21× La Bataille Commence
Blake
- Les Enfants Maudits arrivent ! clama un Lame d'Argent.
En toute synchronisation, Kagami et moi nous levâmes dans la précipitation. Je tournai la tête en tous sens pour tenter de trouver la provenance des fameux intrus.
- Au Nord ! s'écria mon ami.
Je redirigeai instantanément mon regard dans la direction indiquée par ce dernier. Une centaine de guerriers en armure fondaient vers le village à bonne allure. Je ne pus m'empêcher de tiquer sur leur uniforme de métal que de simples pilleurs ne devraient pas revêtir en temps normal. Où avaient-ils donc pu se procurer les fonds nécessaires à tout ceci ? À ce que je sache, ils n'avaient jamais rien entrepris auparavant.
Leur apparence ne fut cependant pas la seule chose que je relevai d'étonnante chez eux. Les Enfants Maudits étaient plus nombreux que ce je pensais. Aucun autre Lame d'Argent n'était arrivé en renfort depuis mon réveil, en comparatif nous nous trouvions donc toujours composés d'une petite cinquantaine. Néanmoins leur nombre ne serait pas un problème s'il s'agissait seulement de vaincre de simples guerriers sans le moindre pouvoir magique.
- J'espère que ce sont bien eux.
- Qui veux-tu que ce soient d'autres ?
- Alors réservons-leur un accueil digne de ce nom ! m'exclamai-je dans un rictus malicieux.
- Je ne demande que ça ! répliqua Kagami d'un même sourire.
D'un accord muet, nous nous postâmes côte à côte, les bras levés et les paumes brandies dans la direction des nouveaux arrivants.
- Essayez de venir à présent !
Dans un sort combiné, nous érigeâmes un mur de flammes infranchissables qui scinda en deux le chemin des Enfants Maudits. À la vue des braises distordues, les montures qui avaient pris la tête des troupes se cabrèrent. Quelques cavaliers se retrouvèrent même désarçonnés sur le coup. À cette vision, nous nous frappâmes dans les mains en signe de victoire.
- Vaincre nos adversaires en deviendrait presque trop facile ! me lamentai-je dans un glorieux sourire contradictoire.
Malgré mes paroles, je pus observer l'expression triomphante de mon ami s'effacer au profit d'un regard abasourdi dirigé à l'égard de nos assaillants.
- Attends, regarde !
Ainsi je pus à mon tour constater avec impuissance que des trombes d'eau étaient en train de se former dans les airs au dessus du brasier ardent. À l'atteinte d'une taille suffisante, le liquide fut brusquement relâché de sorte à créer un déluge qui s'abattit au sol avec violence. Nos flammes jusque là si vivaces ne tinrent pas le coup et s'évanouirent aussitôt dans un épais nuage de vapeur.
- Comment ? m'exclamai-je sous le choc.
- Eux aussi maîtrisent la magie ? articula mon compagnon tout aussi pantois.
Comment était-ce possible ? Bien que la magie fût légale à Alanya, ces détenteurs se faisaient rares. Où avaient-ils bien pu apprendre tout cela ? Nous n'avions jamais été mis au courant d'une telle information ! Les villageois que nous avions interrogés ne nous avaient pas non plus spécifié cette particularité. Les Enfants Maudits n'avaient probablement pas eu besoin d'utiliser leurs pouvoirs contre de simples paysans qui ne savaient que manier la fourche.
- Nous sommes dans une sacrée mouise...
Comment allions-nous pouvoir les vaincre à présent démunis de l'avantage que nous nous pensions pourvu ? Nos adversaires étaient deux fois plus nombreux que nous et leur maîtrise des éléments changeait la donne d'une mission qui aurait dû être un véritable jeu d'enfants. Notre infériorité numérique nous annonçait une périlleuse bataille.
- Ne t'inquiète pas, ils ne peuvent pas nous battre. Nous sommes toujours les meilleurs ! affirma Kagami dans un sourire fier et confiant.
- Tu as raison !
Au même moment de nouvelles flammes jaillirent dans le pré, plus impressionnante encore que les nôtres réunies. Elles se soulevèrent avec grandeur dans une vague fulgurante qui voulut ensuite plonger vers nos opposants pour les balayer.
