27× Au sein des Trafiquants
Raphaël
Le lendemain matin, je me réveillai tôt comme à mon habitude sans pour autant avoir beaucoup dormi. Quand les rayons du soleil furent plus fulgurants à travers la vitre, mes compagnons de chambre se levèrent à leur tour puis une fois habillés, nous descendîmes au rez-de-chaussée afin de nous restaurer. Installés à une table, nous attendîmes que la totalité d'entre nous fussent arrivés pour faire le point sur le programme de la journée. Aerin s'installa la dernière, des cernes trahissaient son manque de sommeil que son corps supportait apparemment moins bien que le mien.
- Tout le monde est là ? Aujourd'hui, vous avez quartier libre jusqu'à ce soir. Sachi et moi avons organisé le rendez-vous à la tombée de la nuit, comme vous le savez déjà c'est Raphaël qui jouera le rôle du contrebandier venu négocier leurs marchandises, annonça Fay.
- Au fait, que dois-je faire exactement ? demandai-je.
- Je ne sais pas, des trucs de négociateurs peut-être ? me railla l'espionne aux longs cheveux rose pâle d'un ton suffisant.
Je la dévisageai décontenancé malgré pourtant connaître son habitude à répondre sèchement à tous ceux à qui elle s'adressait. Hormis à l'égard de son frère, la mage de l'Air n'avait de respect que pour l'autorité de la couronne et celle des quatre chefs des Lames d'Argent.
- Ne sois pas si méchante Sachi, il posait simplement une question ! intervint son jumeau à la demi face brûlée qui se tourna ensuite vers moi.
Tu n'as qu'à demander la qualité et la provenance de leurs marchandises volées, négocier le prix...
- Je vois...
Une vive protestation attira subitement mon attention de l'autre côté de la table :
- Hé ! Tu vas voir ce qu'il t'en coûte de me voler ma nourriture !
Je me focalisai de suite sur l'émetteur de ces paroles qui n'était autre qu'une Blake prête à sortir les griffes. Sans attendre, elle aspergea Kagami du contenu de son verre. L'eau ruissela de ses joues alors que celui qui était probablement le concerné de cette affaire se renfrogna sur sa chaise. La plupart d'entre nous ricanâmes en voyant leur altercation, alors que d'autres se montrèrent plus grognons en apercevant ce surplus d'animation de si bon matin.
- Allez jouer ailleurs, leur intima Sachi en les fusillant du regard.
Chacun trouva une excuse pour rejeter la faute sur l'autre, sous les yeux exaspérés de l'espionne et les ricanements du reste des Lames d'Argent. Finalement Yuna, un peu trop compatissante envers le démon, prit l'initiative d'évaporer le liquide pour laisser place à un mage de Feu à nouveau sec.
Le reste du repas continua sans encombre dans des discussions diverses et variées, puis nous remontâmes ensuite dans nos chambres pour prendre de l'argent et quelques bricoles. Alex et moi accompagnions Aerin qui comptait passer du temps avec son apprentie en visitant la ville. Une fois que nous fûmes tous les quatre prêts, nous quittâmes l'auberge. Dehors, nous fûmes accueillis par un temps doux et matinal qui allait de pair avec le calme des rues aux dallages de pierres grises et aux quelques passants. Nous déambulâmes ainsi jusqu'à atteindre une allée commerçante de la ville un peu plus animée que les précédentes. Les saveurs des aliments du marché me chatouillèrent instantanément les narines, des odeurs sucrées, salées, épicées...
- Voila bien longtemps que nous n'avions pas été de service en milieu urbain ! commenta Aerin tout en admirant les stands autour de nous, le sourire aux lèvres.
- C'est vrai que nous pouvons enfin profiter de vrais lits.
- Moi j'aime bien dormir dans l'herbe aussi, rétorqua Alexandre avec ingénuité.
Nous ricanâmes et la nouvelle adoubée rebondit sur notre dialogue, les yeux brillants en nous écoutant :
- J'ai hâte de faire tout un tas de missions et de camper à la belle étoile en voyageant dans tout Alanya !
Aerin lui sourit en lui assurant que le temps était devant elle pour exhausser tout ceci. Nous passâmes devant une armurerie et la femme aux cheveux bleus marines se stoppa devant en nous indiquant :
- Je viens de me rappeler que j'ai besoin de matériel.
