Chapitre 19.1
Chapitre 19
Astrid sortit de son évaluation d'histoire médiévale plutôt satisfaite. Finalement, elle allait peut-être l'avoir, sa « laurea triennale ». Elle était pressée d'annoncer cette réussite à tout le monde. Elle embrassa chaleureusement ses amies qui lui avaient passé les nombreux cours qu'elle avait manqués. Elle se sentait presque libre.
Pour fêter ça, elle décida d'aller s'acheter une pâtisserie. Mais, en se dirigeant vers la boulangerie, une silhouette familière apparut. Bien qu'il portât des lunettes de soleil, Astrid reconnut tout de suite Domenico. Elle tenta de se cacher mais il l'avait vue et se dirigeait vers elle d'un pas vif.
- Astrid, attends !
Elle se laissa rejoindre à contrecœur. Il a maigri, et il ne porte plus de bagues, remarqua-t-elle.
- J'ai besoin de ton aide, dit-il. Allons parler dans un endroit tranquille, tu veux bien ?
Elle hocha la tête et Domenico la fit monter dans sa propre voiture. Il retira ses lunettes.
- Je sais que tu n'es pas du tout ce que tu prétendais être avec moi. Je sais que tu es la filleule d'Antonio Cavaleri, et je sais qui il était.
- Oh, fut tout ce qu'Astrid trouva à dire.
- Depuis le divorce, mon fils ne va pas bien. Il fréquente des gens louches et vit avec eux dans un squat. Et depuis une semaine, il a disparu.
- Disparu ? répéta bêtement Astrid.
- Oui. Il ne répond plus au téléphone. Si c'était possible, j'aimerais que tu le recherches, parce qu'il doit sûrement être avec ces voyous et que...tu connais leur milieu.
Le milieu des voyous ? Ah, Domi, si tu savais.
- Il s'appelle Giulio. Je vais te donner sa photo. Voilà.
Astrid lui jeta un vague coup d'œil. C'était un garçon d'environ dix-huit ans plutôt quelconque. Avec le ton raide et distant qu'il avait depuis le début, Domenico continua :
- Si tu le retrouves, alors...je crois que nous serons quittes. Tu vas le faire, Astrid ?
- Bien sûr. Je te le jure.
- Merci.
Astrid aurait voulu rajouter quelque chose, mais elle ne trouva rien. Elle glissa la photo de Giulio dans sa poche et descendit de la voiture. Domenico redémarra presque aussitôt et Astrid resta sur le trottoir, un peu sonnée.
Ce ne fut pas la seule surprise de la journée. En rentrant à la Villa, la jeune femme trouva un énorme bouquet de roses sur la table de la cuisine.
- Il est pour toi, précisa inutilement Mama. Je te conseille de ne pas le montrer à Daniel.
- Pourquoi ? Oh ! Il est de Lars, c'est ça ?
Astrid prit la petite carte qui y était accrochée et lut : « Pour celle qui chasse mes cauchemars. Je t'attendrai aussi longtemps qu'il le faudra. Bises. Lars » La jeune femme déglutit et glissa la carte dans sa poche, avec la photo de Giulio Sorabella.
- Je fais disparaître les preuves ? demanda Mama en agitant la main vers les roses.
- Oui. S'il te plaît.
- Fais attention, ma fille. C'est agréable de savoir qu'on a emprisonné deux cœurs, mais ça finira mal si tu veux les garder tous deux.
- J'aime Daniel. Lars, c'est juste...nous nous sommes réconciliés sur le bateau et...
- Qu'est-ce que vous mijotez ? demanda Ernesto en se glissant dans la cuisine. Oh, les belles fleurs !
- Moins fort, Ness ! siffla Astrid. Je t'en prie.
- Le pauvre Daniel n'est pas au courant qu'il a de la concurrence ?
- Il n'a pas de concurrence ! Mais nous sortons d'une période un peu difficile et je ne veux pas qu'il ait encore des raisons de douter de moi.
Au dîner, Astrid, notamment pour détourner l'attention de Mama et d'Ernesto, parla de la disparition de Giulio Sorabella.
