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❦ chapitre 1, l'académie de ferlior

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Hyunjin ne cessait plus d'agiter l'éventail devant son visage ; malgré l'automne, l'air était irrespirable dans le carrosse. Sa gorge était si serrée que son souffle passait à peine au travers, et rien de ce que sa mère avait pu dire du trajet n'était parvenu à en démêler le moindre nœud. Depuis quelques dizaines de minutes, elle se contentait de l'observer l'air désolé. Hyunjin s'interdisait de croiser ses yeux, dans lesquels il ne voulait lire peine ou tristesse. Ce serait le meilleur moyen de lui compresser un peu plus la gorge.

À dix-sept ans, il était en âge de faire le trajet seul. À dix-sept ans, il pouvait se passer de la présence de sa mère. Ou du moins, il devrait. Si elle n'était pas avec lui, il y avait longtemps qu'il aurait demandé au cocher de faire demi-tour, de le ramener chez lui, de l'éloigner le plus possible de sa destination. Chaque seconde l'en rapprochait davantage. Chaque seconde libérait de nouvelles angoisses. Elles grouillaient dans son estomac, de plus en plus vives, et menaçaient de remonter jusqu'à jaillir de sa bouche. Hyunjin préférait ne pas imaginer sous quelle forme, aussi les gardait-il cloisonnées au plus profond de son ventre.

L'abeille de sa mère se posa sur sa main, l'incitant à cesser tout mouvement. Elle se déplaça jusqu'à ses doigts avant de revenir sur le dos de sa main, le chatouillant de ses petites pattes. Hyunjin l'observa faire dans le silence du carrosse, simplement entrecoupé par les sabots des chevaux contre la route de terre battue ou le bruit des roues. Il n'eut pas le cœur à lui demander de le laisser, de retourner sur l'épaule de sa mère.

— Haeguk s'inquiète pour toi, souffla cette dernière.

Les premiers mots prononcés depuis de trop longues minutes. Hyunjin aurait préféré ne pas les entendre. Il avait déjà bien assez à faire avec ses propres angoisses auxquelles s'ajoutaient celles de sa mère, palpables dans l'atmosphère pesante du carrosse ; nul besoin d'y entasser en plus celles de son compagnon.

— Elle aurait aimé pouvoir rester avec toi..., ajouta-t-elle.

Hyunjin ferma les yeux quelques instants, un soupir lui échappant. Il porta son attention sur le paysage, avide de s'échapper. La route traversait une dense forêt, peignée des couleurs de l'automne. Les feuilles arboraient de nombreuses teintes de rouge, de jaune et d'orange, une palette en harmonie parfaite avec les bruns des écorces et de la terre. De temps en temps, Hyunjin pouvait apercevoir le pelage de quelques chevreuils, biches ou sangliers. Les bois avaient toujours été son échappatoire, les animaux ses seuls amis. Observer ces lieux lui donnait seulement envie de se jeter hors du carrosse pour s'y réfugier et tout oublier.

— Peut-être qu'elle pourra venir te voir ?

Toujours posé sur sa main, l'insecte battit joyeusement des ailes. Hyunjin lui accorda un simple regard avant de reporter son attention sur le paysage défilant derrière la fenêtre. Un compagnon ne pouvait être séparé de son lié ; il était peu probable qu'ils trouvent une solution pour que l'abeille lui rende visite sans sa mère, quand bien même cette dernière avait réservé une chambre dans l'auberge la plus proche pour les deux prochaines semaines.

Comme si elle avait entendu ses pensées, elle ajouta :

— L'auberge ne me semble pas assez éloignée pour que ce soit dangereux ou douloureux pour nous, ne t'en fais pas.

La commissure des lèvres de Hyunjin tressauta. Même si les subtilités du lien lui échappaient, il savait que le domaine de l'académie était vaste, trop vaste pour que Haeguk s'y aventure sans risque. Celle-ci quitta sa main pour se poser sur sa joue, ses pattes y déposant de minuscules caresses remplaçant un baiser. Un geste qu'elle avait depuis toujours envers lui et dont il ne se lasserait probablement jamais, bien que son cœur se serre à chaque fois. Haeguk marcha ensuite jusqu'à ses cheveux et s'y enfonça sans peine, se blottissant au-dessus de son oreille.

Se penchant légèrement en avant, sa mère posa une main sur son genou et tenta de capter son regard. Hyunjin réunit toutes ses forces pour rester concentré sur le paysage, se retenant même de faire le moindre geste. Avec sa nervosité, ses mains auraient sans aucun doute terminé dans ses cheveux et il ne voulait pas prendre le risque de blesser ou d'embêter l'abeille. Même recommencer à s'éventer pour respirer de nouveau était exclu.

