Je vis Young Ji sur le chemin du retour de ma boite à bac, debout sur le pont et le regard perdu au loin. Elle semblait complètement insensible au bruit routier en cette nuit sans étoiles et ne réagit même pas quand je me mis à l'appeler.

– Young Ji ! dis-je pour la neuvième fois. Elle se rendit enfin compte de ma présence et m'observa, une expression sinistre sur le visage.

– Ah c'est toi, dit-elle en se détournant à nouveau.

– Comment ça « Ah c'est toi » ? C'est comme ça que tu accueilles celle qui t'a prêtée une de ses serviettes ? plaisantai-je en m'approchant d'elle. Qu'est-ce qu'il y a ? Madame Mina t'a encore réprimandée, c'est ça ? Je t'ai déjà dit cent fois de toujours venir en cours avec ton cahier. Quand vas-tu enfin m'écouter ?

Elle parut ne même pas me remarquer. Elle se contenta de garder le silence.

– Sérieusement, c'est quoi ton problème ? Dis-moi. Je la regardai avec agacement, mais elle ne parlait toujours pas. Tu ne devrais pas garder tes problèmes pour toi, tu sais. Je sais très bien que tu es une fauteuse de troubles, mais tu ne devrais pas...

– C'est facile à dire pour toi, me coupa-t-elle, les yeux plein de dégoût. Ce n'est pas toi qu'on martyrise et dont on se moque chaque jour, personne ne te regarde de travers, les profs t'apprécient, tu as des parents qui n'ont jamais ne serait-ce que penser à te faire du mal. Bien sûr que tu n'as aucun problème, tu es Miss Parfaite. Et pourtant tu as l'audace de me parler de mes problèmes ? Va te faire voir !

J'étais choquée par son changement soudain de personnalité. C'était comme si la Young Ji que je connaissais s'était totalement volatilisée.

– Très bien ! Si c'est ce que tu veux alors je vais te laisser toute seule. Tu peux aller pleurer sur les épaules de ton cher petit ami et continuer à t'apitoyer sur ton sort. Les mots sortaient de ma bouche sans que je ne puisse les arrêter. Et je vais être honnête avec toi, tout le monde te martyrise parce que tu es réellement agaçante. Tu parles trop fort, tu aimes t'occuper des affaires des autres, tu es même allée jusqu'à te mettre avec le mec pour qui Fei en pince, bien sûr que tout le monde devait te haïr pour ça. Mais moi je ne t'ai jamais haï, malgré le fait que tu sois énervante, je suis restée ton amie et maintenant tu me dis d'aller me faire voir, après tout ce qu'on a vécu ? C'est très gentil à toi de dire ça.

Je commençai à m'éloigner. Arrivée à une certaine distance, je me retournai et lui dis :

– A partir de maintenant, tu es toute seule.

—————

– Hey, ce ne serait pas Young Ji par hasard ?

Kelly tapa Fei à l'épaule pour attirer son attention sur la fille qui marchait d'un air penaud sur le trottoir.

– Oui c'est elle. Qu'est-ce qu'elle fait ? On va la coincer ? dit Jina en regardant Fei.

Le sourire en coin que cette dernière affichait était on ne peut plus explicite quant à ses intentions.

– Je viens d'avoir une superbe idée, dit Fei.

Elle se leva de sa chaise et sortit du café, ses acolytes sur ses talons.

–Young Ji ! cria-t-elle. La concernée se retourna et vit Fei. Timing parfait, tu veux venir avec nous ? Il y'a une fête chez Hye Mi. Je suis sûre que tu t'y plairais.

–Je suis désolée, je dois rentrer chez moi...

Elle fut interrompue par Jina et Kelly qui la prirent chacune par un bras et la forcèrent à monter dans la voiture de Fei.

— Ne sois pas comme ça ma chère Young Ji, tu devrais être honorée d'avoir été invitée à une de nos fêtes. D'habitude nous n'invitons pas les filles de ton espèce.

— Hum. Ok... Mais je dois être chez moi à 20h donc j'y ferai juste un tour, répondit Young Ji d'une petite voix.

— Bien sûr, bien sûr, dit Fei en souriant d'un air complice à ses amies.

La voiture s'arrêta devant une maison de style moderne et elles en descendirent, l'une après l'autre. La musique mêlée au son des rires et des conversations vrilla leurs oreilles. On leur ouvrit les portes et elles entrèrent.

Personne ne leur accorda la moindre attention, la plupart étant trop occupées à danser sous le rythme de la musique. Il y en avait même qui s'embrassaient et se tripotaient sans gêne, ce qui mit Young Ji mal à l'aise.

— Il faut que t'essaies cette boisson Young Ji, ça vient tout droit des États-Unis.

Hye Mi lui mis un verre de force dans les mains et s'en alla dans la cuisine.

— Mais je ne bois pas...

— Allez Young Ji ! dit Fei. C'est un moyen comme un autre de prendre du bon temps et d'oublier tous tes soucis.

Elle remplit davantage le verre de Young Ji.

— Oublier ? répéta Young Ji avec un air innocent en fixant le verre qu'elle tenait dans sa main.

— Bois ! dit Fei en forçant le verre dans sa bouche.

Elle sourit de toutes ses dents, puis elle fit signe à un homme qui se trouvait de l'autre côté de la table.

— Assure toi qu'elle boive jusqu'à plus soif, lui murmura-t-elle à l'oreille.

Elle sortit de l'argent de son sac et elle le lui remit.

Elle jeta un coup d'œil à Young Ji. La pauvre était déjà un peu soûle. Fei se tourna à nouveau vers l'homme et lui dit d'une manière suggestive :

— Donne lui beaucoup d'amour.

Young Ji

Le soleil levant scintillait à travers la fenêtre, voilant la chambre d'une lueur dorée.

Après avoir contemplé ce magnifique spectacle durant quelques minutes, je remarquai que le plafond qui se trouvait au-dessus de ma tête était différent de celui que je voyais habituellement chaque matin dans ma chambre.

Réalisant cela, je me mis brusquement sur mon séant et balayai la pièce du regard. Mes vêtements étaient éparpillés un peu partout. En m'examinant, je me rendis compte que j'étais complément nue. Soudain, je me sentis tellement mal que j'eus l'impression que j'allais vomir tout l'alcool que j'avais bu la veille. Ajouté à cela, il y avait ce sentiment étrange qui m'habitait, un peu comme si mon estomac allait exploser de l'intérieur.

— Que... que s'est-il passé hier soir ? dis-je en posant une main sur ma tête qui cognait comme un marteau piqueur.

Ne pouvant plus me retenir davantage, je me précipitai dans la salle de bain et me débarrassai de toutes les substances nocives et inutiles qui se trouvaient dans mon organisme.

Je vomis pendant une dizaine de minutes. Puis, je rinçai mon visage et je me rhabillai, comme si ma vie en dépendait.

Quand j'arrivai au salon, je trouvai Hye Mi assise sur le sofa, regardant une émission à la télévision.

— Oh ? Tu es enfin réveillée, dit-elle en dévorant un toast. Maintenant, fiche le camp de ma maison. Ça fait une éternité que tu roupilles, ajouta-t-elle avec mépris en pointant la porte avec son doigt.

— Je... je suis désolée d'avoir passée la nuit chez toi, dis-je en m'inclinant devant elle, avant de marcher timidement vers la porte.

Dès que je fus dehors, j'essayai de me souvenir de ce qui s'était passé la veille, sans succès.

Je n'avais aucune idée de ce que j'avais pu faire durant cette fête.