Celle-ci poussa la porte d'entrée du magasin dont l'ouverture provoqua le tintement de clochettes qui indiquèrent notre arrivée. La pièce étroite dans laquelle nous venions de pénétrer était encombrée dans chaque coin d'armes, d'armures et d'autres accessoires de guerre en tout genre ; un véritable paradis du combattant en somme. Les lieux semblaient déserts, j'en déduisis que le vendeur se trouvait probablement dans l'arrière-boutique.
Je commençai à flâner en admirant les belles pièces qui résidaient sur les étalages, je me penchai notamment vers un bel arc finement sculpté dans un bois clair pour en admirer les détails. À mes côtés, Alexandre, quant à lui, soupesait une paire de poignards de couleur sombre. Je m'en détournai ensuite pour examiner le reste, les armures semblaient de tout aussi bonnes qualités que les armes.
Yuna admirait un casque argenté dont les tempes étaient recouvertes d'une paire d'ailes. En la voyant, sa tutrice commenta :
- C'est drôle, on dirait presque celui de la princesse Ariane.
- Au fait, qu'es-tu venue chercher ici Aerin ? intervint le blond coiffé d'un bandeau bleu.
- Des lanières de cuir pour accrocher des dagues à mes cuisses, les miennes sont devenues inutilisables depuis notre dernière mission.
En effet, je repensai aux blessures qu'elle s'était faite au point d'en abîmer son équipement et de même devoir en faire changer son pantalon d'uniforme à cause des déchirures. L'instant d'après, la guerrière aguerrie sembla soudain avoir trouvé ce qu'elle cherchait. Elle tâta les petites ceintures pour tester leurs matières et leurs résistances.
- Je vois que j'ai à faire à des experts !
Nous nous retournâmes, le responsable du magasin venait d'arriver pour nous accueillir. L'homme à la silhouette svelte enchaîna :
- Que puis-je faire pour vous ?
- À combien sont ces lanières ?
- À cent-cinquante varys mais puisque je suis de bonne humeur je veux bien vous les faire à cent-vingt.
Aerin réfléchit quelques secondes avant de se décider :
- Ce n'est pas très cher, j'achète !
L'Alanyienne sortit l'argent nécessaire de sa bourse de varys, monnaie commune à tous les peuples du continent, et paya en remerciant le commerçant. Fière de sa bonne affaire, elle repartit ensuite, le sourire aux lèvres, vers sa petite protégée qui continuait d'observer les armes.
- Quelque chose te plaît ? s'enquit sa tutrice.
- Oui mais c'est encore trop cher pour moi... Tant pis, je m'achèterais une épée dans quelques mois, répondit-elle en haussant des épaules, un peu déçue.
- Prépare-toi à économiser, les armes coûtent une véritable fortune sur tout le continent ! l'informa le mage de la Terre.
Les Lames d'Argent, une fois adoubés, recevaient leur uniforme autant en vêtements qu'en armures. Cependant concernant leurs pièces d'armement, ils avaient le choix entre les acheter ou les emprunter dans l'armurerie du château. Contrairement à ce que le peuple pourrait penser, nous n'étions pas payés avec des sommes astronomiques de varys puisque le logement et la nourriture nous étaient déjà fournis. Nous n'avions en effet rien de vitale à payer à part, pourquoi pas, nos habits, nos meubles et quelques autres bricoles. Bien que nos chambres fussent déjà équipées, beaucoup de chevaliers exprimaient le désir de la personnaliser. Notre paie était donc plus semblable à un argent de poche à dépenser selon nos fantaisies.
Nous finîmes par sortir de la boutique et, en apercevant la position du soleil, nous allâmes déjeuner. Quand nous eûmes terminé, nous repartîmes explorer la ville, longeant les allées et rentrant dans les échoppes qui nous intéressaient. Nous finîmes même par tomber sur des saltimbanques qui se produisaient sur une place, subjuguant leur public à l'aide d'une magie employée avec esthétisme. Les magiciens venaient probablement du Royaume de Leto dont l'art était synonyme de grandeur. J'étais moi-même originaire de ce pays situé au nord d'Alanya, mais à contrario de ces habitants, je n'avais jamais été doté d'un grand talent pour l'une de ses nombreuses formes. J'avais été séparé bien trop tôt de mon village natal pour parfaire le peu d'éducation artistique qui m'avait été dispensé, et que j'avouais avoir quasi intégralement oublié.
