Jasper était âgé d'une soixantaine d'année, toute sa vie fut consacrée à l'aboutissement de son projet : devenir propriétaire de son propre hôtel. Le vieil homme n'avait, malheureusement pas eu le temps pour l'amour. C'était un homme solitaire et fatigué. Il accordait peu d'importance au reste du monde, les seuls êtres que Jasper avait aimé, étaient morts il y a bien longtemps. Mais l'arrivée de Lilith l'avait chamboulé. Il ressentait une irrésistible envie de la protéger, elle semblait si fragile.

   Il la hissa, non sans mal dans sa chambre à l'étage. Il l'allongea et posa délicatement un gant de toilette frais sur son front. La jeune fille semblait fiévreuse. Il s'assit à son chevet.

Quand Lilith ouvrit les yeux, elle sentit un poids sur le sommet de son crâne. Elle le retira et remarqua qu'il s'agissait d'un gant. La jeune fille se tourna sur le côté. Prenant sa tête entre ses mains, elle ne put que s'émotionner devant la scène attendrissante, qui se déroulait devant ses yeux. Lilith contempla son aîné, endormi sur le rocking-chair, près de son lit. C'était la première fois, qu'on lui portait autant d'attention. Elle se leva sans bruit et prit sa couverture, pour emmitoufler Jasper avec. La jeune fille se rendit dans la salle d'eau et se débarbouilla le visage. Lilith n'avait rien mangé depuis hier ; elle était littéralement affamée. La voix de Jasper retentit, elle accourut vers lui. Une fois dans la chambre, c'est à ce moment précis, que choisit de se manifester son estomac. Elle fut extrêmement gênée par la situation, mais les rires du vieil homme la dérida. Il lui proposa, alors, de partager son modeste repas. Une partie du rez-de-chaussée, avait été aménagé en un petit cocon d'une vingtaine de mètre carré. Jasper n'avait pas l'air encombré par les souvenirs. Le mobilier était des plus rudimentaire. Il n'y avait aucune place pour l'excentricité ici. Malgré cette sobriété imposante, Lilith s'y sentit à son aise.

A la fin du repas, l'homme lui demanda ce qu'il s'était passé ce matin, elle hésita. Devait-elle inquiéter le vieil homme ?

Jasper lui prit la main et l'encouragea ; elle se devait de lui dire.

La jeune fille révéla alors, qu'elle fut victime d'une agression dans le vieux manoir. Jasper sur le coup, se sentit coupable, il avait encouragé Lilith à faire du porte à porte. Mais dans un élan de fureur, il se leva brusquement et entraîna la jeune fille au poste de police, le plus proche. Malheureusement, arrivée sur le lieu, elle n'avait plus aucune trace de ce déferlement de violence.

Les officiers étaient, comme à leurs habitudes, indifférent au récit de Lilith. L'absence de preuve et la réputation de la jeune fille dans le quartier, n'avait pas aidé. A l'époque, ils avaient déjà eu connaissance, de cette enfant turbulente et menteuse.

Sauf que cette fois, Jasper était là. Il tenta du mieux qu'il pu, de convaincre les enquêteurs de prendre au sérieux cette affaire. Sauf que ces-derniers, n'étaient vraiment pas disposés à coopérer. Très agacés, ils préférèrent, très vite, mettre fin à cette déposition.

Ils conseillèrent à Jasper de se méfier, de l'imagination débordante de Lilith. Quant à elle, la jeune fille, fut encore une fois, frappée par leurs mépris. Pour clôturer le dossier, les policiers lui intimèrent, de se rendre rapidement, chez un psychologue et de ne plus faire de vague.

 Encore une fois on ne me croit pas, c'est toute l'histoire de ma vie. J'ai la chance de guérir facilement. Enfin, si on peut dire ça... Ils nous regardent comme si j'étais folle, comme si j'avais inventé cette histoire : je les déteste. 

 Jasper en voyant que la jeune fille était au plus mal, décida de la ramener à l'hôtel. Il s'excusa tout le long de la route et jusqu'au palier de sa chambre, de n'avoir rien pu faire. Le vieil homme, pouvait discerner le découragement de Lilith, cette journée avait été éprouvante. Totalement désarmé face à elle,  il ne pouvait cautionner, qu'une victime soit traitée ainsi. Après tout ce n'était encore qu'une enfant et savoir qu'elle courait encore un immense danger, ne faisait qu'accroître son inquiétude et son sentiment d'injustice. Elle le rassura, rien n'était de sa faute. La jeune fille lui souhaita une bonne nuit et ferma, une bonne fois pour toute,  la porte de sa chambre ainsi que celle de son cœur.

 Postée devant mon miroir, il n'y a effectivement plus aucune trace. Comme si rien ne s'était passé. A l'orphelinat c'était pareil, quand je me faisais mal, personne n'arrivait à me croire, je n'avais jamais rien, pas une égratignure. Et pourtant, j'ai toujours été sincère. Et qu'est-ce-que ça m'a apporté ? La défiance des uns, le mépris des autres. Qu'aucun parent n'ait jamais voulu m'adopter, à cause de ma réputation de folle et de dupeuse. De toute façon, tous les défauts du monde m'étaient affublés. J'aurais voulu briller dans leurs regards, mais ils n'ont jamais su me voir telle que j'étais. Ou peut-être avaient-ils raison ? Est-ce pour ça, que j'ai commencé à discuter avec des oiseaux ? A cause de la solitude qui me peser ?A l'époque j'espérais encore qu'on arriverait à me sauver... 