— Mon chéri, je suis sûre que tout se passera mieux que tu ne le penses. Et tu ne seras pas seul...

À nouveau, Hyunjin ferma les yeux en soupirant. Dans ce monde où le lien primait sur tout, la présence humaine ne valait plus grand-chose. Rien ne lui garantissait non plus que son amitié avec Mira et Naeun, étudiantes à l'Académie de Ferlior depuis deux ans maintenant, ne s'était pas effritée avec le temps et la distance. Elles avaient beau lui écrire des lettres au moins une fois par mois, il n'y répondait plus depuis déjà près d'un an. Tout était si différent depuis qu'elles n'étaient plus là pour le soutenir, pour le défendre contre les moqueries et les insultes, quand bien même elles n'avaient été un bouclier que pour quelques mois.

Lorsqu'elles étaient rentrées au village pour leurs vacances annuelles, au cours de l'été, Hyunjin avait même refusé de les voir en s'enfermant dans des révisions et lectures interminables afin d'être prêt pour son arrivée à l'académie. Ses parents lui avaient transmis quelques mots de leur part, mais elles n'avaient pas insisté pour qu'il sorte. C'était peut-être le signe qu'elles n'étaient pas si heureuses de le voir intégrer la même académie, elles qui n'avaient pourtant pas manqué de s'en réjouir dans leurs lettres dès qu'elles l'avaient appris.

Le regard de Hyunjin tomba finalement sur la main de sa mère, tandis qu'elle lui pressait tendrement le genou.

— Si nous n'avons pas l'occasion de nous voir avant que je reparte, tu m'écriras pour me raconter tes premiers jours ?

Il déglutit péniblement ; tous deux savaient très bien que jamais Hyunjin ne coucherait la vérité sur le papier si c'était pour l'avouer à ses parents. Ce qu'il vivait au quotidien les tourmentait déjà bien assez, il s'était de nombreuses fois promis de ne pas en rajouter lorsqu'il en avait la possibilité. Si son intégration se passait mal, il serait le seul à subir.

— Hyunjin, l'interpella-t-elle. Promets-moi au moins que tu ne garderas pas tout pour toi, que tu parleras aux jumelles ou à un adulte s'il t'arrive quelque chose.

Les paupières de nouveau closes, Hyunjin secoua doucement la tête avant de se tourner encore une fois vers la fenêtre. Haeguk battit des ailes dans ses cheveux, un bourdonnement grave qui trahissait nombre de reproches. Mais toutes deux avaient conscience que jamais Hyunjin ne pourrait faire et encore moins tenir une telle promesse.

Ses angoisses comprimaient de plus en plus sa gorge et son ventre, il n'eut d'autre choix que s'éventer à nouveau. Un mince filet d'air parvenait à se glisser entre les nœuds, à contrer les bouffées de chaleur qui le faisaient transpirer. Ses mains demeuraient gelées, agitées de tremblements qui prenaient parfois tout son corps.

Derrière la fenêtre, des clôtures de branches et racines nouées bordaient la route. Ils s'approchaient bien trop des portes de l'académie. Hyunjin agita plus fort son éventail ; Haeguk migra dans sa nuque, entre sa peau et le col de sa chemise. Elle continuait à bourdonner, un mélange de plaintes et de pleurs qui serra bien trop le cœur de Hyunjin. Ce n'était que le reflet des émotions de sa mère, qui les cachait pourtant derrière un sourire rassurant et un regard encourageant.

Hyunjin replia son éventail sans cesser de trembler et posa la main contre son col, invitant l'abeille à grimper sur ses doigts. Posée sur une phalange de son index, elle arrêta ses bourdonnements pour le caresser du bout de ses pattes. Réunissant ses forces, Hyunjin lui adressa un léger sourire avant d'enfin lever les yeux sur sa mère ; son regard tomba inévitablement dans le sien alors qu'elle lui pressait de nouveau le genou.

Même s'il ne serait jamais prêt, il pouvait lui donner l'illusion qu'il l'était. Peut-être que cela finirait par le persuader lui-même et lui donner la force d'au moins traverser la phase d'intégration. Passé celle-ci, il pourrait considérer que le plus dur était fait, ou plutôt, que ses chances de fuir devenaient nulles. Être coincé dans une école où il pouvait espérer trouver du soutien était peut-être mieux qu'être coincé dans une école où il était seul contre tous.

