Chapitre 9
Cinq mois passèrent.
Astrid et Björn profitèrent de cette longue accalmie. Le Suédois était aux petits soins pour la mère de son futur bébé. Il lui achetait des fraises et du chocolat au piment, il lui faisait des massages quand elle avait mal aux reins, et l'amour quand elle en avait envie.
Astrid le connaissait suffisamment pour savoir que des fois, c'était lui qui avait envie. Elle avait lu que certains hommes n'éprouvaient plus de désir pendant la grossesse de leur femme, mais ce n'était pas le cas de Björn. Elle lui accordait donc ce qu'il voulait, quand il le voulait. Au fond de son cœur, la jeune femme savait qu'à travers elle, Björn faisait l'amour à une autre femme, comme elle-même pensait à un autre homme.
Ni l'un ni l'autre ne parlait de Leïla ou de Lars. Cela aurait rouvert la plaie que l'arrivée prochaine de Marcus avait suturée.
Astrid retrouvait pour Björn les mêmes sentiments qu'elle avait lors de leur première histoire : un amour tendre, rassurant, affectueux, mais loin de la passion, de la véritable émotion qui donne le besoin d'être constamment avec l'autre, de le chérir, et de mourir à ses côtés.
Marcus grandissait, et le ventre d'Astrid grossissait. En posant son oreille contre son nombril, Björn pouvait maintenant sentir son fils s'agiter.
Devant la télévision, le bébé réagissait et donnait des coups de pieds. Il venait peu à peu à la vie. Le printemps puis l'été arrivèrent, et la grossesse fut plus difficile à supporter. Astrid avait souvent mal au dos, ce qui était en partie dû au fait qu'elle ne pouvait plus dormir dans une position convenable.
- D'habitude, je dors sur le ventre ou sur le côté, confia-t-elle à Björn. Maintenant, je ne peux plus !
De surcroît, malgré la crème qu'elle avait achetée, des vergetures étaient apparues et elle s'en inquiétait. Cette « difformité » l'effrayait parfois. Et le fait de l'affronter sans pouvoir en parler à quelqu'un qu'elle aimait, à un membre de sa famille, à un ami, la minait. Alors, elle éprouvait parfois des angoisses incontrôlables :
- Que va-t-on faire, Björn, quand Marcus sera né ?
- Eh bien, nous l'élèverons !
- Mais...mais Desmarais ?
- Il ne le touchera pas, Astrid, je te le promets.
- Il suffit qu'il envoie des Golems ici et qu'ils nous l'arrachent !
- Ça n'arrivera pas. Et ici, il y a des armes, je nous défendrai !
Astrid se laissait convaincre, mais sans jamais oublier complètement le danger qui planait sur eux comme un vautour. Quand Björn la sentait sombrer dans l'anxiété, il organisait quelque chose : une sortie ou un jeu. Il l'emmena dans des endroits qu'elle-même ne connaissait pas en Campanie, et ils passèrent une semaine à Rome dans un bel hôtel. Mais quitter l'Italie restait impossible pour la jeune femme, passer la frontière était au-dessus de ses forces. Björn aurait voulu l'emmener en Suède pour lui faire rencontrer son père, mais Astrid ne put s'y résoudre. Et s'il arrivait quelque chose ? Si Salvatore, Mama ou les autres revenaient à la Villa en ayant besoin d'aide ? Et si un Golem embusqué mettait le feu à la maison en leur absence ? Björn n'insista pas.
Le mois d'août se terminait, il ne restait normalement plus qu'un mois avant l'accouchement. Là, le téléphone sonna. Au grand soulagement d'Astrid, que Björn ne put empêcher de décrocher, une voix de femme se fit entendre :
- Je suis bien à la Villa Gialla ?
- Oui, répondit Astrid, toujours sur ses gardes.
- Comme Antonio Cavaleri est mort, à qui dois-je m'adresser ?
À Salvatore, faillit répondre la jeune femme. Mais elle se reprit à temps :
- Vous pouvez me parler. Je suis sa filleule.
Il y eut au bout du fil un silence sceptique. Björn s'approcha et fit mine de prendre le combiné, mais Astrid le rassura d'un geste.
- Je m'appelle Serafina Chiavone. Je vis dans un petit village, pas loin de Cataranzo.
La Calabre, traduisit la jeune femme.
- Que se passe-t-il ?
