Chapitre 29.1
Chapitre 29
L'atmosphère était lourde dans l'entrepôt délabré qui allait bientôt se transformer en abattoir. Encadrés par des hommes armés prêts à tirer sur le premier à faire un mouvement, les criminels sentaient que leur fin approchait, d'une manière ou d'une autre.
Gonzalo Erizo et Abu El Kabar avaient protesté à grands cris, réclamant de voir Simon Solovine, mais on les avait ignorés.
Salvatore se trouvait à côté de Daniel Tremblay. Ce dernier était un peu pâle, mais son visage restait impassible. C'est assez admirable, songea Salvatore. Il décida d'engager la conversation :
- J'ai voulu vous tuer quand j'ai découvert que vous aviez une relation avec Astrid.
- J'ai aussi eu envie de vous tuer quand vous m'avez fait croire qu'elle était en stage à Florence, et que j'ai découvert que vous l'aviez mise à la porte en lui réclamant de l'argent.
À l'évocation de ce souvenir, Salvatore jeta un coup d'œil à Lars, un peu plus loin, entre Ernesto et Élie. Daniel suivit son regard.
- Je ne vois pas ce qu'Astrid lui trouve. Il est froid et insensible. L'inverse d'elle, dit-il d'une voix teintée d'amertume.
- C'est vrai, approuva Salvatore. Vous lui correspondez mieux. Je regrette mon comportement, Tremblay. Sincèrement. Il fallait que je vous le dise.
- C'est aussi ma faute. J'aurais dû me battre de toutes mes forces pour elle.
- Nous allons mourir avec des regrets, murmura Salvatore, le cœur lourd.
Tous les deux se souvinrent de la confrontation qu'ils avaient eue, la première fois, quand Salvatore avait lu les messages sur le téléphone d'Astrid et était allé voir Daniel dans sa chambre d'hôtel. Auparavant, l'italien avait enfermé la jeune femme dans sa chambre et glissé une arme dans sa ceinture.
- Je ne vous ai jamais aimé, Tremblay, mais je ne pensais pas que vous étiez assez minable pour profiter de la naïveté d'une jeune fille !
Daniel avait fait un pas en arrière en apercevant l'arme, mais avait vertement répliqué :
- Je vous interdis de dire que j'ai abusé d'Astrid !
- Vous n'aviez pas le droit de la toucher !
- Je l'aime, et elle m'aime aussi.
- Non ! Elle s'est amourachée de vous, ce n'est pas la même chose. Mais c'est suffisant pour que vous puissiez lui briser le cœur.
- Astrid m'avait dit que vous ne la compreniez pas, et je vois qu'elle avait raison.
Salvatore avait pointé son pistolet sur Daniel, furieux.
- Je la connais mille fois mieux que vous ! Vous êtes un minable, avait-t-il répété. Vous ne la méritez pas. Vous allez sortir de sa vie !
- Pourquoi ?
Salvatore lui avait jeté un regard rempli de mépris.
- Vous n'êtes même pas capable de trouver un logement ou des vêtements corrects. Vous avez déshabillé ma fille dans cet hôtel miteux et vous l'avez convaincu de vous y rejoindre toutes les nuits, quitte à ce qu'elle risque sa vie en passant par la fenêtre ! Vous êtes irresponsable !
- Ce n'est pas votre fille. De plus, son véritable tuteur est Antonio, pas vous.
- Ne jouez pas à ça avec moi ! avait explosé Salvatore. Vous n'êtes pas l'homme idéal pour elle, et vous le savez très bien !
Daniel n'avait plus d'argument. Soudain, il se sentit...minable. Il a raison. Astrid est un soleil et je ne suis qu'un nuage pluvieux.
- Très bien, avait-t-il abdiqué. Je partirai demain.
- Et vous ne la recontacterez plus jamais.
- Oui.
Daniel avait jeté un dernier regard à Salvatore, qui tremblait encore de rage. Il me hait parce qu'il pense que je lui ai pris sa petite fille. En fait, il est complétement malade. Mais je ne forcerai pas Astrid à choisir entre nous deux. Une fois l'italien parti, Daniel s'était effondré sur son lit.
Pardon, trésor. Je n'ai pas pu lutter contre lui. J'espère qu'un jour, il te permettra d'aimer. Moi, en tout cas, je serais à toi pour toujours.
Le décor sale et lugubre de l'entrepôt réapparut devant eux, une fois la brume des souvenirs envolée. Salvatore avait l'impression d'avoir cent ans.
- J'avais peur de la perdre. J'ai constamment peur de la perdre.
- Je sais. Je comprends.