Bientôt, le carrosse ralentit jusqu'à ce que les chevaux s'immobilisent, plongeant Hyunjin et sa mère dans un silence pesant. Les secondes s'écoulèrent sans qu'aucun d'eux parvienne à esquisser le moindre geste ou ouvrir la bouche ; chaque battement du cœur de Hyunjin résonnait plus fort que le précédent. Il les sentait dans son ventre, dans sa gorge, dans ses tempes, même au bout de ses doigts crispés à son éventail. Haeguk continuait ses caresses, mais c'était à peine s'il les sentait. Il risqua un coup d'œil par la fenêtre et sa respiration se coupa. Le carrosse s'était arrêté au milieu de la route, devant une grande arche de racines et de branches entremêlées, sur laquelle était gravé « Académie de Ferlior » en lettres d'or. En dessous, un portail assorti, décoré de feuilles et de fleurs automnales, fermait l'entrée.

Hyunjin tourna la tête, le souffle dorénavant saccadé. Il n'était pas prêt. Il lui était finalement impossible de mettre cette illusion en place, et sa mère n'était pas dupe. Délicatement, celle-ci lui attrapa la main, pressant ses doigts moites et glacés entre les siens. De sa main libre, elle coinça une mèche de cheveux derrière l'oreille de Hyunjin avant de caler sa paume contre sa joue pour l'inciter à croiser son regard. Ses yeux mordorés, dont Hyunjin avait hérité, brillaient autant d'appréhension que d'encouragement.

— Allons-y, souffla-t-elle tendrement.

Malgré toutes les angoisses grouillant plus fort que jamais dans son ventre, Hyunjin hocha la tête. Sa mère le lâcha le temps d'ouvrir la porte et de descendre, mais elle lui tendit la main aussitôt dehors, accompagnant son geste d'un sourire tout aussi encourageant que son regard. Tandis que Haeguk se posait sur son épaule, il saisit la main tendue sans parvenir à retenir ses tremblements. Enfin dehors, dans la fraîcheur de la brise automnale, Hyunjin déglutit péniblement.

Au bord de la route l'attendaient ses bagages, empilés par le cocher qui attendait désormais patiemment à côté du carrosse. Si sa mère lui adressa des remerciements, Hyunjin, lui, ne parvint pas même à lui accorder un regard tant son attention était fixée sur le portail aussi haut que les arbres. Il allait bientôt devoir le traverser, et cette simple idée lui donnait le tournis. La main agrippée à celle de sa mère, il se retenait de chanceler.

— La directrice doit t'attendre, mon chéri.

Hyunjin ferma les yeux et hocha à peine la tête. Il ne pouvait laisser parler ses craintes plus longtemps, pas alors qu'il prenait le risque de se donner une mauvaise image dès son arrivée. S'il voulait conserver le soutien de la directrice, il se devait de se montrer exemplaire quoi qu'il lui en coûte.

Alors que sa mère lui lâchait la main, prête à lui dire au revoir, Hyunjin se réfugia dans ses bras. Pour s'imprégner de sa délicate odeur de miel, pour se souvenir de la chaleur maternelle qu'elle déposait sur sa peau et des caresses qu'elle laissait dans ses cheveux. Pour se donner un peu de courage et se promettre de les rendre fiers, son père et elle.

Après qu'elle lui déposa un baiser sur le front, il consentit à laisser sa mère s'éloigner, laquelle lui pressa les mains avant de lui accorder une dernière caresse sur la joue. Haeguk, quant à elle, se blottit de nouveau dans le col de sa chemise, le temps d'un câlin à son échelle. Lorsqu'elle retourna sur l'épaule de sa liée, Hyunjin sut que l'heure était venue. Il n'avait plus d'autre choix que regarder sa mère remonter dans le carrosse avant que le cocher n'en ferme la porte. Les chevaux reprirent leur route, leurs sabots claquant contre la terre battue accompagnant le bruit des roues. Bientôt, le carrosse disparut entre les arbres au détour d'un virage, et Hyunjin se retrouva seul au milieu de la route, perdu dans le silence de la nature que les battements de son cœur recouvraient sans peine.

Résigné, il se tourna vers le portail. Si haut qu'il en eut le vertige. Hyunjin ferma les yeux le temps de prendre une profonde inspiration, confinant ses angoisses au plus profond de son corps. Prendre sur soi, lutter, accepter. Lorsqu'il expira, le portail s'ouvrit dans le craquement du bois. Dans l'ouverture se tenait un jeune homme ; des cheveux noirs en bataille, des yeux rieurs, un sourire doux et accueillant, il avait tout pour mettre Hyunjin en confiance. Ce dernier s'attarda sur sa tenue, dans des tons vert sombre et bruns qui, malgré la saison, s'accordaient parfaitement à son environnement. Des taches de boue parsemaient ses bottes, dans lesquelles son pantalon était coincé, tandis que ses bras, découverts par les manches retroussées de son pull, arboraient de nombreuses griffures. Plus il s'approchait de Hyunjin et plus ce dernier pouvait en compter. Une chose était sûre, ce jeune homme passait beaucoup de temps dans les bois.

