Chapitre 26 (+ remerciements)
Des décombres du manoir de Garanec, on sortit deux cadavres, celui de Titan et celui d'Axel Desmarais. Si le premier était mort à cause de l'effondrement, le second avait succombé à une balle dans la tête. La police conclut rapidement à un suicide. Quant au corps de Martin Farkasova, dont s'était occupé Tahmil, on ne le retrouva jamais. Et personne ne le réclama.
C'était Titan qui, obéissant aux ordres d'Axel, avait appuyé sur le « bouton rouge ». Il était le seul Golem à être resté fidèle aux Cavaliers de l'Apocalypse jusqu'au bout.
On trouva aussi dans les ruines un homme blessé et une jeune femme indemne.
De mémoire de médecin, il ne s'était rien produit de tel depuis des dizaines d'années en Bretagne. Le docteur Henry alla retrouver la fameuse jeune femme après l'opération de son patient.
- Il a fallu l'amputer de sa jambe gauche. Hormis cela, il n'aura pas de séquelle.
Astrid soupira de soulagement. Ces dernières heures avaient été terribles.
- Je peux le voir ? demanda-t-elle dans un français laborieux.
Il fit oui de la tête et lui indiqua la chambre. Elle allait y pénétrer quand son portable, rechargé cette fois, sonna.
- Bonjour, ma fille.
Cette voix chaude et tendre fit sauter Astrid de joie.
- Mama ! Oh, mon dieu !
- Tout va bien. Je suis sortie de la P.I.H.S avec Ernesto, Kate, le docteur P et Gonzalo. Les Golems-gardiens nous ont laissés filer. Seul Carl, le chef, a protesté, mais ils ne lui ont pas donné le choix. C'est un miracle ! Les Golems affirment qu'ils sont avec toi !
La jeune femme ne savait pas vraiment comment réagir face à cela. Le revirement des anciens soldats de McRaven lui semblait plus que surprenant. Elle n'était bien sûr pas au courant de la complicité que Tahmil, Lucien et les autres avaient lié avec Salvatore, Marcus et Madeleine, ni de l'odieux traitement d'Erwan Garanec, ni de leur ras-le-bol général...
- Je suis tellement heureuse...
- Où es-tu ? Björn nous a raconté ton enlèvement en Russie...
Astrid rassembla son courage pour raconter la mort de Desmarais, l'effondrement du manoir et l'hospitalisation de Daniel.
- Il était sous l'escalier, hein ? lâcha Mama d'un air songeur.
- Oui...c'est cela qui l'a sauvé.
La vieille dame pensa à la phrase qui l'avait longuement hantée « Ce qui a diminué le père sauvera le fils ». Elle savait à présent qu'elle parlait d'Axel et Daniel.
- Sais-tu comment Desmarais s'est retrouvé dans un fauteuil roulant ?
- Euh, non. Je demanderai à Dan.
Il est tombé dans un escalier, sans le moindre doute, sourit intérieurement Mama.
- Non, oublie cela, ma fille, pardon. Prends soin de lui et reviens-nous vite. Au passage...j'ai enfin vu mon petit-fils.
L'évocation de Marcus arracha un sanglot à Astrid.
- Il est magnifique. Un très beau bébé.
- Dis-lui...que sa maman rentre bientôt.
La jeune femme raccrocha, libérée. Tout le monde était en sécurité, Daniel sauvé, les Cavaliers de l'Apocalypse morts. Elle n'avait plus rien à craindre.
Astrid ressentait une impression de soulagement absolu, plus grande encore qu'après le suicide de Simon Solovine ou de Yumi Shiro. La page était tournée : mieux, elle avait refermé le livre.
Elle entra dans la chambre de Daniel. Allongé dans un lit blanc, il était propre et ses plaies bandées. Seule l'absence de sa jambe gauche détonnait, le drap restait plat sous son genou.
- Bonjour, mon amour, murmura-t-elle en s'asseyant près de lui. Comment te sens-tu ?
- Mieux. Mais...
Il lança un regard à sa jambe amputée et ses yeux devinrent humides.
- Il va falloir que je m'y fasse...