Le jour se suivit et la nuit tomba peu à peu. Il était venu l'heure de rentrer à l'auberge. Lorsque nous fûmes tous présents, nous nous attablâmes dans un dernier repas avant l'action de ce soir. Nous discutâmes des derniers préparatifs : pendant que je jouerais mon rôle, les autres se posteraient discrètement autour du bâtiment en attendant le signal d'assaut.
Une boule au ventre commençait à se loger en moi alors que nous montions dans nos chambres respectives. Et si je ne parvenais pas à être assez convaincant lors de mon entretien ? Puis, que pourrais-je bien dire ? Je n'arrivais pas à me mettre à la place d'un commerçant frauduleux.
De plus, comme si je n'étais pas déjà assez préoccupé, Alexandre avait décidé de se faire embêtant et de vouloir me refaire une beauté pour l'occasion :
- Tu parais trop négligé pour un riche commerçant, essaie au moins de remettre un peu d'ordre dans tes cheveux !
J'y passai brièvement les doigts mais mon meilleur ami m'arrêta tout de suite, jugeant cela trop peu efficace. Il me tendit à la place un peigne que je saisis en soupirant.
- Il faudrait aussi que tu paraisses plus âgé, tu as vraiment un visage d'enfant ! me conseilla-t-il en passant ses doigts sur sa mâchoire carrée, comme s'il était en pleine réflexion pour y remédier.
- Tu es insultant parfois, commentai-je, désespéré par le caractère du blond.
- Je sais ! s'exclama-t-il dans un grand sourire en ignorant ma remarque. Tu devrais porter une fausse moustache !
Je le dévisageai, était-ce de l'humour ou de l'idiotie ? Difficile d'en juger tant il paraissait croire en ses propos. Je répliquai d'un ton moqueur :
- Crois-tu vraiment que ton soit disant plan va marcher ? La moustache va se décoller et simplement tomber au sol. De quoi aurai-je l'air après une telle humiliation ?
- J'aimerai bien voir ça ! ricana-t-il amusé.
- Alex !
Pourquoi le sort avait-il décidé de m'affubler d'un tel ami ? Je soupirai finalement, espérant que la soirée passerait au plus vite. J'avais hâte de me débarrasser de ce foutu rôle !
L'heure de quitter les lieux était désormais arrivée. Vêtu d'une belle chemise noire, je cachai mes poignards de la manière la plus discrète possible dans les manches de celle-ci. Mon meilleur ami transporterait mon épée, pour pouvoir ainsi me la remettre si quelconques combats avaient lieu.
Nous enfournâmes nos montures et, guidés par les jumeaux, nous nous mîmes en route en direction du repaire des fournisseurs en marchandises volées. Les autres me laissèrent à une centaine de mètres de la base que je devais infiltrer après m'avoir souhaité "bonne chance". À l'évidence, il fallait éviter que nos cibles nous voient ensemble.
Je m'avançai seul sur le sentier d'un pas peu assuré, imaginant tous les scénarios possibles concernant les prochains événements. Malheureusement, le chemin avait été trop court à mon goût, j'étais déjà arrivé au quartier général des criminels. Je levai la tête pour pouvoir mieux le détailler. Il s'agissait d'un vieux hangar désaffecté et délabré de sorte à ce que personne ne pût se douter de ce qu'il s'y tramait à l'intérieur. Je descendis de ma monture et, à peine eussé-je posé le pied à terre, je me fis instantanément interpeller par deux hommes.
- Est-ce vous notre fameux client ?
- Oui, nous avions prévu un rendez-vous ce soir, déclarai-je en parvenant à contenir mon stress tant bien que mal.
Les mafieux me guidèrent et m'invitèrent à entrer. Je pus ainsi découvrir un intérieur immense et délabré, dont le vide était seulement comblé par deux canapés se faisant face autour d'une table et quelques rideaux qui semblaient cacher des pans de la pièce. Sur l'un d'eux était assis un homme d'une quarantaine d'année, probablement le chef de cette petite bande. Celui-ci se leva en me voyant et se dirigea vers moi avec assurance.