— Bonjour, commença-t-il de sa voix aussi douce que son sourire, tu dois être Hwang Hyunjin.

Hyunjin se contenta d'un léger signe de tête pour lui répondre, de nombreux nœuds obstruant toujours sa gorge.

— Je t'attendais, je vais te conduire à la directrice. Je suis Chanyoung, l'un des gardiens du domaine de Ferlior, se présenta-t-il.

Il accompagna ses mots d'un geste invitant Hyunjin à le suivre ; pour toute réponse, ce dernier jeta un regard à ses bagages. Chanyoung eut un léger rire, comme s'il entendait les inquiétudes du garçon.

— Ne t'en fais pas, je ne vais pas laisser tes affaires là. Mon aigle va les emmener à ta chambre.

Sa phrase à peine finie, il leva la main, paume tournée vers le ciel, et les quelques coffres de voyage de Hyunjin s'élevèrent dans les airs. Un aigle glatit au même moment, au-dessus de leurs têtes. Hyunjin leva les yeux, son regard se posant sur un grand rapace aux plumes brunes descendant vers lui. L'une de ses serres se referma sur la poignée d'un bagage et il s'en alla aussitôt à travers les bois, les affaires de Hyunjin le suivant.

— Allez, viens, reprit Chanyoung.

Hyunjin ne pouvait pourtant pas décrocher son regard de l'aigle, déjà presque invisible parmi les arbres. Il avait jugé le domaine de Ferlior trop vaste pour que Haeguk s'y aventure, mais l'aigle du gardien semblait prêt à le traverser sans même y réfléchir.

— Vous pouvez...

Sa voix éraillée le fit grimacer ; il secoua la tête, incapable de finir sa phrase ni de faire face à Chanyoung, lequel ne perdait pas son sourire.

— Nous pouvons... ? Nous séparer ? compléta-t-il.

Malgré tout ce que cela pouvait signifier, Hyunjin hocha la tête.

— C'est plus simple maintenant qu'à mes premiers jours, mais le domaine n'est pas assez grand pour que ce soit dangereux pour nous. C'est plutôt... une sensation de manque que de la douleur, expliqua le gardien.

Hyunjin lui adressa enfin un nouveau regard, ses yeux s'ancrant même dans les siens. Chanyoung savait. Pourtant, il l'observait sans qu'il ressente le moindre jugement, la moindre méprise. Ce jeune homme ne dégageait que douceur, mais il ne devait être qu'une exception. Aucun doute que les étudiants renverraient des images bien différentes.

— Allons-y vraiment, cette fois-ci, reprit Chanyoung. Il est déjà tard, on va prendre des raccourcis alors reste près de moi. Tant que tu n'auras pas l'habitude de ces bois, tu risques de t'y perdre.

Avant de lui tourner le dos, le gardien lui adressa un sourire complice qui laissa Hyunjin perplexe, comme s'il avait conscience de l'amour que Hyunjin vouait à la nature même en l'absence de compagnon. Alors que la Nature elle-même l'avait laissé de côté, il aurait dû s'en détourner, trouver des centres d'intérêt qui l'en éloignaient, mais c'était tout le contraire. Jamais il ne se sentait aussi apaisé et en sécurité que dans les bois.

Les jambes de Hyunjin le portèrent jusqu'au portail qu'il traversa enfin. Il eut à peine fait quelques pas qu'il se referma dans son dos, le craquement du bois répondant aux battements effrénés de son cœur. Hyunjin fit volte-face, pétrifié face à sa seule porte de sortie désormais close. Il était enfermé, sans plus aucune possibilité de faire demi-tour. S'il avait eu une chance de fuir, il l'avait ratée.

Une main se posa sur son épaule et il sursauta, se retournant pour faire face à Chanyoung. Son sourire avait changé, désormais mu par une peine qui n'était pas sienne.

— Je ne pourrai pas comprendre ce que tu ressens, commença-t-il, mais sache que j'ai juré d'être là pour toi, comme tous les autres gardiens. On veille sur le domaine, mais aussi sur les étudiants.

Hyunjin secoua la tête ; il refusait de croire que d'autres personnes puissent être de son côté, ou au moins le considérer avec un peu de respect. Peut-être que ce n'était qu'un masque qui tomberait après quelques jours, qu'il aurait la preuve que les êtres humains étaient tous les mêmes. Si les jumelles étaient différentes, c'était seulement parce qu'elles avaient été à ses côtés lors de la cérémonie.

Un frisson remonta l'échine de Hyunjin alors qu'il se rendait compte que déjà bien trop de monde semblait au courant de sa situation ; cela n'annonçait rien de bon, à n'en pas douter.

