Chapitre 22.1
Chapitre 22
Pour fêter ses vingt-trois ans, Astrid n'était pas au sommet de sa forme. Mais on lui avait organisé un anniversaire formidable. Mama, Xiu et Kate s'étaient surpassées en cuisine : amuse-gueules, brochettes, beignets, salades variées et bien sûr, gâteaux.
Tous insistèrent pour que la jeune femme s'asseye au centre de la pièce pour ouvrir ses cadeaux. Un peu gênée, elle se jucha sur un tabouret de la cuisine.
- Moi d'abord ! s'exclama le docteur P.
Il portait un énorme paquet à la forme étrange. Quand Astrid déchira le papier, elle découvrit une grosse machine, constellée de boutons et de tuyaux.
- C'est une machine anti-cauchemar. Il suffit de la brancher et de la mettre à côté du lit.
Astrid en eut presque les larmes aux yeux. C'était une intention plus que délicate. Elle serra longuement le docteur dans ses bras.
- Merci, Claudiu.
- Je suis content d'être votre ami, répondit-il avec un grand sourire sincère.
Kate, Leïla, Queen et Ahmet lui offrirent une journée dans un centre de relaxation pour deux personnes.
- Il y a des sources chaudes, un sauna, et tous les massages imaginables : pierres chaudes, balinais, suédois...expliqua Ahmet. J'espère que ça te plaira.
Juan lui offrit un beau dessin. Ernesto lui avait acheté un mini-cactus adorable et un livre sur Grenade, la ville d'origine d'Alvaro et d'Esperanza. Xiu, comme d'habitude, lui avait fait un chèque d'un montant exorbitant.
- À mon tour, annonça Georgios. Tiens.
C'était une jolie petite statuette de femme, aux détails finement ciselés.
- C'est Aphrodite. Ce n'est pas Erzulie Freda, mais chez moi, c'est ce qui y ressemble le plus, ria-t-il en se tournant vers Mama qui approcha à son tour.
- Un gri-gri que j'ai fait moi-même, dit-elle en donnant à Astrid un petit sachet vert foncé. Garde-le autour de ton cou, il te protègera.
- Merci, Mama. Je t'aime.
- Ça, c'est de ma part, murmura Salvatore en lui tendant un gros livre brun.
C'était en fait un album-photo. Y étaient présents tous ceux qu'elle aimait : Salvatore, Antonio, Mama, Ernesto, Xiu, mais aussi ses parents, et de nombreux clichés d'elle à tous les âges. Parfois, Salvatore avait ajouté une légende de sa grande écriture élégante. Ça a dû lui prendre un temps fou. Elle l'enlaça longuement.
Lars fut le dernier à lui donner son cadeau : un pendentif en or, en forme de rosace aux allures orientales. Il lui confia qu'il avait envoyé Björn le chercher personnellement au Maroc. Ce dernier lui souhaitait aussi un joyeux anniversaire.
Je ne méritais pas autant de choses. En grignotant sa part de gâteau, elle ne put s'empêcher de se réciter une nouvelle fois la liste du russe : faussaire, pirate informatique, bioterroriste, expert en explosifs. Où vais-je les trouver ? Puis elle jeta un regard à la machine du docteur P. Peut-être qu'il s'y connait aussi en explosifs. Je lui demanderai.
Lars lui fit l'amour avec ferveur ce soir-là, comme deuxième cadeau. Mais Astrid eut un peu de mal à se concentrer. Le lendemain, elle reçut une carte d'anniversaire de la part de Madeleine Clarence qui lui souhaitait : « une année pleine de surprises ».
Ça, Astrid n'en doutait pas.
Quelques jours plus tard, elle se rendit à la Pension. Lars avait dû rentrer à Hambourg pour régler une affaire. En arrivant à Frosinone, Astrid se demanda si elle ne ferait pas courir des risques au docteur P en le mêlant à cette histoire de « meilleure équipe ». Mais la veille, elle avait feuilleté les carnets d'Antonio et n'avait trouvé que l'adresse d'un ancien démineur qui vivait au Qatar. Quand elle l'avait appelé, une voix lui avait annoncé que le numéro n'était plus attribué. Il est sûrement mort.
