2.
Me voilà devant une immense maison. C'est incroyable ! Je n'ose même pas pénétrer sur le petit chemin de terre entouré de fleurs roses. Il faut que je me lance ! Mon cœur bat la chamade. J'arrive devant la porte d'entrée en bois et je saisie le marteau de porte que je claque deux fois. Quelques secondes plus tard, une fille âgée d'une quarantaine d'années se présente à moi. Elle a de longs cheveux blonds bien tirés vers l'arrière et des yeux bleus frappant. Elle m'accueille chaleureusement.
« - Bonjour ! Tu dois être Noémie. »
Je lui souris en retour.
« - Bonjour, oui c'est bien ça. »
Elle me fait signe de la suivre. Je referme la porte derrière moi. Je regarde le hall d'entrée, bouche-bée. Cet endroit est vraiment magnifique. Les murs sont blancs, un piano noir est situé à ma gauche. Je fais face à un escalier en colimaçon de couleur crème. Je la suis jusqu'à la salle à manger. Évidemment la pièce est aussi incroyable que le hall d'entrée. Le sol est parqueté. Une grande table de couleur crème est placée en plein milieu de la pièce avec six chaises noires. Un plat de fruits est posé sur celle-ci. Les meubles sont de la même couleur que la table. Des verres à bières et des coupes de champagne sont parfaitement rangés dans la vitrine face à moi. Un bel homme brun se présente à moi.
« - Bonjour, Noémie. Je suis Patrick. Ravi de te rencontrer. »
Il porte un costume bien taillé. Ce qui ne m'étonne pas. Je suis tombé sur une famille de bourgeois.
« - Bonjour, Monsieur. De même pour moi. »
Je souris.
« - Appelle-moi Patrick. Et tu peux appeler ma femme Claire. »
Ce couple m'a l'air tellement gentil et bienveillant.
Après quelques minutes, je me retrouve assise face à Claire et Patrick. Ils m'ont proposé un café avant de débuter l'entretien. À peine assise, elle se présente à moi.
« - Noémie, alors moi comme tu le sais, c'est Claire. J'ai 45 ans. Mon mari Patrick a 46 ans. Nous cherchons une personne pour nos tâches de la vie quotidienne, c'est-à-dire garder cette charmante maison très propre. Nous sommes assez exigeants sur le nettoyage. Nous recevons souvent des invités et nous ne tolérons pas même une poussière dans la maison. Nous sommes beaucoup prit par le travail et la dernière employée que nous avons eu ne convenait plus à nos attentes. »
La pression monte.
« - Nous avons eu énormément de candidatures, la tienne a retenu notre attention. Nous devons encore voir deux personnes après toi. Ma femme va te poser quelques questions sur tes attentes et ton mode de vie, tes réponses seront très importantes. Souhaites-tu passer l'entretien ou nous en restons là ? Sachant que ce sera pratiquement du sept jours sur sept. Tu seras ici, comme chez toi. Logée, nourrie, tu auras ta propre chambre et ton confort. » Continue son mari.
J'essaie de tenir en place sur ma chaise. Sept jours sur sept, vraiment ? Je réfléchi quelques instants. Après tout, Tom n'est pas avec moi et mes parents sont toujours au travail, alors ... Pourquoi ne pas tenter ?
« - Oui, oui. Je suis d'accord pour passer l'entretien. »
Patrick me sourit tandis que Claire prend un bloc-notes dans un tiroir rangé derrière elle.
« - Bien. Nous allons donc commencer l'entretien. Je vais te poser plusieurs questions, tu n'auras qu'à répondre. » Dit Claire.
J'angoisse énormément. Et si je réponds mal aux questions ? Si je ne corresponds pas à leurs attentes ? Il me faut vraiment décrocher un travail pour être avec Tom. Je prends une grande inspiration.
« - Noémie, détends-toi, ça va aller. » Dit Patrick en rigolant, ce qui détend l'atmosphère. Je commence à rougir, en laissant un petit rire forcé s'échapper. Je suis stressée, je ne peux rien y faire.
« - Noémie, alors. Présente-toi. »
Vraiment ? Ça va être ça ses questions ?
