Jina

Après l'expérience horrible que nous venons de vivre, Fei et moi allons dans le vestiaire des filles.

Un petit récapitulatif de notre nuit d'horreur jusqu'ici :

1-Nous avons été témoins de la mort d'Irene.

2- Nous avons vus des cadavres éparpillés un peu partout.

3- Ma meilleure amie Hye Mi est morte sous nos yeux.

Son corps était couvert de blessures : des marques de coupures et de cordes étaient visibles sur sa peau. Je suppose donc qu'on a dû l'attacher avant de la torturer. Quand on l'a vue, elle rampait dans notre direction, tout ça pour finalement nous remettre un carnet inutile.

Mais quelle être sans cœur a pu lui faire une chose pareille ? Elle venait juste d'apprendre que ses parents étaient à l'hôpital dans un état critique et elle n'a même pas pu les voir une dernière fois avant de mourir. Ça me fait mal, rien que d'y penser. Mais en y réfléchissant bien, nous sommes dans la même situation, coincées avec un tueur psychopathe qui s'en prend à tout ce qui bouge.

Je crois, cependant, que j'ai pris la bonne décision en suivant Fei. Elle connaît les meilleurs endroits pour se cacher. Quand elle sèche les cours, elle se rend souvent dans une de ses cachettes et personne ne la trouve jamais. J'espère juste que la personne responsable de tout ce carnage ne la trouvera pas non plus aujourd'hui. Et moi aussi par la même occasion.

Tremblante comme une feuille, je compose le numéro de téléphone de mon père, priant pour qu'il décroche et qu'il vienne me faire sortir de cet enfer. Mais il ne répond pas. Ne me dis pas que lui aussi...

—Peux-tu t'arrêter de trembler une minute ? Ça me met mal à l'aise, murmure Fei en prenant un paquet de cigarettes de sa poche. Elle en sort une qu'elle allume aussitôt avec son briquet.

Elle expire la fumée de sa bouche et l'envoie dans ma direction, ce qui me fait tousser. Je me demande comment elle peut être aussi relax dans une situation pareille.

—Quoi ? Ne fais pas comme si tu n'avais jamais fumé, dit-elle, le regard fixé sur moi, tout en rejetant une autre bouffée de fumée dans l'air.

—Ce n'est pas le moment ! m'énervé-je avec une once de panique dans la voix.

Incapable de tenir sur place, je me mets a faire les cent pas.

En guise de réponse, Fei lève les yeux au ciel et continue de fumer :

—Putain, j'ai perdu mon portable.

—Où ? lui demandé-je en jetant un coup d'œil par la fenêtre. C'est le noir total.

—Aucune idée, il est juste tombé de ma poche. Peut-être près de l'infirmerie. Je crois m'être cognée contre un casier à ce moment-là.

Le silence s'installe entre nous pendant quelques secondes. N'y tenant plus, je dis :

—Est-ce qu'on peut y aller maintenant ?

—Quoi ? Tu voudrais qu'on sorte d'ici ? Tu veux finir comme tous les autres ou quoi ?

Disant cela, elle s'adosse sur un des longs bancs qui se trouvent là, comme si elle s'apprêtait à faire une sieste.

—C'est juste que... j'ai peur. Et si c'était vraiment Young Ji ? Et si c'était vraiment elle qui s'en prenait à nous ? Le carnet que Hye Mi nous a données... Ça me fait penser à quelque chose, mais je n'arrive pas à dire quoi. Pourquoi nous a-t-elle donné ça juste avant de mourir ?

Fei me dévisage quelques instants sans rien dire, avant de me balancer à nouveau de la fumée en pleine face :

—Je t'interdis de prononcer à nouveau le nom de Young Ji. Quant au carnet que Hye Mi a laissé, ce n'est probablement rien du tout.