- Ils sont cuits ! commenta mon ami.
Le brasier fondait sur eux sans leur donner aucun moyen de s'enfuir. Mais alors que nous pensions qu'ils étaient faits, les flammes s'écartèrent de leur chemin, brutalement repoussées par ce qui sembla être l'œuvre d'un souffle extraordinaire. Sa violence était telle qu'une brise affaiblie par la distance se fit même ressentir jusqu'à nous. Je fronçai les sourcils face à un tel tour de force qui avait su renversé la précédente démonstration de puissance d'un de nos mages de Feu. Je jetai par la suite un œil curieux aux Lames d'Argent dans mon champ de vision pour voir qui avait été à l'origine de cette dernière.
Un chevalier, dont la silhouette était plantée avec stabilité dans le sol, commençait à baisser les avant-bras, le regard rivé en direction des envahisseurs. Hadrian, évidemment... Qui d'autres auraient été capable d'une telle magie de toute manière ? Le brun n'avait pas tenté de répliquer à nouveau, il aurait pu mais il ne l'avait pas fait. Il demeurait immobile, comme pensif, avant de s'éclipser vers l'endroit où les Enfants Maudits arriveraient s'ils atteignaient le village, probablement résigné par l'idée qu'il ne faisait que perdre son temps et son énergie. Mais le départ du chef ne fut pas la seule chose qui me chiffonna, nos adversaires avaient su faire face à son attaque. Était-ce simplement l'œuvre de la chance ou alors d'un talent insoupçonné ?
D'autres des nôtres se mirent à leur tour à tenter de stopper ceux qui fondaient vers le village. Cependant chaque flamme et chaque vent furent freinés tout comme chaque pics de glace et chaque affaissement de terrain furent déjoués. Sous nos regards impuissants, nous pûmes ainsi assister à leur progression qu'aucun Lame d'Argent ne parvenait à entraver définitivement. Comment les Enfants Maudits pouvaient-ils parer chacune de nos offensives ?
Ceux-ci commencèrent dès lors à atteindre les premières demeures à l'opposé de notre position. Kagami et moi dégainâmes nos épées et nous ruâmes dans la direction de l'assaut. Ils étaient là à présent. Comment avaient-ils pu passer au travers de nos attaques ? En tout et pour tout, nous avions peut-être rendu une petite douzaine d'ennemis inaptes au combat ; rien d'exceptionnel en somme et en voila tout le problème ! Je refusais, ne serait-ce qu'une seule seconde, de nous reléguer à un rang banal ! Les Lames d'Argent faisaient tous partie des mages les plus puissants du continent, comment ces nouveaux venus pouvaient-ils nous résister si aisément, nous égaler presque ?
Certains des nôtres combattaient déjà avec hargne lorsque nous atteignîmes les lieux. Je me jetai à mon tour dans la mêlée et affrontai tous ceux qui osaient s'aventurer à proximité de moi. Ils avaient donc délibérément choisi la voie de la bataille ; moi qui pensais qu'ils auraient fui en voyant nos capacités, ce fut pourtant bien le contraire qui s'était produit.
L'adrénaline grimpa en moi sans perdre de temps. Je donnai mes premiers coups d'estoc à un adversaire que je vainquis après quelques échanges. Un autre voulut ensuite s'en prendre à moi mais déchanta rapidement lorsqu'il sentit le pommeau de son épée lui brûler les mains, le poussant à lâcher prise. Ma concentration s'accroissait à toute vitesse, à chaque coup, à chaque mouvement qui traversait mon champ de vision et même au-delà. Je balayai un instant le front qui s'était formé, le bazar des combats m'avait séparée de mon ami aux cheveux écarlates.
Quelques guerriers ennemis, ayant échappé à toute vigilance, commencèrent à traverser nos frontières et à s'enfoncer dangereusement dans le village. Les autres semblaient trop occupés par les combats pour l'avoir remarqué, je n'eus ainsi pas d'autres choix que de me dégager de la spirale humaine pour me jeter à leur poursuite. Les hommes s'étaient dirigés au centre du bourg.