Chanyoung dépassa une cabane, sur le bord du chemin à quelques pas du portail, avant de dévier de l'allée principale en s'enfonçant parmi les arbres. Suivant son conseil, Hyunjin resta près de lui ; les bois se refermèrent autour d'eux, aussi se retrouvèrent-ils plongés dans les murmures et les senteurs de la nature. Des champignons s'épanouissaient dans les ombres, là où l'odeur de terre humide était le plus forte, tandis que les rayons du soleil à son zénith filtrant à travers les branchages dessinaient des taches lumineuses sur les tapis de feuilles colorées. Des fleurs violettes, roses ou bleues les accompagnaient parfois, leurs tiges et pétales créant des contrastes que Hyunjin admirait sans pouvoir s'en empêcher, quand un petit animal filant dans les fourrés n'attirait pas son attention. Aucun ne s'approchait de lui, les insectes bourdonnant autour de lui le contournaient et les oiseaux se taisaient sur son passage.

La forêt était à la fois si similaire et si différente de celle qu'il connaissait, dans laquelle il avait grandi et traversé les meilleurs comme les pires moments. Il ne s'y sentait pas encore à sa place, comme si elle attendait qu'il fasse ses preuves pour laisser la moindre créature s'approcher de lui.

Plus ils s'y enfonçaient et plus Hyunjin avait du mal à respirer, oppressé par cette sensation de rejet. Chanyoung ralentit pour se mettre à son niveau et posa une nouvelle fois la main sur son épaule ; Hyunjin se laissa faire, incapable d'adresser un regard au gardien.

— Ne le prends pas personnellement, lui dit-il, tout le monde a droit au même traitement en arrivant. Ferlior ne laisse pas n'importe qui arpenter son domaine, il lui faut simplement le temps de te cerner. Et crois-moi, si tu représentais la moindre menace, jamais la directrice ne t'aurait accepté. Si tu es là, c'est que tu as ta place ici.

Cette fois-ci, Hyunjin trouva la force de lui accorder un regard, au travers duquel il tâcha de lui montrer sa reconnaissance. Il ne pouvait nier les efforts que Chanyoung faisait pour qu'il soit à l'aise et se sente accueilli, bien qu'il doute que quiconque partage ce comportement, hormis la directrice.

— Quand tu te sentiras un peu mieux, tu auras de nombreuses occasions de découvrir le parc de l'Académie par toi-même, continua le gardien. Aucune zone n'est interdite aux élèves, mais les temps de trajets dissuadent la plupart de s'aventurer trop loin. Crois-moi, si tu veux tout visiter, tu en auras pour plusieurs jours ! Mais peut-être que ça te permettra de trouver le coin parfait pour toi, la faune et la flore ne sont pas les mêmes selon les endroits. Je t'ai dit qu'on veillait sur le domaine, et ça prend en compte la protection de toutes les espèces animales et végétales. Il y a beaucoup de créatures protégées, ici, enfin, peut-être que tu le sais déjà.

Bien que ses connaissances demeurent limitées, Hyunjin savait le plus important sur l'Académie de Ferlior, y compris que le domaine était un refuge pour nombre de créatures. Aussi hocha-t-il la tête pour répondre à Chanyoung.

— J'ai fait mes études ici avant de devenir gardien, poursuivit-il, je connais les lieux comme ma poche. Si jamais tu as la moindre question, ou si tu as besoin d'un guide à un moment, tu sauras vers qui te tourner.

Il décocha un sourire éblouissant à Hyunjin avant de lui lâcher l'épaule pour de nouveau le devancer de quelques pas, continuant à le guider à travers les bois. Pour la première fois depuis son départ, Hyunjin esquissa un sourire. L'énergie et la bonne humeur du gardien étaient contagieuses et, au fond de lui, Hyunjin espérait de tout son cœur qu'il demeure un allié dans ce nouveau chapitre de sa vie. La directrice ne pourrait pas toujours garder un œil sur lui, et les jumelles ne devaient pas avoir d'autorité sur les autres élèves ; Chanyoung, lui, devait être une figure d'autorité, et peut-être même que les étudiants voyaient plus en lui un ami ou un grand frère qu'un adulte chargé de leur bien-être et de leur sécurité.

Mais peut-être que Hyunjin entacherait cette image s'il se reposait trop sur le gardien ou que ce dernier lui venait trop en aide. Jamais il n'entraînerait quelqu'un d'autre dans sa misère ; Mira et Naeun s'y étaient retrouvées mêlées sans qu'il puisse rien y faire et c'était déjà bien assez.

