Chapitre 14.2
Elle se releva, s'essuya le nez et les yeux avec sa manche, empoigna son manteau et son sac. À peine vingt minutes plus tard, elle était à la Villa. Björn Olofsson la vit arriver et la salua :
- Mademoiselle Cavaleri ! Vous n'avez pas l'air bien.
Il avait l'air tellement gentil, avec ses yeux bleus et son nez de lutin. Mais ce n'est rien de plus qu'un sbire de Lars. Elle tenta de le contourner.
- Pardonnez-moi. Lars a dit que vous deviez me montrer l'argent avant.
- Et si Lars vous demandait de sauter par la fenêtre ? Pour qui se prend-il, exactement ? Pour Jésus Christ ?
Le suédois ouvrit la bouche, stupéfait, et Astrid en profita pour traverser le jardin à grand pas.
- Astrid !
Cette voix si familière calma aussitôt la jeune femme.
- Mama !
Bientôt, elle était dans ses bras, elle sentait son odeur, et elle éclata en sanglots.
- Que se passe-t-il, ma fille ? demanda Mama Bayou en essuyant ses larmes. Erzulie est furieuse.
- J'ai fait quelque chose d'horrible. Je t'expliquerai. Mais il faut que je voie Lars avant.
- C'est sa faute, n'est-ce pas ? Je le sens.
Astrid hocha la tête.
- Il est dans le bureau. Salvatore est avec lui.
- Je t'aime, Mama. Tu m'as manquée.
- À moi aussi. Si tu as besoin d'aide, je suis en bas.
La jeune femme monta les escaliers quatre à quatre et ouvrit la porte d'un coup de pied.
- Oh, Astrid, fit Lars, qui n'avait même pas l'air surpris, je me demandais ce que tu devenais.
- Mon bébé !
Salvatore s'avançait déjà vers elle, les bras grand ouverts.
- N'approche pas, siffla Astrid. Où est Daniel ?
- Où est mon argent ?
- Où est Daniel, espèce d'ordure ?
Cette fois, Lars fronça les sourcils.
- Il va bien. Tu n'es pas obligée d'être grossière. Qu'est-ce que tu as ?
- Si tu lui as fait du mal...
- Astrid ! protesta Salvatore. Je n'aurais pas permis qu'on touche à un cheveu de Tremblay, tu le sais. Tu as l'air bouleversé...
Pour la première fois, Astrid hésita. Daniel va bien. Je me suis peut-être un peu emballée.
- Tu as les cent mille euros ?
Lars restait imperturbable. La jeune femme revit l'air trahi de Domenico, elle sentit un goût de sang dans sa bouche. Elle s'était mordu la langue quand la porte avait claquée.
Astrid agrippa le bord du bureau à deux mains et le renversa sur Lars.
Malheureusement, ce dernier réussit à se propulser en arrière. Salvatore s'écarta et le meuble s'écrasa sur le sol, éparpillant feuilles, dossiers, stylos et crayons.
- Tu m'as laissé croire que Daniel risquait sa vie...j'ai fait des choses horribles pour avoir ton fichu argent, j'ai livré des morceaux de cadavre et j'ai couché avec un homme dont je viens de ruiner l'existence, je suis devenue un monstre que je ne reconnais même pas.
Elle fondit encore en larmes. Salvatore s'approcha d'elle mais elle le repoussa.
- Toi, cria-t-elle en pointant son doigt vers Lars qui cette fois ne dit rien, tu dégages. Tout de suite.
- Astrid...
- Je t'interdis de prononcer mon prénom. Je t'interdis de remettre un pied ici, où je te tuerais moi-même. Et toi, poursuivit-elle en se tournant vers Salvatore, tu t'en vas aussi.
- Non ! Je n'ai jamais voulu ça ! Tu aurais dû m'appeler, je serais venu, évidemment, je...
Il avait l'air tellement affolé qu'Astrid se radoucit.
- Sors de ma vue pour l'instant.
Alors qu'il sortait, Lars eut un ricanement glacé.
- Alors voilà, tu as fait ta petite crise. Est-ce que tu te sens mieux ?
- Je ne veux pas entendre tes moqueries. Je ne veux même pas savoir pourquoi tu as fait ça...
- Tu le sais très bien. Oui, j'aurais pu faire du mal à Tremblay, j'aurais pu le tuer, mais Umberto m'en aurait empêché. Te voir...même t'imaginer, en train de batifoler avec cet imbécile m'a rendu furieux. Je voulais briser ce charmant petit rêve rose. Mais jamais je n'ai voulu que tu fasses des choses dégradantes.
- Tu savais que je n'y arriverais pas ! Cent mille euros en trois mois ? Pourquoi pas repeindre le Colisée avec un coton-tige ? Et oui, je suis amoureuse de Daniel. Pas de toi, Lars Wolfgang.
Il leva les mains comme pour se rendre.
- Comme tu l'ordonnes, je vais partir.
Astrid perçut un tremblement dans sa voix, presque imperceptible.
- Et tu ne me reverras plus. Sauf si tu me le demandes.
- Même pas en rêve.
Il eut un petit sourire triste.
- Cet homme avec qui tu as couché...
- Ne parle pas de lui !
- Ce n'est pas le premier à qui tu brises le cœur.
Et sur ses mots, il disparut. Astrid déglutit avec difficulté et entreprit de ramasser le fouillis de feuilles et de dossiers, et de le classer. Au bout d'un quart d'heure, quelqu'un la rejoignit.
- Ils sont tous partis. Laisse-moi t'aider, mon amour.
Salvatore l'aida à remettre le bureau sur pieds. Astrid le laissa faire, encore abasourdie.
- Daniel est en France. Lars lui a fait croire que tu faisais un stage à Florence et que tu voulais rester un peu seule, parce que tu doutais de votre mariage.
- Il n'y aura plus de mariage.
- Bébé...
- Chut. S'il te plaît.
- Je suis désolé. Tellement désolé. Tu me pardonnes ?
- J'ai dit chut.
Salvatore ramassa un dossier particulièrement épais avec une tête de martyr qui fit presque rire Astrid. Il n'y a que moi qui puisse lui enlever son masque de snob.
- Je crois que Lars m'aime, avoua-t-elle à mi-voix.
- Je crois aussi. Mais comment ne pas t'aimer ?
- Arrête.
Quand tout fut à peu près remis à sa place, Astrid se sentit mieux. Une partie du carnage qu'elle avait créé n'existait plus. Une petite partie...
- Georgios va venir ici, je préfère te prévenir. Il est très compétent. Il saura s'occuper de nos affaires, et avec diplomatie, pas comme certains.
- Ce gérant d'hôtel grec ?
- Mon grand-père, corrigea-t-elle.
Une nouvelle fois, Salvatore fit sa grimace de victime.
- Je ne m'y ferais jamais.
- Il le faudra, pourtant. Mais ça ne veut pas dire que je l'aime plus que toi.
Salvatore eut un grand sourire rassuré.
- J'aimerais entendre ça plus souvent.
- Ne fais pas le malin.
- Pardon.
- Mama, Ernesto et Xiu pensaient aussi que j'étais à Florence ?
- Oui.
- De longues explications en perspective...mais d'abord, je vais appeler Daniel.
- Bien sûr. Tu m'aimes ?
- Comme si j'avais le choix.
Elle le serra dans ses bras. Mais cela ne chassa pas la voix dans sa tête.
Ce n'est pas le premier à qui tu brises le cœur.
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