35× Les Jours ont défilé
Raphaël
Une semaine s'était déjà écoulée sans la moindre nouvelle d'Aerin. Le soleil n'était même pas encore levé quand j'enfilai une veste et quittai ma chambre. Chaque jour je partais seul en direction de la ville pour y errer jusqu'à la tombée de la nuit à la recherche de mon amie. Je n'avais pas beaucoup dormi ces derniers jours, même si en soit, cela ne changeait pas vraiment de d'habitude. En réalité, je ne tenais pas en place. Il m'était impossible de rester tranquillement au château à simplement attendre que les espions réussissent leur mission. De plus, Sachi et Fay auraient déjà dû retrouver la trace de la mage disparue, ils étaient très efficaces en temps normal ! Pourquoi mettaient-ils tant de temps cette fois-ci ?
Je descendis en direction du réfectoire. Cela ne servait à rien de parcourir Shardaa à une heure pareille, les rues étaient tout bonnement désertes. J'arrivai dans l'immense salle ouverte jour et nuit et m'assis à l'une des tables. J'étais seul, rien d'étonnant. Je commençai ainsi à me servir dans des gestes inconscients guidés par simple automatisme. Toutes mes pensées étaient à la place redirigées vers ce qui me préoccupait le plus. Soucieux, je mâchonnai lentement mon repas, comme écrasé par l'ampleur de la difficulté de mon objectif. Je n'avais pas faim, ce sentiment d'impuissance me nouait l'estomac. Je haïssais me sentir aussi inutile.
Le temps passait avec lenteur, je fermai les yeux un instant.
* * *
- Hé ! Raphaël ! Réveille-toi !
J'émergeai progressivement avant de relever la tête et d'ouvrir les yeux vers mon interlocuteur. Alexandre apparut alors dans mon champ de vision. Perdu, je clignai frénétiquement des paupières tout en regardant autour de moi. À mon plus grand étonnement, je venais de me réveiller au réfectoire, sous les regards moqueurs de quelques Lames d'Argent. Depuis combien de temps étais-je ici ? Le blond s'assit à mes côtés et m'interrogea :
- Que faisais-tu endormi ?
Je ne répondis rien et me frottai les yeux, le temps de reprendre mes esprits. Je finis tout de même par lui expliquer :
- Je voulais aller en ville pour chercher Aerin, mais il était trop tôt, le soleil n'était pas encore levé.
- Tu devrais te reposer un peu, vois ce que tu deviens. Je ne te croise même plus !
- J'ai besoin d'agir Alex. Que veux-tu que je fasse d'autres ? Je ne peux pas perdre mon temps à patienter !
- Ce n'est qu'une question de temps, les espions la trouveront !
Durant un instant, je réfléchis à une possibilité qui ne m'avait, auparavant, jamais traversé l'esprit : et si nous ne la retrouvions jamais ? Je chassai instantanément cette funeste idée, je ne préférais même pas y penser.
- Quelle heure est-il ? l'interrogeai-je, finalement après un long silence de ma part.
- À en croire la position du soleil, il doit être environ dix heures, répondit Alexandre en jetant un regard par la fenêtre.
Je me levai lentement tout en lui annonçant d'une voix encore un peu endormie :
- Je sors, à ce soir peut-être.
Le blond soupira, dépité par un tel acharnement, mais finit tout de même par me saluer. Je traversai les couloirs et descendis les escaliers jusqu'à arriver dans la cour. Je croisai alors une grande femme à la peau noire qui voulut rentrer au château au même moment. Une telle teinte était très rare à Alanya et était habituellement plutôt propre aux lointaines contrées du nord ; celle que j'avais identifiée comme étant la Lame d'Argent Traska ne passait pas inaperçue. Je la dévisageai avec insistance. En me voyant, celle-ci me salua dans un sourire détendu. Moi en revanche, je ne répondis pas à son bonjour car je venais d'être assailli par un détail la concernant. Je venais de réaliser qu'elle habitait dans la chambre voisine à celle de la guerrière aux cheveux bleus. Je m'exclamai alors précipitamment :
- Bon sang, j'aurais dû t'interroger plus tôt ! Dis-moi, n'aurais-tu pas vu ou entendu quoique ce soit de louche dans la chambre d'Aerin ?
- De quoi parles-tu ? prononça-t-elle en plissant le front d'incompréhension. J'étais partie en mission ces dernières semaines, je viens tout juste de revenir à Shardaa.
En effet, en y regardant de plus près, la guerrière aux bouclettes très courtes était vêtue de son uniforme et armée d'une immense épée qu'elle avait accrochée dans son dos. Comment n'avais-je pu ne pas le remarquer ?
