65× Conséquences
Blake venait de gagner le couloir qui abritait la salle du conseil avec pour seul souhait d'y trouver Hadrian comme le lui avait renseignée la princesse d'Alanya. Mais une imposante porte close se confronta à elle. Dans l'idée de ne déranger personne, elle décida de ne pas manifester sa présence. À la place, la mage de Feu s'en approcha et y colla son oreille pour s'assurer de la présence du roi et de son chef. Néanmoins, aucun son ne parvint à ses oreilles. Peut-être n'étaient-ils plus là ? La jeune femme s'apprêta à se décoller quand, soudain, elle perçut la voix désolée du souverain :
- Je m'en veux de t'avoir rendu malheureux durant toutes ces années. Je n'aurais pas dû t'inciter à rejoindre les Lames d'Argent et à te sacrifier pour notre cause...
- J'avais pris cette décision par moi-même. J'ai failli commettre une grosse erreur : vous assassiner, et vous, dans votre clémence, vous m'avez tendu la main au bon moment. Je n'ai fait que saisir cette chance inestimable de retourner du côté de la lumière.
Hadrian l'avait déjà racontée à Blake : en tentant d'assassiner le roi, il s'était rendu compte qu'il allait ôter la vie d'un homme juste et que par conséquent les actions des Enfants Maudits n'étaient en rien excusables.
Le silence avait pris place. Intriguée par sa durée, la chevaleresse jeta un œil à travers la serrure, espérant ne pas être surprise dans cette fâcheuse position. Ce qu'elle y vit la fit sourire. Le roi Haldir serrait Hadrian dans ses bras avec la bienveillance d'un père à son fils.
- Je me réjouis de ta nouvelle condition, tu n'es plus un Enfant Maudit... Tu as été récompensé par la Déesse Lévanah pour ton courage et ton sacrifice exemplaire !
Elle recula de quelques pas tout en maudissant sa curiosité. Cette conversation ne la concernait en rien, elle n'aurait pas dû y assister. Alors qu'elle s'apprêtait à partir, la porte du conseil s'ouvrit soudain et Blake tomba nez-à-nez avec Hadrian. Le brun la toisa du regard, il n'était pas dupe et avait compris qu'elle venait de les espionner. Pourtant, il ne fit aucun commentaire et, à la place, déclara d'un ton neutre :
- Sa Majesté désire te voir, il souhaite aussi obtenir ta version des faits.
Sa subordonnée acquiesça en silence. Elle se cacha dans ses cheveux pour tenter de dissimuler la honte d'avoir été prise sur le fait. Ce fut ainsi que d'un même pas ils pénétrèrent la salle où le roi du pays les attendait.
* * *
Une semaine s'était écoulée depuis l'arrivée des Lames d'Argent à Sînor. L'autre groupe venait probablement tout juste d'atteindre Shardaa, du moins c'était ce que Raphaël se disait. Il les enviait, lui était toujours cloué à un lit d'infirmerie. L'Arkaïte avait empoisonné son énergie vitale. En plus d'avoir annihilé ses pouvoirs, elle avait rendu la récupération de son corps lente et difficile. Comment cette pierre pouvait-elle affecter à ce point son état de santé ? Il se sentait toujours faible malgré tout ce temps. Temps qu'il avait passé à dormir ou à somnoler. Mais lors des quelques heures de lucidité qui lui était parfois accordé, il avait pu discuter avec Aerin.
Elle lui avait appris tout ce qu'il savait. La grande majorité des chevaliers étaient restés ici, dans la ville frontalière, sous la seule garde de Meredin. Même si la plupart n'avait que quelques égratignures, dont son amie, les chefs avaient décidé qu'il était plus sage de prendre le temps d'attendre que les blessés guérissent pour regagner le château en plusieurs grosses vagues. Cependant, la mage de l'Eau lui avait aussi appris une très bonne nouvelle : Blake et Hadrian étaient revenus d'eux-mêmes après la bataille. C'était fantastique ! Au moins, les Alanyiens pouvaient être rassuré d'avoir accompli leur mission à défaut de s'être créé un puissant ennemi.
L'infirmerie était spacieuse et animée, une cinquantaine de lits y était alignée, quasi tous occupés. Les passages s'y faisaient à longueur de journée, mais aujourd'hui était plus calme. Pour cause, le premier groupe de chevaliers s'apprêtaient à partir. Ceux qui pouvaient monter à cheval sans problème en faisaient pour la plupart partie.
