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Chapitre 5

Domenico avait fini de faire la vaisselle, mais Astrid dormait encore. Le chanteur jeta un coup d'œil à sa montre : quinze heures. Il pouvait encore rester un peu. Poussé par la curiosité, il inspecta le salon, détailla les photos, les livres et les bibelots, s'interdisant tout de même de monter à l'étage où devaient se trouver les chambres. Puis Domenico retourna s'asseoir dans un fauteuil et regarda Astrid dormir. Il l'avait déjà fait plusieurs fois, quand ils vivaient ensemble, et la trouvait toujours jeune et fragile. Même à cet instant, où elle affrontait un terrible psychopathe en gérant une grossesse et un homme qui ne paraissait pas très facile à supporter. En y réfléchissant, d'un certain côté, elle était plus mature et plus vieille que lui.

Quand le téléphone sonna, il se leva immédiatement pour décrocher en vérifiant que la sonnerie n'avait pas réveillé Astrid. Mais la jeune femme n'avait pas ouvert les yeux.

- Allo ? fit Domenico, s'attendant à entendre la voix de Björn.

- Je voudrais parler à Astrid Cavaleri, répondit aussitôt une voix froide, effrayante.

- Elle dort.

- Sans doute a-t-elle eu un trop plein d'émotion, la pauvre enfant. Dîtes-moi, monsieur Sorabella, que faîtes-vous chez elle ?

Domenico faillit lâcher le combiné. Comment ce type pouvait-il le connaître ?

- Qui êtes-vous ?

- Je m'appelle Axel Desmarais.

Le chanteur sentit un courant glacé le parcourir. C'était lui ! Le psychopathe ! Il se tourna vers Astrid et la voir si vulnérable lui redonna du courage.

- Je crois que vous en avez fait assez pour aujourd'hui ! Laissez-la tranquille !

Il allait raccrocher quand la voix, digne de Voldemort, reprit :

- Vous avez bien deux fils, monsieur Sorabella ?

Domenico déglutit avec difficulté. Il ne s'attendait pas à ce genre d'attaque mesquine.

- Giulio et Alessandro, c'est ça ?

- Comment vous...

- Internet, répondit Axel avec désinvolture. Mais je sais aussi où ils habitent, et cela, heureusement, on ne le trouve pas sur le Net. Le premier a, je crois, un petit penchant pour la drogue ?

- Je vous interdis de...

- Une overdose est si vite arrivée...

- Taisez-vous !

- Et Alessandro...il tient beaucoup à son travail. Quel dommage s'il perdait son poste en cette période de crise...

- Mais qu'est-ce que vous voulez, à la fin ? explosa Domenico.

- Calmez-vous...inutile de la réveiller. J'aimerais que notre conversation reste privée...d'abord, une question : vit-elle toujours avec Björn Olofsson ?

- Oui.

- Couche-t-elle avec lui ?

- Ça...ça ne vous regarde pas.

- Pensez un peu à vos fils.

- Oui. Elle...

Domenico se rattrapa in extremis. Mais le mal était fait :

- Elle quoi ?

- Rien.

- Monsieur Sorabella...à croire que vous êtes un père indigne !

- Elle est enceinte de lui, avoua le chanteur, vaincu.

Il y eut un silence particulièrement perturbant au bout du fil.

- Comme c'est...étonnant. J'ai une mission pour vous, qui devient, grâce à cette information, encore plus...intéressante.

- Je vous en prie, ne me demandez pas de...

- Rassurez-vous, je n'ai pas pour habitude de m'attaquer aux fœtus. Je préfère les adultes, avec tous leurs problèmes et leurs turpitudes. Je voudrais que vous sépariez ces futurs parents.

- Je ne comprends pas.

- Allez faire une déclaration à Astrid. Dîtes-lui que vous ne l'avez pas oubliée, que vous l'aimez encore...

- Mais ce n'est pas vrai !

- « Mais moi, je vous dis que quiconque regarde une femme pour la convoiter, a déjà commis adultère avec elle dans son cœur », cita lentement Axel. Saint Matthieu.