Enfonçant les mains dans les poches de sa veste en laine, Hyunjin suivit Chanyoung la tête basse. Sa gorge se nouait plus encore, répondant aux angoisses qui se ravivaient dans son ventre. L'apaisement qu'il avait senti grâce aux mots et à la proximité du gardien avait été de courte durée ; plus aucune barrière ne retenait ses pensées de déferler dans son esprit. Les pires scénarios se jouaient devant ses yeux ouverts, allant déjà jusqu'à imaginer des retrouvailles catastrophiques avec les jumelles. Fermer les yeux, se racler la gorge ou secouer la tête ne freinait en rien ce déferlement. Un soupir faible et tremblant parvint à se frayer un chemin dans sa gorge ; Chanyoung se retourna et s'arrêta, attendant de croiser le regard de Hyunjin pour se remettre en mouvement.

— On y est presque. La directrice est très gentille, tu verras.

À nouveau, il accompagna ses mots d'un sourire. Hyunjin y vit les mêmes encouragements que sa mère lui avait transmis, aussi trouva-t-il la force de relever la tête. Pour la rendre fière, il pouvait au moins faire l'effort de garder le dos droit jusqu'à la fin de la journée.

Les arbres s'espacèrent bientôt pour laisser place à une vaste clairière. Au centre trônait un grand chêne, au pied duquel un bassin scintillait sous les rayons du soleil. Une biche s'y abreuvait, mais elle s'en alla dès qu'elle sentit la présence de Hyunjin, un signe de plus lui prouvant qu'il n'avait pas sa place en ces lieux. Il s'avança jusqu'au tronc de l'arbre et se pencha au-dessus du bassin, creusé dans le sol ; des grenouilles plongèrent ou se cachèrent parmi les plantes, tandis que des poissons aux écailles rouge vif nageaient sous la surface. Quelques bancs de racines nouées étaient installés à l'ombre du chêne, mais il n'y avait pas une seule présence humaine. Le regard interloqué que Hyunjin adressa à Chanyoung dut lui mettre la puce à l'oreille :

— Les élèves doivent encore être au réfectoire, expliqua-t-il. Pendant les pauses, cette cour doit être la plus fréquentée, comme elle est à mi-chemin entre les différents bâtiments.

Suite à cette remarque, Hyunjin observa plus attentivement les alentours ; à l'orée de la clairière, de nombreux sentiers s'enfonçaient dans les bois, bien qu'il ne distingue pas le moindre bâtiment derrière les troncs. D'autres bancs et bassins naturels habillaient les lieux, tout comme des parterres de fleurs désorganisés.

— Le bureau de la directrice est dans le bâtiment plus en haut de la colline, la vue sur le domaine est magnifique de là-bas, reprit Chanyoung.

Ces simples mots suffirent à détourner l'attention de Hyunjin, lequel emboîta de nouveau le pas au gardien alors qu'il empruntait l'un des sentiers s'éloignant de la clairière. Celui-ci serpentait entre les arbres pour atteindre une pente abrupte où il se divisait en deux nouveaux chemins grimpant la côte, l'un en lacet, l'autre de face. Chanyoung s'engagea sans réfléchir sur le second ; Hyunjin, lui, prit le temps d'analyser les deux. Il n'était pas à l'abri que la forêt pose des obstacles sur son chemin, comme une racine émergeant du sol, des pierres instables ou encore des feuilles glissantes. La distance que le gardien creusa entre eux coupa court à ses réflexions, aussi gravit-il le sentier à sa suite, de nouvelles craintes au ventre. Plus Chanyoung s'éloignait de lui et plus les ombres engloutissaient Hyunjin, comme si les arbres se penchaient vers lui pour le piéger de leurs branches. Mieux valait le rattraper le plus vite possible, tant pis pour les autres risques qu'il encourait.

À plusieurs reprises, de légers picotements parcoururent les bras de Hyunjin. Rien ne se manifesta autour de lui, mais il connaissait cette sensation par cœur. Le gardien se retournait même à chaque fois, observant Hyunjin d'un œil vigilant avant de lui tendre la main ou de reprendre son chemin.

Lorsque la pente s'adoucit, Hyunjin expira longuement, comme s'il avait retenu son souffle tout au long de l'ascension. Chanyoung lui adressa un nouveau sourire complice en l'entraînant sur un nouveau sentier qui quittait le couvert des arbres.

— Tu peux être fier de toi, rares sont ceux à ne pas tomber la première fois qu'ils passent par ici.

Face à l'air perplexe de Hyunjin, il reprit :

— Tu as dû le sentir, la Nature aime bien jouer quelques tours aux nouveaux arrivants. Rien de bien méchant, mais je crois qu'elle aime observer les réactions après une chute malencontreuse. Ça doit l'aider à bien nous cerner.

Alors, Hyunjin ne s'était pas trompé, des obstacles sur ce chemin auraient pu être magiques. Cela expliquait pourquoi il avait autant de fois senti la trace de la magie.