- Un fou furieux sillonne notre région depuis quelques temps, il saccage, il vole et il tabasse des innocents. Il est passé chez moi et depuis, mon fils est à l'hôpital. En partant, il a lancé qu'il agissait au nom de la Villa Gialla et des Cavaleri. Je connaissais Antonio et je sais qu'il n'aurait jamais envoyé un fou chez nous. Alors qui ?
La voix de Serafina vibrait de colère. Astrid déglutit : elle avait sa petite idée.
- Comment était-il, cet homme ?
- Petit, trapu et laid.
La jeune femme fronça les sourcils : cela ne correspondait pas à la description d'un Golem.
- Vous allez faire quelque chose, j'espère ? reprit Serafina.
- Bien sûr, murmura Astrid. Je pars aujourd'hui avec...mon compagnon.
Serafina lui donna son adresse et raccrocha brutalement. Björn saisit la jeune femme par le bras.
- Qu'est-ce qu'il se passe, Astrid ? Pourquoi as-tu dit que nous allions partir ?
Elle le lui expliqua : le Suédois secoua vigoureusement la tête.
- Tu comptes affronter ce type à huit mois de grossesse ? Es-tu complètement folle ?
- Il n'y aura peut-être pas d'affrontement. Et tu seras avec moi.
Björn leva les deux bras au ciel, comme pour invoquer le Saint Esprit.
- Tu as perdu la tête !
- Mais c'est Desmarais, Björn ! Ça ne peut être que lui !
- Raison de plus pour rester à l'écart !
Astrid passa ses deux mains autour de sa taille. La colère et la détresse évidente de Serafina l'avait bouleversée. Elle ne pouvait pas laisser faire ça. C'était une autre épreuve de Desmarais, pour la déstabiliser, la tester. Si elle n'agissait pas maintenant, il trouverait autre chose, une chose pire encore. Astrid embrassa la poitrine de Björn et releva la tête vers lui.
- Apparemment, cet homme est seul...s'il te plaît.
Le Suédois la prit par les épaules.
- Non, Astrid...attends au moins que Marcus soit né.
- Je ne pourrais pas être tranquille si cette histoire n'est pas réglée.
- Bon, alors, j'irais sans toi.
- Tu me laisserais ici ? Seule ?
- Tu es impossible, Astrid ! Pour une fois, fais preuve d'égoïsme...
- La Calabre, ce n'est pas loin. Et cet homme n'a pas de raison de me faire du mal, il clame agir pour mon nom !
- En massacrant des gens !
- Très bien ! C'est moi qui irais sans toi !
- Non ! tempêta Björn. Tu n'es pas seule, tu as mon enfant dans ton ventre !
- Ce n'est pas « ton » enfant, Björn, c'est le nôtre ! Tu n'as aucun droit sur moi !
Il lui saisit les poignets et son regard s'adoucit.
- Ne te mets pas dans un état pareil, Astrid.
Il porta la paume de ses mains à ses lèvres. La jeune femme eut envie de pleurer, mais son émotion lui fit trouver les mots qu'il fallait.
- Tu sais qu'elle aurait voulu la même chose que moi, Björn. Et tu sais que tu aurais accepté.
L'invocation de Leïla fit vaciller le Suédois. Il détourna les yeux.
- Ce n'est pas juste de me faire ça, Astrid.
Elle se dressa sur la pointe des pieds pour l'embrasser. Ses lèvres avaient un goût de larmes.
- Qui sait, nous profiterons peut-être de ce voyage ? C'est joli, la Calabre, tu verras...
- Je vais préparer nos affaires, capitula Björn. Mais tu ne t'éloigneras pas une minute de moi, tu feras tout ce que je te dirais, y compris fuir et m'abandonner s'il le faut. Jure-le !
Astrid se redressa, fit claquer ses talons et effectua un salut militaire.
- Bien, mon commandant !
- En plus, elle se moque de moi ! C'est très sérieux !
- Je te le jure, Björn.
Il se pencha sur le ventre rond :
- Ta mère est folle à lier, Marcus. Empêche-la de faire des bêtises, d'accord ?
La chaleur était écrasante quand ils débarquèrent à Cataranzo. Le sol, les arbres et même les habitants ployaient sous le soleil étouffant de cette fin du mois d'août. La sécheresse jaunissait les champs et les cultures. Le bétail cherchait désespérément un coin d'ombre. Björn avait mis la climatisation de leur voiture à fond.
