Intrus
"J'avais prévenu l'empereur qu'il ne fallait pas être conciliant avec Sand, mais il ne m'a pas écouté. Appareillez immédiatement vers Korriban. Il serait dangereux que la mauvaise graine se réveille.
-Bien, seigneur Tarn.
Eli retint sa respiration, avant de remarquer que la scène devant elle oscillait, comme placée derrière un étrange voile transparent. Puis la scène disparut dans un grand tourbillon noir, pour laisser place à un nouvel endroit. Ah. Bien sûr. Elle était en train de rêver.
Cela faisait maintenant quelques mois que Dan était parti, et que les maux de tête avaient commencés. Il était désormais commun pour Eli de faire d'étranges rêves lui montrant lieux et personnages inconnus, parlant de sujets lambdas et la plupart du temps incompréhensibles à la jeune fille, mais furieusement réalistes. Ces rêve semblaient si réels, qu'il semblait impossible qu'ils ne soient que des rêves. Quand elle en avait parlé à maître Kari, cette dernière lui avait évoqué le fait que son pouvoir grandissait, et qu'il lui permettait de voir des choses que le commun des mortels ne pouvait pas. C'était ennuyeux, car cela fatiguait grandement la jeune fille, et elle avait désormais l'habitude de se réveiller seule, dans son lit, en nage.
Elle observa autour d'elle, et reconnut l'endroit. C'était un immense champs, s'étendant à perte de vue avec de légers vallons, et couvert de fleurs, et, surtout, d'herbe folle se balançant gracieusement au rythme du vent. C'était un rêve récurrent. Qu'elle n'avait jamais compris. A chaque fois, elle restait là, seule pendant de longues minutes, comme à attendre quelqu'un qui ne venait jamais, avant d'être transportée ailleurs, dans une autre vision, dans une autre histoire, qui, comme toutes les autres, ne saurait être différenciée de la réalité. Eli inspira un grand coup. Elle n'avait jamais de contrôle sur ses rêves et ses visions, et n'était jamais entièrement consciente, sauf dans celui-ci. Elle ne savait pas vraiment pourquoi. A vrai dire, elle s'en moquait. Mais quelque chose était différent aujourd'hui.
"Eli.
La jeune fille sursauta et se retourna. La prairie, derrière elle, avait comme brûlé. L'herbe était devenue noire, et rougeoyait en certains endroits comme si des braises y étaient encore nichées. L'horizon était non plus bleu, mais rouge sang. La démarcation entre le vert et le noir, entre le bleu et le rouge, était soudaine et marquée. Et, face à elle, habillée d'une robe blanche tâchée de rouge, se tenait Mei.
"M...Mei!
Les deux petites filles se regardèrent longtemps sans parler, se demandant si tout cela n'était qu'un énième rêve, ou bien... comme elles l'espéraient... une sorte de contact, comme celui qu'elles avaient eu, bref, succin, quelques mois plus tôt.
"Mei! Je... je suis contente de te voir! Tu vas bien? Je... ça fait longtemps.
Elle sourit, et les joues de Mei rosirent un peu.
"Je vais bien. Je vois que tu as tourné la page, j'avais peur que tu reste bloquée sur ce décès.
Le cœur d'Eli se serra. Mei avait partiellement tort. La petite fille y pensait encore beaucoup. Mais, comme à son habitude, elle ne laissait rien paraître.
"Et toi, qu'est ce que tu deviens, Mei? L'orphelinat n'est pas trop dur? Tu n'as pas trop de travail.
Mei resta silencieuse quelques instants.
"Nous n'avons pas le temps de discuter de moi. J'ai appris que l'empire avait envoyé un infiltré dans le temple Jedi. Je suppose que tu y es toujours. Tu es en danger, Eli!
-Mei?
Le vent se fit plus fort, réveillant les braises du champ carbonisé, qui s'envolèrent lentement, et allèrent se déposer sur l'herbe verte du côté d'Eli. Mei le remarqua, et ses yeux s'écarquillèrent.
"Je dois y aller.
-Quoi? Non, Mei, reste! Je sais que tu ne me dis pas tout! Où es-tu? Que fais tu actuellement? Comment...
La vision commença à se brouiller, à se distordre, et déjà le visage de Mei, ses grands yeux violets, étaient devenus invisibles à Eli.
"Comment pourrais-je venir te chercher si je ne sais pas où tu es! Hurla la petite fille.
Elle ouvrit les yeux, et repris sa respiration en se relevant soudainement dans son lit. Elle était pantelante, couverte de sueur, et avait les larmes aux yeux. Elle gémit doucement.
"Mei... où es-tu?
Derrière la porte de la cellule, Maître Kari s'éloigna, le coeur empli d'un sentiment qu'elle n'avait plus ressenti depuis longtemps, devant ce qu'elle avait ressenti venant de la chambre d'Eli. De la peur. Une profonde peur, une incompréhension face aux ténèbres qui avaient envahi la chambre et s'étaient mêlés à la clarté de la jeune fille quelques instants. Elle se trouvait déjà au bout du couloir quand elle entendit l'ouverture de ladite porte, et vit une Eli pantelante et effrayée en sortir. La maître Jedi refréna un mouvement de recul en la voyant, repensant à cette noirceur. Puis, elle se maudit d'avoir eut cette pensée, et accueillit dans ses bras la petite fille terrorisée, comme une mère cajole son enfant après un cauchemar. Eli sanglotait légèrement. Elles savourèrent cet instant d'échange, cet instant de douceur, dans ce doux enlacement, si rare et si prohibé dans le temple. Puis, une foit calmée, Eli chuchota.
"Il y a un intrus dans le temple.
Elle en était persuadée. Cela faisait des mois qu'elle ressentait cette douleur à la tête, cet indice, ce mécanisme de défense lui permettant de savoir qu'un danger était proche. Mais un danger si latent, si fortement camouflé, qu'elle avait été incapable de le détecter d'elle même. Il lui avait fallu le déclic pour être certaine qu'elle ne rêvait pas, que quelque chose n'allait vraiment pas dans le temple. Il lui avait fallu Mei.
Maître Kari sentit la détermination et la certitude de la jeune élève. Et ce sentiment se propagea à elle, sans qu'elle sache pour quelle raison elle était elle aussi sûre de la véracité de cette accusation. C'était certain : il y avait un intrus dans le temple. Pas une simple effraction, non... Quelque chose de plus latent, de plus vicieux, de plus intelligent. La maître Jedi ressenti là la trace du côté obscur. Au sein même du temple Jedi. Elle se hâta d'aller prévenir le reste du conseil, et laissa Eli seule dans le couloir, hébétée, alors que le temple endormi étouffait sons, lumière et odeurs, comme un monstre gigantesque et affamé. Seule une odeur persistait, tenace, dans le couloir où se trouvaient les chambres des aspirants de la génération d'Eli. Une odeur de brûlé, semblable à celle d'une prairie en flamme, sur fond de ciel écarlate.
"A quoi jouez vous, seigneur Sand...
-À rien du tout, Ran... à rien du tout...
Il lui sourit malicieusement.
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