—Mais elle s'est servie de ses dernières forces pour nous le montrer... Ça veut forcément dire quelque chose, non ? lui demandé-je. Mais elle a l'air de s'en foutre royalement. Et pourquoi l'as-tu laissé là-bas ? On aurait dû le garder, afin de voir ce qu'il contient.

—Vas-tu enfin la fermer et me laisser fumer en paix ? Putain, ce que tu peux être barbante. J'aurais dû te laisser là-bas toi aussi, dit-elle en me jetant sa cigarette que je parviens à esquiver de justesse. Si tu ne veux pas que je t'envoie dehors, ferme ta gueule.

Pour ne pas l'énerver davantage, je décide de l'écouter. Mais ça ne dure qu'un instant. Les images des récents évènements défilent sans cesse dans ma tête. Irene, Hye Mi et tous ces morts...

Comment suis-je censée me calmer?

*

Juste au moment où je parviens enfin à retrouver mon calme, quelqu'un se met à tambouriner à la porte avec violence.

–Qu'est-ce que..., dit Fei.

Sans perdre de temps, elle se lève et saisit le long tuyau métallique qui se trouve à ses côtés.

–Q-qui est là ? bégayé-je.

Le tambourinement cesse aussitôt.

Je marche doucement vers la porte, regarde au travers du trou de la serrure pour voir s'il y a quelqu'un, mais je ne vois rien d'autre que les ténèbres.

Je reviens donc sur mes pas et m'assois dans un coin de la pièce, entourant mes jambes de mes bras, comme pour me protéger.

Des l'instant où je pense que nous sommes tirées d'affaire, le même bruit se répète, mais, cette fois, avec plus de force. Fei et moi sursautons.

–Qui est là ?! crie Fei, tremblotante, pendant que je me cache derrière elle.

Soudain, un rire s'élève de l'autre côté de la porte. A l'instant même, nous réalisons de qui il s'agit. C'est un de nos camarades de classe.

–Fais chier Minho ! Tu nous as fait peur ! m'écrié-je en le faisant entrer.

–Vous êtes vraiment des froussardes, plaisante-t-il en fermant la porte derrière lui.

–Va te faire foutre ! Qu'est-ce qui t'a pris de faire ça ? dit Fei en lui balançant sa cigarette.

Minho, cependant, l'évite aisément.

–C'était juste pour rigoler, répond-il en nous observant d'un air moqueur.

–D'ailleurs, qu'est-ce que tu fais ici ? lui demandé-je après avoir retrouvé mes esprits.

–Rien en particulier, dit-il.

Puis, il s'assoit sur le banc.

–Rien en particulier ? répété-je, les sourcils levés.

Fei croise ses bras et continue de l'observer en silence.

–Ce n'est pas important, finit-il par dire. Au fait, est-ce que vous avez vu ce qui est arrivée à Irene ?

–Ouais, elle s'est fait poignarder par Hana, dis-je. On est au courant.

Fei, de son côté, se remet à fumer comme si de rien n'était.

–Exact. J'ai vu son corps sur une des cameras de sécurité, dit Minho en mettant une main dans sa poche.

–Camera de sécurité ? Mais t'étais où, en fait ? demande Fei.

–Dans la salle de sécurité, en train de vous observer tous. C'est là que j'ai su que vous étiez ici, ajoute-t-il avec un petit sourire.

Je trouve son comportement vraiment bizarre. Il n'a pas l'air d'être inquiet ni d'avoir peur. En plus, il sourit... Qui se permettrait de sourire dans un moment pareil ?

–Mais attends une minute, il y a une salle de sécurité ?! m'exclamé-je.

J'ai toujours pensé que toutes ces cameras étaient là juste pour le décor.

–Oui. Et selon mes estimations, la population du lycée a été réduite au moins de moitié, juste comme ça... pouf ! dit-il en claquant des doigts.

–Qu'est-ce que tu veux dire ? questionne Fei, les sourcils froncés. Où est passée l'autre moitié ?

Minho se tourne vers elle, une expression neutre sur le visage :

–Ils sont morts.