Domenico lança un coup d'œil à Astrid, roulée à présent en boule comme un chiot sur un coussin. Il était guéri d'elle depuis longtemps, depuis son divorce avec Francesca. Certes, l'avoir revue lui avait rappelé de belles choses, mais on ne fait pas renaître une émotion intacte avec des souvenirs. Il avait maintenant pour elle une affection diffuse, une sorte d'amitié vague.

- Vous ne dîtes rien ? demanda Axel. Vous n'avez pas encore compris ?

- N...non.

- Je veux qu'Astrid Cavaleri se retrouve seule. Alors, débrouillez-vous pour qu'elle se sépare définitivement de Björn Olofsson. Emmenez-la chez vous, si vous en avez envie, puis renvoyez-la. Seule, répéta Axel. Je pense que vous savez ce que cela veut dire. Faîtes ce que je vous ordonne, monsieur Sorabella, et vos fils pourront continuer leur vie sans jamais entendre parler de moi. Je le jure.

Et il raccrocha. Domenico se passa une main sur le visage, anéanti. Il n'avait plus le choix. S'approchant doucement, il s'assit juste à côté d'Astrid et passa une des doigts coupables sur sa joue. Contre toute attente, elle eut un sourire en plein sommeil et sa bouche s'entrouvrit pour laisser échapper un prénom :

- Lars...

Son sourire se transforma en moue douloureuse et bientôt, elle se mit à battre des cils. Ses yeux s'ouvrirent et elle se redressa, l'air ahuri.

- Oh ! J'ai dormi...

- Oui.

- Quelle heure est-il ?

- Quinze heures quarante.

- Mon dieu, déjà ! Tu aurais pu rentrer chez toi.

- Je n'en avais pas envie.

Elle tenta de dompter ses cheveux rebelles qui avaient décidé de partir à l'assaut de son visage. Domenico écarta une mèche qui s'était à moitié glissée dans sa bouche. Il toucha ses lèvres et ce contact figea Astrid.

- Excuse-moi. Je n'ai pas fait exprès.

- Tu as l'air bizarre. Ça va ?

Elle le jaugea d'un air à la fois inquiet et suspicieux. Domenico lui saisit alors le menton et lui arracha un baiser qui la stupéfia.

- Arrête ! s'exclama-t-elle. Tu es fou !

- Ne me dis pas que tu es heureuse avec ce Suédois immature !

- Peut-être pas, mais de toute façon, je ne serais plus jamais heureuse avec personne ! répliqua-t-elle, d'une voix si douloureuse que Domenico la lâcha.

- Ne dis pas ça, tu es faite pour vivre, tu es faite pour aimer.

Elle se recroquevilla, les deux bras autour du ventre. Ses frêles épaules se soulevèrent au rythme de sanglots amers. Domenico voulut la serrer contre lui mais elle s'écarta.

- Domi...tu n'es pas dans ton état normal, je t'assure. Il s'est passé quelque chose ?

- Mais non !

- Si ! On dirait que tu te forces à être gentil ! Ce n'est pas parce que je suis malheureuse que tu dois faire semblant d'être encore amoureux de moi !

Domenico, démasqué, prit un coussin et se mit à en torturer les coutures.

- J'avais oublié...à quel point tu es perspicace. Astrid...il a appelé.

- Qui ? Björn ?

- Non...lui. Ce type qui te poursuit.

- Desmarais a appelé ? Pendant que je dormais ?

Le chanteur acquiesça. Il semblait porter sur son dos tous les malheurs du monde. Astrid enfouit son visage dans ses mains, au bord des larmes. Elle avait l'impression de retourner au temps de Solovine, d'avoir constamment à vivre avec une ombre mortelle derrière elle. Sauf que Solovine, lui, n'était pas un sadique acharné, qui lui avait annoncé en face qu'il voulait la détruire.

- Je...je lui ai dit pour le bébé. Je suis désolé, Astrid, si tu savais comme je m'en veux...

Et surtout, Solovine n'aurait jamais touché à mon enfant. Desmarais le fera à la première occasion. La jeune femme eut un gémissement de douleur mais se rendit à l'évidence :

- De toute façon, il l'aurait su un jour ou l'autre, soupira-t-elle. Mais que t-a-t-il dit d'autre ?

