« J'étais sûre que ma mère ne remarquerait pas ma longue absence. Parce qu'on était Jeudi. Et c'est un Jeudi que Alice est morte. Alors, tous les Jeudis, ma mère se saoûle et se drogue. Pour « oublier » la mort de ma sœur. Mais moi, je sais qu'elle fait ça parce qu'elle n'a pas réagit pour la sauver alors qu'elle aurait pu. Elle fait ça pour s'obliger à souffrir. Mais je trouve ça égoïste. Parce que depuis le décès d'Alice, ma mère ne s'occupe quasiment plus de moi. C'est comme si elles nous avait perdues toutes les deux. Et ça va bientôt être là cas. Mais, contrairement à Alice, qui était malade; moi, j'ai essayé de la prévenir. J'aurais voulu qu'elle m'aide. Mais elle s'en foutait royalement. Alors, Maman, si tu lis ces quelques lignes, je vais te dire quelque chose qui te brisera sans doute le cœur. Parce que, contrairement à Alice, pour laquelle sa mort était quasi inévitable, la mienne, tu aurais pu l'éviter. Il aurait suffit de m'aider. Donc, Maman, saches que tu es en partie responsable de mon suicide. Alors, oui, c'est cruel. Mais ce soir là où je suis rentrée bien trop tard; ce soir là où j'ai été traumatisée; ce soir là où mon insouciance fut brisée; ce soir là où tu étais défoncée; saches que tu aurais pu réagir. Car c'est à partir de là que j'ai chuté. C'est à partir de là que tu es responsable. Et pour tout ce qui s'ensuit. Parce que ce soir là, en rentrant, lorsque tu avais ton verre à la main et que je t'ai dit clairement :

-Maman, je me suis fait violer.

Et que tu as répondu :

-D'accord. C'est très bien ma chérie.

C'est là que j'ai su que tu ne m'écoutais pas. Que seul le nom d'Alice te trottait dans la tête. Et ça, c'était pire que mon viol. Pire que tout. »