Chapitre 7
Cela ne faisait plus aucun doute pour Félix, il était persuadé que d’ici peu, Chan reviendrait le voir afin qu’il lui accorde de nouveau ses faveurs. Il se lasserait forcément de sa puribonde de femme et supplierait même le marquis de le soulager après de longues semaines d’abstinance. C’était avec cette jolie idée en tête que Félix parvenait à rester patient, en attendant ce jour béni où son amant lui reviendrait.
— Monsieur, quelqu’un demande à vous voir.
Félix se redressa sur son fauteuil. Cela faisait une bonne heure qu’il était plongé dans un roman qu’il avait hâte de terminer et, n’attendant aucune visite, l’annonce de Jisung l’avait on ne peut plus surpris.
— Une visite ? Qui est-ce ?
Son cœur battait à la vitesse d’un cheval au galop. Chan, ça ne pouvait être que Chan qui venait enfin le voir. Il se leva avant même que son valet ait pu répondre à sa question et remit de l’ordre dans ses cheveux ainsi que sa tenue.
— Faites-le entrer, pressa-t-il Jisung alors qu’il n’avait pas encore entrouvert la bouche.
Ne souhaitant pas attiser la colère potentielle de son maître, le jeune homme obtempéra. Il disparut quelques secondes du grand salon pour revenir accompagné d’un parfait inconnu.
— Monsieur le vicomte de Valème, annonça Jisung avant de se diriger vers la porte, je vous apporte des rafraîchissements.
Félix mit un peu de temps avant de réagir, il détailla son invité surprise des pieds à la tête. Il ne lui disait rien, pourtant il était très beau, beau comme une peinture représentant le dieu Apollon, beau comme si l’on avait voulu personnifier le péché de l’envie. Et si Félix n’avait toujours eu d’yeux que pour Chan, il devait bien admettre être prêt à les user sur cet homme-là.
Hyunjin s’inclina poliment, un large sourire amusé néanmoins placardé sur son visage.
— Monsieur le marquis, je vous remercie de bien vouloir me recevoir.
— Le vicomte de…
— Valème, termina-t-il. Vous ne me connaissez probablement pas, aussi ma présence ici doit vous surprendre.
Félix arqua un sourcil, ce vicomte avait beau être particulièrement séduisant, il n’en restait pas moins un bien curieux personnage.
— En effet ? Je suis désolé, j’ai peut-être entendu parler de vous à un moment de ma vie mais je n’en ai malheureusement aucun souvenir, vous m’en voyez navré.
— Ce n’est rien, une personne de votre rang a bien le droit d’ignorer l’existence des vassaux ou autres petites gens comme moi.
Il avait commencé à faire le tour du grand salon d’un pas lent et las, observant chaque détail, chaque décoration qui ornait la pièce. Alors c’était à cela que pouvait ressembler l’intérieur de la demeure d’un marquis, une profusion de richesse, d'œuvres d’art et de dorure. Félix lui, restait planté au centre, toujours déconcerté par la présence de ce mystérieux vicomte.
— Et que me vaut votre visite si soudaine, vicomte ?
Un rictus satisfait étira les lèvres de Hyunjin tandis qu’il jetait de petits regards à son hôte. Mais alors qu’il s’apprêtait à prendre la parole, Sana entra pour déposer un plateau chargé de citronnade et de petits gâteaux qu’elle déposa sur la table. Elle prit la carafe et remplit les deux verres tandis qu’un silence absolu régnait dans la pièce.
— Qu’on ne nous dérange plus, lui dit Félix lorsqu’elle eut terminé.
— Bien monsieur.
Il était toujours très intrigué par Hyunjin et quelque chose lui disait qu’il valait mieux que personne d'autre ne soit présent pendant cette entrevue.
— Je suis là car je pense que vous avez besoin de moi, dit finalement Hyunjin une fois la domestique sortie.
Félix pouffa de rire, il prit un verre de citronnade et tendit le second à son invité.
— Besoin de vous ? Alors que je ne vous connaissais pas voilà encore quelques minutes ?
— Vous avez peut-être besoin de moi comme vous pensez que le duc de Basir a besoin de vous.
Le marquis manqua d’en faire tomber son verre en cristal. Il fit mine de s’éclaircir la gorge avant de rire faussement.
— Je ne vois absolument pas de quoi vous voulez parler.
— Vraiment ? Pourtant, de ce qu’il m’a été donné de voir au mariage, vous et le duc semblez entretenir une relation bien particulière.
Le silence fut la seule réponse qu’il obtint face à cette remarque. Félix n’avait jamais pensé que quelqu’un avait pu les entendre, il s’était assuré qu’ils étaient seuls ce soir-là lorsqu'il avait parlé à Chan.
— Vous nous avez espionné ?
— Espionné ? Grand Dieu non ! mentit Hyunjin. J’ai involontairement surpris votre conversation, mais comprenez que vu la teneur des propos que vous aviez avec le duc, je n’ai pas pu m’empêcher de tendre l’oreille.
Un drôle de sentiment s’empara de Félix, c’était bien la première fois qu’il rencontrait une personne comme ce vicomte. Et c’était aussi la première fois qu’il se sentait ne serait-ce qu’un peu en danger face à un parfait inconnu.
— Vous êtes venu me faire chanter, c’est ça ?