- Il veut...il voulait que tu te retrouves seule. Alors il m'a demandé de te séparer de Björn. Il a menacé mes fils.

- Évidemment...

Un claquement de porte vint crever le silence pesant, et Björn débarqua à grands pas furibonds. Il n'était que seize heures.

- Il est encore là, lui ? s'exclama-t-il en avisant Domenico.

- Björn, arrête un peu. Nous avons un gros problème.

- Je vois, oui. C'est une vraie sangsue, ma parole !

- Tu vas la fermer un peu ? s'énerva Astrid. Viens t'asseoir et tais-toi.

Surpris, il obéit presque docilement et passa ses deux bras autour de sa taille pour l'attirer plus près de lui et plus loin de Domenico. Elle le laissa faire. Depuis quelques temps, son corps ne lui appartenait plus vraiment. Il était la propriété d'un minuscule fœtus et de son grand dadais viking de père.

- Desmarais a appelé...

Astrid retraça les derniers évènements et, à chaque mot, Björn la serra un peu plus fort.

- Sorabella, vous êtes vraiment un c...commença-t-il, mais la jeune femme lui envoya une claque vigoureuse sur la main.

- Domenico n'y est pour rien ! Il faut trouver une solution pour qu'il ne soit plus mêlé à nos problèmes personnels.

- Desmarais n'est pas notre problème personnel, c'est un problème pour la planète entière !

- Vraiment, Björn...boucle-la. Laisse-moi réfléchir...

Astrid plongea dans une intense réflexion qui fascina Domenico et Björn. Ils apercevaient presque les machines et les rouages actionnés par des Astrid lilliputiennes dans son cerveau.

- Bon...je crois que j'ai un plan. Écoutez-moi et...non, Björn, n'ouvre pas la bouche. La seule solution pour que Desmarais laisse Domenico tranquille, c'est de lui faire croire qu'il a réussi sa mission.

- Oui, opina le chanteur, qui suivait mieux que Björn.

- Je vais quitter la Villa avec Domenico, et, s'il accepte bien sûr, rester chez lui jusqu'à ce que Desmarais téléphone à nouveau ici, ce qu'il ne manquera pas de faire. Là, Björn, tu devras montrer tes talents d'acteur et lui dire que je suis partie avec Domenico, que tu es furieux contre moi, que je ne suis qu'une petite salope inconséquente et que tu comptes bien me ramener par la peau du cou, parce que tout de même, je porte ton enfant.

Björn n'avait retenu qu'une chose :

- Tu vas rester chez lui ? Dormir chez lui ? Mais à quoi ça sert ? Si tu restes, tu ne m'empêcheras pas de répondre au téléphone et de parler à Desmarais !

- Björn, on ne peut pas prendre le risque de le sous-estimer. Qui te dit qu'il n'a pas planqué un ou deux Golems à Naples pour nous surveiller ? Il faut qu'un éventuel espion me voie quitter la Villa et m'installer ailleurs.

Le Suédois poussa un soupir digne d'un adolescent contrarié. Astrid continua :

- Si tu joues bien ton rôle, Desmarais croira que Domenico a réussi à mettre de l'eau dans le gaz entre nous, et que, même si tu reviens me chercher, notre relation sera très détériorée.

- Tu penses qu'il me laissera tranquille ? chuchota le chanteur.

- J'espère. C'est tout ce que j'ai à te proposer pour l'instant...Björn, tu sauras jouer la comédie ?

- Bien sûr ! Les Suédois sont de très bons acteurs !

- Je ne connais pas d'acteur suédois, fit Domenico, ce qui irrita Björn.

- Vous ne connaissez pas Greta Garbo ? Ou Ingrid Bergman ?

- Ce sont des actrices, pas des acteurs.

Björn s'apprêtait à s'enflammer de nouveau mais Astrid le rappela sèchement à l'ordre.

- Ça suffit ! Je vais préparer mes affaires. Pour une nuit. Je crois que cela ira.

