- Tu t'avances peut-être un peu trop, répondit-il, amusé par ma remarque. Non, je trouve juste étonnant de les voir ici. Enfin, il faut croire que ce château est aussi simple d'accès que n'importe quel moulin ! ricana-t-il en faisant référence à ses propres hommes qui avaient pu rentrer aisément dans ma chambre pour subtiliser mes affaires quelques mois auparavant.
- Ce n'est pas drôle ! me fâchai-je, n'appréciant pas du tout sa blague.
Gabriel reprit son sérieux et planta ses yeux bleus dans les miens pour enchaîner :
- Une chose est sûre, la sécurité est plutôt défaillante ici, même lors d'une fête qui réunit les plus grands dirigeants et guerriers du continent. Tu devrais faire part de ce problème au roi.
J'acquiesçai, étonnée qu'il se préoccupe de la sécurité des convives. Celui-ci scruta à nouveau les jardins avant de lâcher :
- Ils sont partis.
Il se releva lentement de notre cachette et avec précaution, je l'imitai.
- Je m'éclipse. Je ne veux pas te faire courir de danger inutile.
Il enroula un bras autour de mon dos et approcha son visage pour m'embrasser le front. Je ne bougeai pas et le laissai faire. Je le regardai ensuite partir jusqu'à ce que sa silhouette éclairée par les torches s'évanouisse totalement dans la nuit. À ce moment, je ne pus empêcher de s'exprimer la petite voix qui espérait que mon frère remporte le Tournoi et par la même occasion sa liberté.
*
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