55× La Prochaine Ville est en Vue
Raphaël
En cinq jours de route, nous parvînmes à franchir la distance qui nous séparait de la frontière commune à l'Empire de Xeltos. Malheureusement, il nous en fallut quatre autres pour trouver un passage praticable dans les montagnes et les traverser. Ces dernières étaient si abruptes qu'elles marquaient depuis toujours une séparation naturelle entre les peuples et la première barrière à n'importe quelle invasion. De plus, les quelques charrettes que transportaient le convoi nous avaient petit à petit retardés. Nous nous arrêtâmes une journée plus tard, harassés par un tel périple. Nous décidâmes de nous établir dans une clairière isolée le temps de laisser les chevaux récupérer de la vive cadence du trajet et de nous permettre d'évaluer les environs.
Nous nous trouvions désormais en terrains hostiles, celui de nos rivaux. À cette pensée, mon corps tout entier se mit à frémir. Les habitants d'ici nous considéreraient immédiatement comme des hors-la-loi à la seule connaissance de notre statut de mage. Et ce fut sans compter notre appartenance à l'armée d'un royaume concurrent avec qui ils avaient, en outre, passé un traité de paix temporaire. Nous avions toutes les raisons du monde d'attirer les foudres de l'Empire rouge.
Le lendemain matin, les chefs nous réunirent pour nous faire part de leur plan.
- Durant les deux prochains jours, nous resterons établis ici afin d'évaluer le périmètre. Certains d'entre vous iront à Chains, la prochaine ville, pour mener l'enquête. Il s'agit de la métropole de Xeltos la plus proche d'Alanya, il y a donc de fortes chances que nos compagnons s'y soient réfugiés, exposa Saya. Quant aux autres, vous fouillerez les villages environnants ou bien vous resterez ici pour garder le campement.
- Vous porterez vos habits de civils de sorte à pouvoir vous renseigner tranquillement sans craindre le risque de créer la moindre émeute. Cela va de soit, enchaîna Peter.
- Soyez tous revenus avant demain matin, termina Meredin. Des volontaires pour partir à Chains ?
Je levai immédiatement la main. Jamais je ne pourrais tenir à ne rien faire, surtout à l'idée que d'autres puissent avoir le loisir de gambader librement dans la cité voisine. Je jetai un coup d'œil autour de moi. Parmi la quinzaine de volontaires, j'y retrouvai Aerin, Traska et même Kagami. Ce dernier voulait probablement retrouver son amie Blake plus que quiconque.
J'observai alors Alexandre qui ne s'était toujours pas porté volontaire. Le blond semblait absent, préoccupé même. Cette attitude pensive ne lui ressemblait en rien. De ce fait, je lui chuchotai discrètement pour ne pas déranger le reste de l'assemblée :
- Qu'y a-t-il ? Viens avec nous !
Celui-ci me dévisagea comme s'il venait de s'éveiller d'un étrange rêve avant de tout compte fait m'adresser un grand sourire. Il tendit le bras à son tour.
- Désolé, je pensais à autre chose !
- Bien, préparez-vous à partir sur le champ. Je vous souhaite bonne chance à tous, conclut la chef de la Terre avant de s'en aller, aussitôt imitée par le reste des chevaliers qui se dispersèrent, mettant fin à ce petit attroupement improvisé.
Nous nous préparâmes promptement, puis, une fois que les autres furent prêts, habits de civil et chevaux sellés, nous quittâmes le pré où nous avions attaché nos montures. De sorte à nous faire plus discrets, les chefs avaient décidé de nous diviser en trois groupes qui partiraient tous à un certain temps d'intervalle. Je galopais donc aux côtés des quatre Lames d'Argent cités précédemment.
Le trajet fut plutôt calme, nous étions tous à la fois préoccupés et déterminés à retrouver nos compagnons. Mais même sans revêtir nos uniformes de chevaliers d'Alanya, nous demeurions tout de même peu rassurés quant à chevaucher au cœur de ces dangereuses contrées. Lorsque nous parvînmes enfin aux portes de Chains quelques heures plus tard, nous fûmes stoppés par des gardes qui nous demandèrent de faire garder nos montures dans l'une des nombreuses étables destinées aux voyageurs pour apparemment maintenir la propreté de la ville. Nous obéîmes sans broncher, la pension se révélait de toute manière être à un prix presque donné.