« - Je m'appelle Noémie, j'ai dix-neuf ans. Je viens de Paris et je suis diplômée d'un BP coiffure depuis moins d'un mois. Je suis motivé, débrouillarde et ponctuelle. »
Pendant un entretien, c'est tout ou rien. Soit il ne faut pas trop en dire, soit il faut étaler sa vie. J'ai opté pour la première option. Patrick ne me lâche pas du regard, tout en souriant, ce qui me fait encore plus stressée. Tandis que Claire prend des notes, son mari ajoute :
« - Pourquoi ne pas s'être lancé dans la coiffure et s'être intéressé par notre offre d'emploi ? »
Sans entendre, je réponds :
« - À vrai-dire, c'est très compliqué de trouver un emploi dans ce domaine sans expérience. J'ai effectué quelques stages, mais les employeurs exigent minimum deux ans d'expérience, ce que je n'ai pas acquis. »
Claire est toujours concentrée sur son bloc-notes et Patrick, quant à lui, sourit toujours.
« - Qu'est-ce qui a suscité ton intérêt dans cette offre d'emploi ? »
Ce qui est sûr, c'est que je préfère les questions de Patrick. Je ris intérieurement.
« - Je répondais à vos critères alors je me suis dit pourquoi ne pas postuler et voir ce que cela allait donner. »
Je prie pour que mes réponses les satisfait.
« - Quels résultats as-tu obtenue dans tes précédentes expériences ? »
Les questions s'enchaînent à toute vitesse et je commence vraiment à me demander quand cet entretien va prendre fin. Je réponds du tac au tac à Claire.
« - Pour être honnête avec vous, mise à part des stages je n'ai pas fait grand-chose. Des stages de coiffures, évidemment. »
J'ai l'impression que tout cela est des questions pièges, en soi, j'essaie de ne pas perdre pied.
Son mari reprend aussitôt.
« - Si tu pouvais revenir dans le passé, ferai-tu différemment certaines choses ? »
Peut-être m'entraîner à répondre à des questions aussi stupides. Je garde tout de même le sourire avant d'ajouter :
« - Non, j'adore mon parcours et je suis fière de celle que je suis devenue. »
Claire lève enfin les yeux de son bloc-notes pour la première fois depuis le commencement avant de me sourire.
« - C'est très important d'être sûre de soi. » Ajoute-t-elle.
Ça c'est sûr ! Bon, et bien, je pense que cet entretien est terminé.
« - Qu'aimerais-tu faire une fois en poste ? » Claire et ses questions...
Oh, non. Ce n'est pas encore fini.
« - J'aimerai mettre de l'argent de côté pour pouvoir rejoindre mon petit-ami aux États-Unis. »
Patrick me regarde d'un air perplexe.
« - Ton petit ami ? Aux États-Unis ? »
Pourquoi s'intéresser autant à ma vie personnelle ?
« - Oui. Il est parti là-bas depuis maintenant deux mois pour exercer son rêve dans le basket-ball. »
« - Bien, je vois qu'il y a de la motivation des deux côtés, autant lui que toi. » Ils sont vraiment gentils mais cet entretien reste troublant.
« - Tu te vois où dans cinq ans, Noémie ? » Demande Claire.
Je bouillonne à l'intérieur de moi. Ça m'agace.
« - Aux États-Unis. J'adorerais être coiffeuse et me dire que je n'ai pas obtenue mon diplôme pour rien. »
Patrick ne décroche toujours pas son regard du mien.
« - Quelles-sont tes prétentions salariales ? » Demande-t-il.
Alors, ça ! C'est vraiment la question piège.
« - Tout en sachant que tu seras logée et nourri. » Ajoute sa femme.
« - Mes prétentions salariales seraient de neufs cent euros nets par mois, de ce fait, je pourrai économiser. »
Le couple se regarde un instant, et sans grand étonnement Claire prend des notes.
« - Quelles-sont tes disponibilités ? » Demande Patrick, sur un ton un petit peu plus nerveux.
« - Je suis disponible tous les jours. Quand vous le souhaitez. »
Il soupire. Un soupir de soulagement ?
« - Tu as mis trop de questions chérie. Je pense que ça suffit. » Dit-il à sa femme.
« - Quels-sont tes hobbies, Noémie ? » Me demande sa femme, sans prêter attention à son mari.
« - J'adore le shopping ! Et bien évidemment, la coiffure. »
Je suis entièrement d'accord avec Patrick, ça suffit les questions. J'ai répondu à des questions sur ma vie privée. Je ne sais pas ce que sont leurs attentes mais ça devrait être bon.
« - D'accord, Noémie. As-tu des questions ? » Patrick a prit la parole sans laisser Claire parler.
« - Je n'avais pas terminé, Patrick. » Dit-elle.
Son mari me regarde avec insistance.
« - Oui. Aurai-je un retour rapidement de notre entretien ? »
« - Oui, très vite. » Ajoute Claire. « Mais nous aurons encore deux, trois choses à revoir ensemble si tu es recontactée. » Finit-elle.