Elle gagna le laboratoire du docteur P, où il était en train de faire bouillir un liquide rose dans un ballon de chimie. Astrid s'adossa au mur près de lui.
- Dîtes-moi, docteur, vous vous y connaissez en explosifs ? demanda-t-elle.
- Oui ! J'adore les bombes ! Elles explosent et elles font de la fumée en forme de gros champignons !
- J'ai un...ami, qui aurait besoin d'explosifs. Vous croyez que vous pourriez lui en procurer ?
- Bien sûr. Venez, je vais vous montrer.
Il l'entraîna dans le jardin derrière le Pension, un peu laissé à l'abandon, à l'exception du carré d'herbes aromatiques soigneusement cultivé par Kate.
Il souleva une bâche et découvrit une montgolfière miniature. Le ballon était décoré des couleurs de la Roumanie : bleu, jaune, rouge ; et de l'Italie : vert, blanc, rouge. Le docteur P sortit une petite télécommande de sa poche, appuya sur un bouton, et la montgolfière s'envola environ cinq mètres au-dessus du sol. Le docteur pressa un second bouton, et le ballon explosa, envoyant des sillons de lumières bleus, jaunes, rouges, verts et blancs, comme un petit feu d'artifice. Astrid en resta bouche bée. Ça a dû lui prendre des heures pour construire cette montgolfière, et il la fait disparaître en quelques secondes ! Mais le docteur P applaudit en souriant gaiement.
- Alors ? Qu'en pensez-vous ?
- Oh...c'est formidable, Claudiu.
- Je trouve aussi. Mais je peux faire des bombes plus classiques, qui ne font pas de lumières.
Ce n'est même pas comme si j'avais le choix. Astrid confia au docteur P l'adresse où il devrait contacter le russe, et lui fit jurer de ne le dire à personne.
- Secret d'amis ! s'exclama-t-il.
Astrid hocha la tête. Elle se sentit soudain très triste.
***
En rentrant, elle trouva Lars qui feuilletait l'album photo de Salvatore dans sa chambre.
- Où étais-tu ?
- À la Pension. Je te croyais à Hambourg.
- Je suis rentré, comme tu le vois. Viens ici.
- Ah, Lars, je n'ai pas envie de ça maintenant.
Il fronça les sourcils et brusquement, ces yeux polaires prirent feu. Lars était la seule personne du monde à pouvoir enflammer la banquise.
- Je vois bien que quelque chose ne va pas !
- Mais pas du tout...
- Ne nie pas ! Mais je sais que tu ne te confieras pas à moi. Bon sang ! Je sors avec une fille qui parle trois langues couramment, qui parle de Laurent le Magnifique comme si elle le connaissait personnellement, qui arrive à se faire aimer de tout le monde, même des flics, et qui a transformé des criminels de haut vol en chatons ! Tu crois que c'est facile, pour moi, de tenir la route ? Sans compter que tu es encore amoureuse du canadien !
Astrid eut l'impression de recevoir une claque. Je ne suis pas brillante, j'ai eu ma « laurea » de justesse. La seule solution que j'ai trouvée quand tu m'as demandée de l'argent, c'est d'arnaquer un homme. Il y a des gens qui me détestent. Et Daniel. Je vais le revoir, il le faut. Parce que c'est lui, le meilleur faussaire, évidemment. Mais lui et moi, c'est terminé...fini.
Elle se mit à sangloter et Lars poussa un soupir.
- Ne pleure pas. Allez.
- Je ne suis plus amoureuse de lui. C'est toi que je...
Astrid n'arriva pas à terminer sa phrase. Elle déglutit avec difficulté. Lars la prit dans ses bras.
- Alors, je te crois, chérie.
- Je t'aime.
Elle ne savait pas si c'était un mensonge, mais même si ça en était un, il devrait se transformer en vérité. Il le fallait, pour qu'elle puisse oublier Daniel.