Elle disparut à l'étage et revint un quart d'heure après avec un petit sac. Björn et Domenico n'avaient pas échangé un mot, se contentant de se regarder en chiens de faïence.

- J'ai une chambre d'ami, assura le chanteur, ce qui détendit l'atmosphère.

- Avec un verrou sur la porte ? s'enquit Björn.

Astrid leva les yeux au ciel et lui ébouriffa les cheveux d'un geste affectueux mais fatigué.

- On se revoit bientôt. N'oublie pas : jeu d'acteur !

- Je n'oublie pas. Et toi, pas de jeu de chanteur, hein ?

- Tu me saoules, Björn. À demain.

- Espérons-le !

Domenico la conduisit jusqu'à sa voiture. Il démarra au quart de tour et prit la route de Naples en vrai Napolitain.

- Où habites-tu ? fit Astrid qui le sentait tendu.

Une petite vieille dame qui traversait la route avait cru voir sa dernière heure arriver. Le chanteur avait pilé au dernier moment.

- À Chiaia. La Piazza Amedeo.

- Non, c'est vrai ? J'adore cet endroit !

Elle parvint à le faire sourire :

- Moi aussi. Je l'ai acheté après mon divorce. Un coup de cœur.

En effet, la Piazza Amedeo était un des plus beaux lieux de Naples, avec ses élégants bâtiments majestueux et colorés, en escalier sur une colline noyée de verdure, dont jaillissait de ci de là le plumeau d'un palmier. Domenico, dissimulé derrière des lunettes de soleil, ouvrit la porte d'entrée d'un bel immeuble blanc et chic. Il vivait au dernier étage.

- Ce n'est pas aussi chaleureux que chez toi, fit-il comme pour s'excuser.

Son appartement, entièrement beige, ressemblait à un magasin de meubles. Néanmoins, on y trouvait des touches de vie : un buffet recouvert de photos dans des cadres, un plaid sur le canapé couleur crème, un disque en or accroché au mur, du courrier non ouvert entassé dans une coupelle, et une légère odeur de linge et de cuisine.

- Je te sers quelque chose ? proposa Domenico.

- Oui, merci.

- J'ai du café, du chocolat, du thé ou du Coca.

- C'est du light ?

- Euh...non.

- Alors je vais prendre de l'eau pétillante.

Elle profita qu'il s'absente un moment dans la cuisine pour détailler les photos : beaucoup représentait Alessandro et Giulio, ses fils, à tout âge, ou Domenico avec d'autres chanteurs. Le regard d'Astrid tomba alors sur une photo de mariage. Elle la prit dans ses mains pour la regarder de plus près : Francesca, aujourd'hui rachitique et botoxée, y était jeune, fraîche et visiblement ravie. Domenico souriait aussi de toutes ses dents.

- Voilà ton eau.

Astrid ne put s'empêcher d'émettre son opinion :

- Tu sais...tu ne devrais pas garder cette photo.

Elle crut qu'il allait la rabrouer mais il eut une sorte de rictus d'impuissance.

- Je n'arrive pas à la jeter.

- Tu l'aimes encore ?

- Non, mais...c'est un bon souvenir.

Il fallait à tout prix qu'elle détourne son attention et qu'elle l'empêche de s'embourber dans l'obscur marécage des « souvenirs heureux mais qui commencent à dater ». Elle avisa le piano à queue dans un coin du salon.

- Oh, je ne savais pas que tu jouais du piano !

Elle fit glisser ses doigts sur les touches ivoire et ébène, et en tira une horrible note discordante. Astrid grimaça :

- Dieu sait que ce n'est pas donné à tout le monde de faire de la musique !

Domenico eut un rire presque joyeux et s'assit sur le petit siège. Ses mains s'envolèrent gracieusement au-dessus des touches et Astrid reconnut presque aussitôt :

- Santa Lucia !

C'était une très jolie musique napolitaine traditionnelle que la jeune femme trouvait superbe et parfaitement adaptée à la douce atmosphère de la Campanie. La bande-originale de Naples, l'hymne du Sud. Astrid se surprit à chantonner, ce qu'elle n'avait pas fait depuis longtemps. Dans la foulée, elle fondit en larmes. Elle se détourna pour que Domenico ne la voie pas.