- Tu as bu assez d'eau ?
- Oui, j'ai même envie de faire pipi, si tu veux savoir.
- C'est vraiment le Sahara, ici !
Le petit village où vivait Serafina était pourtant charmant, avec ses maisons en pierre et ses toits en tuile, recouvertes de poussière et de plantes sèches. Les racines noueuses des arbres faisaient craqueler le sol et les abeilles bourdonnaient autour des lavandes.
Serafina était une femme replète et forte, l'air peu avenant, ses cheveux retenus par un chignon d'épaisses tresses poivre et sel. Son habitation était toute petite, mais les meubles rutilaient de cire. Sur la table, une coupe en cristal sur un napperon ; sur les murs, des étagères croulant sous les statuettes africaines, les petits animaux en verre de Murano et un buste d'une femme grand comme une main, taillé dans ce qui ressemblait à de l'ivoire. Astrid alla l'inspecter.
- N'y touchez pas ! C'est fragile, ça date de Jules César !
- Vraiment ?
- Mais oui !
Le buste différait des autres statues antiques qu'elle avait déjà vues : sculpté un peu maladroitement, il représentait une femme aux grands yeux et à la bouche bien dessinée, avec des lèvres pulpeuses. Ce n'était pas fait de la main d'un artiste, mais d'un homme amoureux.
- Elle est magnifique...
- Je ne savais pas que vous étiez enceinte, lâcha Serafina. Désolée de vous avoir fait déplacer.
- C'est tout à fait normal. Comment va votre fils ?
- Mieux. Ses os sont bientôt réparés.
- Quel est son nom ?
- Cristiano. Et le vôtre ?
- Marcus...Parlez-moi de cet homme.
- Un visage de singe ! Il a cassé ma télé, et pas mal de vaisselle. C'est en partant qu'il a crié « De la part de la Villa Gialla et des Cavaleri ! ».
- Je suis désolée, Serafina. Je vous assure que je n'y suis pour rien.
- Je vous crois. Que comptez-vous faire ?
- Je n'en ai aucune idée...
- Je vais retrouver ce type, intervint Björn. Et je m'en occuperai personnellement.
- Ah ! C'est bien gentil, monsieur ! Vous êtes le papa ?
Le Suédois hocha la tête et obligea Astrid à s'asseoir. Il insista ensuite pour avoir un verre d'eau, bien qu'il fasse frais dans la maison. Serafina proposa à la place une citronnade qu'Astrid accepta avec gratitude.
- C'est vrai qu'il fait chaud ! Attendez pour sortir, dans la soirée, ça va mieux.
Astrid put aller aux toilettes et siroter la citronnade en paix. Serafina, qui l'avait pris en affection, lui permit finalement de prendre le buste dans sa main. Björn restait debout, constamment en alerte. C'est alors qu'une fusillade vint crépiter tout près de la maison, comme un sinistre feu d'artifice. Elle résonna ensuite un peu plus loin.
- Il est là ! cria une voix affolée.
Serafina, sans se soucier du danger, ouvrit grand la porte et sortit sa tête pour inspecter les environs.
- C'est lui ! Il est sur la place !
La place en question se trouvait à une centaine de mètres. On pouvait l'apercevoir de la maison de Serafina et Astrid se faufila pour regarder le fameux fou furieux. Quand elle vit son visage simiesque, elle poussa un cri de surprise, qui finit étranglé car Björn la tira brusquement à l'intérieur par le col.
- C'est Ricardo Saltini !
Ce Calabrais, ancien associé d'Antonio, avait menacé Astrid avec Lars, quand Simon Solovine avait bloqué le compte en banque de la Villa. Après une rocambolesque aventure au Brésil, Astrid et Björn rapportèrent un plein sac de diamants, et Saltini fut sèchement renvoyé. La jeune femme n'en revenait pas de le voir ici, déchaîné, tirant à droite et à gauche, terrorisant les passants.
- Nous devons intervenir !
- Non ! rugit Björn. J'y vais. Toi, tu restes à l'intérieur ! Serafina, je compte sur vous pour l'empêcher de sortir !
Le Suédois se saisit d'une arme et jaillit de la maison pour s'avancer droit vers la place. Astrid voulut le suivre par réflexe mais Serafina la retint fermement.
Quand Ricardo Saltini aperçut Björn, son visage se transforma en masque hideux.