  Lilith repensa encore à son agression. Que devait-elle faire : Quitter la ville, en laissant ce monstre courir les rues ? Ou peut-être, protéger les habitants de la ville? Elle trouva cette deuxième possibilité absurde, c'était loin d'être l'héroïne d'un film : mais plutôt celle qui meurt dans les premières minutes. Pourtant, la jeune fille ne semblait ressentir aucune crainte, à recroiser cette homme... Elle était vraiment dingue.

   Le lendemain matin, Lilith se réveilla en sursaut : la porte d'entrée venait de claquer. C'était étrange, personne ne dormait à l'hôtel en ce moment. Tout en se levant et en se précipitant en bas, elle appela Jasper : mais aucune réponse. Elle craignit le pire, la jeune fille ne réfléchit pas une seule seconde de plus et partit à sa recherche.

Jasper était parti tôt dans la matinée, il y avait réfléchi toute la nuit. Si la police ne faisait pas son travail, alors ce serait lui qui s'en occuperait. Le vieil homme, ne pouvait tout simplement pas fermer les yeux et accepter, toute cette violence. Il avait élu domicile en premier, ici. Cette ville n'appartenait pas à ce monstre. Il ne laisserait, ni Lilith, ni personne être sa prochaine victime.  Accompagné de son fusil de chasse et de sa vieille coccinelle, il se rapprochait dangereusement du manoir, inconscient du danger l'attendait. L'homme frappa de toutes ses forces contre la porte. Personne ne daigna lui répondre. Il insista et cria des injures, pour motiver le résident à lui ouvrir.

Essoufflée, Lilith était encore loin, mais elle pouvait apercevoir la scène.

 Pourvu qu'il n'ouvre pas, pourvu qu'il n'ouvre pas... 

 La jeune fille se répéta cette pensée pour se rassurer, elle y était presque.

La porte s'ouvre...non ce n'est pas possible ! Il faut que j'accélère... 

Elle balbutia ces derniers mots, entre deux sanglots. Et pour cause,  elle vit de longues griffes acérées noires, se nouer autour de la gorge de Jasper. Le vieil homme se débattit tant bien que mal, mais la bête le tenait fermement. 

 Je suis arrivée.

  Mais il était déjà trop tard, le corps inerte de la personne âgée, ne pouvait que lui garantir sa défaite. Elle se rua sur lui, le prenant dans ses bras. Elle pleurait tellement, elle suffoquait. Lilith se mordit la lèvre tellement fort, que des gouttes de sang, perlèrent sur le visage de la dépouille.

La jeune fille était tellement anéantie, qu'elle ne remarqua même pas le temps se suspendre. Sur le corps sans vie de Jasper, une corneille s'y était posée. Elle s'adressa à Lilith. Étrangement, cette-dernière, ne fut pas surprise. Plus jeune, elle avait toujours eu cette capacité, à pouvoir communiquer avec eux. Elle n'avait jamais pu en expliquer les raisons et son passé à l'orphelinat lui avait fait prendre conscience, qu'il n'était pas bon de révéler un tel talent.

" Qu'est-ce-que tu attends ? Tu sais ce que tu peux faire. Mais ce n'est pas la question, la vrai question c'est : as-tu l'âme assez charitable, pour lui offrir ce précieux cadeau ? "

Et sans même comprendre, instinctivement elle ferma les yeux et abattit sa bouche sur le poignet de Jasper. Ses canines s'implantèrent dans sa chaire et un flux s'en dégagea.

Son thorax se leva brusquement, il respirait de nouveau. L'oiseau s'était éclipsé. Mais qu'importe... Lilith serra fort dans ses bras, cet être qui comptait tant pour elle. Malgré le choc de son éveil et la découverte de ses pouvoirs, elle ne prit pas le temps de se poser davantage de question. La priorité étant de partir au plus vite, loin de cet endroit maudit.

***

   Azael avait assisté à la scène, il n'en revenait pas. Comment avait-elle fait ? Il était pourtant sûr, d'avoir tué cet homme.

Je commence un peu à être agacé. Je tue, mais personne ne meurt... Et pour couronner le tout, cet oiseau de malheur est venu la guider. Me prends-tu pour un imbécile? C'est bien ton œuvre, je pensais que le Phoenix n'interviendrait pas dans ce jeu ! 

Énervé et d'un pas déterminé, il se rendit à la demeure de Jade pour avoir des explications. Il frappa plusieurs coups...

Aucune réponse. Il savait, où la vieille dame rangeait le double de ses clefs. En ouvrant la porte, il la réclama, mais toujours aucune réponse. Azael parcourut toutes les pièces, pas une seule trace de Jade. Elle était partie.

Pourquoi s'est -elle absentée sans me prévenir ? Elle m'abandonne aussi. Étrangement, sans cette vieille carne, je me sens démuni. Elle m'a guidé pendant de nombreuses années, pour au final s'en aller comme ça ? 

Le jeune homme ne savait plus quoi penser, mais ce qui était sûr, c'est qu'il ne supportait pas cet affront. Il attendrait son retour avec impatience. En attendant, il ne resterait pas les bras croisés, certains défis que lui avait lancé Jade, étaient restés en suspens. Azael avait encore beaucoup à faire...

Note:

Et voilà la fin du quatrième chapitre : résurrection !

La disparition de Jade promet de nouveaux rebondissements, auxquels je pense, personne ne s'attend...

N'hésitez pas à me laisser vos avis et commentaires. 

A très bientôt pour la suite !