- Et celle-ci, tu la reconnais ? demanda-t-il d'une voix douce.

C'était La mia stella, la chanson qu'il lui avait dédiée. Les larmes se transformèrent en torrent. La grossesse, l'absence, le manque et « l'obscur marécage » faisaient déborder ses canaux lacrymaux. Domenico s'en aperçut, cessa de jouer et alla lui chercher un mouchoir. Quelques instants plus tard, débarrassée de ses chaussures et emmitouflée dans le plaid, Astrid se remettait de ses émotions devant le journal télévisé. Domenico avait préparé un gratin de légumes plutôt bon que la jeune femme mangea à lentes fourchetées.

Elle avait reçu un SMS de Björn un peu plus tôt : « Il n'a toujours pas appelé :( ».

- J'espère que ça ne va pas durer des semaines. Je ne voudrais pas te déranger, lâcha Astrid.

- Tu ne me déranges pas.

- Est-ce que...tu as quelqu'un en ce moment ?

Une brûlure d'aubergine à la langue la punit de cette question indiscrète.

- Non. Personne. Même pas une conquête d'un soir, à mon grand regret. Je vais finir vieux garçon et...

Il ne termina pas car la jeune femme entendit la sonnerie de son téléphone :

« Il a appelé. Ai joué mon rôle à la perfection. Digne d'Hollywood. Viens te chercher dans une heure :) ».

- Dans une heure, répéta Astrid. Bon, eh bien, ça n'aura pas duré longtemps.

Le Suédois se présenta en réalité vingt minutes plus tard, sans même chercher à cacher son essoufflement. Il embrassa la future mère de son enfant avec emphase.

- J'ai lui ai répété exactement ce que tu m'avais dit !

- Même « petite salope inconséquente » ?

- Oui...mais ça m'a fait beaucoup de mal, crois-moi. En tout cas, il m'a cru.

- Sûr ?

- On ne peut jamais être sûr, avec lui...

- Vous avez déjà fait votre possible, affirma gentiment Domenico. Merci beaucoup...

- Merci à toi, rétorqua Astrid en l'embrassant sur les deux joues.

- Bonne chance. J'espère que je pourrais voir un jour ton bébé.

- Tu le verras ! Si jamais tu as encore un ennui, tu me préviens, d'accord ?

- Il est d'accord, intervint Björn, pressé de partir. Au revoir, Sorabella.

Il entraîna Astrid vers la porte. La jeune femme eut juste le temps de se retourner et d'adresser un petit salut, accompagné d'un sourire contrit, au chanteur. Domenico lui fit un signe de tête et disparut à l'angle du couloir.

- Je suis content, s'exclama Björn en l'embrassant avec enthousiasme. Une bonne chose de réglée, hein ? Oh, et puis, je t'ai fait une surprise. J'ai acheté des boulettes de viande suédoises à IKEA...

- Tu es allé à IKEA ?

- Oui, quand tu m'as chassé tout à l'heure...je cherchais un endroit familier où me refugier.

Il eut un grand sourire rayonnant et l'embrassa encore. Elle n'osa pas lui dire qu'elle avait déjà mangé.

- J'ai aussi préparé de la purée et de la confiture d'airelles rouges, comme ça, tu pourras goûter au véritable plat de köttbullar de chez moi !

De retour à la Villa, Astrid mangea de bon cœur les boulettes de viandes, bien qu'elle ait déjà l'estomac plein. Björn la nourrissait pratiquement à la cuillère.

- C'est très bon, affirma la jeune femme. Oui, délicieux.

Il essuya soigneusement la purée qu'elle avait au coin des lèvres, et posa une main affectueuse sur son ventre :

- Et toi, petite crevette, tu aimes la cuisine de papa ?

Astrid rit, et cela lui fit un bien fou. Elle avait oublié ce que c'était de vivre avec Björn. Il était capable de rendre agréable n'importe quoi, et de la faire rire dans une période plus que sombre. Alors, quand ses baisers se firent plus pressants, presque impérieux, elle se laissa déshabiller et porter jusqu'à la chambre. Pas de mot d'amour, mais un simple besoin de sentir l'autre, pour ne pas être seul.