« - Très bien, pas de problème. »
« - Une autre question ? »
« - Oui. Pourquoi dans l'offre d'emploi faut-il être âgée maximum de vingt-cinq ans ? Je suis désolée, mais cette question me perturbait vraiment. » J'ajoute en riant.
« - On s'y attendait à cette question. » Dit Patrick en souriant. « - C'est pour l'autonomie et la motivation. Nous ne nous voyons pas avec une femme d'une quarantaine d'années, sans être méchant. Vous n'auriez pas la même motivation. »
« - Je comprends. »
Je pense que l'entretien s'est super bien passé, en tout cas, j'ai répondu à toutes leurs questions.
« - Bien. Mesdames, je dois aller travailler. Bonne journée, chérie. » Patrick embrasse sa femme avant de se lever de sa chaise et me tendre la main que je saisie rapidement. « - Noémie, à bientôt. »
« - À bientôt, Patrick. »
Il quitte rapidement la salle à manger et je me retrouve face à Claire.
« - L'entretien s'est plutôt bien passé. Tu réponds à nos attentes mais je vais devoir en discuter à mon mari. Juste une petite précision, ton salaire mensuel sera de mille-huit cents euros net par mois, ce qui te laissera largement le temps d'économiser. Si tu es recontacté, tu seras en période d'essai pendant quinze jours, payé bien-sûr, pour partir sur un contrat de six mois pour l'instant. Si tu restes encore sur Paris, nous pourrions renouveler ton contrat. C'est toi qui décideras à ce moment-là. »
Mille-huit cents euros par mois ? C'est dingue ! Je ne demandais pas autant. J'aurais le temps d'économiser en six mois et je pourrais rejoindre Tom. Je suis tellement ravie d'être venue à cet entretien. J'espère être rappelé maintenant.
« - Ce travail m'intéresse beaucoup et ça me permettrait de me projeter dans l'avenir. »
Claire me sourit en guise de réponse.
« - Ce qui est des heures de sorties, tu es autorisée à sortir lorsque tu en auras envie, après que tes tâches soient accomplies. Tu auras un planning posé tous les matins à ton réveil sur l'îlot de la cuisine, si tu es prise, avec ce que tu as à faire pour la journée. En fonction des tenues, tu t'habilles comme tu le souhaites sauf lorsque des invités seront présents, je te donnerai une petite jupe noire avec un haut blanc. Très important à préciser aussi, il y a des caméras partout dans la maison, notre but n'est pas de t'espionner, c'est par sécurité pour nous lorsque nous ne sommes pas présents. »
C'est vraiment très carré ce boulot. Rien n'empêche que je reste motivée, quand nous sommes informés du salaire, rien ne nous démotive.
« - Tu te lèves à l'heure que tu le souhaites et tu te couches à l'heure que tu le souhaites également. Nous ne sommes pas ici pour nous mêler de ta vie, tu fais ce que tu as envie, comme je le disais, le principal c'est que tout soit réaliser avant que tu ailles au lit. »
Ah, ça c'est vraiment génial.
« - As-tu des questions, Noémie ? »
« - Aurai-je le droit de dormir chez mes parents parfois ? »
« - Oui, tu pourras garder ta vie sociale. Le dimanche souvent nous sommes ici, tu pourras aller chez toi le samedi soir, mais revenir bien évidemment le dimanche soir et faire deux, trois petites choses dans la maison. »
C'est vraiment du sept jours sur sept.
« - Si nous te demandons quelque chose qui n'est pas inscrit sur la liste des choses à faire, ton salaire augmentera. »
« - Quelque chose à faire qui n'est pas sur la liste ? C'est-à-dire ? »
« - Par exemple, si nous n'avons pas le temps d'aller faire des courses et que nous nous tournons vers toi. »
Bon, il faut voir la chose du bon côté, ça sera majoré.
« - Aucun problème. » Je réponds en souriant.
« - Bien, nous te recontactons le plus vite possible, que ce soit négatif ou positif. Gardes bien ton téléphone avec toi, ce sera sûrement ce soir. Si c'est ça, tu commenceras demain. »
Je ne m'attendais pas à ça, commencer demain ? Je devrais peut-être en parler avec Tom avant.
« - D'accord. » C'est tout ce que j'ai réussi à dire.
Claire se lève et me tend sa main que je serre sans attendre. Elle m'accompagne jusqu'à la porte d'entrée.
« - À bientôt, Noémie. » Elle me sourit avant de fermer la porte.
Je vais peut-être commencer une nouvelle vie qui ne sera sûrement pas facile, mais si je fais tout cela, c'est pour Tom.
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