Finalement, nous nous avançâmes une bonne fois pour toute vers la ville que nous devions explorer. Une fois pleinement en son sein, nous traversâmes quelques ruelles en observant les alentours de sorte à nous repérer un peu à travers ses dallages blancs. Les allées principales étaient joyeuses, pleines de monde et inondées de marchés plus divers les uns que les autres, tout comme à Shardaa.
Nous nous isolâmes pour établir un plan d'action sans risquer d'attirer les oreilles curieuses. Notre groupe prit la décision de se scinder en deux de manière à pouvoir étendre nos recherches à une plus grande portée : l'un se constituait d'Aerin, d'Alexandre et de moi-même et l'autre de Traska et de Kagami.
Ce fut ainsi que nous nous retrouvâmes à déambuler dans les rues sans trop savoir quoi chercher. Après réflexion, nous entreprîmes d'interroger quelques commerçants pouvant potentiellement nous renseigner sur le passage de clients ressemblants aux deux disparus, sans pour autant trouver quoique ce soit.
- Je ne peux pas m'empêcher de m'inquiéter pour Blake, exposa Aerin. Les Xilliens lui font peut-être subir les pires supplices en ce moment même, à elle et à Hadrian.
- Nous finirons bien par les retrouver.
Je balayai les alentours du regard. Mais comment allions-nous faire ? Où chercher ? La ville était vaste. Je soupirai et repris :
- À vrai dire, je ne suis pas vraiment rassuré à l'idée d'être entouré de gens qui pourraient nous tuer s'ils savaient qui nous étions.
Nous tergiversâmes encore quelques instants avant de remarquer qu'Alexandre demeurait silencieux, il paraissait absorbé par ses pensées. Le blond observait les alentours avec intérêt ; après tout il était natif de Xeltos, peut-être avait-il même déjà visité cette ville ? Des tas de souvenirs devaient probablement remonter à la surface de son esprit.
- Tu vas bien Alex ? m'enquis-je.
Celui-ci tourna lentement la tête vers moi et me dévisagea comme s'il ne comprenait pas de quoi je lui parlais.
- Ce doit être étrange pour toi de revenir dans ton pays d'origine.
Il m'observa un instant puis affirma gravement :
- Je ne suis plus un Xillien.
Apparemment, la préoccupation devait se lire aisément sur nos visages, à Aerin et moi, car le grand blond afficha un grand sourire dès l'instant d'après avant de passer une main dans chacune de nos têtes pour nous ébouriffer les cheveux.
- Pas d'inquiétude ! s'exclama-t-il. Dans le fond, notre mission n'est pas si compliquée. Il nous suffit de récupérer tranquillement Hadrian et Blake, puis de repartir aussi vite que nous sommes arrivés !
- Si ça pouvait être aussi simple que tu l'affirmes, répondit la guerrière en se recoiffant.
L'optimisme d'Alexandre était plaisant, jamais il ne cesserait de sourire quelle qu'en soit la situation. Nous continuâmes notre route durant encore quelques instants, quand brusquement je sentis une main se poser sur mon épaule. Mon cœur rata un battement et je me retournai en sursaut, pris par surprise et d'ores et déjà prêt à dégainer mes lames cachées.
- Excusez-moi...
Je détaillai promptement la personne se tenant face à moi. Il s'agissait d'une fille plus jeune que moi aux cheveux gris à la longueur admirable et parcourus de douces ondulations. Elle m'observait d'une curiosité trahie par ses deux grands yeux verts.
- Je cherche "l'Avenue Rouge", sauriez-vous où elle se trouve ? Je me suis perdue, je n'ai pas un très bon sens de l'orientation ! enchaîna-t-elle d'un air détendu.
Celle-ci souriait en se passant une main derrière la nuque. Son attitude décontractée me mit de suite à l'aise.
Cette passante m'avait fait paniquer pour rien, elle m'abordait seulement pour me demander son chemin.