Astrid repoussa donc l'échéance. Elle fouilla méthodiquement les carnets d'Antonio et dénicha le numéro de téléphone d'un certain Lee Kim-Sung, pirate information coréen.
Elle l'appela et il lui donna rendez-vous au « Lotus Rouge », à Naples.
Ce fut là qu'elle se rendit à l'heure prévue. C'était un cabaret où l'Asie était présente par petites touches : un vieux calendrier de l'année du dragon au mur, une statuette de chat avec la patte levée comme pour se nettoyer l'oreille, un lampion rouge au-dessus du bar, et un paravent décoré de fleurs de cerisier. Une petite scène était installée dans un coin.
Les clients étaient tous d'origine asiatique, et certains la fixèrent, étonnés. Astrid s'assit à une table et commanda à boire. Comme elle n'aimait pas le thé, elle choisit un cocktail maison. La serveuse lui apporta un jus rose au goût de litchi.
Lee Kim-Sung était en retard. Soudain, une grande femme très maquillée, vêtu d'une longue robe bleu apparut sur la scène. Astrid lui trouva un air un peu étrange. Quand sa voix de ténor s'éleva, elle comprit que c'était un homme.
Il chantait très bien, un air doux en mandarin. Quand Astrid croisa son regard, il lui sourit et après avoir terminé sa chanson, il vint la voir.
- Tu es la petite fille de Xiu, non ? lui demanda-t-il en italien, avec un fort accent.
- Vous connaissez Xiu ?
- Évidemment, elle vient très souvent ici.
- Vraiment ? Je ne savais pas. Que fait-elle ?
- Elle nous enseigne le tai-chi, à écrire correctement l'italien, elle fait à manger, elle m'aide à préparer mes tenues. C'est un peu la grand-mère de tout le monde. Au fait, je m'appelle Tao.
Voilà donc un des endroits où se rend Xiu quand elle disparaît.
- Moi, c'est Astrid. Xiu vous a parlé de moi ?
- Oui, elle m'a montrée une photo. Vous êtes vraiment ravissante.
- Et vous, vous avez une très belle voix, Tao, sourit-elle.
- Merci beaucoup. Que venez-vous faire ici ?
- J'attends quelqu'un. Un coréen du nom de Lee Kim-Sung.
- Je ne le connais pas. Il n'y a pas de coréens, ici, juste quelques chinois et quelques philippins. Mes compatriotes préfèrent la France ou l'Angleterre quand ils viennent en Europe.
- Pourquoi avez-vous choisi Naples ?
- Je suis tombé amoureux de la baie. Voir Naples et mourir, vous dîtes, mais moi j'ai préféré : voir Naples et y rester.
Astrid lui fit un grand sourire. Tao la touchait. Enfin, un homme au visage poupin, avec une épaisse mèche de cheveux noirs qui lui tombait sur les yeux, s'approcha de la table.
- Mademoiselle Cavaleri ?
- Oui. Vous êtes monsieur Lee ?
Il hocha la tête. Tao s'éclipsa discrètement. La coréen s'assit à sa place et sortit un ordinateur portable de son sac. Il ne s'excusa pas pour le retard.
- Qu'est-ce que je peux faire pour vous ? demanda-t-il sans la regarder.
Astrid remarqua qu'il avait une dent en or. À part cela, il n'avait vraiment rien de particulier.
La jeune femme lui donna l'explication habituelle, et Kim-Sung accepta sans broncher. Comme il pianotait sur son clavier sans rien dire, elle se dit qu'elle devait peut-être partir.
- Bon alors, euh...j'y vais. Merci d'être venu jusqu'à Naples.
- C'est juste une étape pour moi. Je vais voir un ami à Paris.
Soudain, elle se souvint de quelque chose. Elle se retourna vers Kim-Sung.
- Vous pourriez aussi m'aider à localiser quelqu'un ? Maintenant ?
- Ça peut se faire. Son nom ?
- Daniel Tremblay.
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