Mme Ah reum ~

(Le professeur)

Nous errons dans le bâtiment en décomposition avec précaution car tout cet endroit est rempli de cadavres. Visuellement, cela ressemble un peu à une mise en place pour une séance de spiritisme maudite ou quelque chose comme ça. C'est assez effrayant, et je ne suis certainement pas la seule à le penser...

—Mme Ah reum, j'ai peur, marmonne Yebin en parlant contre son ours en peluche qu'elle trimbale toujours avec elle, alors qu'elle tire sur ma manche pour attirer mon attention. Je veux voir maman, je veux rentrer à la maison.

Yebin est une élève du préscolaire dont je m'occupe et dont je suis la tutrice. En gros, c'est ma faute si elle est impliquée dans cette frénésie meurtrière depuis que je l'ai amenée ici avec moi alors qu'elle est censée être chez elle.

—Je sais Yebin. Je m'agenouille pour me mettre à sa hauteur. Mais j'ai bien peur que nous ne puissions pas le faire pour le moment. Dehors, il y a encore une tempête.

J'essaie de la réconforter mais je sens qu'elle est sur le point de pleurer à nouveau.

—Ne t'inquiète pas Yebin, ajoute Seol ri, une de mes élèves qui a réussi à s'échapper de sa propre classe avant le début du carnage. On rentrera à la maison. Tout ce qu'on a à faire pour l'instant c'est attendre l'arrivée des flics.

Même si je ne peux pas voir son visage dans ces couloirs sombres, je sais qu'elle affiche un sourire en ce moment pour rassurer Yebin.

Nous avons de la chance d'être encore en vie. Quand nous sommes allées dans le bureau des professeurs pour trouver quelque chose d'utile, nous avons constaté qu'ils étaient déjà tous morts. Une grande partie de leurs têtes manquait à l'appel comme si quelqu'un les avait projetés violemment contre le mur de plein fouet pour les tuer rapidement.

Tous les élèves étaient morts également, allongés dans les couloirs avec de grosses blessures à la tête similaires à celles des professeurs.

Personne ne s'en est sorti, excepté nous. C'est en tout cas l'impression que j'ai, puisque toute l'école est étrangement silencieuse.

Alors que nous marchons dans le couloir à la recherche de survivants, nous entendons un léger cri d'un garçon juste de l'autre côté du couloir.

—Quelqu'un a besoin d'aide, murmure Yebin.

Nous marchons tranquillement vers la voix quand soudain, Seol ri nous couvre la bouche avec ses mains, Yebin et moi, avant de nous obliger à entrer dans l'une des salles de classe.

Regardant par l'interstice de la porte, nous voyons une ombre traîner le corps d'un garçon, laissant derrière lui beaucoup de sang.

A cause de la profondeur des ténèbres, nous ne pouvons pas savoir de qui il s'agit. Mais peu m'importe. Je dois tout faire pour sauver cet enfant.

—Seol ri, emmène Yebin avec toi et cachez-vous dans un endroit sûr, dis-je en me levant de notre position accroupie.

—Quoi ? Vous ne devriez pas les suivre, Mme Ah Reum. Ce type est déjà mort, il n'y a plus rien à faire, murmure Seol ri en me tirant vers le bas.

—Mais qu'est-ce qu'on est censé faire dans ce cas ? Laisser le coupable s'échapper ? Imagine qu'on parvienne à le stopper, tout ce carnage s'arrêterait enfin.

—Arrêter quoi exactement ? Tout le monde est déjà mort alors à quoi ça sert ? On devrait plutôt se concentrer sur ce qui est important, c'est-à-dire survivre, attendre que la tempête s'arrête et ensuite nous échapper, dit Seol ri toujours en chuchotant pour éviter d'attirer l'attention.

—D'accord ... tu as raison. Bon, allons-y.

Tandis que les mots sortent de ma bouche, un silence encore plus profond que le précédent s'installe. On n'entend plus ni l'orage bruyant ni le tapotement de la pluie sur le toit. C'est comme si la tempête s'était soudainement arrêtée.

Yebin court vers les fenêtres et grimpe sur l'une des chaises pour jeter un coup d'œil à l'extérieur :

—Professeur ... La tempête est finie. Elle se retourne et nous fait face, révélant un sourire éclatant. Nous pouvons rentrer chez nous maintenant.

—C'est fantastique, Yebin, dis-je en lui rendant son sourire. Tu vas bientôt pouvoir revoir ton père et ta mère.

Je me dirige vers elle et lui tapote doucement la tête.

—On ne peut pas quitter cette école comme ça, sans plan, intervient Seol ri. On pourrait rencontrer le tueur sur le chemin. Et d'ailleurs même si on parvenait à sortir, il pourrait nous apercevoir par une des fenêtres et nous pourchasser avant même que nous puissions atteindre les portes, ajoute-t-elle les bras croisés, détruisant ainsi notre parcelle d'espoir.

—Alors ... qu'est-ce qu'on va faire ? lui demandé-je en aidant Yebin à sauter de sa chaise.

—Eh bien ..., dit-elle en mettant ses mains sur son menton comme si elle réfléchissait, j'ai une idée mais c'est trop risqué. Il ne nous reste donc qu'une seule option : attendre encore un peu. Si on voit le tueur quitter l'école, alors on pourra partir aussi.

—Quoi ? Tu voudrais qu'on reste là à ne rien faire ? Et si le tueur décidait de brûler le bâtiment pour effacer toute preuve ? On mourrait quand même de toute façon. Quelle est ton autre idée ?

—C'est trop dangereux, je vous dis.

Elle secoue la tête et s'assoit sur un bureau. Elle se met à se ronger les ongles, certainement pour évacuer sa frustration.

—Dis quand même, lui ordonné-je.

Elle me fixe un moment avant de soupirer.

—Mon autre idée est de le tuer avant qu'il nous tue..., déclare-t-elle d'une voix ferme.

Je sens clairement à son ton qu'elle n'hésiterait pas une seule seconde si l'occasion se présentait.

Avant même que je puisse commenter sa déclaration, la porte de la pièce s'ouvre brusquement. Des bruits de pas se rapprochent.

Malgré l'obscurité, je peux voir deux orbes rougeoyants à la place où il y aurait dû avoir des yeux normaux. Je mets Yebin derrière moi pour la protéger. Elle s'agrippe fermement à ma manche, mais elle ne peut pas cacher ses tremblements.

—Oh non ... je ne pensais pas qu'il en restait encore.

Cette voix... Je l'ai déjà entendue quelque part.

Non c'est impossible...

Elle était l'une de mes élèves. Très intelligente, responsable, je me souviens qu'elle était toujours collée à une autre élève qui, je pense, était sa meilleure amie. Elles étaient toujours ensemble.

Je ne lui ai jamais vraiment prêté attention car elle m'avait l'air d'être une fille tout à fait raisonnable.

Je n'aurais jamais imaginé qu'elle était derrière tous ces meurtres.

Oui...

C'est bien elle...

« Kim Yoo ma ».