— Du chantage ! Comment oserai-je ? Comme vous l’avez dit à mon arrivée, vous ne me connaissez pas, pourquoi débarquerai-je donc comme une fleur chez vous pour vous faire chanter ?
Félix posa son verre sur la table et goûta un biscuit, s’il voulait éviter tout problème, il valait mieux qu’il se montre sympathique avec lui.
— L’argent ? Le renom ?
— Et que diriez-vous de m’offrir votre amitié ?
Cette proposition eut le mérite de déstabiliser le marquis. Personne jusqu’à présent ne lui avait jamais demandé de devenir son ami. Avec Chan, cela avait commencé lorsque Félix s’était montré entreprenant à son égard. Autrement, rares étaient les personnes qu’il considérait comme ses amis, bien entendu tout le monde faisait mine de s’entendre lors des différentes mondanités, il valait mieux se faire passer pour une personne sociable plutôt que d’apparaître tel un loup solitaire.
— Donc, si je comprends bien, vous souhaitez que je devienne votre ami et en contrepartie, vous…
— En contrepartie je vous garantie que vous retrouverez les faveurs de votre cher duc.
Si Félix voulait rester méfiant et que le bon sens lui criait de congédier immédiatement ce vicomte de malheur, l’obsession qu’il avait pour Chan lui tiraillait l’esprit. Qu’avait-il à perdre à faire confiance à cet homme ? Si cela pouvait l’aider alors il pouvait bien se laisser tenter, et au pire, il en serait au même point qu’à cet instant.
Le marquis lui tourna le dos et passa de longues minutes à observer les jardins par les grandes porte-fenêtres. D’un geste fluide du poignet, il faisait tournoyer les glaçons qui flottaient dans son verre de citronnade.
— Et comment comptez-vous vous y prendre ?
Hyunjin sourit, ravi d’être parvenu à attiser la curiosité de son hôte mais surtout, d’avoir désormais son intérêt le plus total. D’un pas léger, il s’avança vers Félix et se plaça lui aussi face aux fenêtres, en gardant néanmoins une distance raisonnable entre eux.
— Que voudriez-vous que je fasse ?
La voix soudain suave de son invité provoqua un frisson chez Félix, il appréciait toujours sentir qu’il avait le contrôle sur les autres et que c’était lui qui donnait les ordres. Il se mordit la lèvre et réfléchit sérieusement à la réponse qu’il allait bien pouvoir lui donner. Que pouvait bien être la meilleure manière de récupérer Chan, de l’avoir rien que pour lui, de retrouver la relation qu’ils avaient eue pendant des années… Une lueur éclaira ses pupilles sombres, bien sûr, c’était une évidence, la seule chose qui se dressait désormais entre Chan et lui.
— Débarrassez-moi de sa femme.
Cette fois Hyunjin jeta un regard étonné à son hôte, il s’était attendu à toutes sortes de requête, mais celle-ci devait bien être la dernière, à vrai dire, il ne l’avait même pas envisagée.
— Vous débarrassez de la duchesse ? Et de quelle façon ?
Félix haussa les épaules tout en avalant la moitié de sa boisson.
— Peu m’importe, mais qu’elle disparaisse pour de bon.
Il fit volte-face et alla s’installer dans la méridienne près de la bibliothèque. Son verre toujours en main, il adressait désormais à Hyunjin un regard félin. Un peu déstabilisé, celui-ci fit néanmoins de son mieux pour garder son assurance, ou du moins le laisser croire à son vis-à-vis.
— Vous voulez que je la fasse assassiner ?
— Ou que vous l’assassiniez, pas besoin de multiplier les intermédiaires. Enfin, peu m’importe tant que le travail est fait.
Hyunjin posa avec précaution son verre en cristal sur la table et prit place dans un canapé en face de Félix.
— Cela risque de me prendre un certain temps. Je ne vais certainement pas pouvoir m’approcher de la duchesse en un claquement de doigts.
— J’en ai bien conscience, mais je suis prêt à me montrer patient. De plus, je dois admettre que vous m’intriguez alors je finirai peut-être même par apprécier votre compagnie.
Le vicomte y vit là une occasion de se rapprocher un peu plus de lui et décida d’y aller au culot.
— Vous voudriez peut-être que je reste à vos côtés un moment ? Le temps doit vous paraître long sans votre cher duc pour vous rendre visite.
Les yeux de Félix s’écarquillèrent, cet inconnu semblait vouloir aller vite en besogne, mais pourquoi pas finalement, s’il pouvait lui procurer un peu de divertissement et de compagnie, qu’avait-il à y perdre ?
— Cette maison est bien assez grande pour que j’y accueille des invités sur le court ou le long terme. Si le coeur vous en dit, vous pouvez vous installer ici quelque temps, prenez cela comme des vacances et ainsi, il me sera plus facile de suivre l’évolution de votre “projet”.
Cette proposition arrangeait bien les affaires de Hyunjin, il aurait donc été ridicule qu’il refuse. Et puis le marquis lui plaisait réellement, il sentait d’ailleurs que s’il se montrait un peu entreprenant, il arriverait fort probablement à en faire son amant.
Ce qui était loin de lui déplaire.
***
Et voilà pour le chapitre de cette semaine !
Mystérieux et un peu culotté ce Hyunjin... 🤔
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