- Tu y arriveras. Nous y arriverons, se reprit Astrid. Tous les deux.
- Cela ne te gêne pas de vivre avec un unijambiste ?
- Tu n'es pas unijambiste : tu vas avoir la meilleure prothèse.
- Et de l'épouser ?
La jeune femme sourit et tendit la main pour essuyer les larmes discrètes qui coulaient sur les joues de Daniel.
- Je t'ai déjà dit oui depuis longtemps, souffla-t-elle.
***
Sook, l'ancienne chef des Amazones, arriva à l'aéroport Capodichino de Naples avec celle qu'elle avait tirée du charnier du « caillou », au large de San Gennaro.
La Coréenne avait longtemps marché au milieu des cadavres des armées assassinées sur l'ordre de McRaven. Elle avait vu le visage de ses amies Amazones, blancs et vides. Elle songeait lugubrement à les rejoindre dans la mort quand un mouvement avait attiré son attention. Une femme était encore en vie. Elle ne faisait pas partie de son armée, mais Sook l'avait prise dans ses bras, et grâce encore à son ami Kidokoro, l'avait emportée pour se faire soigner à Séoul.
Après un coma de plusieurs mois, celle qui lui avait annoncé s'appeler Leïla Muhammad s'était réveillée, quelques heures après la mort d'Erwan Garanec. Aussitôt, elle avait réclamé un certain Björn.
Sook ne savait pas qui était cet homme, mais quand Leïla parla ensuite de la Villa Gialla, la Coréenne décida de la ramener en l'Italie. Elle se souvenait de la maison jaune face à la mer, du visage terrifié d'Astrid Cavaleri et de celui, résolu, de l'homme avec qui elle fuyait.
Sook se tourna vers Leïla en sortant de l'aéroport. La jeune femme, le visage à moitié dissimulé par un voile, cligna des yeux sous le soleil étincelant.
- Tu es prête ? Beaucoup de temps s'est écoulé pendant que tu dormais.
L'Égyptienne hocha la tête. Elle ne craignait qu'une chose : que Björn soit mort. Elle ne pensait qu'à cela depuis qu'elle avait ouvert les yeux. Les évènements qui s'étaient déroulés en son absence lui importaient peu. Depuis sa naissance, elle vivait sans se soucier de la marche du monde ou des soubresauts de la société.
Les deux femmes prirent un taxi jusqu'à San Gennaro puis empruntèrent le chemin poudreux qui menait à la Villa. Leïla sonna elle-même au portail, le cœur battant.
Astrid apparut, rayonnante en pantalon blanc et tee-shirt rouge, cette couleur qui la mettait si bien en valeur. En apercevant Sook et Leïla, qu'elle croyait mortes, une expression de stupeur se peignit sur son visage.
- Santa Maria ! Je rêve !
- Non, répondit doucement l'Égyptienne. Comment vas-tu ?
- Je...je...tu n'es pas...pas...
Leïla posa une main sur le bras de son amie, puis la serra contre elle.
- Astrid...je suis là. Sook m'a sauvée.
- Oh, mon dieu ! Où étais-tu ?
- À Séoul, expliqua Sook. Quand je l'ai trouvée, elle était la seule survivante du massacre perpétré par les Golems et McRaven. Je la pensais en danger si elle restait en Italie, alors je l'ai fait transporter jusqu'en Corée du Sud.
Astrid pleurait en se tordant les mains. Leïla, surprise, vit qu'elle avait l'air gêné.
- Il faut...que je te dise quelque chose...
- Astrid ?
Cette voix fit tressaillir l'Égyptienne. Björn, en chemise bleue décontractée, les rejoignit.
Dans ses bras, il portait un bébé.
Le Suédois ne vit pas tout de suite Leïla, qui avait fait trois pas en arrière, sous le choc.
- Vous êtes ? lança-t-il à Sook, qu'il ne connaissait pas.
Il y eut un silence où se mêlaient méfiance, angoisse, stupéfaction et gêne.
Finalement, Leïla parvint à calmer le tumulte de ses émotions et se rapprocha.
