Leila
C'est aujourd'hui ! Les Jeux Olympiques commencent enfin !
« Papa ! Ouvre la télé, il y'a la cérémonie d'ouverture, vite, dépêche-toi sinon on va la rater. », m'écriai-je, trépignant d'impatience devant notre petite télévision.
J'arborais ma moue la plus mignonne dans l'espoir de le faire craquer. En véritable petite boule de nerfs, j'agrippais la manche de mon père et commençai à sauter sur place. Il me lança un petit regard moqueur et dégagea doucement son pauvre bras malmené.
« Ne t'en fais pas Leila, ça risque de durer encore trois bonnes heures, pas besoin de se presser »
Toute la famille s'installa sur notre vieux canapé en cuir, armés de la télécommande, nous étions prêts. La télévision s'alluma dans un crépitement pixelisé, mon père pressa la touche « 2 » de la télécommande et le générique annonçant le début de la cérémonie d'ouverture résonna dans notre salon. Je me trémoussai déjà d'impatience assise à côté de mon frère, à la vue des anneaux olympiques. J'avais déjà raté les jeux olympiques précédents alors il était hors de question de perdre une miette de ceux-là. Enfin raté, disons que je les ai sûrement regardés mais je n'étais pas physiologiquement apte à les apprécier ni à m'en souvenir...
Le logo rouge et blanc de cette édition laissa place sur l'écran à une vue en contre plongée du stade olympique, « le nid d'oiseau », accompagné d'un bandeau bleu nuit indiquant le début de la cérémonie d'ouverture. Des notes cuivrées aux accents orientaux s'élevèrent dans la nuit pékinoise. Elles étaient interprétées par une fanfare entièrement composée d'hommes vêtus de blanc et d'or, on aurait dit les uniformes de la marine ! Leurs trompettes et hautbois brillaient de mille feux. La clameur du public commença à s'intensifier, ce n'était presque plus qu'un bourdonnement indistinct qui enflait de plus en plus. Soudain tous les projecteurs s'éteignirent, dévoilant une armée de batteur disposée en rectangle sur la piste. C'en était alors suivi un spectacle de couleurs et de percussions, nous invitait à un voyage au cœur de l'histoire chinoise. Elle était contée sur un parchemin où le sillage des patineurs venait tracer à l'encre, telle un pinceau de calligraphie cette histoire ancestrale. Les légendes et les batailles épiques étaient illustrées par les mouvements gracieux et pourtant plein de forces des danseurs et danseuses en costumes traditionnels. Je m'émerveillais devant la beauté de leurs coiffes et de leurs broderies si minutieuses. Cette mise en scène était une véritable immersion dans la culture chinoise.
Pourtant un détail, et pas des moindres, m'empêchait de m'immerger complètement dans l'ambiance... Un bol de nouilles bien épicé pour agrémenter notre petite soirée aurait fait voyager nos sens tout doit en Chine. Je partageais donc mon observation avec ma mère. Elle ne manqua pas l'occasion de me faire les gros yeux tout en pointant d'un doigt accusateur mon assiette garni d'un bon steak-frite, grâce à mes recommandations avisées en matière culinaire de la veille. Qu'à cela ne tienne, les jeux olympiques étaient encore là pendant deux semaines autant de jours pour concocter un festin digne de l'empereur du royaume du milieu. Alors je pris mon mal en patience et trempai allégrement mes frites dans notre bonne vielle harissa maison. Perdue dans mes pensées je n'avais même pas entendu les speakers annoncer que l'hymne national chinois allait débuter heureusement que mon frère Faysal me mit un bon coup de coude bien placé pour me faire émerger de mes tribulations culinaires.
Pendant mon petit moment d'absence, les danseurs s'étaient éclipsés et la piste du stade fut alors envahie par une horde d'enfants tous habillés en costume traditionnel provenant de chaque province chinoise. Mon père remarqua alors avec une drôle d'intonation « Je me demande bien où sont passés les gamins en costume ouighour... » Je ne compris pas sa remarque, mon attention était entièrement obnubilée par le défilé de couleurs. Il y'avait tellement de motifs, de matières et de coupe différentes que mon regard n'arrivait pas à se focaliser sur un seul élément. Une fois la parade terminée, les enfants avançaient en cadence, en formation carrée, tout en dépliant le drapeau chinois qui fut hissé lors de l'hymne au rythme de la douce voix d'une petite chanteuse à couettes toute de rouge vêtue.
La caméra zooma alors sur un général haut gradé, habillé en costume vert militaire qui de sa main gantée déploya dans les airs le drapeau rouge et or chinois. La mélodie de l'hymne chinois s'éleva alors dans le stade. Le travelling s'attarda sur les gradins bondés d'où émergeaient des milliers de drapeaux olympiques agités joyeusement par la foule de spectateurs venus assister à cet événement unique. Je ne pus m'empêcher de malicieusement relever que certains gros plans peu flatteurs sur quelques visages laissaient craindre qu'un hymne aux notes discordantes devait s'échapper de leur bouche déformée, on ne pourra pas leur reprocher leur manque de patriotisme !
Après les dernières notes clôturant l'hymne, un feu d'artifice fut lancé à l'extérieur du nid d'oiseau, colorant l'espace de quelques minutes le ciel de crépitements rouges et ors.
Roulement de tambour, l'hymne du pays hôte laissa place à la parade des nations. La voix enjouée de la speakerine française annonça l'entrée de la Grèce, pays fondateur des jeux olympiques antiques. Le porteur grec avança avec une pancarte annonçant le nom de son pays accompagné par une hôtesse vêtue de rouge, couleur symbolisant le bonheur en Asie.