- Je suis désolé mais nous ne sommes pas d'ici, lui appris-je.
La jeune femme nous analysa rapidement et en conclut maladroitement :
- C'est vrai que vous n'avez pas l'air d'être de la région. J'aurais dû m'en douter plus tôt... Je suis désolée de vous avoir dérangés pour rien !
- Ce n'est rien, répliqua Aerin en souriant, tout aussi conquise par la bonne humeur de la Xillienne.
Celle-ci s'apprêta à nous quitter quand, soudain, un chevalier se précipita vers nous. Je fus instantanément pris de sueurs froides dans la crainte d'avoir été découverts. Je reculai d'un pas, prêt à fuir à la moindre occasion. Avait-il compris qui nous étions vraiment ? Celui-ci arriva finalement à notre hauteur et, avec surprise, je pus constater qu'il s'adressa directement à l'inconnue postée face à nous, mettant alors fin à nos doutes :
- Vice-générale !
Mes yeux s'écarquillèrent à l'entente de ce titre : "vice-générale". Pour confirmer ces dires, j'entrepris une observation plus détaillée de la fameuse haut gradée. En effet, à y regarder de plus près, elle portait un uniforme militaire de haut rang. Je ne l'avais pas repéré tout de suite car elle ne portait pas la cape rouge dont était normalement vêtu chaque chevalier Xillien. Je sentis mes amis frémir à mes côtés, tout comme moi. Que faisait-elle donc dans une ville aussi éloignée de Pergame, la capitale du pays ? Désormais notre seul souhait était de nous faire le plus petit possible. Elle ne devait surtout pas connaître notre condition de mage. Si par malheur la jeune femme aux cheveux gris apprenait à qui elle parlait, je ne donnerais pas cher de notre peau.
- Nous avons pu repérer approximativement où s'étaient installés les chevaliers d'Alanya, exposa le soldat arrivant.
- Fantastique ! s'écria-t-elle dans un grand sourire.
Je tressaillis et mon sang ne fit qu'un tour. Je me doutais que les Xilliens finiraient par nous trouver mais j'aurais espéré que ce ne fût pas de sitôt. Nous aurions dû nous méfier davantage de la très grande militarisation de l'Empire de Xeltos ; leurs informateurs étaient partout. Néanmoins le temps des regrets était révolu car une chose était sûre : les autres étaient en danger.
La jeune gradée se tourna à nouveau vers nous et nous salua dans un grand sourire qui semblait ne jamais quitter ses lèvres.
- Merci tout de même ! Maintenant je vais laisser ce charmant monsieur me raccompagner là où je dois me rendre. À bientôt peut-être !
Comment quelqu'un d'aussi jeune, ingénue et aimable pouvait appartenir aux hauts rangs de l'armée de Xeltos ? Toujours aussi abasourdis, nous les regardâmes s'éloigner. Nos chances de croiser le chemin de l'élite guerrière du pays étaient infimes et pourtant nous venions de rencontrer l'une d'elles par le plus grand des hasards.
- Les autres sont en péril ! s'écria Aerin après avoir enfin repris ses esprits.
- Nous devons repartir sur le champ pour aller les prévenir ! ajouta Alexandre.
- Non, suivons-les, leur intimai-je.
Mes deux compagnons me dévisagèrent avec étonnement. Déterminé à suivre mes propos, je commençai à marcher afin de ne pas perdre mes cibles de vue. Je développai par la même occasion :
- Prenons en filature ces deux chevaliers. Une vice-générale ne peut pas être là par hasard et je doute que les renforts de l'armée aient pu arriver si vite. Peut-être était-ce pour Blake et Hadrian qu'elle était initialement venue ?
- Et si nous nous faisions repérer ? Je n'ai pas la moindre envie d'être jetée en prison ! protesta Aerin.
- Nous n'avons peut-être pas le professionnalisme de Sachi et Fay, mais nous sommes venus pour récolter des informations, non ?
Mon interlocutrice soupira, signe de son mécontentement, malgré tout elle, ainsi qu'Alexandre, m'écoutèrent.
- Décidément, tu ne jures que par le danger...
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