37× Assaut
Raphaël
Assis sur des murets de pierre, dans un coin du quartier que nous explorions depuis déjà des heures, la plupart de mes compagnons et moi patientâmes en attendant le retour de Sachi et Traska. Personne n'avait trouvé grand chose d'utile, aucun information, rien. J'espérais qu'elles reviendraient avec ne serait-ce qu'un petit indice, surtout concernant l'orgueilleuse espionne. Celles-ci finirent par arriver trente minutes plus tard sur le lieu de rendez-vous. La femme aux cheveux roses ne laissa aucune émotion pouvant trahir son état d'âme transparaître sur son visage alors qu'au contraire Traska semblait victorieuse. Les Lames d'Argent les fixèrent avec attention, remplis d'espoir.
- Nous l'avons retrouvée ! s'exclama la mage de la Terre avec fierté.
Son annonce fut accueillie par une exclamation générale.
- Enfin j'ai fait la plupart du boulot, tu m'as surtout gênée, grommela sa compagne.
- C'est vrai, tu ne mens pas sur ton talent ! concéda-t-elle en ricanant avec décontraction, sans être blessée le moins du monde par ses paroles acerbes.
- Dites-nous tout ! les pressai-je en voyant qu'elles commençaient à s'éloigner du sujet. Est-elle en bonne santé ?
- Elle ne paraît pas maltraitée, bien au contraire, répondit Sachi. Et aussi étonnant que cela puisse paraître, la Griffe Bleue a l'air d'être à l'origine de sa disparition.
- La Griffe Bleue ? répéta Alexandre, dubitatif.
- Peut-être que ses membres cherchent un moyen de se venger de l'arrestation de leurs principaux fournisseurs, supposa Yuna.
- Ou alors ces malfrats se préparent à nous demander une rançon ! renchérit Kagami.
- Non, ils se seraient déjà manifestés auprès de nous si cela avait été le cas.
- Aerin était peut-être une ancienne trafiquante à ses heures perdues, fabula Blake qui croyait presque en ses propres théories farfelues.
- Ne dis pas n'importe quoi, ce n'est même pas possible !
Nous réfléchîmes un moment sans trouver d'hypothèses crédibles qui ne soient pas aussi foireuses que la précédente. Finalement, nous repartîmes en direction du bâtiment royal. Je trépignai d'impatience ; bientôt, nous récupérerions Aerin et connaîtrions le fin mot de l'histoire.
- Inutile de la faire patienter plus longtemps, allons la chercher cette nuit ! L'obscurité sera notre plus grande alliée face à la Griffe Bleue.
Les autres m'approuvèrent à l'unanimité, malgré les quelques protestations de certains. Une fois au château, je partis en direction de ma chambre pour écrire mon rapport de mission avec l'envie de marquer le roi par une bonne impression. Malheureusement, j'eus du mal à me concentrer du fait de mon agitation grandissante. Je trépignais d'impatience à l'idée d'enfin pouvoir agir. Dans quelques heures, je pourrais m'assurer de l'état d'Aerin. Néanmoins, l'excitation n'était pas la seule émotion à se manifester en moi ; ma colère refaisait, à son tour, peu à peu surface. Mais je savais cette fois vers qui la tourner. Ses ravisseurs avaient tout intérêt à avoir de bons alibis pour espérer s'en sortir indemnes !
La nuit tomba lorsque mes derniers préparatifs furent terminés. Je rejoignis les autres dans la cour puis nous nous dirigeâmes dans les rues vides de Shardaa dont la lumière des torches était seule à éclairer notre cheminement.
En vue d'un assaut armé, nous avions cette fois-ci prévu de prendre avec nous nos épées ainsi que de discrètes cottes de maille à porter sous nos vestes. Nous allions leur récupérer la femme des eaux de gré ou de force !
Telles des ombres, nous nous faufilâmes dans l'obscurité jusqu'à parvenir au lieu trouvé par Sachi et Traska. Il s'agissait d'une grande bâtisse beige à l'architecture banale et semblable à toutes celles du quartier.
- Et maintenant que fait-on ? As-tu un plan pour rentrer à l'intérieur ? m'interrogea Alexandre en chuchotant.
- Il suffit d'escalader jusqu'à cette fenêtre, c'est sa chambre, exposa l'espionne en pointant du doigt le deuxième étage. Je peux m'en charger, je l'ai déjà fait.
- Non, la contrai-je.
- Comment ça "non" ? répliqua-t-elle piquée au vif.
- On fonce dans le tas.
- Rassure-moi, tu n'es pas sérieux ? s'assura la mage de la Terre à la peau noire.
- Si, très. Nous devons leur faire passer l'envie de recommencer et leur montrer qu'on ne touche pas impunément à une Lame d'Argent !
- Je te suis ! Pour une fois, je suis entièrement d'accord avec toi ! me soutint Blake.
- Moi aussi, nous devons laver l'affront qu'ils nous ont fait subir. Ces mafieux n'oseront plus jamais pénétrer l'enceinte du château ! ajouta Kagami.
- C'est risqué, mais j'adhère ! approuva en souriant mon meilleur ami, dont la chevelure blonde était retenue en bandeau par un bout de tissu bleu.
Les autres finirent tous par se ranger de mon côté à l'exception évidente de Sachi.
- Vous formez vraiment une belle bande d'imbéciles ! Mon plan était simple, rapide et efficace ! Vous auriez dû me laisser faire ! pesta-t-elle en croisant les bras.