— Il nous reste encore une pente à gravir, poursuivit Chanyoung, plus douce et sans risque. C'est après ça qu'on aura vue sur le domaine.

Ils continuèrent leur chemin sous les rayons du soleil de midi, les réchauffant malgré la brise fraîche qui faisait danser leurs cheveux. Après avoir coincé à plusieurs reprises ses mèches derrière ses oreilles, Hyunjin ramassa ses cheveux en une queue de cheval qu'il maintint d'une main. Il regrettait de ne pas avoir pris le temps de se coiffer, ce matin-là, il n'allait pas se présenter sous son meilleur jour à la directrice et à ses nouveaux camarades.

La brise forcit lorsqu'ils arrivèrent sur le promontoire de la colline, laquelle surplombait le domaine de Ferlior. Hyunjin s'était attendu à voir des feuillages rouges, jaunes et orange à perte de vue, aussi la réalité le laissa-t-elle bouche bée.

Si la majorité des arbres présentaient de telles couleurs, d'autres dessinaient des taches de verts, de bleus ou encore de violets, quand ils ne s'espaçaient pas au profit de clairières ou de points d'eau. Le regard de Hyunjin s'attardait sur chacune de ces zones ; même à cette distance, un léger crépitement s'éveillait sous sa peau. Nul doute que tous ces endroits étaient des refuges empreints de magie pour les créatures protégées foulant le domaine.

— Alors, qu'est-ce que tu en dis ? demanda le gardien dans le dos de Hyunjin.

Ce dernier se retourna pour lui adresser un mince sourire ; parcourir le domaine et l'explorer dans ses moindres recoins seraient sans aucun doute son activité préférée. Une activité qu'il pouvait même espérer faire en solitaire, sans craindre des altercations avec des élèves. Peut-être même pourrait-il demander à Chanyoung de l'accompagner, une fois qu'il serait sûr et certain que le gardien était sincère avec lui.

Après un dernier coup d'œil au paysage enchanteur, Hyunjin s'intéressa au bosquet dans son dos, au cœur duquel il devinait des murs. Chanyoung lui fit de nouveau signe de le suivre ; plus ils s'approchaient et plus la silhouette d'un bâtiment perdu entre les arbres prenait forme. Des murs d'écorces, comme s'ils étaient creusés dans des troncs gigantesques, des tours pareilles à de majestueux arbres, surplombées de feuillages de chênes ou d'érables, des fenêtres en ogive, sans vitre ou décorées de vitraux colorés.

Le gardien grimpa les quatre marches de racines enchevêtrées du perron et attendit Hyunjin devant les portes grandes ouvertes ; la brise balayait les feuilles mortes çà et là, s'engouffrant parfois dans le hall du bâtiment.

— Premier étage à gauche, au bout de la passerelle, expliqua Chanyoung. Je vais devoir te laisser ici, j'en suis désolé. Mais je suis certain qu'on se recroisera bien vite. Et j'insiste, si tu as besoin de quoi que ce soit, n'hésite pas à t'adresser à moi ou un autre gardien. Bon après-midi, Hyunjin.

Sur ces mots, Chanyoung lui décocha un dernier sourire avant de tourner les talons. Il eut à peine fait quelques pas dans le bosquet que son aigle glatit en plongeant vers lui ; le gardien lui présenta son avant-bras et le rapace s'y posa. Malgré la distance, Hyunjin distinguait sans mal les serres de l'aigle s'enfoncer dans la peau nue de Chanyoung. Peut-être que les bois n'étaient pas entièrement à l'origine de toutes les griffures qu'il y avait remarquées ; bien qu'un compagnon ne puisse infliger de graves blessures à son lié, les plus bénignes ne lui paraissaient pas épargnées.

Chanyoung et son aigle disparurent bientôt de son champ de vision, laissant Hyunjin seul avec ses pensées, avec ses angoisses. Celles-ci s'étaient momentanément tues alors qu'il contemplait la beauté du domaine, criant de nouveau dans son esprit, grouillant plus fort encore dans son ventre. Ses mains toujours glacées et moites retrouvèrent place dans ses poches. Paralysé, il se trouva même incapable de faire face aux portes ouvertes. Mais l'heure tournait, le chemin jusqu'ici avait été long. S'il voulait profiter d'un peu de tranquillité avant de rejoindre ses camarades, il ne devait pas traîner.

Alors qu'il s'éclaircissait la gorge, comme pour se donner du courage, un coup de vent, plus chaud que la brise qui l'avait enveloppé sur la colline, le poussa vers le hall. Un frisson remonta son dos ; son arrivée dans la clairière sacrée, le jour de la cérémonie, lui revint en tête. La sensation était trop similaire pour que ce soit une coïncidence. Chassant cette idée dans un coin de son esprit encombré, Hyunjin se laissa porter par ce vent chaleureux, pénétrant dans le hall du bâtiment.