- Il est probable qu'il soit mort, soupira Salvatore. Une overdose, ou un règlement de compte entre drogués.
- Alors je dois au moins retrouver son corps, murmura Astrid, la gorge serrée.
Elle n'avait subitement plus faim. Elle se força à finir son maïs et après avoir embrassé tout le monde, monta prendre une douche. En sortant, elle eut comme une impression étrange, comme si elle revivait quelque chose qu'elle avait déjà vécu. Daniel se tenait debout dans la chambre, avec la photo de Giulio dans la main droite...et la carte de Lars dans la gauche.
- Alors, il t'attend toujours.
La panique, familière elle-aussi, envahit Astrid.
- Non ! Nous sommes juste amis et...
- Ce n'est visiblement pas clair pour lui.
- Je te promets que...
- Astrid, ton cœur n'est pas un fichu boomerang ! Tu ne peux pas le jeter à droite ou à gauche en pensant qu'il va toujours revenir à la même place !
La jeune femme n'était pas sûre d'avoir bien compris, mais elle resta muette.
- Quand nous étions en France...tu as dit que nous deux, ce serait toujours compliqué. Tu avais raison. Nous ne serons jamais parfaitement réunis.
- Pourquoi dis-tu ça ? Nous le sommes, en ce moment. Je ne suis pas amoureuse de Lars.
- Tu le désires encore, je le sais. Je le vois.
Il devient complétement fou ! paniqua Astrid. Mais tu sais qu'il a raison, répliqua son petit démon lubrique intérieur. Tu es fascinée par Lars, par sa virilité, sa froideur et sa complexité...Non, ce n'était pas possible.
- Je t'aime, lâcha-t-elle en dernier recours.
- Plus assez, je suis désolé.
Elle aurait pu pleurer, s'agripper à lui, le supplier. Elle se contenta de rester plantée au milieu de la chambre, le regardant emballer ses affaires. Tu l'aimes, Astrid ! Retiens-le ! Tu ne vas pas tout ficher en l'air pour une histoire de...sexe ! Elle finit par saisir Daniel par la chemise.
- Écoute, je serais complétement perdue, je ne saurais pas quoi faire, sans toi. Reste, laisse-moi une chance de te prouver que...
- Arrête, Astrid. Arrête.
- J'ai besoin de toi ! explosa-t-elle.
Il leva vers elle ses beaux yeux bleus, l'air grave.
- Tu as besoin de quelqu'un qui puisse te protéger des autres, mais aussi de toi-même. J'ai essayé, moi, mais je n'ai pas réussi.
- Tu n'as pas le droit de m'abandonner encore une fois.
Cette fois, Daniel vacilla. Il prit doucement la main d'Astrid pour lui faire lâcher sa chemise, qu'elle tenait toujours.
- Je ne t'abandonne pas. Je ne fais que lui laisser la place.
Et il partit. Quelques minutes après son départ, Salvatore entra en trombe.
- Que se passe-t-il, mon bébé ? J'ai vu Daniel partir avec une valise, et...tu pleures !
Cette nuit-là, elle la passa dans les bras de Salvatore mais aussi de Xiu, dont la présence était toujours apaisante. Astrid ne trembla pas, ne vomit pas et n'eut ni froid ni chaud.
Elle eut simplement mal. Encore.
Astrid traîna toute la journée en sweat-shirt gris, errant dans la Villa sans but précis. Salvatore la surveillait constamment, même s'il faisait semblant de ne pas la suivre. Ernesto tenta de la faire rire plusieurs fois sans succès et Mama passa l'après-midi en cuisine pour qu'elle puisse grignoter quelque chose le soir. Xiu était à son cours de tai-chi-chuan, ou ailleurs. Personne ne savait vraiment où elle était.
Vers dix-sept heures, on frappa à la porte. Trois policiers entrèrent. Celui qui les menait mesurait une tête de plus que Salvatore, qui était pourtant le plus grand habitant de la Villa. Il avait en effet de très longues jambes, ainsi qu'un visage d'oiseau de proie.
- Commissaire Emilio Caramanti, de la police d'État.
Bạn đang đọc truyện trên: Truyen247.Pro