- Sachi... Ne t'inquiète pas, tout va bien se passer, intervint Fay pour tenter de rassurer sa sœur.
Elle continua de grommeler, mais nous suivit tout de même, résignée.
- Qui m'a donnée une équipe pareille, prête à dégainer à la moindre occasion ? maugréa l'espionne pour elle-même.
Au moment d'atteindre l'entrée du bâtiment, une grande question vint chambouler nos certitudes. Comment allait-on rentrer à l'intérieur ? Cette fois, tout casser ne me parut pas une bonne idée. Nous ferions assez de bruit pour rameuter tout le voisinage, sans parler de la difficulté que nous aurions à forcer une porte aussi solide que celle-ci. À la vue de mon blocage, Sachi soupira, toujours contrariée que l'on n'eût pas suivi son plan, et affirma d'un ton dédaigneux :
- Laissez faire les professionnels. Nous sommes des espions, c'est la moindre des choses pour nous de savoir ouvrir une porte.
Celle-ci me bouscula volontairement pour aller ausculter la serrure. Son frère et elle en bidouillèrent quelques trucs et la porte s'ouvrit d'elle-même quelques secondes plus tard. Avec prudence, nous pénétrâmes les lieux. Étonnamment, l'intérieur était bien plus luxueux que je ne le pensais. Des tapisseries raffinées ornées les murs et des chandeliers dorés pendaient au plafond du hall d'entrée. Deux hommes ne tardèrent pas à débouler. Ils nous dévisagèrent curieusement, se demandant probablement s'ils n'avaient pas été tenus au courant d'un rendez-vous quelconque.
- Qui êtes-vous ? Vous n'étiez pas attendus.
- Nous venons simplement récupérer ce que vous nous avez pris.
Ils froncèrent les sourcils en comprenant que nos intentions n'étaient vraisemblablement pas pacifistes. L'un d'eux nous prévint d'emblée :
- Partez d'ici tout de suite, vous ne savez pas à qui vous avez à faire.
- Vous non plus, alors dégagez le passage ! Ce n'est pas vous que l'on cherche ! m'exclamai-je.
Les deux avaient posé leurs mains sur le fourreau de leurs poignards avec méfiance. Ils hésitaient à dégainer, tiraillés entre leur devoir de défendre les lieux et notre plus grand nombre.
- Je vous déconseille d'avancer plus.
En voyant que nous nous moquions de leur mise en garde, l'un d'eux s'apprêta à sortir son arme pour de bon. De peur qu'il choisisse de jouer au lanceur de couteaux, je ripostai en un instant à cette possibilité en faisant appel à la magie. Leurs ardeurs en furent vite calmées. Nos opposants se retrouvèrent assommés au mur d'une pierre deux coups. Leurs corps sonnés retombèrent mollement sur les tapis bleu nuit. Nous pûmes ainsi continuer notre progression.
Face à nous s'étendait désormais un vertigineux couloir de portes. Cette planque me sembla tout d'un coup d'autant plus immense qu'elle ni paraissait.
- Nous n'avons plus qu'à chercher je suppose, prononça Blake tout haut.
- Personne n'a l'air de dormir qui plus est, commenta Alexandre à l'entente de quelques échos de voix dans certaines pièces.
Chacun se sépara brièvement pour tenter d'ouvrir telle ou telle porte qui offrit sa vue tantôt sur une salle vide, tantôt sur une salle pleine.
Nous nous débarrassâmes efficacement des malfrats qui tentèrent de nous barrer la route. Curieusement, ils n'avaient pas été très nombreux. Ce bâtiment devait très probablement être une annexe de la Griffe Bleue pour justifier un tel nombre. Lorsque nous terminâmes de fouiller toutes les pièces du rez-de-chaussée, nous pûmes nous rendre compte que personne n'avait trouvé la moindre trace d'Aerin. Afin de remédier plus promptement à ce mal, je m'accroupis au sol pour questionner un homme qui gisait justement à terre :
- Où se cache votre chef ?
- Vous arrivez trop tard, il est déjà parti avec la fille, répliqua le mafieux d'un ton narquois.
Un frisson me parcourut à l'idée d'être arrivé trop tard.
- Comment ça il est déjà parti ? répétai-je en haussant le ton et en agrippant le col de mon interlocuteur. Va-t-il revenir ?
- Qui sait ? annonça-t-il, un sourire moqueur au coin des lèvres.
Cet individu se payait clairement ma tête ! Je le fixai avec fureur, à cet instant je ne désirais plus que l'étouffer sous le poids de ma magie.
Un violent bruit se fit presque aussitôt entendre à l'entrée de la demeure et balaya ma concentration. Je me relevai, aux aguets. Qu'était-ce ? Une voix jaillit dans le hall comme pour répondre à mes interrogations :
- Montrez-vous intrus !
Mes compagnons et moi nous dévisageâmes, tous étaient aussi intrigués que je l'étais.
- Apparemment le boss est revenu, commenta l'homme que j'avais interrogé.
À l'entente de cette bonne nouvelle, je sentis un regain d'espoir me gagner. Tout n'était pas perdu. Je ne me le fis pas dire deux fois et rebroussai chemin sans hésiter, suivi de près par mes frères d'arme. Mon cœur palpitait à tout rompre d'excitation et d'appréhension. Aerin se trouvait peut-être en compagnie de ce fameux chef. Nous allions enfin pouvoir la revoir.
J'avais si hâte.
*
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