Il se retourna dans une position plus confortable en soupirant, lasse de ce repos forcé. Les rideaux qui masquaient son lit s'entrouvrirent soudain, l'on y jeta un œil pour y vérifier l'identité du patient avant que les tissus ne soient plus amplement écartés. Un groupe de Lames d'Argent parés de capes et d'armures s'étaient présentés, probablement de ceux qui s'en allaient aujourd'hui. Raphaël se redressa un peu et fronça les sourcils, que lui voulaient-ils ? Ils n'étaient ni de ses amis ni des médecins. Mais à y regarder de plus près, parmi toutes ses têtes, il reconnut l'homme qui lui avait porté secours. Aslan.
Les nouveaux venus le saluèrent dans un vague murmure avant que le chevalier à la peau mate ne prennent la parole :
- Comment vas-tu depuis la bataille ?
Son ton était doux, son regard empathique.
- Je... Je me sens toujours faible, hésita le souffrant avec lenteur.
Ce dernier était trop occupé à dévisager chacun de ses visiteurs avec un intérêt marqué pour formuler une réponse plus précise. Aucun d'entre eux ne lui était familier. En voyant son air perdu, le jeune homme coiffé d'une queue de cheval vert sapin enchaîna :
- Nous étions venus nous excuser pour notre comportement de ces derniers mois. Concernant Peter. Nous n'aurions dû en aucun cas te faire subir notre mépris...
- Il a raison, nous comprenons que ce puisse être une erreur... ajouta une fille.
- Même Peter lui-même t'a gracié alors il n'y a aucune raison que nous continuons à t'en vouloir.
- J'espère que tu voudras bien nous pardonner...
Raphaël les fixait, les sourcils toujours autant froncés, simplement stupéfait par cette montagne d'excuses et de culpabilité qu'il n'avait jamais attendue.
Ces gens faisaient donc partie de cette foule accusatrice lorsqu'il avait menacé le chef de l'Eau ?
- Votre colère était légitime, j'ai agi comme un imbécile ce jour-là...
- Non, ce n'était pas à nous d'en décider. Tu ne nous avais rien fait, nous n'avions pas à nous mêler d'affaires qui ne concernaient que le chef et toi, expliqua Aslan.
L'alité changea d'expression pour oser un sourire.
- Vous n'étiez pas obligés de venir jusqu'ici juste pour me dire ça.
- Détrompe-toi, nous y tenions tous. Je nous ai donc réunis afin de pouvoir te le dire en face.
- Hum... Alors merci, affirma le mage de l'Air, touché, qui ne savait trop comment réagir.
À cet instant, le petit groupe fut appelé pour partir prendre la route vers Shardaa, c'était l'heure pour eux. Les repentis s'éclipsèrent dans un hochement de tête destiné à le saluer. Raphaël les regarda quitter la salle jusqu'à ne plus en voir un seul. Il était toujours aussi dérouté par leur visite.
Un grognement de réveil se fit alors entendre derrière le rideau qui le séparait du lit voisin. Le son attira son attention et il en écarta le tissu blanc. La silhouette massive qu'il y rencontra à sa gauche appartenait à Alexandre. Le blessé lui avait permis, au même titre que les visites d'Aerin, de passer ces derniers jours en discussion. Mais l'homme semblait préoccupé depuis tout ce temps ; il souriait moins, lui ! Ce n'était pas ses plaies qui lui procuraient cet état, Raphaël était persuadé qu'il avait omis de tout lui raconter.
Alex observa le visage qui s'était infiltré dans son espace. Les voix l'avaient réveillé. Les deux amis commencèrent à échanger quelques mots ponctués de blancs qui ne leur ressemblaient pas. Les yeux bleu-vert du mage touché par l'Arkaïte finirent par se planter douloureusement dans ceux de son comparse, à la recherche de la vérité.
- Qu'est-ce qui ne va pas ? Je vois bien que tu n'as pas l'air dans ton assiette depuis qu'on est ici. Allez, tu peux tout me raconter.
Il soupira. Il n'aimait pas vraiment garder des secrets, et c'était déjà assez étonnant de le voir garder celui-ci si longtemps ! Alexandre aimait s'exprimer et n'avait pas de mal à partager ses états d'âme. Après un court silence, il ne lui fallut pas longtemps pour se résigner à tout avouer :
- Comme tu le sais déjà, c'est la chef des généraux qui m'a infligé ces blessures.
Raphaël hocha la tête.