- Je suis Arnold Taposki, le patron de cette humble organisation commerçante, se présenta-t-il en me serrant la main.
- Je suis...
J'eus un moment de panique, qui étais-je censé être ? Je pris aussitôt le premier nom qui me vint à l'esprit.
- Je suis Jack... Solver, enchanté Monsieur Taposki, improvisai-je en essayant de paraître le plus diplomate du monde tout en lui serrant la poigne à mon tour.
Mon cœur battait à toute vitesse, de peur de n'être en rien crédible. J'espérais seulement qu'il ne trouvât rien d'étrange dans mon comportement ou dans mon nom d'emprunt, mais au contraire, le chef releva :
- Vous m'avez l'air bien jeune pour un client...
La fausse moustache d'Alexandre n'aurait peut-être pas été une si mauvaise idée finalement.
- Je... Je suis le fils de monsieur Solver... un riche parrain de la mafia du nord du Royaume d'Éphésis, exposai-je en cherchant mes mots. Je suis venu sur la commande de mon père.
Qu'étais-je en train de raconter ? Il ne croirait jamais en mes mensonges !
- Je vois, je connais mal les organisations criminelles de l'Ouest du continent, mais peu importe, venez donc vous asseoir.
J'avais une chance inouïe, il m'avait finalement cru avec une facilité déconcertante. Les joues brûlantes sous le coup des vives émotions qui se pressaient tour à tour en moi, je m'approchai du canapé face au sien pour m'y installer.
- Bien, parlons affaire maintenant, continua-t-il. Que désirez-vous ?
- Qu'avez-vous d'intéressant à me proposer ? Des bijoux ? Des armes ? Du poison ? J'ai entendu parler de la qualité de vos ressources.
- Vous tombez bien monsieur Solver, les plus beaux bijoux du Royaume d'Alanya reposent ici même. J'espère que vous avez de quoi y mettre le prix, ils sont composés des plus rares des pierres précieuses.
- Ne vous préoccupez pas du prix, j'ai de quoi payer.
- Nous allons nous entendre, affirma le fameux monsieur Taposki. Désirez-vous observer la marchandise maintenant ?
Au même moment, une femme vint nous servir des boissons. Je ne pus m'empêcher de l'observer d'un regard appuyé. Celle-ci affichait quelques hématomes sur les parties visibles de son corps. Cependant une chose retint de suite mon attention, alors que j'eus de la peine à y croire, la servante traînait des entraves à ses chevilles qui me semblèrent presque irréalistes.
- Cette femme est une esclave ? demandai-je aussitôt, tentant de maintenir un ton de voix stable pour ne pas trahir mon trouble ainsi que la rage qui montait d'ores et déjà en moi à une vitesse fulgurante.
L'esclavage avait pourtant été aboli depuis bien des décennies au royaume d'Alanya. Comment cet homme était-il parvenu à s'en procurer une ? Probablement l'avait-il eu par le biais d'un autre pays...
- En effet, mais je ne désire pas la vendre si c'est cela qui vous intéresse, annonça-t-il en lui caressant les hanches dans un sourire carnassier.
Je serrai les dents et contractai discrètement les poings sous la table. Quel sale type... Les gens comme lui n'étaient que des parasites ! Je jetai un furtif coup d'œil à la femme. Celle-ci gardait la tête basse par signe de soumission. Elle s'était déjà résignée à abandonner sa liberté et sa dignité depuis bien longtemps. Cette scène m'était tout bonnement impossible à supporter. Pourquoi se laissait-elle faire ? Pourquoi avait-elle perdu la force de lutter ? Je tentai de contenir ma rage bouillonnante, en vain.
Ne parvenant pas à me contrôler plus longtemps, je sortis promptement mes deux poignards de chacune de mes manches, prêt à massacrer tous ceux qui entraveraient ma route. Possédé par mes désirs de vengeance, je menaçai la gorge de ce Taposki à l'aide de l'un de mes couteaux.
- Relâche-là bâtard ! grondai-je la voix chargée de haine, assassinant du regard mon interlocuteur.
Ses sous-fifres m'encerclèrent sans attendre, l'arme pointée dans ma direction. Néanmoins, rien ne m'arrêterait. Je les tuerais tous jusqu'au dernier...
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