- Je te reconnais ! C'est à cause de toi !
- Posez votre arme, Saltini, c'est ridicule et vain.
- Non ! J'ai tout perdu à cause de toi et de ta pétasse ! Je n'ai plus d'argent, je n'ai plus de famille, je n'ai plus rien !
- Alors vous semez la terreur ?
- C'est lui...c'est lui qui m'a dit de le faire, pour me venger !
Björn leva son arme, ses sourcils s'étaient froncés.
- Qui, Saltini ? Qui vous a dit de faire ça ?
- La Mort ! explosa le Calabrais.
C'est alors qu'il tira : la balle faucha Björn au niveau de l'épaule avant qu'il ne puisse répliquer. Le Suédois tomba dans la poussière. Saltini s'approcha de lui, posa son arme contre son front, s'apprêtant à l'achever, quand Astrid, hurlant de panique, sortit en courant de la maison de Serafina.
- Non ! Pas ça !
Elle freina brusquement devant eux, les deux mains levées, suppliante. Saltini la mit aussitôt en joue. Astrid tremblait de tous ses membres mais tint bon. Alors, le regard de Saltini tomba sur son ventre arrondi. À son tour, il se mit à trembler. Ses petits yeux noirs clignèrent à plusieurs reprises, il hésitait. C'est alors que Serafina arriva comme une furie :
- Vous n'allez pas tuer une femme enceinte sous les yeux du Bon Dieu ?
Elle indiqua la petite église qui dominait la place. Saltini semblait pris de convulsions. Puis, d'un geste vif, il enfonça le canon de son arme dans sa bouche et tira. Astrid détourna la tête juste à temps, et des hurlements horrifiés crevèrent le silence tendu qui régnait encore. Björn se releva. Son épaule saignait mais il tenait debout. Il gifla Astrid sous les yeux surpris de Serafina.
- Je t'avais dit de ne prendre aucun risque ! Tu avais juré !
- Je...je ne pouvais pas le laisser te...je...
Du coin de l'œil, elle avait aperçu le sang mêlé la poussière. La chaleur, la peur et le dégoût la firent vaciller. Serafina la rattrapa.
- Tous les deux, fit la sévère mamma calabraise, filez à l'hôpital !
Heureusement, rien de grave : Astrid avait fait un simple malaise, Marcus allait bien. La balle fut extraite de l'épaule de Björn et la plaie soigneusement bandée. Ils eurent même le droit de rentrer à San Gennaro deux jours plus tard. Serafina les remercia, les bénit, leur assura une vie heureuse et paisible avec Marcus. Astrid faillit la croire.
Björn lui interdit toute sortie jusqu'à l'accouchement. Elle accepta sans protester et lui promit de rester à la maison comme une bonne petite femme et de prendre soin de son épaule comme une bonne petite infirmière.
Cette mésaventure les avait tous deux éprouvés : la mort de Saltini les renvoyait à leurs propres fantômes. Alors, un soir, ils parlèrent enfin de ceux qui leur manquaient.
- Quand tu es tombé par terre, c'est lui que j'ai vu.
Cette phrase était sortie toute seule, sans qu'Astrid ne puisse la retenir. Elle se rendit compte qu'elle mourrait d'envie de parler de Lars.
- Je serais morte si j'avais revécu la même scène, tu comprends ? Je n'aurais pas eu la force...même pour Marcus.
- Je sais, lâcha finalement Björn. Lars me manque aussi. C'était mon meilleur ami. J'ai perdu mon meilleur ami et la femme de ma vie le même jour.
Sa voix sans timbre fit pâlir Astrid. Les doigts du Suédois se saisirent d'un crayon et s'activèrent sur le dos d'une facture froissée. La jeune femme vit apparaître un profil, un long nez, une bouche familière. Lars reprenait vie à coups de crayon. Astrid en resta stupéfaite. Puis Björn dessina Leïla, avec un réalisme extraordinaire. La jeune femme revit brièvement le petit buste romain dans le salon de Serafina. Un dessin, une sculpture, d'un homme amoureux.
Le crayon tomba soudain, à côté d'une petite tâche ronde et humide. Björn releva la tête et découvrit son visage ruisselant de larmes, mais impassible.
- Je ne savais pas que tu dessinais si bien.
- C'est juste...c'est rien.