- Elle s'appelle Nyx Xanthia, nous étions amis quand nous étions petits.
Son compagnon écarquilla les yeux.
- Quoi ? Vraiment ?
- Vraiment. Nous étions inséparables.
Le blond marqua une pause.
- Mais à présent elle m'en veut d'être un mage. Notre amitié passée ne l'a pas empêché de vouloir ma mort.
Raphaël ne savait pas quoi dire, à la fois choqué par cet aveu et attristé par la mine qu'affichait son meilleur ami. Il ne lui avait que rarement vu revêtir ce visage.
- Pourtant... poursuivit-il avec hésitation, elle m'a épargné. Et elle a indiqué à Traska ma présence ! Sans son aide, personne ne m'aurait jamais retrouvé ainsi abandonné dans une chapelle.
- C'est une bonne nouvelle, non ? Elle t'aime probablement encore, plus que tu ne le crois.
Il hocha la tête, le regard suspendu dans le vide.
- Je me disais que peut-être... Nyx avait abandonné la bataille à cause de moi, théorisa-t-il. Je sais que c'est insensé, mais... je ne vois pas ce qui l'aurait poussé à se rendre. Pour elle, les Xilliens avaient déjà gagné. Elle ne nous aurait pas attirés dans un piège pour nous laisser repartir ensuite !
Un silence s'immisça. Raphaël ne revenait toujours pas de cet exceptionnel lien qu'entretenait son ami avec une personne si haut placée chez leurs ennemis. S'il disait vrai, le royaume d'Alanya tout entier pourrait en tirer avantage.
- Une chose est sûre, elle voulait que tu restes en vie.
Alexandre le fixa tandis qu'un surplus de liquide brillant s'accumulait dans ses yeux. Son regard formait un étrange mélange d'espoir et de désespoir.
- Tu le penses vraiment ?
* * *
Une semaine s'était écoulée et, pour Raphaël, Alexandre et Aerin, demain signerait enfin leur départ de Sînor. C'était à leur tour de s'en aller à présent. Ils étaient allés se percher sur le toit de la caserne pour observer la ville au coucher, comme pour lui faire leurs adieux.
Les deux hommes étaient sortis de l'infirmerie depuis déjà quelques jours, même si Alexandre devait encore y faire changer ses bandages quotidiennement. Il n'était pas encore vraiment remis et avait toujours besoin d'une béquille pour se déplacer. Mais il était suffisamment en forme pour sortir du lit et se déplacer à cheval pour demain.
Le vent d'un traité de paix conclu entre le Royaume d'Alanya et l'Empire de Xeltos était arrivé aux oreilles des Lames d'Argent restés à Sînor et avait été accueilli avec enthousiasme. Les deux pays avaient plus à perdre qu'à gagner dans une guerre contre l'autre. Les Xilliens avaient beau être belliqueux et détestaient notre magie, ils savaient qu'un conflit long et fastidieux n'était pas la solution, au moins pour le moment. Ils préféraient d'abord stabiliser la situation dans leurs territoires nouvellement conquis pour éviter d'avoir à essuyer une guerre civile qui leur serait fatale le moment venu.
- Tout est enfin terminé... soupira Aerin en admirant l'horizon.
- Nous en avons peut-être fini pour le moment mais un jour, une vraie guerre meurtrière se déclenchera et cette fois-ci nous ne pourrons pas l'éviter. Ce n'est que partie remise, prétendit l'éclopé dont les paroles sonnaient comme un discours prophétique.
Probablement avait-il raison. L'Empire de Xeltos, dans son délire d'expansion finirait forcément par chercher à conquérir nos territoires. Ou bien avait-il tort, peut-être que cette guerre ne dépasserait jamais les frontières de notre imagination ?
*
Nous pouvons enfin entrevoir la fin de cette longue partie, nos héros vont enfin pouvoir passer à autre chose. Quelles nouvelles aventures les attendent ? Vous le verrez prochainement, enfin si je n'ai pas la flemme de publier ! Je dois déjà réécrire les premiers chapitres qui ne sont ma foi pas terrible. Je les avais rédigés il y a plus de 2 ans !
D'ailleurs je me suis rendu compte que les chapitres que je vous publie ne sont pas très bien écrits non plus comparés à ce dont je suis capable maintenant. C'est amusant de voir à quel point le style évolue. Avant je les trouvais bien écrit mais désormais je trouve que c'est une horreur littéraire !
Bref, je cesse de vous raconter ma vie et je vous remercie pour les 3000 vues !
*
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