- Bonjour, Björn.
L'expression d'ahurissement qui apparut d'abord sur le visage du Suédois fut remplacée par des sanglots nerveux, une main sur la bouche.
- Ce n'est pas possible ! s'écria-t-il.
Astrid, prudente, lui reprit Marcus des bras et s'écarta. Björn bondit soudain en avant et s'empara de Leïla, la serrant à l'étouffer.
- C'est toi ! C'est toi !
Par-dessus son épaule, l'Égyptienne continuait à dévisager le bébé. Astrid, les yeux baissés, les joues rouges, restait immobile et tremblante. Björn se mit à palper ses cheveux, ses épaules, son cou, ses pommettes, comme pour s'assurer qu'elle n'était pas un fantôme.
- Je croyais que tu étais morte...
- J'étais dans le coma.
- Tu aurais dû m'appeler ! Cela fait presque un an...
Leïla voulut s'éloigner mais Björn refusait de la lâcher.
- Tu ne me le présentes pas ? demanda-t-elle en indiquant Marcus.
Le Suédois devint aussi rouge qu'Astrid. Sook se redressa, prête à intervenir. Leïla, elle le savait, était imprévisible.
- C'est...c'est notre fils, bredouilla Björn. Il s'appelle Marcus.
- Vous avez eu un enfant...
- Mais nous ne sommes pas en couple, fit Astrid, d'une voix rauque. Nous étions malheureux. J'avais perdu Lars et Björn pensait que tu avais été tuée comme les autres...il n'a jamais cessé de t'aimer, tu sais. De plus, aujourd'hui, j'ai retrouvé Daniel. Mais si nous t'avons fait de la peine, alors excuse-nous.
Nouveau silence. Leïla fixa successivement Björn, éperdu et bouleversé ; Sook, calme et sur le qui-vive ; Astrid, repentante et craintive ; et enfin, Marcus.
- Je comprends, lâcha-t-elle, ce qui allégea immédiatement l'atmosphère. Est-ce que je peux le voir ?
La jeune mère acquiesça et lui tendit son bébé. L'Égyptienne contempla ce petit être, et sentit une douce chaleur l'envahir. Non, évidemment qu'elle n'en voulait pas à ce bout de chou ou à ses parents. Sans le connaître, elle le chérissait déjà. Il était le sang et la chair de l'homme qu'elle aimait et d'une amie très précieuse.
Björn s'approcha et posa sa tête dans son cou.
- Tu m'as tellement manqué, mon cœur. Je t'aime...
- Je t'aime aussi.
Leïla, pour la première fois depuis qu'elle s'était réveillée, sentit ses lèvres s'étirer.
- Il est très beau. Il te ressemble.
Elle releva les yeux et croisa le regard d'Astrid. Cette dernière lui rendit son sourire, immensément soulagée.
Tout va bien, maintenant.
***
La fête battait son plein à la Villa Gialla. Une grande table avait été installée dans le jardin, recouverte d'une nappe blanche et de fleurs, lauriers roses, coquelicots et jasmins. Quatre oliviers délimitaient la piste de danse où valsaient des couples : Ernesto et Kate, Björn et Leïla, Gonzalo et Fiora.
Mama et Salvatore étaient penchés sur le bébé Marcus. Mikhaïl buvait sa coupe de champagne, les yeux fermés. Le docteur P discutait vivement avec son fils Andrei. Abu, Irina et Abby regardaient leurs enfants, Stella et Tom, jouer ensemble. Madeleine, les traits tirés mais souriante, parlait au marié.
Ce dernier était rayonnant dans son costume clair, et tapotait distraitement sa nouvelle jambe à laquelle il s'habituait peu à peu.
Enfin, Astrid, la mariée, dans une superbe robe blanche qui épousait sa silhouette voluptueuse, s'était levée en prétextant une envie pressante.