Le sol grinça sous ses pieds tandis que le vent sifflait autour de lui, quelques feuilles frottant contre le bois. Une lumière orangée provenant de feuilles et de mousse parcourant les murs éclairait les lieux, là où les rayons du soleil ne suffisaient pas à contrer les ombres. Hyunjin inspira profondément, laissant la douce odeur de bois et de terre humide lui emplir les poumons.

Au centre du hall circulaire se dressait une grande statue de bois à l'effigie de Ferlior, Déesse de ce monde et Mère de la Nature. Ses longs cheveux bouclés tombaient de part et d'autre de ses épaules et descendaient jusqu'au milieu de son dos, couvrant une partie de sa toge. Le bois sculpté minutieusement parvenait à imiter l'aspect fluide d'un tissu, tout comme il transmettait bienveillance et douceur à travers les yeux de la Déesse. Un papillon en relief était posé sur sa joue ; un instant, Hyunjin crut le voir battre des ailes.

Malgré la splendeur de cette représentation de Ferlior, il ne pouvait que l'observer avec une certaine amertume. La Déesse était la créatrice du lien, mais bien qu'elle ait promis dans les textes sacrés de confier un compagnon à chaque être humain, Hyunjin en était privé. À tort ou à raison, jamais il ne pourrait trancher. Aussi se détourna-t-il de Ferlior pour s'approcher de l'escalier à gauche du hall, où la mousse orangée scintillait au milieu des racines emmêlées. Quelques éclats verts, bleus ou rouges l'accompagnaient, là où les rayons du soleil traversaient les vitraux des fenêtres. Si jamais les cours ou ses relations avec les étudiants devaient mal se passer, Hyunjin avait au moins la chance de vivre dans un cadre magnifique, au plus proche de la nature.

Il grimpa quelques marches pour apercevoir une arche donnant sur l'extérieur, à l'étage, sûrement l'accès à la passerelle dont Chanyoung avait parlé. Une petite silhouette à contre-jour obstrua bien vite son champ de vision, et Hyunjin s'arrêta, à la fois surpris et perplexe. N'ayant aperçu personne jusqu'ici, il ne s'était pas attendu à croiser qui que ce soit avant de rejoindre sa future classe.

La silhouette descendit prudemment la première marche, les reflets des vitraux illuminant son pelage blanc comme la neige. Son museau pointu s'agitait à mesure qu'elle s'approchait de lui, tout comme ses petites oreilles rondes captant le moindre son. Le cliquetis de ses griffes contre le bois résonnait dans le calme du hall, tandis que sa queue blanche à la pointe noire battait joyeusement l'air. Si Hyunjin s'était écouté, il aurait dit qu'elle paraissait heureuse de le rencontrer.

À deux marches de lui, l'hermine grimpa sur la rambarde de l'escalier et lui bondit dans les bras. Aussitôt, l'empreinte de la magie crépita sous sa peau. Hyunjin manqua de lâcher l'animal. Une panique irrationnelle accompagna les angoisses grouillantes dans son ventre ; si caresser ou porter les compagnons de ses parents était naturel, il n'y avait pas plus irrespectueux que toucher un compagnon sans être intime avec son lié. Le simple fait que cette hermine blanche soit dans ses bras, les pattes posées contre son torse à le renifler prestement, n'avait aucun sens.

Une ombre engloutit soudain la lumière provenant de l'arche, toisant Hyunjin depuis le sommet de l'escalier. Dans le chuchotis des feuilles mortes balayant le sol du hall, Hyunjin leva les yeux de l'hermine pour tomber sur le regard d'un jeune homme, aussi noir que la queue de l'hermine malgré ses iris d'un vert émeraude envoûtant. La lumière dans son dos lui donnait des épaules larges et une haute taille ; Hyunjin déglutit difficilement, relâchant sa prise sur l'animal. Celui-ci s'accrocha à sa veste, cherchant à lui grimper sur les épaules pour se nicher autour de son cou.

Le jeune homme descendit lentement les marches, laissant le claquement de ses semelles contre les racines résonner autour de lui. Sans un mot, il empoigna l'hermine par le col, ignorant ses petits couinements plaintifs et ses pattes battant l'air, pour la déposer sur son épaule. Les mâchoires crispées, sans lâcher Hyunjin de son regard émeraude, il siffla entre ses dents :

— Tu la touches une fois de plus, tu peux dire adieu à ton compagnon.

Aussitôt, il se détourna de Hyunjin pour quitter le bâtiment. Ce dernier ne trouva pas la force de gravir une marche de plus, même lorsque le silence retomba sur le hall. Il avait à peine mis les pieds à l'académie qu'il se faisait déjà un ennemi.

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