Il y eut un long silence, puis Daniel chuchota :
- J'ai une fiancée à Québec, Mélissa. Jamais elle ne...
Il ne put terminer sa phrase, car il s'endormit brusquement.
***
Astrid se précipita dans l'entrepôt, suivi par Madeleine, Björn et le docteur P. Tous les quatre portaient un masque à gaz pour éviter d'inhaler le somnifère qui planait encore dans l'air. Mikhaïl devait rester dans l'avion, posé sur le terrain vague adjacent, pour effectuer des vérifications techniques. Björn défonça la porte d'un coup de pied.
La jeune femme connaissait tous les endormis, à l'exception, évidemment, des gardes armés de Solovine. Elle repéra tous ceux qu'elle avait connus au palais de ce dernier. Seul Urano brillait par son absence.
En se précipitant vers Salvatore, elle poussa un cri de surprise. Daniel ! Il gisait à ses côtés, beau comme un dieu mais fragile comme un enfant. Il donnait toujours cette impression quand il dormait. Astrid l'avait admiré plus d'une fois.
Soudain, tous les sentiments qu'elle pouvait avoir pour Lars ou même le petit coup de cœur qu'elle avait ressenti pour Björn s'envolèrent. Il n'y avait plus que lui, Daniel, son premier amour, l'amour de sa vie. Elle se figea. S'il est dans cet entrepôt, cela signifie que Solovine le connait ! siffla une voix alarmiste dans sa tête. C'est sûrement Abu qui a trouvé son adresse dans les carnets d'Antonio ! C'est pour ça qu'il fouillait dans le bureau !
- Astrid, qu'est-ce que tu fabriques ? cria Madeleine. Nous n'avons que vingt minutes, je te signale !
La jeune femme s'ébroua et entreprit de traîner successivement Salvatore, Daniel, Mama, Juan (Il s'en prend même à un enfant !) et un homme de Gonzalo jusqu'à l'avion. Tous dormaient depuis dix-neuf minutes quand Björn effectua le dernier aller-retour.
- Vite ! piailla le docteur P. Plus qu'une minute !
Astrid referma la porte de l'avion et cria à Mikhaïl qu'ils pouvaient partir. Puis, elle se laissa tomber sur son fauteuil, essoufflée, le cœur battant, le bas du dos douloureux, mais immensément soulagée. On a réussi !
Alors que Mikhaïl effectuait un décollage impeccable, les premiers endormis ouvrirent les yeux. Salvatore fut le premier à voir Astrid. Ses traits exprimèrent la surprise puis le soulagement. La jeune femme ne put résister et lui sauta dans les bras.
- Mon amour ! Tu nous as sortis de là !
- Elle nous a tous sauvés ! s'exclama Abu, les yeux ronds.
- Ce n'est pas moi, protesta Astrid, c'est grâce au docteur P, à Björn, à Madeleine et à Mikhaïl, qui pilote cet avion.
- Mais...nous t'avons trahie, souffla Gonzalo. Pourquoi... ?
- Parce que c'est une héroïne, affirma Mama.
- Avec un cœur d'or, ajouta Kate.
Astrid les serra toutes les deux dans ses bras et ne put retenir ses larmes. Lars vint à elle et l'embrassa ostensiblement. La jeune femme faillit le repousser. Elle se sentait gênée vis-à-vis de Daniel, mais aussi, bizarrement, de Björn.
- À Astrid ! rugit Ernesto en applaudissant. Notre princesse à tous !
- Notre sauveuse !
Quand les acclamations et les applaudissements cessèrent, Astrid prit la parole.
- Je veux simplement dire qu'ici, personne n'est un traître.
- Même pas nous ? s'enquit Élie.
- Vous avez commis une erreur, sourit la jeune femme. J'espère que maintenant, vous le savez.
Gonzalo se leva brusquement et ordonna à ses hommes :
- À genoux devant la petite !
Lui et ses cinq hommes s'agenouillèrent un à un dans l'allée centrale de l'avion, avant d'être imités par Abu et les siens, Élie et le tueur à gages islandais. Astrid eut du mal à contenir ses larmes. Jamais elle n'aurait cru que des hommes pareils puissent s'incliner devant une fille, petite et faible de surcroît. Elle croisa un instant le regard de Daniel, qui lui fit un beau sourire un peu triste. Madeleine, Björn et le docteur P furent applaudis à leur tour. Astrid posa sa tête sur l'épaule de Salvatore qui lui caressa doucement les cheveux.
Elle était persuadée que de là où ils se trouvaient, Antonio, Xiu, Georgios et ses parents applaudissaient eux aussi.
Merci !
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