Elle traversa la pelouse, l'oreille tendue vers le son des rires et des exclamations joyeuses. Elle passa son doigt sur l'anneau qu'elle portait, comme pour vérifier qu'il était toujours là. La jeune femme était mariée à Daniel mais n'y croyait pas encore. Les jours qui avaient précédé la cérémonie, Astrid n'avait pu s'empêcher d'angoisser. Elle craignait qu'un nouvel ennemi ne surgisse de nulle part, arguant qu'elle avait échoué à un test, ou au contraire réussi, qu'elle était amoureuse du mauvais homme ou héritière d'une femme trop importante.
Mais rien n'était venu, ni paraplégique au regard d'acier, ni mafieux napolitain, ni ninja dégénéré, ni Russe ambigu, ni amant éperdu la suppliant d'annuler son mariage.
Astrid soupira, soulagement et mélancolie mêlés. Elle avait perdu des êtres chers, gagné des batailles sanglantes, voyagé autour du monde, cherché des trésors, fait un enfant.
La Villa avait changé elle aussi : aujourd'hui un peu plus vide, elle se remplirait bientôt de gazouillements de bambins. Elle continuerait à trôner face à la Méditerranée, emprisonnant à jamais dans ses murs des souvenirs et des émotions qui parfois, resurgiraient dans le cœur ou l'esprit d'un de ses habitants.
Astrid referma la porte de la salle de bain et s'y adossa. Elle était essoufflée par un bonheur trop grand. Lentement, elle tira de son corsage une lettre pliée qu'elle s'était obligée à ne pas ouvrir tout de suite. C'était Mikhaïl qui l'avait reçue des services administratifs du Kremlin et qui faisait partie de l'héritage de Simon Solovine.
La jeune femme la déplia et lut :
Chère Astrid,
Je n'ai pas laissé cette lettre dans le bunker, car vous n'aviez pas à la trouver là. Je voulais qu'une main, de préférence amicale, vous la donne.
Je sais qu'à l'heure où vous lisez ces lignes, vous avez réglé vos problèmes, et que vous êtes heureuse, du moins j'ose y croire. Axel Desmarais n'a pas dû vous ménager, mais vous possédez quelque chose qu'il n'a (n'avait ?) pas : un cœur. Et ce n'est pas une faiblesse. C'est ce qui maintient en vie.
Permettez-moi donc de vous donner un conseil, Astrid. Un seul : vivez. Vivez comme si chaque jour était le dernier. Vivez comme auraient voulu vivre ceux qui sont morts en vous chérissant. Passez du temps avec qui vous voulez, aimez, riez, jouissez de tout ce que vous offrent vos sens. Un parfum, une musique, une saveur, une caresse, une image. Chaque détail est digne d'intérêt. Ne négligez rien.
Vivez aussi pour moi, Astrid. Je vous ai fait du mal et pourtant, je vous ai aimée. Non pas comme un amant, mais peut-être comme un père. J'aurais voulu une fille telle que vous. Intelligente mais naïve, courageuse mais fragile, sage mais drôle, déterminée mais pleine de doutes. Bianca aurait été fière de vous.
Ne vous avisez pas de vous montrer prétentieuse après ces compliments. Continuez à profiter de l'existence en toute simplicité, en appréciant les choses que vous savez éphémères. Elles sont plus nombreuses que vous ne le pensez.
Je l'écris encore, pour que ce mot dont je voudrais que vous l'entendiez comme un ordre s'inscrive bien dans votre petite tête : vivez.
C'est tout ce qui compte.
S.Solovine.
FIN
Wouah. C'est fini. Oui. Dingue.
MERCI à tous ceux qui sont arrivés jusque là. Particulièrement à @julieanonyme, @Sarah_Finally et mon bro du love @00008q qui ont non seulement lu, voté mais aussi commenté jusqu'à la fin, et ça sur Wattpad ça n'a pas de prix.
Les meufs, je suis à jamais votre esclave.
J'ai mis du temps à me remettre d'avoir fini LVG. Des mois après les personnages trottaient encore dans mon cerveau. Maintenant ça va mieux mais bien sûr, Astrid et compagnie seront toujours dans ma tête et mon cœur bordéliques de petite écrivaine très très amateure.
J'ai encore des TAS d'idée de fictions, toutes différentes...alors, à bientôt ;)
MERCI encore. Amour sur vous.
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