- Alors tu ne sais rien ? soupirai-je, déçu. Tant pis...
Je m'apprêtai à repartir sans demander mon reste mais Traska me retint par la manche. Je me retournai et pus alors lire son regard sincère qu'elle avait planté droit dans le mien avec plus de sérieux.
- Que se passe-t-il ?
Je m'apprêtais à répondre quand soudain une voix familière m'interpella dans mon dos :
- Raphaël ! Ils l'ont retrouvée !
Je fis volte-face en moins de temps qu'il ne fallait pour le dire et aperçus Alexandre se hâter dans ma direction.
- Vraiment ? Où ça ? m'écriai-je, le cœur battant d'excitation.
- Enfin je te rattrape, le roi te demande !
À ces mots, je commençai dès lors à entamer le pas, à la fois pressé et excité.
- Attendez ! Que se passe-t-il ici à la fin ? Je veux vous aider ! s'exclama la mage du même élément que mon ami blond.
- Oh, salut Traska ! prononça-t-il dans un sourire amical. Je crois que nous ferions mieux de le suivre, on t'expliquera tout en chemin.
Nous nous mîmes ainsi à courir tous les trois dans les couloirs. Beaucoup de questions se pressaient dans ma tête. Une boule d'excitation se forma dans mon estomac. Mes sentiments se mêlaient entre hâte et appréhension.
Nous finîmes par atteindre la salle du conseil, haletants. J'observai un instant ses épaisses portes closes avant de finalement réprimer mes craintes et d'y frapper. Lorsque nous entendîmes une brève réponse positive, nous pénétrâmes à l'intérieur. Le roi trônait sur un siège de velours bleu. Il nous attendait, accompagné de Sachi et Fay comme seuls gardes. Nous nous inclinâmes poliment.
- Aerin a enfin été retrouvée, déclara Haldir tout sourire.
Alex et moi nous dévisageâmes avec joie, mais nous retînmes tout de même de nous exprimer pour ne pas paraître incorrects. Sachi prit ensuite la parole pour nous expliquer comment elle et son jumeau étaient parvenus à la localiser :
- Comme vous le savez peut-être, Fay et moi avons construit un réseau organisé d'espions sous nos ordres disséminés un peu partout sur le continent. L'un d'eux, infiltré dans un groupe de quartier d'apparence sans intérêt de la capitale, a pu repérer une fille lui ressemblant en tout point.
- Vraiment ? Mais où se trouve-t-elle alors ? Et puis qui a osé l'enlever ? m'exclamai-je en oubliant déjà tous mes préceptes de politesse.
- Nous ne pouvons pas réellement confirmer qu'elle ait été kidnappée, rétorqua Fay. Notre espion nous a affirmés qu'elle se promenait librement en ville. Elle se trouvait également accompagnée d'un homme.
Cet homme était sans aucun doute son ravisseur, celui qui devait bien se foutre de nous depuis une semaine.
- Malheureusement, notre espion les a perdus de vue mais ce n'aurait jamais dû être le cas. Il pense qu'il s'est fait repérer par l'accompagnateur d'Aerin et que celui-ci l'a volontairement semé.
Impressionnant. Pour parvenir à repérer un espion, il fallait être en permanence sur ses gardes. Qui était-il donc ? Cet inconnu était doué bien que probablement dangereux. À l'évidence, il n'était pas à sous-estimer.
- Néanmoins, nous avons désormais un portrait approximatif de cette personne. Il nous suffit d'enquêter discrètement dans ce coin de la ville et nous finirons bien par retrouver Aerin.
Le roi reprit finalement la parole :
- Raphaël, réunis des volontaires et partez enquêter dans ce quartier. Surtout, faîtes-vous discrets.
- Bien, votre altesse. Je vous remercie de la confiance que vous me portez.
- Vous pouvez tous disposez. Faîtes-la revenir en vie.
Nous sortîmes de la salle alors que je trépignais déjà d'impatience. Ne pouvant plus me contenir un seul instant, je m'apprêtais à courir en direction de la cour pour trouver des volontaires à ma quête. Je fus cependant à nouveau retenu par Traska.
- Halte là ! Tu ne crois tout de même pas qu'on va te laisser partir de la sorte. Nous aussi on veut la retrouver, on t'accompagne.
Je les regardai tour à tour, elle, mon meilleur ami et les deux espions, en réalisant désormais l'immense solitude dans laquelle je m'étais plongé durant ces derniers jours. Comme avais-je pu être assez ébloui pour ne pas voir que j'avais des alliés prêts à m'aider ? À cette vue, je ne pus m'empêcher d'esquisser un sourire.
- Alors allons-y ! déclarai-je.
*
Bạn đang đọc truyện trên: Truyen247.Pro