- Tu m'as manqué, avoua Björn.

- Oh, arrête ! On a été séparés à peine quelques heures !

- C'est déjà trop. Je ne veux plus jamais te quitter.

Elle sentit une fêlure dans sa voix et lui caressa la joue.

- Je...j'ai commis l'erreur de quitter Leïla, de la perdre de vue, pendant...à peine quelques heures et...

Ses beaux yeux bleus se remplirent de larmes. Astrid sentit sa gorge se nouer. L'image d'autres yeux, plus froids, mais surtout éteints par la mort, s'imposa dans son esprit. Björn et elle pleurèrent tous les deux, en silence, sur les deux êtres aimés et perdus.

Ma chère maman,

Déjà, je tenais à te dire que je suis ta plus grande portraitiste. Je ne sais pas combien de dessins j'ai de toi, mais je dirais une bonne liasse. Depuis que j'ai trois ans, je mène mon enquête sur toi. J'ai demandé à tous les habitants de la Villa de te décrire pendant des heures. J'ai inspecté des photos sous tous les angles. Tu étais belle, maman. Plus que moi, sans doute. Tu souriais tout le temps. Tu étais douce et gentille, mais en même temps, tu avais du caractère, parce qu'il paraît que papa n'était pas tous les jours facile (selon Salvatore, qui lui non plus ne l'est pas, alors, bon, ce qu'il en dit...).

J'ai passé plus de temps dans ton ventre qu'avec toi à l'extérieur. J'aurais pourtant voulu partager tous ces trucs de filles qu'on partage avec une mère. Je me souviens que quand j'ai eu mes premières règles, Mama était aux États-Unis et Xiu en Chine. Je ne savais pas quoi faire, alors j'ai pleuré une heure dans les toilettes parce que toi, tu n'étais pas là. Finalement, j'ai dû le dire à Salvatore, complètement morte de honte. Enfin, il a su garder un calme parfait, ce qui a préservé ma pudeur d'adolescente.

Même chose quand j'ai voulu m'épiler pour la première fois. Bon, Mama était là, donc ça a été moins tragique. Mais c'est à toi que j'aurais voulu le dire.

Je n'ai pas manqué d'amour maternel, tu sais. Mama m'en a donné énormément. Je regrette donc de le dire, mais des fois, je me sentais mal de ne pas avoir de parents.

Je me souviens d'une fille à l'école, Sonia, qui m'a demandé qui elle était quand elle est venue me chercher à la sortie des classes. Je lui ai dit « c'est Mama » et elle m'a répliqué : « mais non, c'est pas ta mère, elle est Noire ! ». J'ai répondu « Si, c'est Mama, mais ma maman elle est morte dans une voiture ». Le lendemain, tout le monde à l'école le savait, y compris la maîtresse, qui a soudain été plus gentille parce qu'avant, elle ne savait pas que j'étais orpheline. J'avais honte d'avoir un traitement de faveur, et j'ai soudain eu une véritable angoisse de la voiture. Je hurlais dès qu'il fallait la prendre. C'est passé, heureusement.

Aujourd'hui maman, je suis enceinte. Là aussi, je voudrais en parler avec toi. Xiu est morte, Mama est en prison, Madeleine, ma meilleure amie, a disparu. Je n'ai plus de femme autour de moi. Même pas Salvatore. Que Björn. Oh, il est adorable ! Mais ce n'est pas une fille. Ce n'est même pas l'homme de ma vie. Je ne suis pas la femme de sa vie non plus. Mais bon, nous avons un bébé en commun, maintenant.

Je voudrais que ce soit une fille, pour continuer la lignée de Bianca et de Carmen. Mais un petit garçon, ce serait génial aussi. En fait, je n'ai pas de préférence.

Si c'est une fille, son deuxième prénom sera Esperanza, je le jure.

Tu me manques, maman. Hier comme aujourd'hui. Je t'aime très fort.

Tu hija, Astrid.

Merci <3

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