Dans un mouvement de triste rage, il froissa la feuille à grands gestes et l'envoya violemment dans la poubelle. Astrid le contempla, déboussolée.
- Tu as de la chance, toi, émit Björn, essoufflé par son accès de colère. Daniel est encore vivant, et il reviendra. Il reviendra parce qu'il est toujours revenu. Tu partiras avec lui, et je serais seul.
- Non, Björn. Je ne pourrais jamais aimer le fils de Desmarais.
- C'est pourtant ce que tu fais.
- Je...je l'aime encore, oui, bien sûr. Mais ça passera, il faut juste du temps.
Elle n'y croyait pas elle-même. Lars aurait été le seul homme capable de me faire oublier Daniel. En le tuant, Desmarais a fait une grosse erreur.
- Quoi qu'il arrive, tu ne seras jamais seul, Björn. Aurais-tu oublié ce qu'il y a dans mon ventre-montgolfière ?
Cela lui fit retrouver le sourire. Il se leva avec un entrain un peu forcé.
- Bon, qu'est-ce que ma montgolfière préférée désire manger ?
Mon cher papi grec,
J'ai rayé « grec » parce que « Papi Grec », on dirait une marque de feta traditionnelle. Ne me demande pas pourquoi j'ai eu cette idée.
Je pense beaucoup à toi, ces derniers temps. Parce que tu as été le seul être appartenant à mon arbre généalogique que j'ai connu. Enfin, « connu » ! Non, pas vraiment. Tu es mon plus grand regret, ma plus grande frustration. Parfois, je rage encore de n'avoir pas assez profité de ta présence. Tu faisais déjà partie de ma famille, je te considérais comme acquis. Je me disais souvent : j'ai un grand-père, il s'appelle Georgios Thessaris, je l'ai retrouvé et nous allons rattraper le temps perdu. Grosse erreur. En voulant rattraper le temps perdu, on néglige le temps présent.
Moi qui avais toujours cru être cent pourcents espagnole, j'ai découvert en quelques mois que j'avais du sang grec et sicilien. Tu m'as fait découvrir ton île, qui restera pour moi la plus belle du monde, loin devant Capri ou Ischia.
Tu étais intelligent, cultivé, attentif. Le grand-père idéal. Tu as fait des erreurs, peut-être. Tu aurais pu rester avec Carmen, et tous les deux, vous m'auriez adoptée. Quelle vie j'aurais alors menée ? Je me le demande parfois.
Tu te rappelles de la colère de Salvatore ? Ce fichu jaloux ! Il me téléphonait tous les jours quand j'étais à Zafeíri. Il te surnommait « le gérant d'hôtel grec ». Il n'a jamais voulu savoir que tu étais mon grand-père. Pourtant, je sais qu'après votre aventure en Pologne, il t'aimait bien. D'ailleurs, sais-tu que Daria Lobosky est morte ? C'est Gloria Solaro qui l'a tuée, sous les yeux de Salvatore, qui l'a étouffée en retour. Elle le méritait, cette sale peste. Mais à cause d'elle, il est allé à Poggioreale, la prison de Naples, et doit rendre des comptes au commissaire Caramanti. Mais Emilio est mon ami, alors, on peut s'arranger.
Je vais avoir un bébé. Je suis presque arrivée à terme, mon ventre est gros comme un ballon de football. Je suis pressée qu'il soit là, je commence à en avoir assez. Quoique...peut-être vaudrait-il mieux que Marcus reste au chaud, loin de ce monde qui ne l'accueillera pas bien.
J'ai un nouvel ennemi, papi. Il n'est pas comme Simon Solovine, qui t'a assassiné pour cacher son secret. Lui, il tue pour le plaisir, pour me faire mal, pour « jouer ». On dirait que ça l'amuse. Je ne sais pas si je m'en sortirais un jour. Prie les dieux grecs pour moi. Surtout Athéna, c'est ma préférée.
Je parlerai de toi à Marcus, sois en sûr. Je l'emmènerai en Grèce. Oui, je suis désolée, je n'ai pas encore eu le courage d'y retourner. Je paie quelqu'un pour mettre des fleurs sur ta tombe tous les mois.
Écrire ça me fait me sentir encore plus honteuse. J'irai, papi, je te le promets.
Je t'embrasse de tout mon cœur. Tu me manques.
Ta petite-fille italo-hispano-grecque, Astrid.
Merci <3
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