Lorsque j'atteignis les lieux, je pus alors m'apercevoir qu'Hadrian était déjà en train de s'occuper de leur sort, luttant dans un combat acharné contre trois Enfants Maudits en même temps. Malgré sa situation de désavantage, le mage de Feu ne rechignait pas et affichait cette même expression indifférente qu'il avait pour habitude de prendre envers et contre tout. À croire que cet homme ne pouvait réellement pas éprouver le moindre sentiment. Décidément, ce Lame d'Argent aux cheveux noirs était à mes yeux bien plus qu'étrange. Néanmoins, je partis l'aider, après tout, autant profiter de la situation pour tenter de me faire bien voir de mon chef !
Un nouvel ennemi me barra cependant la route au même moment. Il tenta de me flanquer un coup d'épée que je parai de suite. Nous bataillâmes quelques instants alors que je remarquai du coin de l'œil qu'Hadrian avait déjà éliminé l'un de ses trois assaillants. Je finis par faire de même avec le mien et repris sans plus tarder ma course vers Monsieur-sans-expression. Le guerrier combattait ardemment ses adversaires jusqu'à ce que l'un des deux succombe au tranchant de son épée. Il ne m'en laisserait donc aucun, décidément, je n'aurais pas même le moyen de me montrer sous mon meilleur jour ! Pourquoi fallait-il toujours que mes plans génialissimes fussent aussitôt annihilés ?
Lorsque j'arrivai tout juste à sa portée, mon chef mit son dernier opposant à terre et pointa son arme vers lui.
- Toi, sale... ! s'apprêta à l'insulter le perdant dans une grimace de colère.
Sans oublier de maintenir un visage dénué de la moindre émotion, Hadrian l'avait à jamais empêché de continuer sa phrase. Celui-ci tourna finalement la tête vers moi, remarquant enfin ma présence. Le brun sembla réfléchir quelques secondes au sort qu'il allait me faire subir avant de m'ordonner :
- Viens avec moi.
Le jeune homme aussi froid qu'autoritaire fit aussitôt volte-face pour s'avancer dans la direction opposée. Je fronçai les sourcils, sa manière de me parler ne me plaisait guère. Que voulait-il donc cette fois ? Il n'exprimait jamais clairement ses idées. À chaque fois, il préférait tout garder pour lui en espérant que nous, ces subordonnés, lui obéirions au doigt et à l'œil pour parvenir à ses fins. Malgré tout, malgré ma difficulté à l'avouer, ces plans étaient toujours bons et, de ce fait, nous lui faisions entièrement confiance. Décidément, je ne parviendrais jamais à l'apprécier ou ne serait-ce qu'à ne pas le détester !
J'aurais tant préféré avoir un chef aussi amical que Peter, un chef qui ne me réprimanderait pas à la moindre de mes blagues ! Les autres étaient tous ou trop strictes ou trop sérieux, de véritables empêcheurs de tourner en rond !
Je finis tout de même par me résigner à le suivre et le questionnai sèchement, d'une pointe d'arrogance dans la voix que je ne pus m'empêcher de retenir en réponse à son propre mépris :
- Et où va-t-on ?
Hadrian ne prit même pas la peine de me répondre. Énervée, je pris sur moi, sachant que cela ne servirait à rien de me mettre en rogne dans un tel moment. L'homme marchait rapidement, j'eus de la peine à le suivre. Finalement, nous arrivâmes à un point surélevé : un escalier de pierre qui conduisait à un toit plat où l'on pouvait observer d'en bas tous les combats acharnés qui s'y déroulaient. Le brun se retourna et daigna enfin à m'accorder un peu de son attention.
- On va capturer leur chef.
- Et qu'est-ce que cela va nous apporter ? répliquai-je d'un ton suffisant.
- Les Enfants Maudits ont beau haïr le monde entier, ils sont extrêmement fraternels entre eux, et surtout, ils vouent une attention toute particulière à celui qui est à leur tête.
- Alors d'après toi, il suffirait de tuer leur chef pour les voir repartir aussitôt d'où ils viennent ? répétai-je dubitative.
- Rien ne sert de le tuer, nous avons seulement besoin de le blesser, et pour cela j'ai un plan.
*
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