Quentin mit une bonne dizaine de secondes pour se rendre compte pleinement de ce qui venait de se passer.

Frank était mort !

Ils venaient de l'assassiner, tous les deux. C'était de la légitime défense, sans doute.

Mais il était quand même responsable du meurtre d'une autre personne. Il avait aidé à le tuer.

Peu à peu, il reprenait sa respiration. Ses souffles rauques couvraient ceux de Sophie.

Les dernières minutes qu'il venait de vivre avaient été éreintantes !

Le silence crispé fut troublé par le bruit spongieux de l'arme que Sophie retirait du corps de sa victime. Une grimace de dégoût se figea sur le visage de Quentin, quand il se rendit compte de ce bruit avait, plus que tout, imprimé la réalité du meurtre dans son esprit.

La voix du Maître choisit ce moment précis pour intervenir dans tout le Labyrinthe :

"Frank ne fait plus partie du jeu."

L'annonce aussi courte que froide lui avait donné la chair de poule. Maintenant, tout le monde était au courant. Mais ils n'auraient pas la confirmation que Frank était bien un Gardien...

Quentin jeta cette pensée au fond de son crâne : les circonstances avaient parlé d'elles-mêmes.

Il se releva péniblement, l'air ayant du mal à se frayer un chemin vers ses poumons. Tout son corps était perclus de douleur...Il fallait qu'il trouve un endroit pour se poser. Loin du groupe. Il n'avait pas envie de répondre aux questions maintenant.

"Ça va ?" adressa t-il à Sophie.

Elle était restée à terre devant le corps inanimé, ses mains tremblantes tenant toujours le couteau dont elle s'était servi pour ôter la vie.

Aucune réponse ne lui vint. Elle était certainement en état de choc.

"Sophie ?" insista Quentin, inquiet. "Il ne t'a pas blessée ?"

Elle secoua la tête, ses boucles marron s'agitèrent sur son crâne : c'était comme si elle voulait se réveiller d'un mauvais rêve.

"Non, ça va, ça va... Merci... Merci d'être venu."

"Il faut qu'on parte." signala le jeune homme. "On ne peut pas rester là."

Il s'approcha de quelques pas pour lui donner la main, l'aider à se relever. Il pensa cette fois-ci à ramasser la deuxième arme pour lui-même, au cas où d'autres mauvaises rencontres se profileraient. Un regard à sa carte lui apprit que le point que Frank était censé visiter ne se trouvait pas loin. C'était justement l'une des zones qui ne figuraient pas précisément sur la carte et qu'ils devaient élucider. Quentin décida de s'y rendre : logiquement, il n'y aurait personne là-bas. A moins que le groupe ne décide d'y converger pour élucider le meurtre...

Mais il aurait le temps d'aviser d'ici-là.

Il se mit en marche, accompagné de Sophie, toujours parcourue d'impressionnants tremblements nerveux. Au moins, se dit-il, n'était-elle pas capable d'assassiner de sang froid sans rien ressentir. Cela l'incitait davantage à lui faire confiance.

Ils n'eurent pas à parcourir plus de trois couloirs avant de tomber sur ce point d'inconnu. Il s'agissait d'un cube métallique muni de vitres teintées qui faisaient tout le tour de la structure. Le vert pâle, rappelant certaines teintes de rouille, contrastait avec la froideur du gris ambiant.

Placardée à mi-hauteur, une indication lisait : "Salle des commandes".

Quentin sentit son cœur battre plus fort. Était-ce une plaisanterie ? Était-ce vraiment d'ici que le Maître régnait sur le Labyrinthe ?

"Non... Je ne peux pas." commença Sophie.

"Tu ne peux pas quoi ?"

"Entrer là-dedans... On ne sait pas ce qui s'y trouve... Qui s'y trouve."

"Je compte bien le découvrir !"

"Attends !" s'exclama Sophie. "Je ne peux pas venir avec toi. Je n'ai pas... Si il y a d'autres gens du groupe, je ne veux pas expliquer... Ils ne comprendraient pas."

"Je leur expliquerai, moi !" avança Quentin, exaspéré.

"Tu ne comprends pas..." fit Sophie d'un air triste. "Je dois y aller."

Et, pour la deuxième fois, elle sépara son chemin du sien. Quentin était perplexe. Avait-elle si peur du jugement du groupe ?

Et lui, comment se justifierait-il de ce qui était arrivé à Frank ?

Une fois qu'il s'eut posé la question, il comprenait tout de suite bien mieux la position de Sophie... Et si ils décidaient de le soupçonner ?

Une seule vérité sortit de cette interrogation : il fallait à tout prix sortir le plus vite possible de cet enfer. Et il n'y parviendrait qu'en résolvant les énigmes qui s'y trouvaient.

Décidé, il se dirigea vers l'entrée de cette fameuse Salle des commandes, de plus en plus assuré sur ses pas maintenant qu'il avait repris son souffle.

La première chose qui le frappa une fois entré, c'était la multitude d'écrans qui était étalée en hauteur. Ils offraient la vue sur différents endroits clés du Labyrinthe, comme la cabane ou s'était réuni le groupe, maintenant vide.

Ils étaient filmés en direct...L'idée saisit Quentin.

Une forêt de manette se tenait sur sa droite. Intrigué, il en actionna une. Sur un des écrans, il vit une paroi se refermer, comme il l'avait déjà vu à l'intérieur du dédale.

L'information le frappa : le Maître s'était déjà rendu ici ! Peut-être même qu'il l'avait déjà vu, qu'il se faisait passer pour un Candidat !

Les théories les plus folles circulaient en boucle dans l'esprit de Quentin tandis qu'il explorait la pièce à la recherche de plus de détails. Il avait de quoi faire !

Cette cabine était bourrée de choses diverses. Des interrupteurs, un sablier imbriqué dans un système de mécanismes complexes qui le retournait de temps à autres, un symbole représentant deux gouttes d'eau imbriquées l'une dans l'autre, des seringues vidées de leur contenants, encore d'autres manettes qui activaient Dieu savait quoi, des dossiers en pagaille...

Il en prit un au hasard.

Encore une fois, tout était en anglais : il peinait à comprendre. Mais son niveau basique lui permit tout de même de saisir ce qui figurait sur le titre de celui-ci :

"Time machine."

Une machine à remonter dans le temps...L'idée semblait folle.

Et pourtant. Il avait croisé une créature qu'il avait cru impossible, et qui était apparemment décrite dans un dossier du même genre.

Quentin commençait à penser que ce labyrinthe était un laboratoire géant dans lequel ils faisaient office de rats à tester.

Et il n'aimait vraiment, vraiment pas cette idée.