Je partageais à voix haute de toutes ces réflexions et détails avec ma famille non sans une pointe de fierté, je n'avais pas passé des heures à me renseigner sur le sujet pour rien ! J'étais la commentatrice officielle de la soirée, bien décidé à volée la vedette à la voix-off. Alors que je venais de leur annoncer l'entrée en lice du second pays, l'Afghanistan, la speakerine annonça à ma plus grande surprise « la Guinée »
Je regardais mes parents avec incompréhension. Comment ? Les jeux olympiques m'aurait-il trahie ? Je pensais pourtant que la parade allait se poursuivre en annonçant par ordre alphabétique les délégations des différents pays. J'avais pourtant rabâché pendant toute la semaine à mes parents mes connaissances fraichement acquise sur l'histoire des jeux olympiques. A peine avais-je eu le temps d'encaisser ce choc que la voix off du présentateur de France 2 me sorti de mon incompréhension.
« Cher téléspectateur comme vous avez pu le constater, l'entrée des nations durant cette édition est quelque peu chamboulée. Elle se fera exceptionnellement en fonction du nombre de trait présent dans la transcription en sinogramme du nom des pays en et non par ordre alphabétique latin. »
La voix off me berça de ses commentaires plus ou moins utiles tout au long de la parade. C'est ainsi que j'appris que cette année-là quatorze milles athlètes s'affrontèrent dans les vingt-huit disciplines olympiques. Une nouvelle discipline faisait son entrée aux jeux, le BMX. Une remarque du présentateur sur la présence de non pas une ni deux mascottes mais bien de cinq, des « fuwas » représentant les cinq éléments sous forme d'animaux me laissa perplexe. Je trouvais le mélange bizarre mais je dois avouer que je n'aurai pas dit non pour faire un petit câlin à l'une des mascottes. Au bout de quarante-cinq minutes de babillages intempestifs sur la performance des figurants du spectacle précédent, agrémenté de commentaires et anecdotes en tout genre sur les nations qui défilaient, mon père craqua et pressa le bouton mute. Je n'avais plus à mon grand désespoir plus que les images pour suivre la retransmission. Heureusement, que j'avais ouvert en grand mes oreilles pour ne pas perdre une miette des informations croustillantes sur cette nouvelle édition qui ne semblait intéresser que moi dans le salon.
Malheureusement pour mon père ce fut moi qui pris le relais. A chaque nouvelle délégation, je m'amusais à annoncer leur nom en reproduisant la voix claire et enjouée de la speakerine française. Puis mon frère renchérissait en essayant de deviner leur prononciation en chinois avec peu de succès puisque ce n'était qu'une succession de syllabes stéréotypées. Mon père nous fit vite taire en nous menaçant d'éteindre définitivement la télévision si l'on continuait. Ses menaces firent effet mais seulement pour quelques minutes. L'apparition sur l'écran des athlètes français menés fièrement par Tony Estanguet, médaillé d'or en canoë-kayak, réduisit à néant ses remontrances. Je m'amusais avec mon frère à reconnaitre le plus rapidement le nom des athlètes mais c'était quand même mon père le plus vif ! Après tout c'était lui qui passait son temps à suivre l'actualité sportives.
La France était la cent-vingt-quatrième nation sur les deux-cent-quatre participantes. Autant dire que jusque à l'entrée dans le stadium de la République populaire de Chine, nous avions perdu plus d'un soldat. Mon frère lors de l'entrée en scène des îles Salomon qui suivait la France demanda à être prévenu lorsque la torche serait allumée et parti s'éclipser dans sa chambre. En ce qui concerne ma mère, son sort s'était joué bien plus tôt dans la soirée, elle commençait déjà dès la première heure d'antenne à somnoler. Il ne restait donc plus que deux survivants, mon père et moi pour assister au serment des participants. Une fois que tous les athlètes eurent défilé, une estrade fut placée au centre du stadium pour procéder à l'annonce, vraiment, officielle du début des jeux. Enfin !
C'est à 23 h 37 précisément, après plus de quatre heures de visionnage que mon père avait tenté d'entrecouper par quelques animés japonais (il fut bien vite dissuadé par mes grands cris de protestation) que fut prononcé le serment olympique. Le président du comité d'organisation et du CIO prononcèrent un discours sur l'importance d'un évènement tel que les Jeux olympique où les peuples de chaque nation pouvaient s'affronter dans la paix et le fair-play. Puis, le président de la , déclara officiellement ouverts les XXIXe Jeux olympiques d'été par cette déclaration en mandarin « Je déclare les XXIXe Jeux olympique de Pékin... ouverts ! »
Ensuite, le drapeau olympique fut porté jusqu'au podium où il fut hissé pendant que l' fut joué. Les porte-drapeaux de tous les pays entourèrent alors l'estrade où une athlète et un juge-arbitre prononcèrent le .
Puis ce fut le clou du spectacle...le moment tant attendu de l'allumage de la torche arriva. Elle avait parcouru tant de kilomètres passant de mains en mains depuis le site d'Olympie jusqu'au dernier porteur de la flamme, l'incroyable gymnaste Li Ning. Il fut hissé en haut du stade par des filins et parcouru d'un pas aérien le tour du stadium, incliné à l'horizontale contre un écran géant tel un marathonien avant d'atteindre la vasque olympique pour l'allumer. Il avait mérité cet honneur en décrochant six médailles dont trois d'or aux en . La flamme s'était alors enroulé le long de la vasque rouge et argent nimbant le nid d'oiseau d'une lumière blanche, la même qui pointait au creux du jour, l'aube d'une nouvelle ère...
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