Tokyo, 2004, univers 250313

Des ruines. Des ruines, à perte de vue, dévorées par le temps et la rouille. Des luxueux hôtels et centres commerciaux flamboyants qui illuminaient autrefois Odaiba ne subsistaient que des tas de pierres informes. Les stands éphémères du festival qui s'était tenu là pour célébrer ce qui aurait dû être une révolution gisaient encore aux pieds des murs calcinés. Quelques sachets de friandises fermés émergeaient timidement sous l'épaisse couche de débris qui jonchaient le sol, envahi par les mauvaises herbes, seule végétation capable de pousser dans cet environnement si hostile à la vie. De la statue de la Liberté, à moitié engloutie par le sable de la plage abandonnée, il ne ressortait qu'une flamme de jade, dernière relique de l'espoir qui avait animé le cœur des hommes.

De l'autre côté de la baie, d'immenses tours de verre aux éclairages aveuglants, si majestueuses et fragiles à la fois, masquaient de manière insolente même l'éclat du Soleil crépusculaire, plongeant l'île artificielle dans une pénombre éternelle.

Il n'y avait pas un bruit. Seul l'écho de ses pas sur les éclats de verre se mêlait au hurlement du vent qui semblait porter avec lui la plainte de tous ceux qui avaient péri ici.

La femme secoua la tête pour ne pas les entendre. Elle était responsable du désastre, et elle le savait. C'est pourquoi elle était revenue sur les lieux de son crime pour expier ses fautes et obtenir le pardon de celui qu'elle avait abandonné à son sort autrefois.

Arrivée au pied d'une tour qui aurait jadis dû révolutionner le monde, mais dont il ne restait plus que le squelette métallique, la personne s'arrêta. Elle sortit de sa poche intérieure une petite pierre mauve, un cristal d'améthyste. Avec précaution, elle le déposa sur le parvis du bâtiment délabré, par-dessus un ruban rouge délavé et piétiné, relique du plus grand échec de ce siècle.

Quelle ironie, pensait-elle. La partie supérieure avait beau avoir implosé, ce qui avait été, l'espace de quelques heures, le symbole d'un futur radieux continuait à fendre majestueusement les cieux. C'était comme si une force supérieure rappelait aux hommes l'orgueil dont ils avaient fait preuve en se prenant pour des dieux.

— Dis, Soichiro, qu'en penses-tu, après toutes ces années ? Si tout était à refaire, laisserais-tu l'humanité marcher lentement vers sa perte en te contentant de regarder de loin ? Ou bien tenterais-tu malgré tout de t'opposer à la volonté du monde pour essayer de la sauver ? Personnellement, j'ai fait mon choix. Ne t'inquiète pas, je vais m'occuper de lui.

Un grésillement ramena la femme à la réalité. Elle sortit de sa poche un étrange appareil de communication cubique qu'elle plaça près de son oreille.

— Violette, tout est prêt pour l'opération. C'est à notre tour d'agir, maintenant, déclara une voix féminine à l'autre bout du fil.

— Très bien, Flore. J'étais simplement venue m'assurer d'une chose à Odaiba. Attendez-moi avant de vous lancer à l'assaut de la mairie, je rentre immédiatement. Si Inagawa doit périr aujourd'hui, c'est moi qui détruirai ses derniers espoirs, de la même façon qu'il a détruit ceux de l'humanité.

Sans ajouter un mot, Violette coupa la communication. Lorsqu'elle toucha l'anneau d'argent qui ornait son annulaire, des flammes bleues embrasèrent les extrémités de son manteau immaculé. Le sourire sur sa figure disparut pour ne laisser place dans ses yeux qu'à un sentiment de haine à l'état pur, la consumant de l'intérieur.

— Oui. Très bientôt, les masques tomberont. Je le jure, sur l'honneur de la famille Pendragon d'Orléans. Ceux qui ont brisé notre futur devront le payer de leur vie.